Les sorties de la semaine

mardi 28 décembre 2021

Matrix : Resurrections


Synopsis :

Néo est à nouveau dans la Matrice. L'élu qui avait amené la paix n'a en fait rien changé. Thomas Anderson doit alors s'éveiller une nouvelle fois et découvrir pourquoi il est retourné au point de départ... 


Commentaire :

Lana Wachowski entre renouveau et changement

Si Matrix Resurrections est assurément mieux réalisé que la plupart des blockbusters, il n'entraîne pas une révolution ou une innovation marquante dans la mise en scène comme cela a pu être le cas avec les précédents films de la saga. La colorimétrie verdâtre a laissé place à une lumière plus naturelle, plus organique bien que le travail sur la couleur permette toujours d'identifier les scènes qui se passent dans la Matrice. Tout à fait consciente que Matrix offrait toujours une scène visuellement exceptionnelle, Lana Wachowski semble avoir fait le choix de ne pas en mettre, peut-être pour signaler que Matrix n'est pas seulement une saga d'action. Ce choix réfléchit pourra toutefois en décevoir beaucoup car il n'y a pas effectivement de nouveau nouveau "bullet time" alors que la révolution dans les effets spéciaux laissait espérer un nouveau franchissement des limites. Lana Wachowski semble également moins dans la théorie de la réalisation et paraît être plus portée par la moment présent, le rayon de soleil à saisir. C'est donc l'émotion (le centre des thématiques) plutôt que la théorie qui guide la réalisation. Il demeure que la photographie est belle et que la réalisation va au delà du fonctionnel avec toujours des éléments signifiant dans le cadre ou par jeu de miroir. Et si une scène de combat est floue c'est parce qu'un protagoniste est dans un état mental altéré (l'éveil de Morpheus) ou en train de se rappeler ses capacités (Néo). Le film comporte également des scènes innovantes à l'instar des scènes juxtaposant plusieurs temporalités avec l'analyste ou la scène marquante du climax. Néanmoins, il n'y a pas de combat grandiose. Les scènes d'affrontement sont mêmes plutôt médiocres au regard des anciens films avec des plans plus rapprochés et un montage trop saccadé qui vient découper inutilement les chorégraphies. Les plans sont dans l'ensemble moins composés. Il manque la fameuse scène finale de combat avec l'élu... mais y a t-il toujours un élu ?
A la musique Tom Tykwer effectue un joli travail d'accompagnement dans la lignée de Klimek. La mise en scène laisse la composition se faire entendre à de nombreuses reprises. 

L'illusion du choix et méta-analyse

Le film est bien évidemment thématique avec les Wachowski. La première partie est une analyse méta de la conception du film, la métaphore de la trilogie étant dans le film un jeu vidéo. Les personnages du film se demandent d'abord ce qu'est Matrix (de l'action, du bullet time, la transidentité, la description d'un monde crypto-fasciste ou l'exploitation capitaliste ?). Smith évoque également pourquoi un nouvel épisode doit être fait. Il s'agirait d'une directive de la Warner. Cela sera fait avec Néo (les Wachowski) ou sans eux... l'entreprise en possède les droits. La question est de savoir si l'histoire racontée pour le jeu vidéo du film est effectivement l'histoire de la réalisation de ce quatrième épisode. Toutefois, ces réflexions méta montrent que le film se pense et qu'il ne s'agit pas d'un énième films de franchise fait sans recul. Bien que le côté méta soit intéressant, il ne s'agit pas toutefois des principales thématiques du film. Le film s'inscrit à nouveau de manière réjouissante dans le déterminisme philosophique en soulignant qu'il n'existe pas de choix ou de liberté mais uniquement l'illusion du choix. Et sortir de la Matrice ne nous donne pas plus de choix comme le soulignent plusieurs personnages. Il faut comprendre que nous sommes destinés par l'histoire de notre vie à faire un choix plutôt qu'un autre. Néo est destiné à s'éveiller, tout comme Trinity. Toutefois le film nous dit que la réalité, l'éveille n'est pas forcément le plus important. On ne peut éveiller quelqu'un qui préfère l'illusion, cela serait d'une grande souffrance. L'analyste nous dit par ailleurs que beaucoup d'Hommes préfèrent la tranquillité de l'autorité et de la soumission. Ce dernier nous dit également que la réalité est celle que l'on choisit et que les humains n'aiment pas les faits. Ils aiment les histoires qui leur font vivre des émotions. C'est pourquoi les humains sont manipulables. Les émotions sont en effet réelles mêmes si elles sont procurées par des fictions. Les émotions sont le moteur de la vie et finalement la seule chose importante. Ce qui amène vers un relativisme complet. Néo n'est pas différent. Il est même capable de détruire ce qu'il a accompli en tant qu'élu (une ville constituée d'humains, de programmes et de machines - belle innovation non-binaire de cet épisode) pour délivrer Trinity. Il a la "Foi". C'est peut-être la limite du film puisque désormais les émotions et la Foi guident les individus vers leur vérité. Si l'on peut respecter les émotions des Hommes, on ne peut construire un monde sans rationalité ni Raison. On ne peut remettre en cause le monde de I.O par amour comme le fait Néo. Toutefois, cette histoire nous dit tout de même une chose, la saga Matrix, avant d'être une saga d'action est une saga sur l'amour. Et l'amour est le seul moteur permettant vraiment d'avancer pour les humains, il s'agit de la seule réalité tangible. Néo choisit Trinity avant l'humanité. L'élu est celui qui fait le choix de l'amour. L'élu est donc ici un concept biblique. Néo n'est pas l'élu, l'élu est à la fois Néo, Trinity et l'amour. 


En définitive, Matrix Resurrections est une bonne et ultime suite très personnelle de Lana Wachowski. Pour cette raison, elle peut en décevoir certains. Finies la maîtrise et la théorie, la seule réalité tangible est l'émotion. 




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lundi 20 décembre 2021

Spiderman : No Way Home


Synopsis :

Le monde sait qui est Spiderman. Peter voit sa vie radicalement changée alors que l'opinion publique est divisée sur le super-héros, accusé entre autres, d'avoir tué Mysterio. Pire que sa réputation, Peter voit également la vie de ses proches irrémédiablement bouleversée...

Commentaire :

Une mise en scène qui manque de fulgurance

Jon Watts, critiqué pour ce film, rend toutefois une copie convenable. Certes, la photographie et le travail des couleurs manquent d'originalité. Toutefois, c'est avant tout le climax décevant qui marque le spectateur, du fait que la scène soit très sombre et que montage soit trop rapide. Cela ne permet pas de bien distinguer les protagonistes. Pour autant la scène finale de combat qui suit (dans le bouclier retourné) est bien filmée et bénéficie d'un montage plus lent qui respecte la chorégraphie du combat. De même, la scène de combat avec Doctor Strange est visuellement impressionnante avec toutes les possibilités offertes dans le monde miroir. La scène de déplacement, du début du film, dans la ville avec MJ en plans rapprochés est également réussies. Le film est plutôt fluide et agréable grâce à un montage dynamique mais qui ménage des temps faibles. L'ensemble est donc plutôt bien équilibré. Finalement, c'est la réalisation médiocre de deux scènes primordiales, celle du pont et celle du climax qui ne pardonnent pas au film et laissent l'impression d'avoir vu un blockbuster très banal au niveau de la mise en scène.
A la partition Michael Giacchino réalise comme à son habitude une jolie composition orchestrale, qui a l'occasion de s'exprimer pendant certains plans plus contemplatifs, ce qui est à mettre au crédit de la réalisation. Le compositeur a la délicatesse de reprendre également certains thèmes des sagas spiderman précédentes. Il est presque regrettable que la composition ne les cite uniquement que sur quelques secondes. Les hommages aux sagas précédentes étant plus qu'importants, il aurait été justifié de dépasser la simple citation. Par ailleurs, l'ensemble des morceaux originaux est composé avec soin, il n'y a toutefois pas de thème véritablement marquant et donc pas de signature spécifique à cet épisode, ni à la saga Marvel-Disney.

L'usage de la nostalgie - encore [Spoilers]

Encore une fois, Hollywood fait usage de la nostalgie, ce qui suffit aux amateurs des anciennes sagas pour être comblés. Et comment ne pas l'être alors qu'on ne pensait jamais revoir Tobey Maguire ni Andrew Garfield sous le costume de Spiderman. Associés à leur thème (responsability theme pour Maguire), l'apport émotionnel est important. Andrew Garfield a même le droit de conclure son arc narratif (scène de la chute) dans cet épisode. Les clins d'oeil aux scènes passés sont appuyés, comme la scène de la sécrétion de la toile d'araignée, allégorie de l'adolescence chez Sam Raimi (Spiderman 1). Toutefois, une fois encore, Hollywood se sert de la puissance des films passés pour rehausser un film qui est lui juste bon, voire dans certains passages un peu facile (May qui cite la fameuse phrase d'oncle Ben sans nuance ni subtilité "de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités"). Force est de constater que la recette fonctionne tout de même, avec un humour en plus bien dosé. 

Ou va la saga ? [Spoiler]

Spiderman est rentré dans le MCU pour faire parti des nouveaux Avengers. Le second épisode Far From Home, en fait même le successeur à Tony Stark. Ce troisième épisode le sort des Avengers, pour en faire semble t-il un nouveau héros solo... ou peut-être, pour en terminer avec les Spiderman Disney... Cela rappelle les Star Wars Disney sans cohérence entre eux. 

Les thématiques : le fardeau du super-héros [Spoilers]

Il s'agit d'un film thématique, à enjeux ; c'est donc un film avec certaines qualités de part les sujets abordés. La question des responsabilités n'est pas nouvelle chez Spiderman. La même question revient à chaque épisode avec plus ou moins d'innovation. Toutefois, cet épisode se permet de supprimer un des personnages cultes de chez Spiderman (Tante May) pour faire passer son message. Le choix est d'autant plus surprenant que le personnage est relativement jeune (contrairement aux anciennes versions) et un des ressorts humoristiques des précédents Spiderman Disney. Peter Parker apprend donc que faire le bien a un prix, ou plus précisément, que la vie exige de faire des choix et qu'il est impossible de tout obtenir. En ce sens, le film critique le rêve de liberté absolue qui impliquerait qu'il soit possible d'obtenir tout sans contrepartie. Il aurait été intéressant que Tobey Maguire périsse également pour cet idéal (une scène ouvre cette possibilité), ce qui aurait confirmer de manière irrémédiable ce message. Toutefois, le héros comprend tout de même le message et intègre la leçon. Si Peter Parker continue à défendre l'idéal du bien, il prendra à l'avenir des précautions en n'impliquant plus aucun de ses proches. C'est le prix de l'idéal, pour lui, cela est la solitude. 

En définitive, Spiderman No Way Home joue de manière irrésistible la carte bien connue de la nostalgie. Et cela fonctionne! La thématique de la responsabilité est bien traitée mais sans réelle nouveauté pour un Spiderman.  

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lundi 6 décembre 2021

Animal

 


Synopsis :

Le rapport des Hommes aux animaux n'a jamais été aussi violent de part l'ampleur de la domination de l'Homme sur son écosystème. Deux jeunes occidentaux engagés contre le changement global cherchent alors à comprendre comment l'Homme a pu en arriver là...


Commentaire

Cyril Dion à la recherche du point de vue de la nouvelle génération

Cyril Dion cherche à comprendre le point de vue d'une génération de jeunes militants, ainsi c'est les réactions de ses deux jeunes protagonistes Bella et Vipulan que Cyril Dion met au cœur de la mise en scène. Ils bénéficient régulièrement de gros plans pour que le spectateurs puissent comprendre leur état d'esprit lorsqu'un intervenant qui agit contre la cause la animal leur explique son parcours et son mode de fonctionnement. Leur jeune âge fait qu'il est assez facile de lire sur leur visage la peine (plutôt que la haine) et l'incompréhension face au monde. Toutefois, la mise en scène finit également par s'intéresser aux "participants" du système (éleveurs notamment) pour que le spectateur remarque également la peine sur leur visage, ces derniers étant pris au piège par les dettes et les contrats. Certains souffrent également de la mort de leurs animaux, notamment quand ils ont des pratiques d'élevage extensif. Les plans se focalisent judicieusement sur leurs réactions poignantes. La réalisation cherche à montrer ainsi l'absurdité du système dont même les participants sont perdants. La mise en scène de Cyril Dion ne cherche pas nécessairement à mettre le spectateur dans des conditions agréables et les réunions de ces jeunes militants avec des acteurs du système peut parfois créer un sentiment de malaise. Par ailleurs, les premiers plans du film visuellement très choquants, viennent directement déranger le spectateur. Heureusement, le film n'a que peu recours à cet artifice. Il est nécessaire de montrer des plans durs mais pas de les généraliser pour que l'émotion puisse laisser place à la réflexion. Cyril Dion arrive parfaitement à tenir cet équilibre. La dernière partie du film, pendant laquelle Bella et Vipulan rencontrent des acteurs engagés, est plus consensuelle et cherche à laisser le spectateur avec une lueur d'espoir. 

La 6ème extinction de masse

Un documentaire est nécessairement thématique et ici c'est la 6ème extinction de masse qui est le cœur du sujet, un des aspects et une des conséquences du changement global. Le film aborde le sujet sous différents angles. Les jeunes militants abordent la question sous l'angle éthique en démontrant que l'humain n'a pas plus le droit à la vie que n'importe quel animal. Il est agréablement surprenant que ça soit les représentants de la jeune génération qui abordent la question sous l'angle philosophique. Le reste des intervenants adultes cherchent à montrer que la 6ème extinction est une question scientifique et ainsi que les humains ne peuvent vivre sans biodiversité. C'est évidemment vrai mais les raisons de l'action et de la lutte seraient ici égoïstes, pour notre propre intérêt, et non pour l'éthique et les idéaux comme le prône les jeunes militants. C'est ainsi la jeune génération qui a les raisons les plus nobles de lutter. Toutefois le film a la qualité de montrer que la 6ème extinction de masse est une catastrophe, peu importe la manière dont on aborde la question.


En définitive, Animal est un film documentaire prenant et d'utilité publique. Il pourra offrir aux militants un nouvel angle de réflexion tout comme informer les novices sur la question de la 6ème extinction de masse.  



 

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vendredi 3 décembre 2021

Ghostbuster : l'héritage

 


Synopsis :

Presque 40 ans après les évènements "fantomatiques" de New York des années 80, les fantômes refont leur apparition dans une petite ville du Midwest. C'est dans cette ville que Callie emménage, dans la maison de son défunt père, accompagnée de ses deux enfants... 

Commentaire : 

Une mise en scène des années 80

Jason Reitman s'attache à respecter et à retranscrire l'esprit du premier film des années 80. Le rythme général du film assez lent en est le premier avatar. La place des enfants avec des rôles bien définis (dont celui du petit génie brillamment interprété par Mckenna Grace) rappelle aussi les années Spielberg. Toutefois, c'est avant tout par l'environnement que l'ambiance nostalgique se confirme. L'histoire se déroule certes en 2021 mais l'action a lieu dans une petite ville du Midwest dans laquelle le temps semble s'être arrêté. Le scénario en est conscient et le justifie ou fait réagir les personnages qui s'étonnent en même temps que le spectateur. Cela permet de remettre le spectateur dans l'ambiance des deux premiers films de manière cohérente pour une histoire de 2021. La mise en scène à proprement parlé épouse aussi cet objectif puisque les plans (gros plans qui insistent sur certains éléments) et le montage rappellent les scènes des années 90. Seules les scènes d'action restent modernes pour gagner en dynamisme. Le décor en dur faisant ressentir la pesanteur et les animatroniques pour certains monstres tranchent avec le tout numérique et apportent de la texture, signe des effets spéciaux des années 80-90. Par ailleurs, les effets numériques présents ne sont là que pour perfectionner et non remplacer les design des années 80. Pour parachever l'hommage à une époque révolue, Rob Simonsen compose une musique conforme aux années 90, plus travaillée et plus marquante que les musiques de la mode zimmerienne. Plus qu'un rôle d'accompagnement, la musique s'impose à l'image. Toutefois, il n'y a pas véritablement de thème qui se détache. Dans l'ambition première de reproduire un film des années 80-90 avec une touche de modernité, l'objectif est pleinement atteint. Jason Reitman a fourni un travail sérieux. Peu étonnant lorsqu'on sait qu'il est le fils d'Ivan Reitman, réalisateur des premiers films.

La nostalgie, force et faiblesse 

Le thème de la nostalgie semble s'imposer pour le film et pourtant il n'est pas si évident. Le film est nostalgique par la réalisation et des objets emblématiques de la saga montrés mais le film ne traite pas de la nostalgie en tant que telle. Il est nostalgique sans en parler. Un spectateur ne connaissant pas la saga remarquera la mise en scène sans comprendre forcément cet angle du film. En effet, le thème de la nostalgie n'est pas questionné ; il n'y a pas de réflexion ou de questionnement sur le rapport au monde qu'implique la nostalgie. C'est donc un film pour les amateurs de la saga, qui a recours dans une certaine mesure au fan service. Le film tire ainsi une partie de sa force des autres films. Cet aspect constitue une faiblesse de ce long-métrage qui se trouve être plus anecdotique pour ses qualités intrinsèques.  Au-delà du scénario, il n'y a donc pas réellement de thématique au film. 

S.O.S Fantômes l'Héritage est plutôt drôle et divertissant, c'était le but recherché. C'est donc un bon film de divertissement. Il est également touchant voire poignant (à la fin) pour les fans, en tant qu'hommage à une époque, à la saga et au regretté Harold Harris, acteur et scénariste des premiers films. Le film a une dimension méta dans le traitement de son personnage, Spengler ; c'est peut être le tour de force de ce dernier épisode de la saga. 


En définitive, S.O.S Fantômes l'Héritage est un très bel hommage aux deux premiers films autant dans la mise en scène que par le scénario. Il joue de manière assez facile mais en même temps réjouissante sur la nostalgie. 




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samedi 27 novembre 2021

Amants

 

Synopsis :

Simon et Lisa sont deux jeunes amants vivant à Paris. Alors que Lisa poursuit ses études, Simon a investi le monde obscure de la nuit parisienne. Lisa sent que ce mode de vie finira par mettre leur relation en danger...

Commentaire :

Une mise en scène du film noir

La qualité du film de Nicole Garcia est avant tout formelle. En effet, le film est soigné du premier au dernier plan, dans son cadre mais également dans son étalonnage. Le genre du film noir, par l'image terne au niveau des couleurs mais contrastée dans l'opposition noir/blanc, s'impose très vite. Le ton du film est directement décelable par teinte de l'image, nous faisant comprendre que la romance montrée et narrée sera un drame voire une tragédie. Les mouvements de caméra sont également extrêmement travaillés comme le signal plusieurs petits plans séquences au cours du film. La photographie est pensée avec soin et le principal point fort du film, celle-ci étant aidée par des environnements visuellement marquant (l'environnement de la haute bourgeoisie). La musique est distinguée mais n'exploite pas toute la puissance orchestrale, cela correspond toutefois plutôt bien au genre. Grégoire Hetzel choisit ainsi habilement une certaine retenue. C'est donc un film techniquement irréprochable. Les acteurs, et Benoît Magimel en premier lieu, délivrent tous également une grande performance.

Les thématiques, d'un classicisme ennuyant [spoilers]

Le schéma du trio amoureux tragique ne permet pas de rendre le fond véritablement intéressant. Le film est avant tout un exercice de style mais n'a pas grand chose à raconter ou de sujet sur lequel faire réfléchir. La description tout au plus de la très haute bourgeoisie naviguant à travers l'archipel métropolitain mondial est à saluer. Toutefois, la thématique de l'argent et notamment la question de savoir si l'argent peut véritablement tout à acheter est très banale. Le film répond naïvement ou peut-être angéliquement par la négative ; l'amour et ses corolaires (passion et haine) n'étant pas perméables à la Raison. Une réponse inverse, plus cynique, aurait pu faire gagner en âpreté (réalisme du pouvoir de l'argent) plutôt qu'à travailler le tragique (romanesque mais peu intéressant dans la description du pouvoir). Le film parait finalement assez artificiel au-delà de son scénario fonctionnel, celui-ci ne nous disant fondamentalement rien. Le film manque d'un point de vue novateur sur l'argent et l'amour. 

En définitive, Amants est un film noir réussi dans l'exercice formel mais sans réel propos de fond ou point de vue original sur la question de l'argent et de l'amour. Loin d'être transcendant. 



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vendredi 5 novembre 2021

Les Eternels

 


Synopsis :

Les Eternels sont des êtres immortels envoyés sur Terre par les Célestes afin de défendre les humains de créatures particulièrement dangereuses appelées les Déviants... Eliminées il y a plus de 500 ans, ces créatures refont leur apparition de nos jours...


Commentaire :

Une mise en scène neuve dans le MCU

La réalisatrice oscarisée Chloé Zhao renouvelle l'image et le rythme chez Marvel, pour le plus grand bien de la série cinématographique. La réalisatrice de cinéma indépendant apporte son sens du rythme ainsi qu'une ambition visuelle plus naturaliste. En effet, ce blockbuster a la qualité de travailler des temps faibles, importants ici pour introduire de nombreux personnages. Si certains sont plus mis en avant que d'autres, tous ont une personnalité bien définie et des pouvoirs identifiés. Cela est dû à un équilibre réussi entre temps forts (action) et temps faibles (travail sur les personnages et leurs relations aux autres). Le film Les Eternels évite ainsi l'écueil de nombreux blockbusters qui est une surenchère d'action. Chloé Zhao impose aussi son style par sa réalisation favorisant la lumière naturelle et faisant place le plus possible aux décors réels ou en dur. La photographie cherche toujours à replacer les personnages dans leur environnement, ce qui en plus d'être esthétique, sert la narration qui parcourt plusieurs espaces et époques. Notons l'incroyable représentation de Babylone et de ses jardins suspendus. A noter également, les magnifiques plans dans l'espace qui donne une impression de gigantisme à l'œuvre et concourt à son ambition mythologique. Visuellement, ce film se distingue ainsi assez fortement des autres films du Marvel Cinematic Univers, ce qui en fait un film avec une réelle personnalité et presque autonome vis-à-vis de la série. A la musique, Ramin Djawadi a tout le loisir de s'exprimer avec une mise en scène laissant la dimension sonore s'exprimer. Le thème principal est plutôt efficace en alliant héroïsme et solennité (orgue et chœur), ce qui est tout à fait approprié à des personnages divins.  

Le film sérieux de grand spectacle par essence

Certaines critiques trouvent un certain côté DC à ce film Marvel et nous pouvons leur donner raison. En effet, ce film est assez sérieux pour une production Marvel bien que l'humour ne soit pas absent et que certaines scènes héroïques ou dramatiques soient désamorcées. Toutefois, ce n'est pas systématique, ce qui préserve certains moments sérieux et donc intenses. La réalisation a le courage d'assumer l'ambition démesurée du film qui possède une dimension cosmique et sacrée (il s'agit d'une Genèse). Marvel s'empare du côté mythologique avec une certaine réussite comme le démontre l'ouverture du film. Par ailleurs, les super-héros sont d'essence divine et renvoient aux différentes mythologies humaines. Ce n'est pas un hasard si des personnages de DC sont cités dans le film car le super-héros - Dieu est leur marque de fabrique. Ce nouveau ton est un renouveau dans une série toujours contraint par son humour. Si DC n'arrive pas à faire ses films, Marvel fera alors des films à la façon de DC. Dommage que l'original n'ait jamais attiré le public.

De nombreuses thématiques et quelques incohérences  [Spoilers]

Les thématiques sont nombreuses et variées. Elles restent néanmoins internes à l'œuvre dans le sens où elles servent avant tout la narration sans qu'elles ne puissent la dépasser. La thématique principale qui structure l'ensemble du film est celle de la Foi. En effet, les Eternels sont les serviteurs et les envoyés du Dieu primordial Arishem. Ils sont ainsi totalement dévoués à leur maître. La question qui se pose est alors celle du libre-arbitre vis-à-vis de ce Dieu dont les desseins dépassent l'entendement humain et même des Eternels. Il est encore plus dur de perdre la Foi en en ce Dieu qui lui existe et répond en partie aux interrogations. Le principal dilemme se porte alors entre la Foi en ce Dieu et la Foi dans l'humanité. Incapable d'imaginer la conséquence de leur désobéissance, c'est donc leur ressenti et leur instinct que les Eternels utilisent pour faire leur choix. La Raison n'est d'aucun secours ici. C'est le cas de Sersi l'héroïne principale qui suit ce qui lui semble juste. Même d'Ikaris, le plus fidèle serviteur d'Arishem choisit le voie du cœur (lui n'a pas Foi en l'humanité) plutôt que celui de la Foi en Dieu. Dans un sens, les Eternels adoptent une posture nietzschéenne puisqu'ils choisissent le présent (et l'Humanité) plutôt que le futur et les mondes nouveaux promis par Arishem. Il y a néanmoins quelques incohérences de fond, notamment sur la méthode utilisée par les Célestes. En effet, la non intervention des Eternels dans les guerres de l'humanité se justifie par le fait que les humains doivent apprendre de leurs erreurs. Il n'est donc pas possible de les guider. Ils doivent apprendre par l'expérience afin de devenir autonomes (maîtriser la technologie mais aussi l'éthique). Cela est jusque là compréhensible. Toutefois, si l'objectif final est de faire des humains du bétail à Célestes, il n'était pas nécessaire de les faire passer par tant de souffrances et les Eternels auraient très bien pu les guider. La justification d'Arishem ne tient pas ici. Le grand Dieu s'en trouve presque sadique. 
Une thématique plus secondaire est celle de l'inclusion, qui n'est pas explicitée mais simplement montrée. En effet, les personnages de Comics étaient tous blancs. Ils sont ici beaucoup plus représentatifs de la diversité humaine, ce qui est logique pour des envoyer divins. Les différents espaces et temporalités (civilisations) visités sont également représentés avec beaucoup de respect. Deux autres éléments pour l'inclusion sont à saluer (bien que plus incohérents). La première relation homosexuelle est enfin clairement montrée dans la série Marvel. Celle-ci est évidente tout en étant amenée très naturellement. Toutefois, il est un peu étrange que les Eternels soient concernés par l'amour qui est un impératif d'une espèce ayant besoin de reproduction. Il pourrait demeurer un amour pleinement platonique, de Raison, mais cela ne semble pas le cas ici. Sersi, Sprite, Ikaris, Phastos (voire Druig et Makkari ?) ont plus ou moins des raisons / passions amoureuses. Cela n'en fait pas de grands sages pour des êtres divins ayant des millénaires. Ils sont en fait très humains dans leur comportement. Partant de ce principe, quitte à les faire sensible à l'amour, montrer une relation homosexuelle est une idée pertinente. Autre idée intéressante d'inclusion ; montrer un personnage héroïque handicapé (Makkari). Le film va au bout de la démarche puisque l'actrice est véritablement sourde et communique donc dans la langue des signes, apprenant au passage la langue aux autres acteurs. La limite de la démarche est que nous imaginons mal un Dieu créer et envoyer un serviteur handicapé (qui certes a développé d'autres capacités à côté). Par ailleurs, les Eternels ont tous à un don de guérison. Toutefois, si on omet de pousser la logique jusqu'au bout, ce qui n'est pas nécessaire à l'histoire, les différentes inclusions apportent un réel plus à ce film. Cela est surtout fait avec finesse comme si l'inclusion était un acte naturel et non un impératif de marché. 


En définitive, Les Eternels est un film ambitieux et abouti. La mise en scène de Chloé Zhao apporte un nouveau souffle à la série de films Marvel. Elle arrive par ailleurs à apporter du sérieux à un univers dont le tragique était toujours désamorcé par l'humour.   



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lundi 25 octobre 2021

Venom : Let There be Carnage

 


Synopsis :

Eddie Brock est toujours associé à Venom avec qui la relation oscille entre amitié, complicité et agacement. Toutefois, il faudra que les deux comparses soient parfaitement en osmose pour affronter un nouvel ennemi : Carnage... 


Commentaire :

Montage trop dynamique

Andy Serkis opte pour un montage au service du rythme ou est-ce le studio qui a remonté ou élagué le film ? En tout cas, le montage ne fait place qu'à l'action en faisant le minimum pour travailler les personnages et le enjeux. Les relations entre les personnages sont très peu mis à l'honneur si bien que le film, très court, se retrouve être une succession de scènes d'action. Ainsi, le film n'est constitué que de temps forts mais sans réelle tension puisque aucune scène ne travaille vraiment leur venue. Pourtant le film avait beaucoup de relations à travailler ; entre Eddie et Venom, Eddie et Anne ou encore Eddie et Cletus, pour ne citer que les relations où Eddie est impliqué. L'origine de Carnage est également peu compréhensible, comme le fait qu'il soit rouge ce qui est censé vouloir signifier quelque chose. Rien n'est expliqué. Le scénario manque donc globalement de développement et de finesse. Aucun arc narratif n'est réellement conclu ou concluant... La petite dose d'humour dans le "couple" Eddie-Venom fonctionne plutôt bien mais c'est très peu pour sauver l'ensemble. Au-delà du scénario, on sent qu'Andy Serkis avait l'ambition d'utiliser quelques éléments de la mise en scène horrifique (l'origine de Cletus Kasady, l'apparition de Carnage), mais le film n'est pas assez posé pour que les éléments horrifiques prennent. Un ou deux plans se détachent sans que l'ensemble ne paraissent véritablement travaillé. C'est donc un film assez décevant. Seule la scène post-générique a un intérêt. A la musique, Marco Beltrami est assez effacé et ne se signale que pour certains éléments rappelant le film d'horreur. Toutefois, aucun thème ne se détache, et pour cause, le film n'offre pas d'espace à la musique du fait de son rythme infernal.

Film sans thématique

Si l'histoire est rudimentaire, les grandes thématiques sont absentes. Le déterminisme (l'origine de Cletus), la peine de mort ou les relations de couple ou d'amitié ; toutes ces thématiques étaient pourtant exploitables. Mais là encore, la durée et le rythme du film n'offrent aucune possibilité de développement. Un film sans thématique ne peut être un bon film. 


En définitive, Venom 2 est un film dont le scénario manque de développement, ce qui était évident étant donné la durée du film. Une succession de scènes d'action sans grand intérêt.



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lundi 18 octobre 2021

Le Dernier Duel

 


Synopsis :

Les anciens amis Jean de Carrouges et Jacques Legris s'opposent dans un procès dans lequel Jean accuse Jacques d'avoir violer sa femme Marguerite alors qu'il était absent. Sans témoin, l'affaire débouche sur un duel judiciaire dont le résulta dépendra de la volonté de Dieu et révèlera si Marguerite a menti ou bien subit un viol portant atteinte à la famille Carrouges...


Commentaire :

Minutie et réalisme de Ridley Scott

Ridley Scott sait raconter des histoires grâce à son sens de la narration fluide. Il sait également rendre crédible l'univers dépeint par la minutie qu'il met dans le détail. Que cela soit les paysages, les décors, les costumes (quelques libertés sur les armures) ou la description de la société féodale, tout témoigne d'un travail approfondi cherchant à restituer de la réalité ou pour le moins produire un sentiment de réalisme. Il faut dire que le film s'appuyait déjà sur des fondations solides avec l'œuvre de l'universitaire Eric Jager comme matériau d'origine. Toutefois, aucun des choix artistiques n'est laissé au hasard et ce travail minutieux et rigoureux distingue le Dernier Duel de bien des films sur la période médiévale. La mise en scène est en elle-même académique, soignée, parfois symbolique par certains plans (le monde chrétien de l'époque offrant de nombreuses possibilités) mais sans originalité notable. La singularité du film, qui est sa force et sa faiblesse, est sa structuration en 4 actes, dont les 3 premiers sont les points de vue des trois protagonistes principaux sur l'affaire (effet Rashômon). Le spectateur est mis à la place du jury écoutant les différentes versions de l'histoire. Si l'intelligence du spectateur est convoquée pour analyser les nuances de chaque version, le procédé amène nécessairement un sentiment de répétition tout autant que de mise en tension des versions. Néanmoins, malgré la durée conséquente du film, cette structure réussit habilement à maintenir l'intérêt pour l'histoire. A la musique, Harry Gregson-Williams réalise un joli travail en incorporant une bande-musicale inspirée par la musique baroque pour renforcer l'impression d'authenticité. Toutefois, les moments de musique orchestrale sont tout aussi réussis. 

La féodalité et la femme objet 

La puissance du film réside dans sa description de la société féodale : les pouvoirs des seigneurs, les liens de vassalité, le rôle de l'Eglise. Il y a presque une vertu pédagogique au film (ici l'interview d'un conseiller historique du film). C'est dans ce contexte qu'est décrit le patriarcat médiéval dans lequel Marguerite n'a pas plus d'importance qu'un bien ou qu'un animal. La comparaison est indirectement faite avec une jument dans le film. Jean de Carrouges n'est d'ailleurs pas choqué par le viol en lui-même ni le traumatisme de sa femme, il est hors de lui pour le tord que cela lui fait. Son rival lui a pris une terre, il lui prend maintenant sa femme. De l'autre côté, Jacques Legris n'a que peu de considération pour la femme et le consentement. Les institutions des hommes viennent par dessus douter constamment du non-consentement de Marguerite, la femme étant une tentatrice par nature. La femme, sans statut juridique, n'a donc pas le droit à la parole ; elle n'a aucun moyen de se défendre. Le film prend habilement fait et cause pour Marguerite grâce à son montage faisant succéder les points de vue, en soulignant que la version de Marguerite n'est pas seulement un point de vue, mais la vérité. Paradoxalement, c'est bien la version la moins écoutée par les hommes et les institutions. Le film dénonce et critique avec une résonnance contemporaine.
Toutefois, Le Dernier Duel se distingue par la finesse avec laquelle il traite le sujet. Le film questionne avec nuance car la vérité n'est pas toujours une valeur absolue. La vérité vaut-elle la vie ? Vaut-elle à un enfant de grandir sans mère ni père ? La tension des questionnements reflète la complexité du monde.
 

En définitive, Le Dernier Duel est une plongée crue et sans concession dans le monde féodal. Ridley Scott décrit minutieusement la société française de l'époque et montre le sort peu enviable réservé à la femme.  



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dimanche 10 octobre 2021

Mourir peut attendre




Synopsis

James Bond essaye d'oublier le passé et de profiter de la vie en compagnie de Madeleine. Toutefois, lorsque qu'on fut 007, le passé peut toujours venir troubler le présent... 


Commentaire :

Mise en scène entre le dynamisme de l'histoire et la travail des plans [spoilers]

Fukunaga arrive sur la saga en reprenant le travail des plans des derniers épisodes. Si le travail sur la lumière est moindre que chez Sam Mendes, de nombreux plans, notamment d'introduction aux scènes, bénéficient d'un beau travail de composition, avec pour cadre des paysages naturels grandioses. Les différents lieux parcourus et montrés ainsi que l'intensité de l'action font de ce James Bond un blockbuster classique au sens noble du terme. La volonté de relancer l'action, dans un film d'une durée conséquente, est palpable, pour éviter semble t-il tout ennui au spectateur. Par certains aspects, le film offre même trop d'action, trop de temps forts, alors que le film avait le potentiel de travailler plus en finesse les personnages et les relations entre eux. En effet, ce film s'intéresse plus à l'homme qu'à l'agent secret et il a manqué des temps faibles pour travailler l'émotion du spectateur en prévision du climax final, qui n'en aurait été que plus émouvant. Il était possible notamment, d'insister sur la relation entre Bond et 007 et la relation entre Bond et sa fille, à l'image de la relation entre Bond et Mathilde bien menée. La scène finale de la mort de James Bond, évènement unique puisque James Bond ne meurt jamais, aurait gagné aussi à ralentir pour laisser monter l'émotion, soit en insistant sur le dernier plan de Bond, soit en accentuant les plans sur les réactions des personnages autres que Mathilde. Toutefois à l'image des différentes scènes, le film se conclut un peu abruptement, comme si un James Bond se devait d'être rythmé, sans temps faible. A la musique, Hans Zimmer est à la direction avec une musique efficace mais peu originale, qui rappelle par exemple les thèmes de la trilogie Batman de Nolan. Il reprend toutefois habilement à certains moments le thème de la saga, avec un certain effet car Fukunaga ménage des scènes qui vise à ré-iconiser le personnage. 

Les thèmes : un héros du passé ?

Le film est avant tout un film d'action et son rythme n'est que peu propice à la réflexion. Toutefois, certaines thématiques finissent par apparaître. Il y a bien évidemment la question des armes biologiques gouvernementales dévoyées par des terroristes, ce qui souligne la dangerosité des projets à l'éthique douteuse développés en secret par les gouvernements. Toute innovation doit être pensée dans ses pires applications, même si l'objectif était acceptable au début (éviter les morts collatérales ici.). Un personnage assez passéiste comme James Bond voit d'un mauvais œil cette nouvelle technologie bien que le méchant lui rappelle que James Bond est également un tueur mais avec des méthodes anciennes. Le film ne rebondit pas sur cette argumentaire. Il nous invite à conclure qu'une espèce si peu enclin à l'éthique doit garder des moyens rudimentaires pour tuer, ne pouvant assumer la responsabilité de posséder des moyens mettant le génocide à portée de main de n'importe qui. Il s'agit de la longue question de la science sans conscience. Toutefois, la question du passé est plus large qu'une réflexion sur la façon de tuer. Tout dans le film rappel à James Bond sa place d'homme blanc approchant la cinquantaine. La nouvelle 007, une jeune femme noire sûre d'elle est là pour marquer la différence. Toutefois, le film n'arrive pas clairement à rendre le personnage dépassé (au contraire du dernier OSS 117). Il est au contraire toujours aussi doué dans ce qu'il fait et ré-iconisé régulièrement par la mise en scène. L'acte final montrant le sens du sacrifice et le combat homérique de Bond laisse à penser que le monde avait besoin de ce type de personnage. Loin d'être un personnage ringard, c'est ce James Bond non destructuré qui conclut la saga Craig. Il faut dire que le rapport aux femmes est plus apaisé dans les derniers épisodes et que rien de ce que fait James Bond n'est moralement choquant. Toutefois, cette conclusion surprenante, allant un peu à contre-courant du mouvement est intéressante. Il restera en effet toujours une certaine fascination pour les mythes qui peuvent servir tout autant de modèle que de contre-modèle.


En définitive, Mourir peut attendre est une conclusion réussie à la saga Craig. Un des épisodes qui s'intéresse le plus au personnage et qui aurait gagné peut-être à ralentir pour encore plus travailler le personnage de James Bond et ses relations aux autres.


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lundi 20 septembre 2021

Dune

 


Synopsis :

La grande maison des Atreides se voit confier par l'empereur l'exploitation d'Arrakis à place de la famille des puissants Harkonnen. Paul Atreides, héritier des Atreides, accompagne sa famille sur cette planète aride et désertique, regorgeant de la matière première la plus convoitée de l'univers : l'épice. Leto, duc des Atreides et père de Paul redoute que la mission de l'empereur soit en fait un cadeau empoisonné... 

Commentaire :

Un grandiose désaturé 

Cela fait plusieurs films que Denis Villeneuve démontre son soin dans la conception de l'image, dans l'idée à terme de pouvoir réaliser Dune. La réalisation est parfaite dans l'objectif recherché. Les plans d'ensemble ultra-larges sont légions pour rendre grâce au gigantisme de cet univers. Que cela soit les plans dans l'espace ou sur une planète, chaque lieu bénéficie d'un plan général d'introduction. Lorsque cela est possible, des véhicules ou des silhouettes humaines viennent donner une notion d'échelle dans un univers qui ne semble pas avoir de limite. Le point le plus travaillé est probablement la photographie, cette dernière étant mise en avant par un montage lent et des plans qui durent. Villeneuve recherche une photo réaliste (exploitation au maximum de décors réels) avec des couleurs désaturées, ce qui correspond par ailleurs à sa filmographie. Ce choix audacieux a la qualité de rendre ce space opéra singulier bien que peut être trop terre à terre pour l'univers décrit. Cela n'atteint toutefois pas le grandiose recherché, qui trouve toute sa puissance dans la projection Imax, Denis Villeneuve ayant pensé son film pour ce format. Les différents tableaux justifient sûrement à eux seuls le visionnage du film. Les designs et technologies ont un rendu tout à fait crédible et abouti qui renforce l'aspect très soigné de la réalisation. Certaines scènes d'action, filmer par exemple à l'échelle d'une ville, sont par ailleurs impressionnantes. Denis Villeneuve peut compter également sur un mixage sonore exceptionnel et une bande musicale (qu'il serait plus juste de qualifier de bande d'ambiance ici) singulière et innovante de Hans Zimmer pour installer l'univers dépaysant de Dune. Les nombreux temps faibles laissent se déployer l'univers auditif quand ces derniers comportent de la musique, car le film se risque également à de nombreux passages sans musique. Ce blockbuster a la très grande qualité de dénoter en comparaison des films du genre, de par ses temps faibles et son rythme assez lent. 

Un monde vaste et immersif, une histoire désincarnée 

La puissance de Dune est le monde de la diégèse allant bien au-delà de ce qui est narré et montré à l'écran. Le spectateur est d'ailleurs submergé d'informations notamment du fait de noms (lieux, maisons, sectes) particuliers et difficilement mémorisables à la première écoute. Énormément de contexte est mis en place pour donner de la profondeur au monde, toutefois, la présentation fait parfois un peu exposition universitaire (le héros Paul regarde des documentaires et des tutoriels). L'univers présenté, au delà de faire très terrestre comme il l'a été dit plus haut, paraît par ailleurs assez vide (même au-delà d'Arrakis). La photographie et le design sont épurés, ce qui est un choix artistique mais cela empêche la dépeinte d'un monde qui devrait être foisonnant - on est loin d'une planète comme Coruscant (Star Wars) qui permet de donner vie à un univers - . L'univers est ici aussi terne que la photographie. Et il peut être regretté un manque de diversité et d'exotisme des mondes montrés. C'est également le problème de l'histoire et des personnages. En effet, ils sont peu attachants du fait qu'ils soient assez stoïques au regarde de leurs péripéties, alors que l'histoire politique est elle assez prenante. La mère de Paul est la seule à montrer véritablement des émotions mais cela n'est montré que dans une scène. Cet élément associé à un rythme plutôt lent ne permet pas de réelle mise en tension de enjeux. Une majorité des éléments narratifs (à l'exception de l'attaque de la ville) se déroule alors sans réellement impacter le spectateur. Par ailleurs, les visions de Paul viennent désamorcer plus qu'introduire le déroulement de l'histoire.  

Des bribes de thématiques disséminées dans l'immensité 

Villeneuve s'était attaqué à des films très riches en réflexion récemment, en passant de Blade Runner 2049 à Premier Contact. Ici quelques thématiques sont abordés mais seulement effleurées alors que le rythme du film était propice à la réflexion. Cette déception est due au fait que les dialogues sont finalement assez peu nombreux mais également qu'une grande partie de l'intrigue se jouera dans le second épisode. Villeneuve a d'ailleurs parlé de ce Dune comme une introduction à l'univers. Il reste alors quelques réflexions sur le pouvoir et la légitimité à gouverner, ce dont Paul et son père discutent. Un homme d'Etat ne cherche pas le pouvoir, c'est ainsi qu'il en est digne et est préservé de l'avidité (le contraire des Harkonnen). Il y a également un début de réflexion sur la religion et le fanatisme qui peut être intéressant. Toutefois, si Paul est véritablement l'élu, alors l'aspect religieux ne pourra être traité que de manière particulière puisqu'ici la religion aurait une base réelle et non mythologique. Le colonialisme et l'exploitation sont montrés sans que cela ne soit mis en réflexion. Pour un film si prometteur et ambitieux, la dimension philosophique est ainsi assez pauvre, en espérant une fulgurance dans le second film. 


En définitive, le Dune de Denis Villeneuve est impressionnant de part sa photographie, son mixage sonore et le travail de Hans Zimmer. Il peut toutefois paraître du point de vue de son scénario comme un immense film d'exposition. Le monde est immersif mais l'histoire est désincarnée. 



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dimanche 5 septembre 2021

Shang-Chi et la Légende des dix anneaux

 


Synopsis :

Il y a deçà un millénaire Xu Wenwu récupéra les 10 anneaux lui permettant de vaincre tous ses ennemis et d'asseoir son pouvoir sur le monde. Il y a quelques années, son fils Shang-Chi fuit pour éviter de suivre la voie de son père. Aujourd'hui simple carrossier à San Francisco, son passé et son héritage ne tardent pas à le rattraper... 


Commentaire

Forte inspiration du cinéma chinois et hong-kongais 

Destin Daniel Cretton rend hommage aux différents genres du cinéma chinois, en passant des films épiques en début de film (Les Trois Royaumes, Hero), au cinéma hong-kongais d'arts martiaux (notamment les films de Jacky Chan et ceux de Zhang Yimou Le secret des poignards volants). A cela, il rajoute tout le bestiaire mythologique chinois (dragon, qilin, lion chinois, renard à neuf queues) pour donner à son film une teinte définitivement particulière. Il s'agit visuellement d'un film très généreux pour les amateurs du cinéma chinois. Par ailleurs, Marvel aime aller chercher des acteurs prestigieux pour apporter une garantie de sérieux à ses films (Michelle Pfeiffer, Michael Douglas, Robert Redford, Tilda Swinton). Ici, Marvel réussit à récupérer Tony Leung et Michelle Yeoh, deux des plus grosses stars du cinéma de l'empire du milieu. A noter l'audace pour un film américain d'avoir une partie de ses dialogues en mandarin. La mise en scène en elle-même prend également beaucoup au cinéma chinois d'action avec des plans en plongée totale et des plans pieds pour montrer l'ensemble des corps en action. Elle se permet aussi des scènes moins cutés qui respectent mieux les chorégraphies d'arts martiaux. Ces dernières sont d'ailleurs parfaitement travaillées et exécutées, cela étant dû à l'expertise de Brad Allan, ancien de l'équipe de Jacky Chan, ici superviseur des cascades et second réalisateur. Les combats au corps à corps sont donc mieux filmés que dans la plupart des Marvels bien que le montage ne laisse pas encore totalement se déployer la majesté des chorégraphies, comme le fait le cinéma hong-kongais. Ce qui tient à la mise en scène de Marvel vient finalement quelque peu parasiter les combats que cela soit les cuts mais également les effets spéciaux (ralentis, effets numériques pour les pouvoirs etc.). Toutefois, certaines scènes s'en sortent particulièrement bien comme les scènes d'arts martiaux dans le bus, sur les échaudages en bambou, ou encore dans la forêt de bambous. La scène finale très marvelienne de part ses effets spéciaux est en revanche plus confuse. En effet, les effets numériques, que cela soit pour les véhicules ou le bestiaire ne sont pas des plus aboutis et les plans trop rapprochés ne permettent pas tout le temps de suivre le déroulement de l'action. 
Point très positif, Shang-Chi bénéficie d'une des plus belles bandes musicales des derniers Marvels avec le travail de Joel P. West, très fortement imprégné de la musique chinoise. Le film par ses quelques temps faibles permet également la mise en valeur de la bande musicale.

Thématiques limitées sur la famille 

Destiné au marché chinois, Shang-Chi ne bénéficie pas de thématiques si fortes que celles de Black Panther, autre film communautaire de l'univers Marvel. Les thématiques sont plus classiques et héritées également du cinéma chinois. Il s'agit du traitement de l'héritage et du passage de relais entre le père et le fils. La thématique du féminisme très secondaire ici (avec la sœur) ne mérite pas d'être abordée tant le déploiement dans le film est limité. En revanche, il est constamment fait mention du rapport entre le père et le fils, ce dernier ne sachant que faire de son héritage. Bien que l'aspect philosophique de la question soit insuffisamment développé, tout le parcours du fils réside dans l'acceptation de son identité qui est à la fois le produit de son père et de sa mère. La philosophie chinoise (bouddhiste, taoïste ou confucianiste) prône la résilience et l'acceptation (à la manière d'un Nietzsche en occident). Ce n'est qu'une fois que le héros aura accepté pleinement son passé qu'il pourra dépasser son père. Paradoxalement, son père chute en adoptant une pensée transcendante (caractéristique de l'occident) en espérant récupérer sa femme dans l'arrière-monde. Il n'est donc pas dans l'acceptation mais dans le combat permanent, ce qui le mènera à sa perte. Le personnage du père est par ailleurs plutôt réussit du fait de sa complexité. Il évite ainsi le cliché du super-vilain de comics. Malheureusement, il faut plusieurs flasbacks pour poser l'histoire et ses motivations, ce qui entraîne une mise en tension des problématiques un peu tardive. 

 

En définitive, Shang-Chi est un hommage généreux aux différents genres du cinéma chinois. La sauce marvelienne est presque de trop au regard des scènes strictement d'arts martiaux. 



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vendredi 27 août 2021

Bac Nord

 


Synopsis :

La BAC Nord de Marseille réalise ses missions malgré la faiblesse des ressources allouées à la brigade et des situations de terrains parfois très tendues. Laissée à elle-même, elle utilise des moyens alors illégales pour remplir les missions qui lui sont assignées... 


Commentaire :

Réalisation : l'immersion réaliste 

Cédric Jimenez souhaite nous emmené au plus près de l'action avec une réalisation au style brute et réaliste. Si certains plans ont une vocation esthétique (paysages, plan en plongée totale, transitions travaillées), la principale ambition de la mise en scène est ici de faire ressortir la dureté et la tension de la situation. Ainsi, les plans subjectifs et les caméras épaules sont légions, l'ensemble étant par ailleurs rythmé par un montage très dynamique. La colorimétrie recherche le réalisme cru avec des couleurs très ternes malgré le climat ensoleillé de Marseille. Le rendu sur le béton et les grands ensembles est parfait  et souligne la situation précaire de ces territoires délaissés. Du fait de cette réalisation et des lieux choisis, Marseille ressort par sa face sombre puisque c'est la cité phocéenne populaire et problématique qui est exclusivement montrée. La bande musicale, composée entre autres de morceaux de variété, a pour vertu d'alléger parfois la tension et ainsi d'accompagner les temps faibles après des temps forts émotionnellement très puissants. La mise en scène ne va pas s'en rappeler le style des Misérables de Ladj Ly de par son ambition réaliste. 

Entre dénonciation et parti pris 

Inspiré de faits réels, le film ne souhaite pas prendre parti sur l'affaire ayant touché la Bac Nord de Marseille. Il vrai qu'il est impossible pour le spectateur de se prononcer sur l'affaire à partir du film puisqu'il faudrait connaître les faits exacts (le film est en partie une fiction) et les lois concernant les faits énoncés. Toutefois, le film apporte tout de même son point de vue sur les péripéties touchant les trois protagonistes de la Bac. Premièrement, le film dénonce à juste titre les moyens ridicules mis au service de la Bac face à une situation sociale explosive dans certains quartiers. Certains territoires de Marseille apparaissent être des zones de non-droit, dans lesquelles l'Etat s'est désinvesti et où la police n'est plus présente que par intermittence. Tout n'est presque qu'illégalité et se trouve être toléré de fait. La police se trouve être par ailleurs dévoyée par la politique du chiffre si bien que l'intérêt général et concret de la population ne se trouve être qu'un aspect secondaire du métier. Ainsi, la police fait face à une situation insurmontable tandis que les politiques cherchent à éviter les vagues. Cette description tant de la police que de la gestion de la police par le politique est défendable et d'ailleurs plutôt étayé par la recherche. En revanche, le parti pris sur l'affaire est plus ambigu. La Bac Nord a été accusée de trafic de stupéfiants. La film décrit l'action des policiers comme une nécessité, dans le sens où les policiers devaient, à la demande du préfet, attraper des parrains de la drogue, sans moyen. Ils ont donc fait à la manière marseillaise, c'est à dire en se débrouillant avec les moyens du bord - payer un indic avec de la drogue. Les policiers se trouvent ensuite punis par la hiérarchie. Notons au passage que cet élément fait des policiers des vrais habitants de Marseille, plus proches des habitants qu'ils ne sont proche de l'institution et du politique. Si cette version des faits met le spectateur du côté des policiers débrouillards, qui ont fait du mieux possible pour répondre aux ordres, cette version demeure la version des policiers, ces derniers ayant été consultés par Cédric Jimenez. Si le sort réservé à ces policiers est particulièrement injuste dans le film, il est impossible de savoir si les faits montrés dans le film sont conformes à la réalité. Bac Nord ne tenterait-il pas de montrer une certaine version de l'histoire, qui tout en précisant que cela relève en partie de la fiction, induit le spectateur à se forger un avis sur l'affaire réelle. 
Le dénouement réel de l'affaire nous le dira. 
 

En définitive, Bac Nord est film immersif qui emmène le spectateur au plus près de la réalité de terrain. Cédric Jiminez, sans prendre parti dans l'affaire judiciaire de la Bac Nord, vient toutefois appuyer moralement la version policière par la fiction.


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dimanche 8 août 2021

OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire

 


Synopsis :

OSS 117 est en mission en Afghanistan, alors en guerre après l'intervention soviétique. Le meilleur agent français est toujours actif mais le monde évolue à grande vitesse, si bien qu'il n'est pas toujours aisé pour lui de s'y adapter...


Commentaire

Une réalisation fidèle dans l'évolution 

Nicolas Bedos a la tâche de prendre la suite de Michel Hazanavicius, une bible de l'histoire du cinéma américain. Le défi était donc relevé mais... il est brillement relevé. En effet, Bedos réussit à garder l'esprit d'OSS 117 avec une réalisation non pas singée sur les précédents épisodes (style années 60) mais calquée sur les années 70-80. C'était le choix à faire pour respecter la licence. La mise est en scène est donc logiquement un peu plus dynamique que dans les précédents épisodes, cela symbolisé par une ouverture en plan séquence. Il existe aussi des plans larges d'exposition pour introduire les espaces ou des plans à la grue pour apporter du dynamisme. Il reste également des éléments très pastiches comme les zooms violents sur certains éléments ou des scènes sur toile projetée pour faire le décor (l'équivalent de notre fond vert), référence aux anciens OSS 117 mais toujours à propos dans les années 70-80. Un dernier élément à noter est l'utilisation de plans en général plus rapprochés sur le personnage d'OSS 117 que dans les précédents épisodes qui correspond à l'utilisation de valeur de plan plus variée à cette époque. L'élément qui permet d'illustrer le bon travail effectué sur cette épisode en pastichant James Bond est le générique d'introduction.
A la musique, nous trouvons surprenamment Nicolas Bedos, qui prouve qu'il a plus d'une corde à son arc et Anne-Sophie Versnaeyen. La musique joue un rôle avant tout d'accompagnement et participe à la réalisation datée.

Le réact pour dénoncer : la France-Afrique [spoilers]

Les OSS 117, pétris de références historiques (et cinématographiques) ont toujours eu un côté bon enfant. En effet, tout en dénonçant certaines valeurs, les épisodes se terminaient bien. Le héros était réactionnaire mais il luttait contre des nazis qu'il finissait par vaincre. Ici, le film se termine avec un arrière goût amer puisque d'une certaine manière, le héros travaille du côté du mal. C'est la politique extérieure française en Afrique qui est visée, celle-ci caricaturée mais finalement assez proche de la réalité. Tout aussi référencé, cet épisode est donc plus grinçant. Par ailleurs, le personnage d'OSS 117 est traité plus durement que dans les épisodes précédents. L'idée est d'en faire un homme du passé, ce qu'il a toujours été, mais il est également un homme dépassé dans cet épisode et n'arrive plus toujours à retomber sur ses pattes. Il est traité avec plus de dureté, peut-être aussi parce-que notre époque a changé et qu'il fallait punir avec plus de sévérité son comportement, symbole d'un machisme et d'un racisme immanent. Il n'y a plus d'ambiguïté désormais mais cela se ressent sur le ton général du film, participant de ce fait à cet arrière goût où notre plaisir n'est pas totalement satisfait.


En définitive, OSS 117 Alerte rouge en Afrique noire est une suite pleinement réussie. Les répliques font toujours mouche bien que le personnage soit un peu plus malmené et le ton un peu plus acerbe. 



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mardi 3 août 2021

The Suicide Squad


Synopsis :

Une nouvelle Suicide Squad est montée afin d'intervenir au Corto Maltese, île indépendante d'Amérique latine venant de subir un coup d'Etat. Les nouveaux dirigeants hostiles aux Etats-Unis sont en possession d'une arme secrète, particulièrement dangereuse... 


Commentaire :

James Gunn apporte son côté pop

James Gunn débarque chez DC Comics après avoir travaillé chez Marvel. Il apporte à l'univers sa touche humoristique, sa rythmique du gag et ses goûts musicaux. L'inclusion des nombreux tubes musicaux donnent au film son côté pop et décalé. Le DC univers se retrouve en plus égayé par les gags mais également par une tonalité visuelle plus flashy mais des couleurs marquées et plus intenses (ce qui rompt avec le sombre de Zack Snyder). James Gunn s'attache en outre à redonner de l'ampleur visuelle à ce spin-off, après le décevant Suicide Squad de David Ayer. Loin d'être simplement narrative, la réalisation s'attache à travailler l'esthétique des scènes en y apportant du sens. Par exemple, la scène dans laquelle Harley Quinn s'évade de sa prison représente l'action à travers la vision d'Harley Quinn (le sang et les douilles sont remplacées par des fleurs). En plus d'être un choix esthétique, cette décision de mise en scène apporte une information sur le personnage. Il existe également un split screen intéressant réalisé dans la vitre d'un bus, servant à représenter un flashback narré par un personnage assis à côté de la vitre. Cette recherche visuelle témoigne du soin apporté à la réalisation. L'action est par ailleurs plutôt bien filmée, avec des plans variés et un montage maîtrisé. Un des éléments expliquant la qualité visuelle de certaines séquences se trouve dans le fait que la bande musicale de John Murphy précède à l'image. Ainsi la scène est rythmée et organisée en fonction de la bande musicale, l'image ne faisant alors que donner plus de force à la composition. Techniquement, le film ne commet ainsi aucune fausse note. 

La politique étrangère américaine comme thème [Spoilers]

Si le premier Suicide Squad n'avait pas de thématique particulière, ce second épisode a la qualité d'avoir une thématique et de la traiter respectueusement. En effet, la Suicide Squad est ici montée pour intervenir dans un pays d'Amérique latine après que celui-ci ait subit un coup d'Etat. Les Américains emploient donc des barbouzes pour intervenir selon leur intérêt stratégique (référence aux changements de régimes soutenus par les Américains en Amérique Latine). Dans l'histoire, l'objectif est de détruire une arme destructrice aux mains du nouveau régime. Alors que le film semblait vouloir se limiter au divertissement, celui-ci vient dénoncer certains modes opératoires des américains dans son dernier l'acte. Il y est en effet révélé que l'ancien régime était soutenu par les Américains pour faire des expériences humaines qui n'auraient jamais pu avoir lieu sur le sol américain. La bannière étoilée effectue donc ces expériences en les délocalisant (référence au droit extraterritorial symbolisé par Guantanamo). Peu importe pour les USA que ce régime soit élu démocratiquement. Si les USA envoient la Suicide Squad, ce n'est pas pour aider le peuple face à la junte militaire mais simplement pour détruire l'arme et les archives tombées entre les mains des nouveaux hommes forts du pays. Les personnages représentant les autorités américaines ne se soucient jamais des civils dans le film. Pire; les autorités américaines sont présentées comme plus cyniques et froides que les membres de la Suicide Squad. Ainsi, le film dénonce une certaine politique étrangère américaine qui a souvent été la norme en Amérique Latine, chasse gardée des USA. 


En définitive, The Suicide Squad est un bon rebond pour la licence après la déception de 2016. James Gunn apporte une réalisation soignée, Pop et sa touche humoristique à ce spin-off du DC Univers. 




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lundi 2 août 2021

Jungle Cruise

 

Synopsis :

Lily Houghton est à la recherche d'un artefact légendaire amazonien au pouvoir de guérison illimité. Son statut de femme en 1916 à Londres lui empêche d'avoir une équipe pour aller en Amazonie. Peu découragée, elle y va seule avec son frère et fait la rencontre de Frank, un marin quelque peu charlatan... 


Commentaire :

Mise en scène d'aventure version parc d'attraction

La mise en scène de Jaume Collet-Serra est réussie dans la mesure où elle répond parfaitement à la volonté de traduire une aventure exotique. Elle est bien aidée par le fait de ne souffrir d'aucune limite budgétaire, ce qui permet l'immersion totale dans une forêt luxuriante et sur un fleuve agité. Les plans larges sont nombreux et clairement en CGI sans que cela ne dérange. Au contraire, les larges espaces représentés et la colorimétrie avec des couleurs très intenses participent au voyage en terres inconnues. Les décors en dur, pour les intérieurs, sont également assez convaincants. La réalisation est sur mesure pour tout ce qui touche à la "croisière" sur le fleuve. En effet, le but est de retranscrire l'expérience de l'attraction Disney. La scène des rapides, très dynamique, correspond parfaitement à cet enjeu. Il y a d'ailleurs une petite mise en abime renvoyant à l'attraction avec la scène de visite des touristes sur le fleuve au début du film. Au-delà de l'immersion d'un visiteur sur le fleuve, le film est visuellement très satisfaisant à regarder, comme le montre les nombreuses transitions toujours pensées et travaillées avec soin. La fluidité de la narration tient à la mise en scène très léchée. A cela s'ajoute le travail de James Newton Howard à la bande musicale, toujours aussi doué pour accompagner l'image et favoriser l'immersion. 

 Dwayne Johnson, pour un rôle en décalage [Spoilers]

L'ensemble du casting est excellent avec une mention spéciale pour Emily Blunt. The Rock, toutefois, ne paraît pas correspondre complètement au rôle (la question se pose progressivement au cours du film). La stature du colosse interroge car Dwayne Johnson a un corps qui détonne, cinématographiquement impressionnant. Or il en est fait sous-usage. Dwayne Johnson sait rire de lui mais pour les différents rôles où il incarnait un personnage humoristique, il jouait contre son corps. Ici ce corps est oublié. Si Jungle Cruise se veut le nouveau Pirates des Caraïbes (les méchants renvoient tout de suite à cet univers), Dwayne Johnson n'est pas Orlando Bloom. Malgré toute sa bonne volonté, l'histoire d'amour qui se développe semble très artificielle (la faute en est le scénario - un personnage de 400 ans - et non l'acteur). Néanmoins, le corps de Johnson et son côté bulldozer participe à rendre la romance quelque peu farfelue.

Des thématiques justes mais trop évidentes [Spoilers]

Disney ne rate jamais l'occasion d'introduire des messages dans ces films et ces derniers sont très nombreux dans Jungle Cruise. Deux sont particulièrement bien traités. La première thématique est la plus évidente et centrale dans l'histoire : il s'agit du féminisme et de la place de la femme au début du XXème siècle. Lily va tout faire pour aller au bout de ses idées, même ci cela déplaît à une société régit par le patriarcat. Elle est une femme de science, érudit mais aussi une aventurière ; elle est la nouvelle Indiana Jones. Peu importe le qu'en-dira-t-on, elle fait ce qu'elle veut et s'habille comme elle le souhaite (porter un pantalon est presque révolutionnaire à l'époque). Le message est à propos pour le contexte et s'entend et se défend parfaitement. A l'opposé, l'homme blanc, dans le film, est par essence le personnage négatif. En effet, aucun homme blanc ne trouve grâce aux yeux du scénario (Anglais, Allemands, Brésiliens, Conquistadors). Le seul homme blanc positif est le frère de Lily mais avec une caractéristique forte : il est homosexuel et en cela il fait parti d'une minorité rejetée. Il fait toutefois très précieux et est assez inutile à côté de sa sœur, bien qu'il fasse parti des "bons" personnages. The Rock et les peuples indigènes sont évidemment dans le camp du bien. Une deuxième thématique moins importante dans le film mais chère à Disney est la considération pour les animaux. En effet, Lily essaye constamment de les sauver et questionne la place des animaux sauvages en captivité. Les seuls animaux négatifs sont : les piranhas car très dangereux pour l'homme (ils sont alors les seuls animaux mangés à l'écran) et les serpents qui sont en fait une extension du maléfice amérindien. Le jaguar Proxima a un rôle assez prégnant et est finalement dans la lignée des "animaux compagnons" très présents chez Disney.
La limite de cette recette Disney est toutefois la prévisibilité du scénario au regard des cases que cochent les protagonistes. L'homme blanc est et restera un personnage négatif alors qu'on ne croit pas une seule seconde que les indigènes représentent un danger pour les protagonistes. De même, à partir du moment où l'homosexualité de McGregor est révélée, il est peu probable que ce dernier retourne sa veste. Si le message est juste, l'ensemble est trop lisse pour que Disney puisse nous surprendre. La simplicité du message en fait un film avant tout familial ou pour enfant. Attention toutefois à ne pas constamment enfermer les personnages en fonction de leur genre et de leur couleur de peau : le scénario s'en retrouve cousu de fil blanc. 


En définitive, Jungle Cruise est une bonne aventure rythmée, signée Disney. Elle est toutefois sans aucune surprise. Par ailleurs, le corps de The Rock, si impressionnant, ne semble pas tout à fait à sa place, alors que l'acteur est lui même très impliqué. Emily Blunt est en revanche parfaite pour le rôle. 



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dimanche 1 août 2021

Kaamelott - Premier Volet

 

Synopsis :

Alors que le Roi Arthur a disparu dans la nature, Lancelot règne en tyran sur le royaume de Logres, pourchassant les derniers chevaliers de la table ronde... 


Commentaire

Une mise en scène dans la lignée de la série [spoilers]

Film attendu comme un messie dans le genre heroic-fantasy/Aventure comédie en France, Kaamelott cristallisait beaucoup d'attentes. La réalisation d'Astier reste toutefois contrainte par la tonalité et les moyens. Si la colorimétrie est particulièrement soignée avec un ton différent pour chaque lieu, et la photographie aboutie (à l'image d'un magnifique contre-champ dans le désert) le choix des valeurs de plan et le montage sont particuliers. En effet, le film est composé avant tout de plans rapprochés, ce qui est logique pour un film structuré autour des dialogues. Toutefois, la geste arthurienne demande des plans larges ; des plans d'ensemble plus nombreux, notamment pour introduire les différentes régions parcourues et donner de la profondeur à l'univers. A titre d'exemple, la scène dans le désert permettait d'ouvrir l'espace mais se contente d'un plan de demi-ensemble. Il n'y a guère finalement que le siège de Kaamelott qui donnera un peu de profondeur et d'ampleur visuellement à l'histoire. La mise en scène s'appuie encore fortement sur l'ancien format de la série (peu de mouvements de caméra et une forte importance donnée aux dialogues). Une des rares séquences à saluer visuellement est la chorégraphie des armes de siège avec une plongée totale. Le montage est également singulier à deux niveaux. Les transitions entre les scènes sont parfois assez abruptes, ce qui entraîne de petites ellipses. Seules les transitions vers le flashback sont vraiment travaillées. Les flashbacks sont d'ailleurs assez réussis bien qu'ils n'apportent que peu à l'histoire. Le montage du duel final est également un peu décevant. Le duel est en effet trop cuté, peut-être pour donner du rythme à une chorégraphie trop rigide.
La majeure partie du problème réside sûrement dans un budget limité puisqu'Alexandre Astier pense la comédie comme un genre sérieux. On sait par ailleurs que le film a pris du retard du fait de la recherche de financement. Astier n'aurait sûrement pas rechigner à donner de l'ampleur visuellement à son œuvre (bien que le ton du film soit aussi un facteur limitant pour le grandiose). La preuve de cette implication est sûrement la bande musicale composée par ses soins, qui est l'équivalent des plus grandes musiques orchestrales de film. Dans ce domaine, Alexandre Astier n'a pas eu à souffrir de limite pour un résultat impressionnant.

Un film de dialogue sans thème ? [spoilers]

Etonnamment le film n'a que peu de thèmes alors que son réalisateur loue la réalisation thématique. Le film, comme la série, est d'abord une succession de dialogues, autrement dit de joutes verbales en continue. Ces dialogues sont le point fort du film, car toujours incisifs et portés par des acteurs brillants. A ce titre, le film devrait ravir les adeptes de la série et les amateurs du verbe utilisant un ton familier. Toutefois, d'un point de vue thématique, l'humour tourne toujours autour du même thème : l'incompétence des autres. Arthur est un génie, élu des dieux, entouré d'idiots. Cela explique sa lassitude à agir. En effet, dans cette situation où l'incompétence empêche la délégation, le choix se fait entre la résignation ou le contrôle total (comme Astier pour le film ?). Mais Arthur n'est pas Astier et un personnage sans conviction peut-il transmettre un message ? Le film peut être drôle à certains moments mais la quête d'Arthur ne transmet rien car le personnage (comme tous les personnages d'ailleurs) n'évolue pas ou peu. Il est résigné (même lorsqu'il reprend le trône). Ou faut-il comprendre que le seul digne à gouverner est celui qui ne souhaite pas gouverner (mais ce n'est pas l'explication officielle car Arthur est l'élu des dieux depuis toujours comme dans une tragédie grecque) ? Ainsi le film n'a pas réellement de thématique principale. La signature d'Astier semble résider dans une sous-intrigue de l'histoire : la puissance de la musique. Ainsi la musique peut être l'instrument de tous, même des idiots. Elle est la seule chose capable de rythmer, d'organiser l'attaque burgonde. Toutes les scènes impliquant les burgondes sont réussies ; de la blague au dénouement. Ce n'est pas un hasard alors si la scène de ballet des machines de guerre est la plus réussie également au niveau de la réalisation. 


En définitive, Kaamelott Premier Volet réussit à conserver son ton et ses dialogues percutants au cinéma. Les amateurs de la série seront probablement satisfaits alors que les autres auront peut être du mal avec un film d'heroic fantasy limité par son budget et contraint par son humour toujours aussi singulier.



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mardi 13 juillet 2021

Cruella


 Synopsis:

Estella a une double personnalité si bien qu'elle s'appelle parfois elle-même Cruella. Son caractère bien trempé (son côté Cruella) lui vaut d'être renvoyée de son école. Sa mère cherche alors un nouvel endroit où elle pourrait continuer ses études...


Commentaire 

Réalisation entrainante

Craig Gillespie réalise un modèle de film narratif, avec l'intention de raconter une histoire prenante à multiples rebondissements. En effet, le film est doté d'une réalisation dynamique, associant mouvements de caméra et travellings à un montage rythmé, sans pour autant que ce dernier ne soit trop saccadé. Si la mise en scène est fonctionnelle, elle est également esthétique dans un film qui a pour thème la mode, c'est à dire qui s'intéresse à la forme. Les cadres sont toujours travaillés avec soin, et enferment une belle composition du plan. Il faut également saluer la direction artistique, que cela soit pour les costumes époustouflants, variés et originaux, ou les décors grandioses pour la plupart en dur. Emma Stone et Emma Thompson délivrent par ailleurs toutes deux une prestation remarquable qui porte le film du début à la fin. Elles ont dû particulièrement apprécier jouer leurs personnages haut en couleur, et porter des parures fabuleuses. Le film bénéficie en outre de l'inclusion de plusieurs tubes musicaux des années 60-70 qui viennent dynamiser le rythme et la mise en scène, pour laquelle il possible de se demander si dans la conception, la musique ne précédait pas la mise en image. Nicholas Britell se charge de la bande musicale plus traditionnelle. Cette dernière est composée finement avec des thèmes identifiables mais doit s'éclipser face aux tubes qui donnent un ton pop à l'ensemble de l'œuvre. Ainsi sur l'aspect technique, le film ne fait aucune fausse note. 

Des thématiques au film ? [spoiler]

Il est assez compliqué de définir une thématique à Cruella. Le scénario à rebondissement est entrainant mais il est difficile de tirer un message de l'histoire. Il pourrait s'agir du thème de la famille et de l'héritage des traits de caractère. En effet, Cruella serait une facette héritée de la mère biologique d'Estella mais cette explication est peu satisfaisante car Estella a été élevée par une mère douce et aimante. Le film nierait ainsi le rôle de l'éducation. Toutefois, Disney cherche à s'en sortir par une pirouette incohérente puisque que ce préquel aux 101 Dalmatiens nous montre une Cruella gentille, certes avec certains côtés effrayants mais avec un bon fond. Le dénouement montre d'ailleurs qu'elle a choisit le côté du bien, ce qui rassure au passage Jasper qui craignait que son amie tourne mal. Toutefois le message de Disney n'est pas entendable car l'avenir de Cruella et sa personnalité sont connus. Le stratagème avait marché pour le personnage de Maléfique en prétextant un changement de point de vue, il était alors possible de faire de ce personnage un protagoniste positif. Toutefois, Cruella devient par la suite un des méchants iconiques de Disney et peu importe le point de vue. Elle a par ailleurs horreur des chiens et en particulier des Dalmatiens ce que le film semble introduire au début mais qu'il finit par avorter. Disney ne peut se résoudre à faire de son personnage un méchant... en contradiction avec l'avenir du personnage. Cela sert le propos pour le film : la fille n'est pas obligée de ressembler à sa mère et il reste donc une marge de liberté à l'individu. Mais le film des 101 Dalmatiens montrera bien une Cruella méchante, cela venant annuler le propos défendu ici. 


En définitive, Cruella est un excellent film de divertissement, rythmé et avec une direction artistique impeccable. Unique reproche : Disney n'arrive pas à rendre son personnage antipathique ; est-ce vraiment la future Cruella des 101 Dalmatiens ?



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