Les sorties de la semaine

lundi 18 octobre 2021

Le Dernier Duel

 


Synopsis :

Les anciens amis Jean de Carrouges et Jacques Legris s'opposent dans un procès dans lequel Jean accuse Jacques d'avoir violer sa femme Marguerite alors qu'il était absent. Sans témoin, l'affaire débouche sur un duel judiciaire dont le résulta dépendra de la volonté de Dieu et révèlera si Marguerite a menti ou bien subit un viol portant atteinte à la famille Carrouges...


Commentaire :

Minutie et réalisme de Ridley Scott

Ridley Scott sait raconter des histoires grâce à son sens de la narration fluide. Il sait également rendre crédible l'univers dépeint par la minutie qu'il met dans le détail. Que cela soit les paysages, les décors, les costumes (quelques libertés sur les armures) ou la description de la société féodale, tout témoigne d'un travail approfondi cherchant à restituer de la réalité ou pour le moins produire un sentiment de réalisme. Il faut dire que le film s'appuyait déjà sur des fondations solides avec l'œuvre de l'universitaire Eric Jager comme matériau d'origine. Toutefois, aucun des choix artistiques n'est laissé au hasard et ce travail minutieux et rigoureux distingue le Dernier Duel de bien des films sur la période médiévale. La mise en scène est en elle-même académique, soignée, parfois symbolique par certains plans (le monde chrétien de l'époque offrant de nombreuses possibilités) mais sans originalité notable. La singularité du film, qui est sa force et sa faiblesse, est sa structuration en 4 actes, dont les 3 premiers sont les points de vue des trois protagonistes principaux sur l'affaire (effet Rashômon). Le spectateur est mis à la place du jury écoutant les différentes versions de l'histoire. Si l'intelligence du spectateur est convoquée pour analyser les nuances de chaque version, le procédé amène nécessairement un sentiment de répétition tout autant que de mise en tension des versions. Néanmoins, malgré la durée conséquente du film, cette structure réussit habilement à maintenir l'intérêt pour l'histoire. A la musique, Harry Gregson-Williams réalise un joli travail en incorporant une bande-musicale inspirée par la musique baroque pour renforcer l'impression d'authenticité. Toutefois, les moments de musique orchestrale sont tout aussi réussis. 

La féodalité et la femme objet 

La puissance du film réside dans sa description de la société féodale : les pouvoirs des seigneurs, les liens de vassalité, le rôle de l'Eglise. Il y a presque une vertu pédagogique au film (ici l'interview d'un conseiller historique du film). C'est dans ce contexte qu'est décrit le patriarcat médiéval dans lequel Marguerite n'a pas plus d'importance qu'un bien ou qu'un animal. La comparaison est indirectement faite avec une jument dans le film. Jean de Carrouges n'est d'ailleurs pas choqué par le viol en lui-même ni le traumatisme de sa femme, il est hors de lui pour le tord que cela lui fait. Son rival lui a pris une terre, il lui prend maintenant sa femme. De l'autre côté, Jacques Legris n'a que peu de considération pour la femme et le consentement. Les institutions des hommes viennent par dessus douter constamment du non-consentement de Marguerite, la femme étant une tentatrice par nature. La femme, sans statut juridique, n'a donc pas le droit à la parole ; elle n'a aucun moyen de se défendre. Le film prend habilement fait et cause pour Marguerite grâce à son montage faisant succéder les points de vue, en soulignant que la version de Marguerite n'est pas seulement un point de vue, mais la vérité. Paradoxalement, c'est bien la version la moins écoutée par les hommes et les institutions. Le film dénonce et critique avec une résonnance contemporaine.
Toutefois, Le Dernier Duel se distingue par la finesse avec laquelle il traite le sujet. Le film questionne avec nuance car la vérité n'est pas toujours une valeur absolue. La vérité vaut-elle la vie ? Vaut-elle à un enfant de grandir sans mère ni père ? La tension des questionnements reflète la complexité du monde.
 

En définitive, Le Dernier Duel est une plongée crue et sans concession dans le monde féodal. Ridley Scott décrit minutieusement la société française de l'époque et montre le sort peu enviable réservé à la femme.  



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