Les sorties de la semaine

mardi 28 décembre 2021

Matrix : Resurrections


Synopsis :

Néo est à nouveau dans la Matrice. L'élu qui avait amené la paix n'a en fait rien changé. Thomas Anderson doit alors s'éveiller une nouvelle fois et découvrir pourquoi il est retourné au point de départ... 


Commentaire :

Lana Wachowski entre renouveau et changement

Si Matrix Resurrections est assurément mieux réalisé que la plupart des blockbusters, il n'entraîne pas une révolution ou une innovation marquante dans la mise en scène comme cela a pu être le cas avec les précédents films de la saga. La colorimétrie verdâtre a laissé place à une lumière plus naturelle, plus organique bien que le travail sur la couleur permette toujours d'identifier les scènes qui se passent dans la Matrice. Tout à fait consciente que Matrix offrait toujours une scène visuellement exceptionnelle, Lana Wachowski semble avoir fait le choix de ne pas en mettre, peut-être pour signaler que Matrix n'est pas seulement une saga d'action. Ce choix réfléchit pourra toutefois en décevoir beaucoup car il n'y a pas effectivement de nouveau nouveau "bullet time" alors que la révolution dans les effets spéciaux laissait espérer un nouveau franchissement des limites. Lana Wachowski semble également moins dans la théorie de la réalisation et paraît être plus portée par la moment présent, le rayon de soleil à saisir. C'est donc l'émotion (le centre des thématiques) plutôt que la théorie qui guide la réalisation. Il demeure que la photographie est belle et que la réalisation va au delà du fonctionnel avec toujours des éléments signifiant dans le cadre ou par jeu de miroir. Et si une scène de combat est floue c'est parce qu'un protagoniste est dans un état mental altéré (l'éveil de Morpheus) ou en train de se rappeler ses capacités (Néo). Le film comporte également des scènes innovantes à l'instar des scènes juxtaposant plusieurs temporalités avec l'analyste ou la scène marquante du climax. Néanmoins, il n'y a pas de combat grandiose. Les scènes d'affrontement sont mêmes plutôt médiocres au regard des anciens films avec des plans plus rapprochés et un montage trop saccadé qui vient découper inutilement les chorégraphies. Les plans sont dans l'ensemble moins composés. Il manque la fameuse scène finale de combat avec l'élu... mais y a t-il toujours un élu ?
A la musique Tom Tykwer effectue un joli travail d'accompagnement dans la lignée de Klimek. La mise en scène laisse la composition se faire entendre à de nombreuses reprises. 

L'illusion du choix et méta-analyse

Le film est bien évidemment thématique avec les Wachowski. La première partie est une analyse méta de la conception du film, la métaphore de la trilogie étant dans le film un jeu vidéo. Les personnages du film se demandent d'abord ce qu'est Matrix (de l'action, du bullet time, la transidentité, la description d'un monde crypto-fasciste ou l'exploitation capitaliste ?). Smith évoque également pourquoi un nouvel épisode doit être fait. Il s'agirait d'une directive de la Warner. Cela sera fait avec Néo (les Wachowski) ou sans eux... l'entreprise en possède les droits. La question est de savoir si l'histoire racontée pour le jeu vidéo du film est effectivement l'histoire de la réalisation de ce quatrième épisode. Toutefois, ces réflexions méta montrent que le film se pense et qu'il ne s'agit pas d'un énième films de franchise fait sans recul. Bien que le côté méta soit intéressant, il ne s'agit pas toutefois des principales thématiques du film. Le film s'inscrit à nouveau de manière réjouissante dans le déterminisme philosophique en soulignant qu'il n'existe pas de choix ou de liberté mais uniquement l'illusion du choix. Et sortir de la Matrice ne nous donne pas plus de choix comme le soulignent plusieurs personnages. Il faut comprendre que nous sommes destinés par l'histoire de notre vie à faire un choix plutôt qu'un autre. Néo est destiné à s'éveiller, tout comme Trinity. Toutefois le film nous dit que la réalité, l'éveille n'est pas forcément le plus important. On ne peut éveiller quelqu'un qui préfère l'illusion, cela serait d'une grande souffrance. L'analyste nous dit par ailleurs que beaucoup d'Hommes préfèrent la tranquillité de l'autorité et de la soumission. Ce dernier nous dit également que la réalité est celle que l'on choisit et que les humains n'aiment pas les faits. Ils aiment les histoires qui leur font vivre des émotions. C'est pourquoi les humains sont manipulables. Les émotions sont en effet réelles mêmes si elles sont procurées par des fictions. Les émotions sont le moteur de la vie et finalement la seule chose importante. Ce qui amène vers un relativisme complet. Néo n'est pas différent. Il est même capable de détruire ce qu'il a accompli en tant qu'élu (une ville constituée d'humains, de programmes et de machines - belle innovation non-binaire de cet épisode) pour délivrer Trinity. Il a la "Foi". C'est peut-être la limite du film puisque désormais les émotions et la Foi guident les individus vers leur vérité. Si l'on peut respecter les émotions des Hommes, on ne peut construire un monde sans rationalité ni Raison. On ne peut remettre en cause le monde de I.O par amour comme le fait Néo. Toutefois, cette histoire nous dit tout de même une chose, la saga Matrix, avant d'être une saga d'action est une saga sur l'amour. Et l'amour est le seul moteur permettant vraiment d'avancer pour les humains, il s'agit de la seule réalité tangible. Néo choisit Trinity avant l'humanité. L'élu est celui qui fait le choix de l'amour. L'élu est donc ici un concept biblique. Néo n'est pas l'élu, l'élu est à la fois Néo, Trinity et l'amour. 


En définitive, Matrix Resurrections est une bonne et ultime suite très personnelle de Lana Wachowski. Pour cette raison, elle peut en décevoir certains. Finies la maîtrise et la théorie, la seule réalité tangible est l'émotion. 




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