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dimanche 8 octobre 2017

Blade Runner 2049


Synopsis :

L'officier K est à la recherche des anciens nexus (ou "réplicants"), clones humains modifiés, qui ne sont pas considérés comme assez obéissants. Lui même est un réplicant de nouvelle génération obéissant mais qui commence à se poser des questions à force de tuer ses semblables...


Commentaire :

La perfection technique 

Denis Villeneuve est de retour avec un nouveau chef d'oeuvre visuel. On pourra peut-être reprocher des choses à ce film mais pas sa qualité technique. La réalisation est narrative mais ne se contente pas de l'être, il existe de nombreux plans d'ensemble, de demi-ensemble ou en pied qui visent à travailler l'ambiance et la profondeur de cet univers. Chaque plan bénéficie d'une composition de couleurs et de formes et, est autant partie prenante de la narration que d'une intention contemplative. Concernant le rythme, Blade Runner 2049 est fluide et sans rupture (ou lenteur) malgré une durée non loin des trois heures. Il y a toujours une tension ou une ambiance qui est susceptible de maintenir l'intérêt du spectateur, ne serait-ce parfois que par un mixage sonore d'une perfection incontestable. Faut-il encore c'est vrai, adhérer à cet univers. Les scènes de combat ont la rare qualité d'être peu découpées et offrent une sensation d'intensité plutôt que de violence. La réalisation est donc réellement appréciable et détonne d'avec les blockbusters classiques. A cela il faut ajouter le travail de Hans Zimmer qui pèse de tout son poids sur l'ambiance, avec à ce qui s’apparente plus à une bande sonore d'ambiance qu'à une réelle composition orchestrale, mais d'une puissante incontestable. L'expérience sensorielle est donc pleine dans ce film. 

Personnages et histoire [Spoilers]

K, le personnage de Ryan Gosling est la colonne vertébrale de l'intrigue, non par son rôle dans l'histoire mais pour le point de vue de K, adopté par le film. Cela offre des retournements de situation non prévisibles et bienvenus, et permet de comprendre la psyché du "héros", qui n'est lui même qu'un robot organique. Tous les personnages sont intéressants parce qu'ils paraissent tous avoir une réelle profondeur qui malheureusement n'est pas assez exploitée à l'écran. Il manque en effet certains ressorts pour comprendre leurs motivations (tous hormis K). L'intrigue n'est pas compliquée mais non évidente car rien n'est dit explicitement. Par exemple : qui a inséré les souvenirs de K et pour quelle raison ? En sommes, pourquoi est-il impliqué dans cette histoire ? Ou alors, qu'est-ce que (qui est) le garçon ayant le même ADN que la fille de Deckard ? Peut-être que le film l'explique mais cela n'est pas dit clairement. Au-delà de l'histoire, tous les acteurs font un travail remarquable avec une mention spéciale pour Ana de Armas, incroyable en intelligence artificielle. 

Les thématiques, prometteuses mais non abouties [Spoilers]

Comme tout film de science-fiction, Blade Runner 2049 est riche en thématiques. Elles sont diverses et peuvent être regroupées autour de trois grands questionnements majeurs.
La première thématique est "l'âme" des Nexus, à savoir si les Nexus sont des êtres conscients disposant de droits politiques. La question est pertinente mais trop évidente. Il s'agit bien d'individus de chair et sang, dotés d'une conscience mais modifiés génétiquement. La question était plus intéressante dans le livre puisque les nexus étaient en partie électroniques. Mais au XXIème siècle, le film enfonce des portes ouvertes... contrairement aux questionnements sur la conscience numérique. Ou alors, les réplicants sont représentés de façon trop humaine à l'écran pour que la question soit pertinente. Le point de vue de K choisi par le film finit de rallier le spectateur à sa cause s'il avait des doutes. Le fait que les Nexus puissent avoir des enfants ne changent en vérité pas la question de fond car ce n'est pas le fait de pouvoir se multiplier qui est un critère pertinent. Il est vrai que le fait de pouvoir créer et de n'être plus simplement un produit peut jouer sur le symbole, mais cela ne les rend pas plus conscients qu'avant. Il reste que le questionnement sur les réplicants est une manière de poser la question de l'altérité, ce qui est intéressant.
La deuxième question posée mais non tranchée est celle de l'intelligence artificielle et il y avait là énormément de potentiel. Joi, l'intelligence artificielle de K est très intéressante et paraît un moment dotée d'une conscience. La réflexion sur l'ADN (4 lettres) et le code binaire informatique est très pertinente. L'intelligence robotique peut-elle être consciente ? Le film semble répondre par la positive avant qu'une publicité géante de la compagnie ayant crée Joi viennent affirmer que Joi n'est qu'un personnage disant ce que vous voulez entendre. Il s'agit donc plutôt d'une intelligence très poussée que d'une conscience. Cela jette le trouble puisque le film semble alors aborder la question sans donner une réponse. La réflexion est ici désamorcée mais la question reste intéressante.
Le dernier questionnement important est celui des souvenirs. C'est peut-être le questionnement le mieux abordé sans qu'il soit complètement tranché. K a reçu des souvenirs réels alors que tous les nexus n'ont que des souvenirs artificiels. Il se prend alors pour la personne dont il a reçu les souvenirs. La question est alors : si K possède les souvenirs de l'enfant de Deckcard, peut-il prétendre être son fils bien que cela ne soit pas le cas génétiquement ? Le film semble dire que non mais la question est plus pertinente qu'il n'est paraît. Après tout, tout individu est déterminé par le passé, autrement dit par sa mémoire (ou son expérience de vie). Si pour Deckard, il n'est pas son fils, K lui peut se considérer légitiment comme tel.
Il s'agit là des grandes problématiques mais d'autres problèmes sont également survolés.
Wallace évoque la condition d'une civilisation (d'une économie), qui est le besoin de se reposer sur des esclaves. L'Histoire lui donne raison par les énormes inégalités que l'on y trouve. La question aurait mérité d'être approfondie pour savoir si une éventualité d'éviter cette situation existait, par exemple avec le concours de robots ? Et non d'êtres vivants réduit cyniquement en esclavage.
Il existe enfin un dernier questionnement possible, plus suggéré qu'évoqué. Il s'agit de celui du rapport entre l'Etat et les compagnies privées. Il semble que dans ce monde dystopique, l'Etat (représenté par K et son institution), soit complètement dépassé par la puissance de la compagnie de Wallace. La dystopie serait-elle celle du néo-libéralisme et de l'Etat faible face au secteur privé ?

En définitive, Blade Runner 2049 est une très grande réussite technique. Les thématiques soulevées sont intéressantes. Que la réflexion eût été un peu plus poussée et le chef d'oeuvre était là.



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