Les sorties de la semaine

jeudi 29 décembre 2016

Passengers


Synopsis : 

Jim se réveille de son hibernation. Il est en effet à bord du vaisseau Avalon en route pour une lointaine planète-colonie. Toutefois, quelque chose cloche. Il est le seul réveillé. Loin d'être arrivé, Jim se rend compte que le vaisseau n'arrivera à destination que dans 90 ans...


Commentaire :

Joliment mis en scène

Le réalisateur norvégien Morten Tyldum réalise un magnifique film d'un point de vue esthétique. Les plans de l'univers et du vaisseau vu de l'extérieur sont sublimes, avec des couleurs sombres mais intenses. Le design du vaisseau est également superbe en plus d'être crédible d'un point de vue fonctionnel. Le reste de la mise en scène, majoritairement en intérieur est également très bien pensé. Les plans larges pour souligner la solitude de Jim fonctionnent très bien en début de film. Les décors intérieurs avec les détails de l'environnement témoignent d'un véritable travail sur ce quoi pourrait être un voyage interstellaire proposé par une compagnie privée. A noter qu'il est très juste d'imaginer que ce sont les compagnies privées qui investiront en premier l'espace. Les robots fonctionnant tout seuls et faisant toutes les tâches des plus simples aux plus compliquées alors que les humains sont en hibernation sont crédibles. Bref, l'univers du film est cohérent et fonctionne parfaitement. Des scènes sont particulièrement marquante comme la fameuse scène de la piscine, qui en plus d'être plausible physiquement et d'amener une vraie tension, est un petit chef d'oeuvre en terme de réalisation mêlant effets spéciaux et vues réelles sur l'actrice Jennifer Lawrence. En outre, certains plans, peut être en hommage, rappellent 2001 l’Odyssée de l'Espace, notamment ceux ayant lieu dans un décor courbé ou ceux dans les longs conduits/couloirs (sombres dans le film, blancs dans le film de Kubrick). Il s'agit juste d'un clin d’œil car les enjeux sont complètement différents comme nous le verrons plus tard. Au niveau du rythme, le film oscille parfaitement entre moments intenses et temps faibles qui permettent de mettre en avant les personnages, les relations entre eux, et d'insister sur la vie dans cet immense vaisseau semblable à une prison dorée. C'est peut être cela la plus grande force du film, prendre son temps pour souligner les enjeux sans pour autant lasser. C'est une qualité à reconnaître pour un blockbuster. Enfin, concernant la bande musicale de Thomas Newman, elle fait un bon travail d'accompagnement de l'action mais reste discrète. 

Performance d'acteur [Spoilers]

Il s'agit avant tout d'un film intimiste reposant alors en partie sur les acteurs. Si Jennifer Lawrence n'étonne plus car toujours investie à 100% dans ses personnages et capable de délivrer des performances marquantes, Chris Pratt surprend lui dans le bon sens. Il est parfait dans son rôle. Jusqu'à présent, les rôles qu'il avait interprétés étaient plutôt lisses, notamment depuis sa transformation physique pour jouer des super-héros. Ici, son personnage est profondément humain, faillible, isolé, torturé faisant face à une épreuve particulièrement difficile à vivre. Passant par tous les états, Chris Pratt délivre une de ses meilleures performances. La séquence qui suit le réveil d'Aurora avec le remord qui se lit sur son visage est excellente du point de vue du jeu d'acteur. Et puis pour finir, soulignons que les deux têtes d'affiche ne sont pas vilaines, il faut tout de même le dire.

Les thèmes, l'originale philosophie nietzschéenne dans un film de science-fiction [Spoilers]

Un film de science-fiction a pour but d'interroger le spectateur. Passengers le fait très bien. Toutefois, il ne s'agit pas des grands questionnements métaphysiques ni même des questionnements sur l'humanité et des nouvelles technologies. Quoique, la confiance aveugle de l'humanité dans l'informatique et dans l'embryon d'intelligence artificielle est mise en exergue et se trouve être moteur de l'intrigue. Toutefois, le cœur du propos n'est pas là. En tant que film intimiste, c'est l'humain qui est directement interrogé dans ses limites et ses aspirations. Le personnage de Jim questionne les limites de l'humain, en étant mis en face d'un choix cornélien: la possibilité de réveiller quelqu'un pour briser sa longue solitude qui le poursuivra jusqu'à sa mort, sachant que la personne réveillée verra ses projets réduits à néant par sa faute. Le personnage de Jim résiste à cette tentation et se tient à ses principes mais le temps est un adversaire redoutable. Car le personnage n'a rien d'autre à faire qu'à se poser et se reposer cette question. Le temps finit par ronger ses principes jusqu'à ce que le mauvais choix soit fait. Il réveille Aurora Lane telle La Belle aux Bois Dormants, sauf qu'il n'est pas l'idéal du prince mais bien un homme qui a failli. Acte impardonnable certes, mais qui sait si même les nobles chevaliers n'auraient pas fini par céder face au temps. Le film ne juge pas, il montre simplement ce qu'est l'Homme. C'est alors qu'une véritable tension apparaît dans le scénario car il est certain que Jim devra avouer qu'il est à l'origine du réveil de la Belle et se faire absoudre ultérieurement dans un acte héroïque en mettant sa vie en danger pour laver sa personne de l'acte d'égoïsme. L'utilisation du conte n'est pas anodine car ce genre est pourvoyeur de messages au lecteur/spectateur. Le conte est réutilisé en fin d'histoire car une fois que Jim a trouvé la rédemption, c'est Aurora qui réveille Jim dans le pod médical (qui rappelle le cercueil de Blanche Neige) dans un jeu de miroir inversé; la boucle est bouclée. Le conte est-il juste emprunté par le scénario ou est-il a son origine ? La question peut être posée.  Avalon est le nom d'une terre de légende hors du temps du chevalier Arthur, le chevalier par excellence qui inspire les chevaliers des contes. Dans le conte de la Belle au Bois Dormant, tout le château et ses habitants sont figés dans le temps et c'est exactement le cas ici avec le vaisseau (Avalon) comme château. Jim résiste au feu du dragon (purge de la fusion nucléaire) dans son armure spatiale et avec son bouclier. Quand on y réfléchit, l'analogie qui n'est pas évidente, est géniale. 
Toutefois, peut-être que le film est le plus fort dans le message final qu'il fait passer : se contenter du présent et tenter de l'apprécier. La planète qu'ils doivent atteindre est un rêve lointain, presque une illusion. Certes les protagonistes sont coincés dans le vaisseau mais ils ne manquent de rien : nourritures, loisirs et ils se tiennent mutuellement compagnie. En trois mots, ils ont tout. L'androïde dit à un moment servir (étant serveur, c'est assez bien trouvé), de la psychologie de comptoir mais ce qu'il dit est juste : s'il est impossible d'avoir ce que l'on cherche, il faut accepter le présent, le monde tel qu'il est, voici le message nietzschéen du film. Cela est encore plus fort que le message soit donné dans un film de science-fiction car c'est un genre qui vend bien souvent un rêve, le voyage lointain, l'avenir, l'illusion d'un monde d'ailleurs à défaut d'être meilleur. Mais finalement, les deux personnages choisissent de vivre le présent ensemble et non plus le rêve hypothétique. La fin du film est donc un happy ending, entraînant, c'est vrai, pour arriver à ce point, quelques passages moyennement crédibles. Mais c'est bien là la fin d'un conte, délivrant son message de sagesse. 

En définitive, Passengers est une très bonne surprise. Ce film de science-fiction prend le temps de travailler ses enjeux et se révèle être progressivement une réactualisation futuriste du conte de La Belle au Bois Dormant! Superbe!



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vendredi 23 décembre 2016

Assassin's Creed


Synopsis :

1492, dernière phase de la Reconquista. Les Templiers sont sur le point de vaincre le dernier émir de Grenade. Les Assassins luttent contre les Templiers cherchant à s'emparer de la pomme d'Eden aux mains de l'émir, capable d'asservir l'humanité...


Commentaire : 

Mise en scène hommage au jeu vidéo

Justin Kurzel réalise un film fidèle aux jeux vidéo avec une mise en scène reprenant certains plans iconiques, tels les présentations des villes en plan général, les plans de caméras tournant autour d'un personnage ou d'un objet tel qu'il est possible dans un univers virtuel, la reprise des plans du personnage sautant dans le vide. A noter que la 3D est très bonne. A cela, il faut rajouter certains éléments du décor comme la charrette de foin, les combats, les scènes de cascade style parkour dans un environnement urbain médiéval. Le fait qu'Ubisoft ait eux même produit le film explique une très grande fidélité à l'esprit du jeu. Toutefois, au-delà de cet aspect réussi, le film ne se démarque pas particulièrement. La mise en scène est classique, fonctionnelle, narrative comme n'importe quel blockbuster. Les scènes dans le passé sont plutôt réussies grâce aux excellents costumes et décors. Peut-être manque t-il un peu de temps passé dans l'Espagne Médiéval car les scènes du passé se résument uniquement à de l'action et de ce fait, il manque nécessairement un peu de travail sur les personnages avec l'insertion de temps faibles. Le choix de la musique contemporaine rend bien avec le côté "free style" des scènes de parkour et plus généralement avec l'esprit d'un jeu vidéo mais rien ne vaut une bonne bande musicale d'un orchestre symphonique. 

Un bon casting

Michael Fassbender est impressionnant physiquement tout comme la française Ariane Labed qui est superbe dans le rôle de l'assassine Maria. Dommage que le côté émotion ne soit pas un petit peu développé car toute la palette du jeu des interprètes n'est pas exploitée et il est alors plus difficile de s'attacher à ces personnages. De bons acteurs dans les seconds rôles permettent de donner de l'ampleur à l'histoire grâce à la présence de Jeremy Iron et de Charlotte Rampling mais qui ont là aussi des personnages un peu trop lisses. C'est peut-être le personnage de Marion Cotillard qui est le plus intéressant car elle est la seule à douter tout en ayant des convictions profondes et justes, que l'actrice retranscrit très bien. Dans un sens, elle est le seul personnage auquel il est réellement possible de s'attacher. Compte tenu des acteurs présents, il est un peu dommage que les personnages en général ne soient pas un peu plus développés. 

Les thèmes : libertarianisme contre totalitarisme  

Assassin's Creed est un film de science-fiction reposant sur des postulats peu vraisemblables mais l'histoire essaye de donner une justification scientifique à ce qui est présenté. Le concept de l'Animus est un bon concept de jeu vidéo mais passe un peu plus difficilement au cinéma du fait de scénarios de SF généralement assez élaborés. Néanmoins, que le génome ait une mémoire et garde des traces du passé lointain est vraiment intéressant. D'autant plus qu'il n'est pas question de changer le passé mais juste d'avoir des informations sur le passé, ce qui rend la chose dans un sens plus réaliste et n'amène pas le problème des paradoxes temporels des voyages dans le temps. En revanche, le fait que les individus soient déterminés par le génome est un paradoxe même dans les intentions du film car les Assassins se battent pour le libre-arbitre. Or si les descendants des assassins reprennent la cause juste parce-qu'ils sont descendants d'assassins, il n'y a plus vraiment de libre-arbitre mais une prédétermination génétique. Quoiqu'il en soit, le film propose deux visions du monde, celle du libertarianisme, c'est à dire un monde dans lequel "tout est permis", défendue par les assassins et une vision totalitaire prônée par le groupe des Templiers. Remarquons que le groupe des Templiers, ayant des traits des Franc-maçons, disposant d'immenses moyens et agissant dans l'ombre depuis des siècles rappelle un peu les théories du complot et n'est pas franchement très original. Le film défend le camp des Assassins, car le camp des Templiers, est clairement identifié et à juste titre comme le camp du mal. En effet, même si leur but est d'instaurer la paix, ils ont comme moyen l'anéantissement de l'esprit critique (appelé libre arbitre) chez l'humain, c'est à dire finalement l’anéantissement de l'humanité car qu'est-ce qu'un humain sans raison ? Toutefois, le film va un peu vite sur les alternatives possibles. En effet, le monde sans loi des Assassins n'est pas idéal, si on n'y réfléchit bien. Un monde sans loi est un monde où les plus forts, les plus violents (et c'est ce que redoute Sofia, le personnage de Marion Cotillard) dominent et décident. Or le film ne laisse pas de choix, le spectateur doit prendre fait et cause pour les Assassins. Sur le fond, le film manque donc un peu de travail. 

En définitive, Assassin's Creed le film est très fidèle à l'esprit de la saga des jeux. Le voyage proposé par le film n'est pas déplaisant mais les personnages auraient gagné à être un peu plus travaillés tout comme le fond de l'histoire. Un film de cinéma doit proposer plus qu'un jeu d'action sur le plan intellectuel, ce dernier offrant une forte expérience immersive qui ne peut être atteint au cinéma.



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dimanche 18 décembre 2016

Star Wars : Rogue One



Synopsis :

Dans une galaxie lointaine, très lointaine, Galen Erso et sa famille sont recherchés par l'Empire. Galen arrive in extremis à cacher sa fille avant l'arrivée des troupes impériales...


Commentaire :

Une vraie patte graphique [Spoilers]

Gareth Edwards prouve une nouvelle fois qu'il sait filmer le gigantisme. Rogue One est un vrai film de cinéma avec sa propre patte graphique. Les vaisseaux, les planètes, les soldats ont déjà été filmés par plusieurs réalisateurs. Toutefois, jamais les Stormtroopers, l'Etoile Noire ou les TB-TT (quadripodes) n'ont été filmés de cette façon. Avec ces plans larges en contre-plongée, Gareth Edwards sait donner du volume à ses objets de cinéma et remettre l'humain à son échelle dans la galaxie, dépassé par les monstres d'acier de l'Empire (il est à noter qu'il est intéressant que Gareth Edwards ait filmé d'autres montres avant de faire ce film). Jamais une Etoile de la mort n'avait été montrée depuis une autre planète avec un œil d'humain, ainsi Gareth Edwars ramène une dimension terrienne à l'oeuvre. Par ailleurs, certaines scènes ont une réelle mise en scène au delà du fonctionnelle comme l'arrivée de Vador dans le vaisseau rebelle précédée d'un obscurcissement rampant qui envahit le cadre, symbole du côté obscur. Les effets spéciaux sont réussis, notamment les visages, certains connus, preuve que la technologie est désormais capable de reproduire des humains sans que cela ne fasse étrange. Il y a également, comme il est de coutume avec un Star Wars, beaucoup de décors en dur en référence à la plus ancienne trilogie qui donne une véritable crédibilité à l'environnement. Concernant la musique de Michael Giacchino, elle est assez présente, marquante, du niveau de John Williams, avec quelques reprises de thèmes joliment réadaptés.

Une réappropriation respectueuse [Spoilers]

Là où le Réveil de la Force rendait un hommage à la première Trilogie sans rien apporter de nouveau, Rogue One réussit une réappropriation respectueuse. Tout d'abord, Rogue One accepte les deux trilogies et ne choisit pas de renier la prélogie, injustement décriée. Il en résulte un équilibre dans les ambiances, des environnements rappelant vaguement la trilogie mais inédits et des batailles aussi dynamiques que la prélogie. Rogue One fait parfaitement la jointure entre les deux trilogies tout en étant plus original que l'épisode VII qui lui avait quand même toute liberté en théorie puisqu'il n'avait à tenir compte que du passé. Les grandes étapes de la quête initiatique sont présentes, certains événements sont certes cousus de fil blanc mais le tout reste dynamique et rythmé. Les personnages ont de réelles motivations compréhensibles et leurs actions sont crédibles. Contrairement à Rey qui est embarquée dans une quête, forcée par les événements, Jyn, elle, cherche à sauver son père puis à honorer son esprit. Cette dernière est débrouillarde mais pas trop, n'a pas de pouvoir, doute, bref, est plus crédible, beaucoup plus humaine tandis que Rey est finalement un archétype, presque de machine.  

Les thèmes, pour la fin d'une vision manichéenne

Rogue One apporte aussi une nouvelle vision de l'univers. Il devient plus complexe. Certains protagonistes de l'Empire sont nuancés voire passe du côté du bien à l'instar du pilote mais surtout de Galen Erso. En effet, ce dernier est face à une situation où il n'y a pas de bonnes solutions et fait donc un choix stratégique, qui peut être critiquable. Certains rebelles sont extrêmes, dits "fanatiques" mais même le capitaine Cassian montre des signes d'embrigadement. Les rebelles plus généralement sont les auteurs de crimes, ce qui est inédit. La guerre est sale même du côté du bien. Le film se veut donc plus réaliste, moins dans l'idéal que dans l'application pratique, concrète, imparfaite des grands idéaux. La représentation de la confrontation entre les deux camps est intéressante car la première grande bataille rappelle les combats de l'armée américaine au Moyen-orient contre des terroristes locaux avec le style de guérilla des guerres asymétriques. L'autre nouveauté concerne la Force. Il s'agit de l'accentuation du côté mystique de la Force dans la lignée de la première trilogie mais à un point où elle atteint presque une dimension religieuse, ce qui pour le coup tranche avec la prélogie qui en donnait une vision très rationnelle. D'une certaine façon, c'est peut être un petit dévoiement de l'idée de la Force qui était l'incarnation d'une sagesse bouddhiste plus profonde et pertinente qu'une vision proche de la foi abrahamique comme il est question ici. Cette vision religieuse, de "l'arrière-monde" s'accorde avec la conception de la Rébellion qui fonctionne sur l'espoir (une illusion), donc moins sur le réalisme que le rêve de victoire. Une vision donc éloignée de celle de Yoda - Bouddha mais justifiée dans le sens où les Jedis sont absents ; subsiste seulement un ersatz de l'idée de ce qu'ils étaient.

En définitive, Rogue One réussit là où le Réveil de la Force avait échoué. Faire un film respectueux de l'univers Star Wars, tout en ayant sa propre personnalité et une excellente mise en scène.




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dimanche 11 décembre 2016

Premier Contact


Synopsis:

La linguiste Louis Blanks est sollicitée par le gouvernement américain pour venir déchiffrer le langage des extraterrestres, arrivés sur Terre subitement. La première question que l'humanité se pose, quelles sont leurs intentions ?


Commentaire:

Une réalisation aboutie

Denis Villeneuve et la direction photographique produisent un film à l'univers visuel proche des séries scandinaves, sombres et ternes, ce qui tranche avec les films flamboyants de science-fiction. Ce projet est alors tout à fait audacieux car bien qu'il s'agisse d'une grosse production, le film a une vocation intellectuelle; c'est un film qui pousse à la réflexion. La dimension action et aventure en est absente, dans l'optique où le fond doit prendre le pas sur la forme, minimaliste mais réfléchie. Cela se ressent dans une mise en scène qui n'est pas uniquement fonctionnelle mais signifiante, parfois déstabilisante pour montrer une situation pleine d'incertitude par cette rencontre "du troisième type". Le montage est également très bien pensé permettant des tours de passe-passe scénaristiques dont on se rend compte à la fin : les flashbacks sont ils réellement des flashbacks ? Tout cela est soutenu par la bande musicale de Jóhann Jóhannsson qui n'est pas une grande partition symphonique mais pareillement à la forme visuelle, une musique minimaliste très appropriée avec des chants peu communs qui mettent l'accent sur l'étrangeté, pour ne pas dire, sur l'altérité.

Réflexion sur le temps [spoilers]

Si le montage est si important dans ce film, c'est parce-qu'il retranscrit le scénario qui lui même retranscrit une vision du temps. En effet, les aliens n'ont pas une vision du temps linéaire ce qui concrètement se traduit dans le film par un coup de force scénaristique (d'ailleurs on ne sait pas si le Dr Blanks a véritablement des visions dès le début et pourquoi elle aurait cette capacité avant l'arrivée des extraterrestres ou s'il s'agit simplement du montage). Il n'est en revanche pas certain que cela fonctionne du point vue de la physique car en finir avec la linéarité du temps pose des problèmes de causalité et crée des paradoxes qu'on retrouve avec des films sur le voyage dans le temps, tels les paradoxes du grand-père ou de l'écrivain. Il y a alors la création de boucles temporelles, et la manière dont Louise Blanks obtient le numéro de téléphone du Général de l'armée populaire de Chine ou sa révélation sur le langage universel peut constituer un paradoxe. Simplement ici, les informations proviennent de l'avenir et non du passé (il n'y a pas de voyage dans le temps à proprement parler mais des échanges d'informations entre différentes séquences du temps). Cela pose plus profondément la question du déterminisme car chose étonnante, bien que le film propose une vision du temps non linéaire, il reste guidé par une logique causale. D'ailleurs, il n'est pas évident de savoir si le film propose une vision de l'avenir figé ou non ? En effet, connaissant son avenir, Louise Blanks semblent l'accepter comme quelque chose d'inévitable, on serait donc dans une forme de fatalisme. Mais en même temps, voila peut être un autre paradoxe du scénario, les aliens interviennent sur Terre pour modifier leur avenir (ils auront besoin de l'humanité). Donc les aliens voient-ils l'avenir inaliénable ou, ce qui pourrait advenir ? Et s'ils voient l'avenir inaliénable, quelle est l'utilité puisqu'ils ne peuvent le changer ? Mais s'ils peuvent le changer alors il n'est plus inaliénable (alors pourquoi Louise fait-elle ce choix ?). Quoiqu'il en soit, la flèche à sens unique du temps, même avec la relativité générale, semble être une règle universelle et si remettre en cause cette donnée permet de produire un scénario génial, il semble que cela classe ce film plus dans la science-fiction en général que dans la hard science-fiction (qui relèverait du genre de la science possible). 

Réflexion sur une civilisation extraterrestre très avancée [spoilers]

Tout d'abord, le fait que les extraterrestres aient un design si particulier, traduisant leur développement dans un milieu liquide est génial car cela témoigne d'un effort pour penser l'altérité. De même pour leur langage qui révèle une pensée non linéaire; le design est superbe, également très travaillé, très pensé. Leur "écriture" est constituée de symboles n'ayant ni commencement ni fin symbolisant une idée complexe, dans quelque chose s'approchant de l'idéogramme. Leur langage n'a aucun rapport avec leur langue parlée, c'est dire le son produit. Tout cela a été très soigné par l'équipe. 
Ce qui est le plus important lorsqu'un scénario fait venir des extraterrestres sur Terre est la raison de leur venue. En effet, une des réponses au paradoxe de Fermi (voir sur wikipédia pour en savoir plus sur le paradoxe) est le fait que des Aliens beaucoup plus évolués, d'une part ne s'intéresseraient pas à des créatures primitives mais surtout d'une autre part, n'interviendraient pas sur les autres mondes car une civilisation très ancienne et donc sage, pacifique et désintéressée (une civilisation violente périclite), ne s'autoriserait pas à déranger les autres petites civilisations. Par ailleurs, on sait aujourd'hui que des voyages galactiques demandent une technologie terriblement avancée et donc que si une civilisation nous rendait visite, elle serait probablement sage (car très ancienne). Ainsi, que le film présente une civilisation pacifique voire pacifiste est tout à fait pertinent. Mais quelle est la raison de leur venue alors ? Dans cette perspective, l’arrivée d'extraterrestres sur Terre ne peut que être due qu'à une nécessité immédiate qui implique leur survie. C'est le cas ici, ce qui est encore une fois très bien trouvée. Ce qui est plus surprenant est la raison précise de leur venue, donner leur langage, permettant une nouvelle compréhension du monde physique pour que l'humanité puisse sauver ces aliens dans 3000 ans. Or, qu'est-ce qu'une civilisation si avancée, maîtrisant la gravité voire le temps sous certain aspect, peut attendre de l'humanité ? 
Les aliens bien que sages font par ailleurs des choix étranges. Ils semblent connaître l'humanité parce-qu'ils la savent divisée mais pas assez pour connaître ses tendances belliqueuses. L'arrivée de douze vaisseaux, porteurs chacun d'une partie du savoir est une belle idée. Cette tactique aurait pu se défendre si le but avait été que l'humanité déchiffre rapidement le message ; cela aurait favoriser différents types d'approches. Alors pourquoi envoyer 3 vaisseaux dans des pays anglo-saxons (USA, UK, Australie) alors qu'ils possèdent la même langue, donc le même système de pensée (théorie d'autant plus défendue dans le film) ? Toutefois, il n'est pas dit que cela soit la raison de cette stratégie, l'objectif semble être de favoriser l'union des peuples. Par ailleurs, si les aliens connaissent les différents ensembles humains, quelle drôle d'idée d'envoyer un vaisseau au Soudan (rappel, la charia est en partie appliquée et peu d'intellectuels et de scientifiques)... Bref, leur approche semble un peu improvisée. En vérité, ce film est plus une réflexion sur l'humanité que sur ce à quoi pourrait ressembler les aliens, car en pensant l'altérité, on est obligé de penser le soi. Autrement dit, les aliens sont-ils l'alibi pour penser l'Homme ?

En définitive, Premier Contact est un superbe film de science-fiction autant dans la forme que dans le fond, dont l'objectif premier est d'amener à la réflexion. Un film de science-fiction de première classe!




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dimanche 27 novembre 2016

Les Animaux Fantastiques


Synopsis :

Norbert Dragonneau débarque à New-York dans les années 20 avec une valise remplie d'animaux magiques. Ces animaux sont néanmoins prohibés aux Etats-Unis depuis peu de temps et Norbert ne tarde pas à rencontrer des agents du gouvernement magique...


Commentaire :

Le retour réussi dans l'univers des sorciers

David Yates réussit son retour dans l'univers de Harry Potter. La mise en scène fonctionnelle fait parfaitement le travail au service de la narration. La saga a toujours été plus portée par son univers que par sa mise en scène, si ce n'est l'épisode d'Alfonzo Cuaron, mais David Yates a l'avantage de totalement se mettre au service du récit pour produire une histoire fluide avec quelques scènes impressionnantes. Ainsi, les scènes d'action sont très bien gérées et originales. Ce n'était pas chose aisée car on avait déjà vu pléthore d’éléments provenant de cet univers, mais on découvre encore beaucoup, à commencer par les animaux fantastiques. L'univers américain est également tout nouveau et superbement restitué, y compris au niveau de l'esprit de l'époque; ainsi la prohibition des animaux magiques est à mettre en parallèle de la prohibition de l'alcool. Globalement, le film reste conventionnel dans sa construction mais est assez rythmé pour tenir en haleine, cela bien soutenu par la très bonne bande musicale de James Newton Howard. Notons seulement que la conclusion après le climax traîne un petit peu mais l'ensemble est de très bonne facture. Le casting cinq étoiles est excellent, tous les personnages principaux ayant une personnalité assez complexe à faire valoir. Cinq ans après le dernier film, il est agréable de replonger dans l'univers.

Le lien entre les sagas habilement traité 

Si David Yates permet un retour cohérent dans l'univers, il faut également souligner la présence de J.K Rowling au scénario. Elle arrive parfaitement à établir les liens entre les deux sagas, en laissant des traces et indices, en faisant des références sans que les deux sagas ne soient dépendantes. Avoir vu Harry Potter avant est fortement conseillé pour comprendre des liens logiques et les clins d’œil mais non indispensable. Au scénario, J.K Rowling prouve ici qu'elle est aussi talentueuse qu'en tant que romancière. 

Plus engagé que Harry Potter 

La saga Harry Potter était plutôt concentrée sur ses personnages et leur développement psychologique. Il y avait un certain traitement de la tolérance autour de l'intrigue des sangs purs mais cette thématique unique se prolongeait sur sept livres (huit films) et l'histoire portait avant tout sur l'adolescence magique des trois héros. Les Animaux Fantastique est plus engagé. La voix des animaux est défendue en tant qu'êtres mystérieux, intriguants mais peu dangereux. Pourtant accusés de tous les maux, ce sont pourtant eux qui sont la source des solutions alors que l'humain est finalement l'unique source des problèmes. Il apparaît peu évident que les animaux soient la métaphore d'humains, par exemple des migrants, comme il a pu être dit. Si un second niveau de lecture est possible, le premier niveau semble ici assez pertinent sans qu'il soit besoin d'extrapoler. En effet, les animaux (fantastiques) ont le droit d'avoir un film pour leurs causes sans être prétextes à un autre sujet. Par ailleurs, le héros, curieux et complètement dévoué à ses animaux, sachant exploiter leurs qualités tout en les protégeant, peut parfaitement représenter le nouveau héros moderne, intellectuel et compassionnel, avant d'être un super héros surpuissant.  

En définitive, Les Animaux Fantastiques réouvre parfaitement l'univers des sorciers pour nous présenter, peut-être, un des meilleurs films de l'univers. David Yates et J.K. Rowling ont parfaitement réussi leur pari. 


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mercredi 26 octobre 2016

Doctor Strange


Synopsis :

Stephen Strange est un célèbre neurochirurgien. Il est connu pour ne jamais rater une opération. Malheureusement, suite à un accident de voiture, il perd sa précision manuelle, le rendant incapable d'opérer. La médecine conventionnelle ne pouvant lui rendre la pleine possession de ses moyens, il se tourne en désespoir de cause vers les sciences occultes orientales...


Commentaire :

Techniquement abouti 

C'est peut-être le Marvel le plus impressionnant visuellement du fait de longues scènes prenant place dans des décors mouvants. Marvel offre souvent des lieux merveilleux et inédits mais ici, le cadre de l'histoire, réel ou hors du temps, est en constante modification à l'écran. Pour certaines scènes, cela ne va pas sans rappeler quelques plans d'Inception dans l'intention de rendre malléable un décor urbain mais de façon beaucoup plus poussée. La mise en scène est très visuelle et esthétiquement aboutie, il est en revanche difficile de savoir si elle est signifiante, autrement dit, de savoir s'il y a un travail sur le sens qui transparaîtrait dans l'organisation des éléments dans le cadre. Probablement que non, comme la plus part des grosses productions qui ont une mise en scène fonctionnelle. Toutefois, certains plans sont tellement peu communs qu'il est difficile de partir à la recherche du sens, l’œil étant attiré par le foisonnement visuel. Dans le monde miroir, il y a pour sûr un travail sur les formes géométriques, difficile de pouvoir en dire plus après un unique visionnage. La chorégraphie des combats est elle très maîtrisées et ces derniers sont bien filmés, laissant apparaître, sans coupure de plans, quelques Taos d'arts martiaux. Chose assez étrange pour un Marvel, la musique est plutôt transparente alors que c'est l'excellent Michael Giacchino à la baguette. La musique ne fait pas plus qu'accompagner l'action et le thème principal est peu marquant, peut-être parce-que l'image capte toute l'attention. 

Cumberbatch irréprochable mais seul

Benedict Cumberbatch est excellent notamment en neurochirurgien et la période de la vie du personnage pré-pouvoirs est très bien travaillée. Ses répliques humoristiques passent également plutôt bien dans un univers assez dramatique. Sur ce point, Marvel ne semble pas vouloir lâcher sa signature comique qui n'était toutefois pas indispensable, mais qui a le mérite de masquer des faiblesses, notamment émotionnelles. En effet, le personnage de Docteur Strange, bien que parfaitement interprété, est trop antipathique et froid pour permettre la projection du spectateur. Pourtant, Benedict Cumberbatch porte le film sur ses épaules car les autres personnages sont encore moins attachants mais eux par manque de développement. Ils sont tous monolithiques et purement fonctionnels (la copine, le maître, le disciple avancé, le méchant). Cela est surprenant alors que de très bons acteurs sont présents (Chiwetel Ejiofor, Tilda Swinton, Rachel McAdams et Mads Mikkelsen le plus intéressant ici) et que les personnages de la diégèse ont des backgrounds potentiellement exploitables. 

Un bon scénario mais manque de sens

De manière générale, le film de presque 2h est plutôt bien équilibré et bien ficelé. Les enjeux de chaque étape de l'histoire sont clairs et cohérents. Il manque néanmoins quelque chose à ce film. En effet, alors qu'il y a déjà un déficit émotionnel, il existe également un déficit de sens car l'enjeu du film ne semble pas dépasser son cadre propre. Autrement dit, il n'y a aucun message adressé au spectateur qu'il soit politique, social ou philosophique, alors que certains Marvel tentaient avec plus ou moins de succès le coup comme Iron Man 1, Avengers L'âge d'Ulton, Captain America le Soldat de l'hiver, Captain America Civil War. Tout au plus, on observe un personnage égoïste devenir altruiste par la force des choses. Ce qui est très classique et convenu. Malgré toute l'ambiance mystique orientale, il n'y a pas de réflexion explicite sur la sagesse. On voit le personnage accumuler des connaissances mais pas véritablement réfléchir au monde. A ce titre, la scène dans laquelle Docteur Strange parvient à ouvrir son esprit est une ellipse (la scène sur l'Everest) : la question de la sagesse est éludée. Toutefois, le film semble donner une piste de réflexion en questionnant l'utilité des règles (en l’occurrence les règles des sorciers). Prudence, nous faisons peut être une extrapolation. Pour le film, la sagesse serait la capacité à respecter les règles tout en sachant quand il est nécessaire d'y déroger dans la volonté de faire ce qui est juste. Ainsi l'Ancien et Doctor Strange auraient une forme de sagesse par leur flexibilité vis à vis des règles tout en n'y renonçant pas complètement, à l'inverse, Mordo trop à cheval sur les règles et Kaecilius ne les respectant pas du tout, symboliseraient la rigidité et le chaos.
Une autre interrogation concerne la logique de la désignation du Docteur Strange comme élu, car il n'a aucune qualité morale ou éthique au départ. Alors pourquoi le choisir ? Pourquoi vouloir donner du pouvoir à un tel être ? Faire cela par pure charité est irresponsable. Si c'est une qualité naturelle bien que cela ne soit pas clairement dit (c'est à dire une qualité biologique ou génétique), le message est un peu dérangeant. Ou le message serait-il que chacun a le droit à une seconde chance ? Cela semble toutefois faire beaucoup de questions pour un film qui ne veut sûrement pas aller aussi loin. Là est peut-être le problème.


En définitive, Doctor Strange est un film Marvel réussi, assez impressionnant et original visuellement mais qui manque un peu de profondeur émotionnelle et de sens - de questionnements. En trois mots, un divertissement Marvel. 




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vendredi 26 août 2016

Dans Le Noir


Synopsis :

Martin n'arrive plus à dormir le soir, en effet, sa mère en dépression semble discuter toute seule la nuit. La grande sœur de Martin, Rebecca, qui a quitté la maison depuis des années prend connaissance des ennuis de Martin et décide de le prendre chez elle... 


Commentaire :

Une mise en scène aboutie

James Wan n'est pas à la caméra, seulement à la production. C'est David F. Sandberg, auteur du très court-métrage sorti sur Youtube Lights out,  qui a eu le droit d'adapter son travail au cinéma. La trace de Wan est tout de même visible avec l'idée de faire rentrer le spectateur directement dans l'ambiance sordide, même avant l'apparition du titre. On retrouve également l'âme de James Wan dans le dévoilement très rapide de la créature, bien qu'elle ne soit pas très visible. A regret, le jeu sur le hors-champ est alors plutôt pauvre pour un film d'horreur puisque la créature est dans le champ. Néanmoins, la mise en scène est tout de même excellente car si celle-ci ne joue pas avec le hors-champ, elle joue dans le champ avec la lumière. Et qui dit lumière dit ombre, l'un ne va pas sans l'autre, ce qui fait que le danger plane continuellement. Un gros travail est en effet réalisé autour du clair-obscur et la disposition des personnages dans le cadre par rapport à la lumière est riche de sens. C'est le côté jouissif du film d'horreur qui a nécessairement une mise en scène symbolique, qui doit être plus que fonctionnelle pour apporter le malaise. Le malaise est également entretenu par le design de l'esprit frappeur, c'est à dire la forme désarticulée du fantôme. Le film est parcouru de screamers (Jump Scares) bien placés arrivant aux moments fatidiques ; ce qui distingue cette réalisation d'une de James Wan qui fait tomber les screamers à contretemps. Quant au rythme du film, il est également très bon, insérant juste ce qu'il faut de temps faibles (autrement dit de temps sans angoisse) pour travailler les personnages et les rendre attachant. La relation entre Rebecca et Brett est à ce titre très bien gérée. 

Thème : aller au devant des peurs

Thématiquement, ce film d'horreur est classique. Chose assez intéressante, le film est débarrassé du carcan religieux car souvent le surnaturel du genre d'épouvante est lié aux mythes du monothéisme. Il y a effectivement un fantôme mais n'appartenant à aucun dogme. Avant tout, le film joue énormément avec les psychoses liées aux aléas de la vie ainsi que cette peur primaire qu'est le noir. La diégèse intègre effectivement le surnaturel mais sans ambiguïté, ce qui fait que le film abandonne dès le début le genre du fantastique pour prendre le chemin du merveilleux. La thèse rationnelle de la psychose de la mère liée à sa dépression est ainsi vite évacuée. En conséquence, il n'y a aucun message ici relevant du prosélytisme, ou pour le moins de la défense de la foi et de la croyance face à la raison. L'unique message du film concerne la confrontation de ses peurs. L'utilisation du noir comme symbole de la peur est pertinente car le noir n'a pas de visage, il peut représenter toutes les peurs. Les héros du film vont finir par se confronter au noir aider de la lumière, idée de l'introspection qui invite à éclaircir les zones d'ombre de notre existence. 

En définitive, Dans Le Noir est un film d'épouvante réussi, doté d'une mise en scène intelligente.



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mercredi 24 août 2016

Star Trek Sans Limites


Synopsis :

L'USS Enterprise est parti pour une mission de cinq ans aux confins de l'univers afin de nouer des alliances diplomatiques. L'équipage fait escale sur la grande station de Yorktown de la Fédération lorsqu'un vaisseau inconnu avance dans leur direction. Une survivante d'une expédition scientifique demande de l'aide auprès de Starfleet pour que l'organisation aille secourir son équipage en perdition dans une nébuleuse proche mais inconnue...


Commentaire :

Une réalisation et un scénario soignés mais déjà-vus 

Justin Lin est arrivé sur le projet avec la gloire de Fast And Furious, ce qui laissait craindre pour les amateurs de la franchise que le film se noie dans son action. Force est de constater que le réalisateur a effectué un bon travail avec un film moins mouvementé que le précédent malgré certaines scènes d'action un peu longues (les combats à mains nues ou à blaster). Globalement, le film est bien rythmé et est assez agréable à regarder. Son point fort se situe notamment dans la toute première partie avec une mise en scène intéressante dédiée à la lassitude (gros plans sur des objets du quotidien, légers ralentissements). La mise en scène de Justin Lin est également réussie lors de la présentation de la station gigantesque de Yorktown qu'il traite à la manière d'une grande ville lors de sa scène d'exposition. Les scènes d'action dans l'espace sont très réussies mais il aurait été plaisant que Justin Lin n'est pas peur de se lâcher notamment sur la scène finale plutôt courte avec la musique intra-diégétique. En revanche, les scènes de combats à taille humaine sont un peu plus brouillons provoquant une sensation de perte de repère. D'ailleurs, Justin Lin signe sa présence avec une scène d'action présentant une moto! - difficile de savoir si l'idée est bonne - Toutefois, il faut souligner que la mise en scène reste de bonne facture sur l'ensemble du film, parfois au-delà de l'aspect fonctionnelle comme mentionné plus haut pour le début du film. Le scénario est un peu à l'image de la mise en scène. Il est bien ficelé si bien que rien n'arrive à l'écran sans être préparé avant au moins par un plan, presque à la manière d'un Nolan. Par les temps qui courent, cela est assez agréable de voir de la rigueur dans le scénario. Le seul problème est que contrairement à un scénario de Nolan, celui-ci n'est guère original. Il délivre simplement une histoire qui tient la route. Pour finir ici, notons un bon point positif du film avec la musique de l'excellent Michael Giacchino qui confirme être un des rares compositeurs à pouvoir prendre la relève de John Williams à Hollywood. 

Thématiques : des personnages en questionnement 

Le film aborde des thématiques intéressantes tout à fait en cohérence avec l'univers Star Trek. Si le film ne les utilise que pour la fonctionnalité de son scénario, elles ont le mérite d'être pertinentes. La première concerne le nihilisme qui s'empare de l'équipage au tout début du film. James T. Kirk devient alors un personnage intéressant car il questionne le pourquoi de son action. La sensation d'appartenir à un univers presque infini pose la question de l'utilité de son exploration : une tâche sans fin ? La vie n'ayant pas de but en soi, le capitaine fixe lui même un but à sa vie : la découverte et l'altruisme.  En ce sens, le film retrouve l'essence de la saga d'origine, fondée sur l'idée d'exploration, bien que paradoxalement il n'y ait pas tant d'exploration ici. Ainsi, ce n'est pas un film d'exploration mais sur le pourquoi de l'exploration, ce qui est plus fort dans un sens. James Kirk finit par retrouver le goût de l'espace car il prend conscience que la vie n'a pas plus de goût ailleurs. Autant rester avec ses amis à la découverte de l'univers.
L'autre thème central est une question de civilisation. James Kirk est confronté à un adversaire qui ne questionne pas la personne de Kirk mais la raison d'existence de son organisation politique. La Fédération pour laquelle travaille James Kirk a apporté la paix. Néanmoins, le "méchant" Krall défend une vision darwinienne de la vie, c'est à dire un temps de la guerre dans laquelle les plus forts émergent. Il prône ainsi le droit du plus fort comme nécessité pour l'humanité. Le personnage de Krall interroge également le retour de soldats dans la vie civile : héros de guerre, anonyme dans la paix. La vision de Krall qui fait fi de Droit et de Justice n'est bien évidemment pas défendable mais ce personnage a le mérite de questionner la Fédération, métaphore de la civilisation occidentale et de souligner ce progrès indéniable qu'est l'Etat de droit permettant la paix.  

En définitive, Star Trek Sans Limite est un bon film de science-fiction qui sans être particulièrement original a le mérite d'être bien fait.


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vendredi 5 août 2016

Suicide Squad


Synopsis :

Après la mort de Superman, la question des métahumains est un sujet central pour la sécurité intérieure. Et si un Superman méchant apparaissait ? Amanda Waller a l'idée de constituer une équipe composée de prisonniers aux capacités extraordinaires dont la mort ne serait pas regrettable ; la Suicide Squad.


Commentaire :

Facile mais efficace 

Le montage final ne laisse que peu apparaître la complexité de la mise en scène, notons simplement la scène du Joker et de Harley Quinn dans une cuve où un travail particulier semble avoir été fait sur les couleurs et le symbolisme. Le reste est purement fonctionnel avec un soin esthétique pour les scènes d'action. Les personnages de l'équipe auraient mérité, au moins certains, un peu plus d'attention car hormis Deadshot et la superbe Harley Quinn, les autres restent très basiques. Soulignons toutefois, la réussite du travail fait sur El Diablo qui avec peu de temps d'écran arrive à devenir un personnage fort. L'équipe en elle-même aurait nécessité un peu plus d'attention car on ne comprend pas bien la force du lien qui les unit à la fin (El Diablo parle "de famille"). Le Joker qui est lui extérieur à la Suicide Squad n'est pas particulièrement réussi malgré l'investissement de Jared Leto. Sa performance est très bonne mais le personnage n'est pas intéressant en gangster, certes dérangé mais plus mafieux qu'autre chose. On est à des années lumières du personnage nihiliste de Nolan dont la seule raison de vivre était Batman. Toutefois, la mécanique fonctionne et on se prend à l'histoire bien qu'elle soit elle aussi peu complexe. Le film est distrayant et use de la facilité en utilisant des musiques bien connues qui redonnent à chaque fois un nouveau souffle aux scènes. Toutefois, la bande originale n'est pas en reste car lorsque la vedette ne lui est pas volée, les compositions de Steven Price apparaissent très bonnes.

Thématiques : juste du fun ?

Difficile de savoir si le film n'a d'autres ambitions que de divertir. Néanmoins, contrairement aux derniers films de super-héros, le film ne semblait pas promettre plus qu'un bon moment. Le début n'est toutefois pas inintéressant avec une réflexion sur les métahumains. Superman avait plus que des compétences incroyables, il avait une éthique. Capable d'agir en despote éclairé par delà les lois, il est un surhomme au sens philosophique dont le seul objectif est la justice. Ce n'est pas le cas des autres métahumains a propos desquels Amanda Waller prononcera la phrase la plus profonde du film ; "le problème des métahumains est leur côté humain". Ce qui ouvre un questionnement sur l'être humain. Hormis cette réflexion qui reste en surface, il n'est pas aisé de savoir si le film délivre un message. Certes le scénario fait comprendre que les organismes secrets jouant avec le feu provoquent eux-mêmes le chaos. Mais Amanda Waller ne semble pas se remettre en cause à la fin. Peut être ne faut-il pas chercher un sens politique ici, après tout, on n'est pas chez Nolan.

En définitive, Suicide Squad délivre ce qu'il a promis, de l'action avec un peu d'humour pour tenter d'accrocher le succès de Marvel. Divertissant.



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jeudi 21 juillet 2016

Tarzan


Synopsis :

John Clayton était autrefois Tarzan. Il est aujourd'hui un membre respecté de l'aristocratie anglaise comme l'étaient ses aïeux. La légende John Clayton est toutefois rappelée au Congo Belge par le biais d'une invitation du Roi belge Léopold II...


Commentaire :

Une immersion réussie

David Yates sait raconter des histoires et nous immerger dans des mondes merveilleux. Il réussit à nous amener dans cette suite de Tarzan. Il s'agit en effet d'une suite de l'histoire bien connue de Tarzan, celle-ci étant sensée avoir déjà été assez traitée par le cinéma ; ce qui permettait en même temps de postuler que le spectateur n'aurait pas besoin d'un film sur l'histoire classique avec la même équipe. Pour le cas contraire, le film propose des flashback qui permettent en plus d'apporter des informations primordiales pour le film. La mise en scène est très réussie dans la mise en avant de l'environnement avec de grands plans d'ensemble et de demi-ensemble d'une Afrique légendaire. Les paysages, numériques, sont magnifiques. Les scènes d'actions, que cela soit les combats ou les traversées de la jungle sont aussi superbes. Concernant les animaux, ils sont réussis mais peut-être un peu poil en dessous de ceux du superbe Livre de la Jungle de 2016 de Disney. Un énorme plus est à attribuer à la bande musicale de Rupert Gregson-Williams qui apporte le côté épique à l'oeuvre et lui donne ainsi une nouvelle dimension. 

Un casting qui remplit son contrat

Alexander Skargard ne peut transcender son personnage car trop monolithique en tant que super-homme virile. Mais son charisme et son impressionnante stature en font un Tarzan tout de même réussi. Samuel L.Jackson fait du Samuel L.Jackson et Christoph Waltz fait du Christoph Waltz ce qui n'est pas hors de propos ici mais qui diminue l'idée de leur performance. Soit dit en passant, Samuel L.Jackson arrive à donner de l'énergie à un film qui serait sinon un peu terne du fait de personnages fonctions. La superbe performance du film vient de la jolie Margo Robbie qui donne une réelle force à Jane, dotée d'une volonté à toute épreuve. Elle est certainement celle qui incarne le mieux son personnage.

Quelques problèmes sur le fond

Le principal problème du film est qu'il n'a pas su faire le choix de son genre. Le film démarre avec une approche réaliste, ancré géographiquement, ancré historiquement. Toutefois, le film bascule progressivement dans une fable merveilleuse ponctuée par un Deus Ex Machina. La première approche rend la deuxième partie du film plus difficilement acceptable. Un film n'est pas nécessairement obligé d'être réaliste, c'est d'ailleurs peut être mieux s'il ne l'est pas mais il doit rester crédible, avoir une cohérence interne. Par ailleurs, la fable a pour but de dénoncer des réalités de notre monde mais en créant un décalage. Traiter directement de l'esclavage au Congo dans une fable fait perdre au sujet sa puissance. Le message du film est consensuel et beau mais peu travaillé sur le fond. L'objectif du film est clairement et seulement de raconter une belle histoire. Cette dernière s'en retrouve un peu vide de sens. En effet, l'action constante, notamment vers la fin empêche de traiter d'autres sujets particulièrement intéressants ici comme la relation nature / culture, Homme / animal, le droit du plus fort, et tout ce qui tourne autour de l'enfant sauvage. Le film semble proposer un retour à l'état de nature comme idéal qui est certes mieux que certaines situations amenées par la modernité mais n'entraîne pas une réflexion vers le dépassement de l'Homme. On comprend alors que le thème de l'esclavage ne pouvait être qu'un plus ici, s'il était bien amené dans cet univers, car il y avait avant cela beaucoup à dire. Dommage. 

En définitive, ce nouveau Tarzan est bon film de divertissement immersif mais qui reste assez superficiel sur le fond. 


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mercredi 13 juillet 2016

The Conjuring 2 : Le cas Enfield


Synopsis :

Les époux Warren viennent de sortir de l'affaire Amityville qui les a fortement affectés. Malheureusement, ils doivent remettre le pied à l'étrier pour aider une famille tourmentée par un esprit dans le nord de Londres...


Commentaire :

James Wan, toujours maître du genre

James Wan reste le maître de l'horreur. Qui connaît son oeuvre sait qu'il va trembler pendant tout le film et cela ne manque pas. Les premières minutes saisissent le spectateur à la gorge et ne le lâchent que pour de courts instants. Le film se différencie ainsi de beaucoup d'autres productions d'épouvante qui aiment faire monter la pression progressivement. Pour ce qui est de la mise en scène, le réalisateur opte ici pour une caméra volatile qui peut suivre les personnages et passer à travers les vitres. La première séquence d'exposition de la maison avec la famille est un plan-séquence très bien mené. On se demande si le spectateur n'a pas la caméra subjective du démon. Pour amener la peur, James Wan a recours à ses procédés habituels avec des sursauts en contre-temps mais varie les mouvements de caméra; ce qui fait que le réalisateur ne se répète pas entre ses différentes réalisations. Mieux, il innove cette fois car en plus de jouer avec le hors-champ, le réalisateur joue avec le champ car le danger s'y trouve parfois déjà sans qu'il soit visible, en jouant sur les ombres ou la mise au point. Ainsi James Wan ne révolutionne pas son art mais continue de embellir avec brio.

Le choix du réalisme

Certes, il s'agit d'un film merveilleux, le surnaturel ne fait pas de doute au regard de l'histoire et de la saga. Toutefois, James Wan opte pour de nombreuses options réalistes afin de faire adhérer le spectateur à son histoire. Tout d'abord, il est précisé qu'il s'agit d'une histoire "vraie", issue des dossiers Warren. Il s'agit en plus du cas le mieux documenté. En outre, la reconstitution de la Grande-Bretagne des années 70 est fidèle, tant au nouveau de l'ambiance grâce à l'aide de musiques d'époque que du décor, historiquement très fidèle. A cela, il faut ajouter la présence de contradicteurs, faisant valoir la méthode scientifique. Il ne s'agit pas tant de remettre en cause l'esprit critique que d'ancrer l'histoire dans le réel et de montrer qu'à l'époque des gens naturellement demandaient des preuves avant de prendre pour vrai quelque chose, comme c'est le cas depuis l'époque moderne.

Thèmes : la famille fait la force

Le grand thème et message du film est celui de la confiance. Confiance dans sa famille, confiance dans les propos de la petite fille tourmentée. L'idée de solidarité familiale pour faire face aux adversités est importante. Les Warren vont également devoir faire confiance. Ils cherchent au départ des preuves mais ce film s'inscrivant dans un mythe religieux biblique, c'est avant tout leur acte de foi qui est déterminant. Le côté religieux est, peut-être, un peu trop poussé car en voulant donner un côté non pas simplement crédible mais réel, le film promeut d'une certaine manière la religion et le fait d'agir sur un simple acte de foi au détriment des preuves. Les Warren agissent finalement par amour, l'amour chrétien qui a pour caractéristique d'être inconditionnel et donc non raisonné.

En définitive, James Wan montre qu'il est toujours aussi habile avec le genre de l'épouvante et continue de nous faire trembler.



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mardi 12 juillet 2016

The Strangers


Synopsis :

Dans un village de montagne en Corée, une série de meurtres effraie la population. Cette dernière pense que des forces surnaturelles sont à l'oeuvre. Le policier Jong-Goo enquête sur cette affaire et se met à croire de plus en plus aux rumeurs...


Commentaire :

La mise en scène, seule rescapée

Le film de Na Hong-Jin satisfera sûrement sur un point et non le moindre; sa mise en scène est terriblement réussie. Saluons tout d'abord la photographie, optant pour un choix réaliste et sombre, rendant magnifiquement bien dans ce cadre montagneux et forestier. La caméra "suiveuse", des petits plan-séquences diront nous, est aussi intéressante, évitant les coupes et participant l'immersion, parfois à la manière d'un jeu vidéo à la troisième personne. Le mixage sonore est de très bonne facture et permet au spectateur de se projeter au sein du village coréen. Le film arrive à transmettre une sensation de mystère en donnant peu de clefs de l'intrigue, à défaut de transmettre une sensation d'angoisse, ou de peur, car jouant peu sur le hors-champ. La narration respire, du fait des plans larges, de demi-ensembles, et d'un rythme qui permet le travail des personnages. Point très positif, la forme ne sauve tout de même pas le fond.

Scénario et thématiques; un véritable naufrage [Spoilers]

Malheureusement, que cela soit le scénario ou les sujets abordés, le film ne tient pas la route. Si le film avait eu un bon scénario, cela aurait pu faire passer outre un message ambigu du film et inversement un message juste aurait pu faire avaler un scénario bancal. Ce n'est pas le cas. Le film tient les 20 premières minutes. Le principal problème est le personnage principal, d'une passivité terrible, peureux, incapable d'expliquer aux autres personnages ce qui se passe, toujours en train de subir les événements. Il est remis en place par sa propre petite fille. Néanmoins, la couleur est vite donnée lorsqu'au début du film, il cède déjà face à sa mère. Cette passivité est d'autant plus agaçante qu'il est policier, un enquêteur critique, n'utilisant jamais l'arsenal de possibilités qu'il a disposition. Un tel personnage défiant tout sens logique peut faire sortir le spectateur du film. Le scénario continue de se déliter lorsque ce personnage commence à commettre des actes illégaux, en dépit de sa fonction. Cette histoire aurait été un peu plus acceptable, si le personnage n'avait pas été un policier mais un simple individu un peu perdu. Le scénario se prolonge ainsi inlassablement jusqu'à un final pour le coup plutôt intéressant mais qui ne peut faire oublier le trame narrative passée. Nous ne parlons pas ici des personnages dont on ne comprend pas bien le rôle ni, leur nature... (la jeune fille vêtue de blanc).
Par ailleurs, les messages du film finissent de l'enterrer. Le méchant, ou littéralement le diable, est l'étranger. C'est en effet un vieux japonais qui est accusé de tous les maux. Pendant un temps, il est envisageable que les villageois, emportés par une forme de populisme, font fausse route. Malheureusement non, l'étranger est bien l'ennemi et la solution proposée par les personnages est soit de le tuer, soit de l'expulser. Il n'est jamais question de l'arrêter et de le mettre devant la justice. Lorsqu'on connaît les relations entre la Corée du Sud et le Japon, force est de constater que ce choix scénaristique semble porter une rancœur nationaliste. Le film ne s'arrête pas à ce message puisqu'il choisit de traiter du thème de la religion et de la croyance. Dans la diégèse, le paranormal existe et il n'y a pas de problème à cela. Le problème est que le film n'est pas merveilleux au départ, il est du genre fantastique et laisse le doute. Les protagonistes abandonnent vite la raison et se tournent vers les rumeurs et croyances; et l'histoire leur donne raison. De plus, les rites traditionnels brutaux, qui violentent les gens (ceux sensés être possédés) et qui sacrifient les animaux à tour de bras ne sont jamais remis en cause. Ils s'en retrouvent même légitimés ici. Seule chose amusante, cette histoire en Corée nous permet de voir un syncrétisme des croyances, chrétiennes et locales. Dans cet univers non rationnel et de croyances, la pensée critique est donc désavouée. Le seul personnage qui aura des paroles sensées est un Père chrétien. Un religieux sera donc le porteur de l'esprit critique et de la raison... Le scénario viendra, qui plus est, donner au tord à ce personnage, ayant les paroles les plus sages.
Ainsi, au-delà de l'aventure peu crédible, que veut nous dire le film ? Si l'on suit sa logique, les personnages auraient dû donc suivre leur instinct et leur croyances, sans preuve, et aller massacrer l'étranger (ce qu'ils vont tenter de faire). 

En définitive, The Strangers est esthétiquement intéressant mais son scénario et ses messages sont très critiquables. Un film narratif doit être autre chose qu'un simple exercice de style. 


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jeudi 30 juin 2016

Ninja Turtle 2



Synopsis :

Shredder, l'ennemi de la ville de New York, est transféré dans une nouvelle prison. Bien que les Tortues veillent aux grains, le grand méchant prévoit de profiter du transfert pour s'échapper...


Commentaire :

Rythme effréné 


Ninja Turtle 2 est doté d'une mise en scène dynamique, au montage très rapide qui ne va pas sans rappeler la patte de son producteur Michael Bay. L'influence du producteur se retrouve par exemple également dans les réactions des personnages extérieurs à l'action, filmés pour mettre en avant les événements. Dommage néanmoins que le savant équilibre du hyper-énergique Michael Bay ne se retrouve pas ici. En effet, le film ne laisse pas respirer. Le métrage est dénué de temps faibles ce qui a pour effet de ne pas mettre en avant les moments importants, de même qu'il n'y a pas de temps pour travailler les personnages.

Sur un mode cartoon

Le film ressemble finalement au fameux dessin animé des années 90, avec des personnages caricaturaux, un scénario très basique et qui fait fi de toute logique réaliste (logique des cartoons) pendant presque 2h. Le film s'adresse donc majoritairement aux enfants passionnés du dessin animé. L'humour totalement débridé et constant en témoigne. Il est d'ailleurs surprenant que le film soit tourné en images réelles puisque le réalisme, ou ne serait-ce que la crédibilité, n'est jamais recherchée : l'important est l'action et l'humour. Un des exemples de la superficialité du film est le jargon scientifique digne des anciens dessins animées pour jeunes adolescents. Ce rapport aux comics et dessins animés est confirmé par le fait que le film présente des personnages cultes des productions des années 90 : Krang avec le technodrome et les deux acolytes de Shredder, Rocksteady et Bibop. La référence va jusqu'à reprendre le fameux générique du dessin animé pour générique de fin. Cette initiative est honorable mais le matériau brute (la série de dessins animés produit à la chaîne) n'a pas subi le processus d'adaptation nécessaire pour produire un bon film de cinéma. Peut-être que seuls les enfants étaient visés par la production, ce qui au passage, ne préserve pas de produire un long métrage de bonne facture.

La petite morale

Destiné aux enfants, Ninja Turtle 2 a l'avantage de proposer un petit message à ces derniers: acceptez vous comme vous êtes. Il ne s'agit pas de ne pas changer mais si on choisit de le faire, il faut le faire pour soi et non en fonction du regard des autres. Une certaine leçon de tolérance.


En définitive, Ninja Turtle 2, en voulant coller au dessin animé du milieu des années 90, se retrouve être un film de presque 2h où les personnages et le scénario ne valent pas plus que ceux du dessin animé. Le film ne satisfera surement que les enfants, sachant que le choix d'images réelles rend le tout plus violent malgré une diégèse cartoonesque. 



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Dans les forêts de Siberie


Synopsis :

Teddy arrive en Sibérie afin de se couper d'un monde qui l'étouffe. Il achète une cabane isolée près du lac Baïkal. Néanmoins, les habitants de la ville la plus proche, à plusieurs jours de marche, lui disent qu'un fugitif russe à longtemps vécu dans les environs...


Commentaire : [Spoilers]

L'Humain et la nature

Dans les forêts de Sibérie propose une mise en scène autant au service de l'environnement grandiose, par des variations fréquentes de valeurs de plan et des angles de caméra pour ancrer l'histoire dans des paysages magnifiques, que de l'humain, par le cadrage souvent en gros plan de Teddy, en quête de la découverte de son for intérieur. Si la première partie du film laisse présager un film avant tout sur la nature, plutôt contemplatif et écologique, ce dernier prend par la suite un autre chemin. Le format du cadre n'est effectivement pas si large que ce à quoi on pourrait s'attendre compte tenu du sujet ; on comprend que l'humain reviendra au centre du cadre, donc de l'intrigue. Il semble alors que la première partie soit plus dans l'esprit de l'ouvrage de Sylvain Tesson et que la seconde partie laisse le réalisateur Safy Nebbou rendre hommage au chef d'oeuvre de Kurosawa, le bouleversant Dersu Uzula. Le rôle du fugitif russe Aleksei dans son rapport avec Teddy, parachevé par la scène d'adieu, reprise de la scène de séparation du film de Kurosawa donne une réelle force en terme d'émotion. Si le spectateur a connaissance du chef d'oeuvre de Kurosawa, le film profite de la puissance de cette dernière.
Les deux acteurs principaux, Raphaël Personnaz, Evgueni Sidikhine, délivrent une prestation très juste, particulièrement touchante en fin de film. L'émotion est également appuyée par la musique d'Ibrahim Maalouf, remarquable.

La philosophie du contentement 

Le film n'est pas moralisateur mais délivre une philosophie de la sobriété. Les nouveaux riches sont mis en regard avec le vieux russe qui prélève juste ce dont il a besoin dans la forêt. Ils sont aussi à mettre en regard avec le Français, personnage principal, renaissant sur ces terres isolées. En fait, il est fait l'éloge de l'homme nature, humble animal parmi les autres. Il s'agit d'un homme simple, dont la culture s'inscrit dans les cycles naturels. Il n'est pas réellement question d'un dépassement de sa condition d'Homme mais d'un retour à l'essentiel qui lui permet de retrouver sa liberté de l'état de nature. Néanmoins, si l'ermitage et cette aventure permettent au héros de travailler sa spiritualité intérieure, le vieux russe lui dit dans toute sa sagesse que le héros peut être également libre dans sa société d'origine s'il ose y faire face. Ainsi, le héros, changé par cette expérience, finit par retourner en France. 

En définitive, Dans les forêts de Sibérie est une magnifique aventure, questionnant le sens de la liberté, faisant écho au chef d'oeuvre Dersu Uzula d'Akira Kurosawa.


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mardi 28 juin 2016

The Witch


Synopsis :

En Nouvelle-Angleterre, une famille expulsée de la colonie essaye d'établir sa ferme à la lisière d'une forêt. Si le travail de la famille semble payer au début, une série de malheurs vient remettre en cause leur installation...


Commentaire : (vu en vo)

Ambiance horrifique

The Witch est une véritable réussite artistique. La mise en scène provoque rapidement un malaise, grâce à un énorme travail sur le hors champ. La caméra se concentre sur les expressions faciales des personnages et laisse travailler l'imaginaire du spectateur. L'image est volontairement terne et sombre et la seule lumière sert à allonger les ombres. Associées aux angles de caméra, les différentes formes filmées, que cela soit des objets ou des visages sont dérangeantes. Voici un film à ambiance, sans jump scare, qui se concentre avant tout sur le malaise. Cela est complété par une magnifique bande sonore aux notes dissonantes qui amène l'angoisse dès les premières minutes . Le travail réalisé sur le son, notamment sur les respirations et divers grincements, est remarquable. Pour compléter ce tableau très positif, il faut souligner la grande performance des quatre acteurs principaux  (Anya Taylor-Joy : Thomasin, Ralph Ineson : William, Kate Dickie : Katherine, Harvey Scrimshaw : Caleb) avec une mention spécial pour les performances masculines remarquables. 

Critique nulle 

S'il est clair que le film souhaite au départ critiquer le fondamentalisme religieux et ses conséquences sur les individus et plus particulièrement sur les femmes, le message disparaît englouti par la diégèse. En effet, étant donné que le fantastique se confirme (en conséquence, on est dans le genre du merveilleux), le refuge dans les enseignements de Dieu semble pertinent puisqu'il est sensé exister dans cette diégèse. Bien que le film critique le statut de la femme dans une société religieuse et le tabou autour de sa dimension charnelle (la jeune adolescente est en effet accusée), le film ne peut aller au bout de sa critique car il ne remet pas en cause l'origine du statut de la femme à l'époque, c'est à dire la religion. De ce fait, la critique n'est que superficielle ou pour le moins, non explicative. 

En définitive, The Witch est un film à ambiance artistiquement irréprochable qui devrait satisfaire tout cinéphile. Petit bémol, la critique que souhaitait faire le réalisateur Robert Eggers sur la place de la femme dans ces sociétés religieuses est superficielle.


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lundi 6 juin 2016

Alice de l'autre côté du mirroir


Synopsis :

Désormais capitaine, Alice navigue à travers les mers avec brio. Néanmoins, le nouveau directeur de la compagnie Lord Hamish refuse que la jeune femme continue son activité car il est impensable qu'une femme soit capitaine. Heureusement, l'impensable n'est pas ce qui peut arrêter Alice...


Commentaire :

Mise en scène fonctionnelle pour filmer l'extraordinaire

Ce nouvel épisode d'Alice au pays des Merveilles, faisant suite au film de Tim Burton de 2010 est plutôt impressionnant techniquement. Le monde réel et numérique sont unis pour donner cette diégèse convaincante. Nous avons l'impression parfois d'être dans un film d'animation, sans que cela ne pose de problème d'ailleurs. Le monde merveilleux retrouve des couleurs et quitte l'univers torturé de Tim Burton. Le monde, de l'autre côté du miroir, est créatif et très bien travaillé (structures, environnements, personnages annexes). Il reste cependant que la mise en scène est assez basique, fonctionnelle narrativement sans qu'aucun plan ne marque particulièrement. La diégèse est néanmoins superbe. En somme, le travail est bien exécuté, mais sans audace. Le casting, avec notamment Johnny Depp et Mia Wasikowska, participe à cette réussite. A noter qu'il y a beaucoup de jeux de mots qui sonnent très biens en version originale et qu'il est assez réjouissant d'écouter des dialogues dont la sonorité a été travaillée. Cette oeuvre, ainsi plutôt réussie, est toujours emportée par la belle musique de Danny Elfman qui reprend ses thèmes du premier film. 

Un conte bien compris 

Cette suite est une histoire originale bien que le titre ait été repris d'un livre de Lewis Carroll. Les scénaristes ont parfaitement compris la fonction du conte et travaillé thématiquement l'histoire. L'aventure dans le monde merveilleux permet de tirer une leçon pour le monde réel. Il existe un grand thème central, le temps, autour duquel d'autres thèmes plus secondaires vont s'accoler ; comme la famille et la liberté (plus exactement le non-conformisme). Le temps, élément central, est tellement important qu'il est incarné par un personnage, idée originale et audacieuse à saluer. Le film s'attaque en outre au scénario fondé sur le voyage dans le temps et peut-être pour la première fois, évite les paradoxes récurrents des scénarios fondés sur ce principe (paradoxe du grand-père, paradoxe de l'écrivain). La grande morale du film est d'ailleurs qu'on ne peut changer le passé, mais qu'on peut apprendre de lui. Le scénario écrit autour de ce concept est une réussite et le message est très clair. Paradoxalement, c'est le message qui est le moins utile à Alice dans son monde réel, cette dernière n'ayant pas fait d'erreur majeure jusqu'ici. Un des thèmes secondaires est la famille, qui est central dans l'histoire de Chapelier et moteur pour l'intrigue du film. La morale est simple : nous n'avons qu'une famille et il faut en profiter. Alice en tire une leçon pour sa réalité. Enfin, le dernier message est le même que le message central du premier film mais en plus marqué : il s'agit de ses libres choix dans une société normée. Pour une fille comme Alice, beaucoup de projets ou d'attitudes lui sont interdites - on lui dit que c'est impossible pour elle -. Or Alice a pour principe de croire que l'impossible est possible. La morale qu'en tire Alice est qu'il est possible d'aller contre les normes. Néanmoins, le message comme il est exposé reste un peu flou car il prône également la croyance dans le fait que rien n'est impossible au delà du sage principe de l'ouverture d'esprit. Quoiqu'il en soit, il s'agit d'un conte riche en messages qui plus est, plutôt justes, sans qu'ils soient non plus révolutionnaires. L'exercice du conte est réussi.

En définitive, ce nouvel épisode d'Alice au pays des merveilles est un film autant bien réalisé techniquement que plutôt intéressant sur le fond. 




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lundi 30 mai 2016

Warcraft : Le Commencement


Synopsis :

Les orcs ont anéanti toutes les créatures de leur monde et par là même, l'ont rendu invivable. Le sorcier orc Gul'Dan ouvre alors un portail pour conquérir un nouveau monde, le royaume d'Azeroth...


Commentaire :

Trop sérieux

Warcarft arrive après de nombreux films d'héroïc fantasy et de super-héros. Les codes sont connus ; ils ont été utilisés, retravaillés et pour finir, parodiés. Le scénario de Warcraft n'est pas mauvais quoique peu surprenant. Bon nombre de retournements de situation (l'intrigue amoureuse autour de Garona, le jeune mage et son rôle dans l'intrigue) sont attendus mais le film reste prenant. Le souci est que l'oeuvre est très sérieuse sur son propos, notamment dans sa mise en scène, ce qui lui donne un aspect comique à ses dépends. Dès que le rythme ralentit pour que l'histoire se concentre sur ses personnages, soit l'émotion est absente, soit les scènes sont à la limite d'être risibles. Nous pensons à la romance entre Lothar et Garona, la scène dans laquelle le jeune mage Khadgar parle de sa jeunesse ou le sérieux du mage gardien. Lorsqu'on assiste à ce spectacle, on a l'impression que les concepteurs des films amateurs Noob : la trilogie, sont beaucoup plus conscients de l'univers avec lequel ils jouent. Reste des plans géniaux sur cet univers, des combats époustouflants et des scènes mémorables notamment du côté de l'histoire des orcs.

Un film pour les gamers

Contrairement aux films tirés de comics qui visent le grand public, il semble que la société Blizzard ait d'abord visé les joueurs des jeux Warcraft. En effet, en plus d'être d'une fidélité visuelle et scénaristique poussée, le film va continuellement faire des clins d'oeil aux joueurs... quitte à laisser le spectateur novice sur le bord de la route. Les villes, les protagonistes, les races et les éléments typiques de l'univers ne sont pas des éléments nominalement faciles à mémoriser. Ainsi, s'il est possible que les fans y trouvent plus que leur compte, les autres seront plus hermétiques à cette proposition.

Les thématiques

Ce film ne comporte aucun message particulier. La seule subtilité est qu'il existe une diversité d'individus chez les orcs et qu'en conséquence ils ne sont pas tous méchants. Néanmoins, il s'agit plus d'un élément scénaristique que d'une volonté de profondeur délivrant un message. Le but ici est avant tout l'immersion et non la réflexion. 

En définitive, Warcraft est un film destiné avant tout aux joueurs de la franchise et lecteurs des romans. Il reste appréciable pour les amateurs des univers d'héroïc fantasy mais peut laisser le grand public sur la touche.



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