Les sorties de la semaine

mardi 12 juillet 2016

The Strangers


Synopsis :

Dans un village de montagne en Corée, une série de meurtres effraie la population. Cette dernière pense que des forces surnaturelles sont à l'oeuvre. Le policier Jong-Goo enquête sur cette affaire et se met à croire de plus en plus aux rumeurs...


Commentaire :

La mise en scène, seule rescapée

Le film de Na Hong-Jin satisfera sûrement sur un point et non le moindre; sa mise en scène est terriblement réussie. Saluons tout d'abord la photographie, optant pour un choix réaliste et sombre, rendant magnifiquement bien dans ce cadre montagneux et forestier. La caméra "suiveuse", des petits plan-séquences diront nous, est aussi intéressante, évitant les coupes et participant l'immersion, parfois à la manière d'un jeu vidéo à la troisième personne. Le mixage sonore est de très bonne facture et permet au spectateur de se projeter au sein du village coréen. Le film arrive à transmettre une sensation de mystère en donnant peu de clefs de l'intrigue, à défaut de transmettre une sensation d'angoisse, ou de peur, car jouant peu sur le hors-champ. La narration respire, du fait des plans larges, de demi-ensembles, et d'un rythme qui permet le travail des personnages. Point très positif, la forme ne sauve tout de même pas le fond.

Scénario et thématiques; un véritable naufrage [Spoilers]

Malheureusement, que cela soit le scénario ou les sujets abordés, le film ne tient pas la route. Si le film avait eu un bon scénario, cela aurait pu faire passer outre un message ambigu du film et inversement un message juste aurait pu faire avaler un scénario bancal. Ce n'est pas le cas. Le film tient les 20 premières minutes. Le principal problème est le personnage principal, d'une passivité terrible, peureux, incapable d'expliquer aux autres personnages ce qui se passe, toujours en train de subir les événements. Il est remis en place par sa propre petite fille. Néanmoins, la couleur est vite donnée lorsqu'au début du film, il cède déjà face à sa mère. Cette passivité est d'autant plus agaçante qu'il est policier, un enquêteur critique, n'utilisant jamais l'arsenal de possibilités qu'il a disposition. Un tel personnage défiant tout sens logique peut faire sortir le spectateur du film. Le scénario continue de se déliter lorsque ce personnage commence à commettre des actes illégaux, en dépit de sa fonction. Cette histoire aurait été un peu plus acceptable, si le personnage n'avait pas été un policier mais un simple individu un peu perdu. Le scénario se prolonge ainsi inlassablement jusqu'à un final pour le coup plutôt intéressant mais qui ne peut faire oublier le trame narrative passée. Nous ne parlons pas ici des personnages dont on ne comprend pas bien le rôle ni, leur nature... (la jeune fille vêtue de blanc).
Par ailleurs, les messages du film finissent de l'enterrer. Le méchant, ou littéralement le diable, est l'étranger. C'est en effet un vieux japonais qui est accusé de tous les maux. Pendant un temps, il est envisageable que les villageois, emportés par une forme de populisme, font fausse route. Malheureusement non, l'étranger est bien l'ennemi et la solution proposée par les personnages est soit de le tuer, soit de l'expulser. Il n'est jamais question de l'arrêter et de le mettre devant la justice. Lorsqu'on connaît les relations entre la Corée du Sud et le Japon, force est de constater que ce choix scénaristique semble porter une rancœur nationaliste. Le film ne s'arrête pas à ce message puisqu'il choisit de traiter du thème de la religion et de la croyance. Dans la diégèse, le paranormal existe et il n'y a pas de problème à cela. Le problème est que le film n'est pas merveilleux au départ, il est du genre fantastique et laisse le doute. Les protagonistes abandonnent vite la raison et se tournent vers les rumeurs et croyances; et l'histoire leur donne raison. De plus, les rites traditionnels brutaux, qui violentent les gens (ceux sensés être possédés) et qui sacrifient les animaux à tour de bras ne sont jamais remis en cause. Ils s'en retrouvent même légitimés ici. Seule chose amusante, cette histoire en Corée nous permet de voir un syncrétisme des croyances, chrétiennes et locales. Dans cet univers non rationnel et de croyances, la pensée critique est donc désavouée. Le seul personnage qui aura des paroles sensées est un Père chrétien. Un religieux sera donc le porteur de l'esprit critique et de la raison... Le scénario viendra, qui plus est, donner au tord à ce personnage, ayant les paroles les plus sages.
Ainsi, au-delà de l'aventure peu crédible, que veut nous dire le film ? Si l'on suit sa logique, les personnages auraient dû donc suivre leur instinct et leur croyances, sans preuve, et aller massacrer l'étranger (ce qu'ils vont tenter de faire). 

En définitive, The Strangers est esthétiquement intéressant mais son scénario et ses messages sont très critiquables. Un film narratif doit être autre chose qu'un simple exercice de style. 


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