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jeudi 29 décembre 2016

Passengers


Synopsis : 

Jim se réveille de son hibernation. Il est en effet à bord du vaisseau Avalon en route pour une lointaine planète-colonie. Toutefois, quelque chose cloche. Il est le seul réveillé. Loin d'être arrivé, Jim se rend compte que le vaisseau n'arrivera à destination que dans 90 ans...


Commentaire :

Joliment mis en scène

Le réalisateur norvégien Morten Tyldum réalise un magnifique film d'un point de vue esthétique. Les plans de l'univers et du vaisseau vu de l'extérieur sont sublimes, avec des couleurs sombres mais intenses. Le design du vaisseau est également superbe en plus d'être crédible d'un point de vue fonctionnel. Le reste de la mise en scène, majoritairement en intérieur est également très bien pensé. Les plans larges pour souligner la solitude de Jim fonctionnent très bien en début de film. Les décors intérieurs avec les détails de l'environnement témoignent d'un véritable travail sur ce quoi pourrait être un voyage interstellaire proposé par une compagnie privée. A noter qu'il est très juste d'imaginer que ce sont les compagnies privées qui investiront en premier l'espace. Les robots fonctionnant tout seuls et faisant toutes les tâches des plus simples aux plus compliquées alors que les humains sont en hibernation sont crédibles. Bref, l'univers du film est cohérent et fonctionne parfaitement. Des scènes sont particulièrement marquante comme la fameuse scène de la piscine, qui en plus d'être plausible physiquement et d'amener une vraie tension, est un petit chef d'oeuvre en terme de réalisation mêlant effets spéciaux et vues réelles sur l'actrice Jennifer Lawrence. En outre, certains plans, peut être en hommage, rappellent 2001 l’Odyssée de l'Espace, notamment ceux ayant lieu dans un décor courbé ou ceux dans les longs conduits/couloirs (sombres dans le film, blancs dans le film de Kubrick). Il s'agit juste d'un clin d’œil car les enjeux sont complètement différents comme nous le verrons plus tard. Au niveau du rythme, le film oscille parfaitement entre moments intenses et temps faibles qui permettent de mettre en avant les personnages, les relations entre eux, et d'insister sur la vie dans cet immense vaisseau semblable à une prison dorée. C'est peut être cela la plus grande force du film, prendre son temps pour souligner les enjeux sans pour autant lasser. C'est une qualité à reconnaître pour un blockbuster. Enfin, concernant la bande musicale de Thomas Newman, elle fait un bon travail d'accompagnement de l'action mais reste discrète. 

Performance d'acteur [Spoilers]

Il s'agit avant tout d'un film intimiste reposant alors en partie sur les acteurs. Si Jennifer Lawrence n'étonne plus car toujours investie à 100% dans ses personnages et capable de délivrer des performances marquantes, Chris Pratt surprend lui dans le bon sens. Il est parfait dans son rôle. Jusqu'à présent, les rôles qu'il avait interprétés étaient plutôt lisses, notamment depuis sa transformation physique pour jouer des super-héros. Ici, son personnage est profondément humain, faillible, isolé, torturé faisant face à une épreuve particulièrement difficile à vivre. Passant par tous les états, Chris Pratt délivre une de ses meilleures performances. La séquence qui suit le réveil d'Aurora avec le remord qui se lit sur son visage est excellente du point de vue du jeu d'acteur. Et puis pour finir, soulignons que les deux têtes d'affiche ne sont pas vilaines, il faut tout de même le dire.

Les thèmes, l'originale philosophie nietzschéenne dans un film de science-fiction [Spoilers]

Un film de science-fiction a pour but d'interroger le spectateur. Passengers le fait très bien. Toutefois, il ne s'agit pas des grands questionnements métaphysiques ni même des questionnements sur l'humanité et des nouvelles technologies. Quoique, la confiance aveugle de l'humanité dans l'informatique et dans l'embryon d'intelligence artificielle est mise en exergue et se trouve être moteur de l'intrigue. Toutefois, le cœur du propos n'est pas là. En tant que film intimiste, c'est l'humain qui est directement interrogé dans ses limites et ses aspirations. Le personnage de Jim questionne les limites de l'humain, en étant mis en face d'un choix cornélien: la possibilité de réveiller quelqu'un pour briser sa longue solitude qui le poursuivra jusqu'à sa mort, sachant que la personne réveillée verra ses projets réduits à néant par sa faute. Le personnage de Jim résiste à cette tentation et se tient à ses principes mais le temps est un adversaire redoutable. Car le personnage n'a rien d'autre à faire qu'à se poser et se reposer cette question. Le temps finit par ronger ses principes jusqu'à ce que le mauvais choix soit fait. Il réveille Aurora Lane telle La Belle aux Bois Dormants, sauf qu'il n'est pas l'idéal du prince mais bien un homme qui a failli. Acte impardonnable certes, mais qui sait si même les nobles chevaliers n'auraient pas fini par céder face au temps. Le film ne juge pas, il montre simplement ce qu'est l'Homme. C'est alors qu'une véritable tension apparaît dans le scénario car il est certain que Jim devra avouer qu'il est à l'origine du réveil de la Belle et se faire absoudre ultérieurement dans un acte héroïque en mettant sa vie en danger pour laver sa personne de l'acte d'égoïsme. L'utilisation du conte n'est pas anodine car ce genre est pourvoyeur de messages au lecteur/spectateur. Le conte est réutilisé en fin d'histoire car une fois que Jim a trouvé la rédemption, c'est Aurora qui réveille Jim dans le pod médical (qui rappelle le cercueil de Blanche Neige) dans un jeu de miroir inversé; la boucle est bouclée. Le conte est-il juste emprunté par le scénario ou est-il a son origine ? La question peut être posée.  Avalon est le nom d'une terre de légende hors du temps du chevalier Arthur, le chevalier par excellence qui inspire les chevaliers des contes. Dans le conte de la Belle au Bois Dormant, tout le château et ses habitants sont figés dans le temps et c'est exactement le cas ici avec le vaisseau (Avalon) comme château. Jim résiste au feu du dragon (purge de la fusion nucléaire) dans son armure spatiale et avec son bouclier. Quand on y réfléchit, l'analogie qui n'est pas évidente, est géniale. 
Toutefois, peut-être que le film est le plus fort dans le message final qu'il fait passer : se contenter du présent et tenter de l'apprécier. La planète qu'ils doivent atteindre est un rêve lointain, presque une illusion. Certes les protagonistes sont coincés dans le vaisseau mais ils ne manquent de rien : nourritures, loisirs et ils se tiennent mutuellement compagnie. En trois mots, ils ont tout. L'androïde dit à un moment servir (étant serveur, c'est assez bien trouvé), de la psychologie de comptoir mais ce qu'il dit est juste : s'il est impossible d'avoir ce que l'on cherche, il faut accepter le présent, le monde tel qu'il est, voici le message nietzschéen du film. Cela est encore plus fort que le message soit donné dans un film de science-fiction car c'est un genre qui vend bien souvent un rêve, le voyage lointain, l'avenir, l'illusion d'un monde d'ailleurs à défaut d'être meilleur. Mais finalement, les deux personnages choisissent de vivre le présent ensemble et non plus le rêve hypothétique. La fin du film est donc un happy ending, entraînant, c'est vrai, pour arriver à ce point, quelques passages moyennement crédibles. Mais c'est bien là la fin d'un conte, délivrant son message de sagesse. 

En définitive, Passengers est une très bonne surprise. Ce film de science-fiction prend le temps de travailler ses enjeux et se révèle être progressivement une réactualisation futuriste du conte de La Belle au Bois Dormant! Superbe!



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