Les sorties de la semaine

dimanche 13 octobre 2024

Joker : Folie à deux

 


Synopsis :

Arthur Fleck est en prison et en attente de son procès. Le Joker en lui a disparu, effacé par les médicaments. Il doit bientôt faire face à son procès dans lequel la peine de mort sera demandée. Arthur n'a aucune lueur d'espoir jusqu'au jour où il rencontre Harley, jeune femme semblant fascinée par le Joker...


Commentaire :

La réalisation duale de Todd Phillips 

Après le succès mérité du premier film, Joker, Todd Philipps revient sur le deuxième volet. Si thématiquement, le film ne sera que peu différent, le réalisateur opte pour inclure ici le genre de la comédie musicale au drame. Ce choix audacieux et qui permet de justifier un deuxième épisode s'aliénera toutefois une partie du public rétif à cette forme d'art total, où l'image se conjugue avec la musique et le chant, voire avec la danse. Ce film presque en huit-clos (la prison et le tribunal) possède ainsi deux tonalités. La réalité est sombre et terne, brutale dans les interactions montrées alors que les scènes dans l'imaginaire d'Arthur (autre huit-clos) sont lumineuses, ou pour le moins présentent des couleurs contrastées. Ces scènes musicales, nombreuses, portées par un Joaquin Phoenix et une Lady Gaga irréprochables sont la plus-value du film. Elles sont néanmoins intégrées à côté de l'intrigue, et non au cœur même de l'intrigue. En effet, les scènes sont également montrées hors imaginaire d'Arthur, ce qui n'est pas le cas dans les comédies musicales classiques qui assument des scènes chantées comme parties intégrantes du film et faisant avancer l'intrigue. Le spectateur a donc les deux points de vue (Arthur et la réalité), ce qui n'est pas toujours nécessaire et qui peut nuire aussi au rythme, plutôt lent dans la première partie. Toutefois, ces scènes sont autant d'échappatoires pour Arthur que pour le spectateur à l'étroit dans cette prison et ce huit-clos et la redondance peut accentuer ce besoin de liberté. Notons aussi quelques facilités scénaristiques  dans les petits bémols. Toutefois, la mise est en scène est de très bonne facture tout au long du film avec en particulier le jeu sur les lumières qui varient en fonction des émotions d'Arthur Fleck. Les cadrages, sur-cadrages (avec les écrans), et citations sont légions. Le film est recherché dans sa réalisation. La scène dans l'imaginaire d'Arthur sont logiquement celles avec la scénographie la plus poussée. Le ton est donné dès le début avec l'apparition furtive des parapluies de Cherbourg. La bande musicale de Hilgur Gudnadottir, lente, toute en lourdeur, et parfois stridente rentre en opposition avec les scènes musicales; elles, rythmées, riches en instruments et aux arrangements joyeux. La musique participant à l'ambiance, se greffe parfaitement sur les deux tonalités du film.

Les thématiques : le Joker, victime mais non symbole [spoilers]

Le premier film était un drame social brillant qui montrait comment l'Etat défaillant avait produit le Joker, anti-héros qui suscitait compassion et empathie. Il était pourtant devenu le symbole d'une révolution anarchiste au message démagogique et populiste, plutôt à droite de l'échiquier politique, tant dans le film qu'en dehors du film. Si le choix de la comédie musicale avait déjà détourné une bonne partie des spectateurs, le choix de déconstruire ce symbole, ou pour le moins de montrer que ce symbole est profondément négatif, finit de rebuter les derniers partisans du film. Car en effet, Arthur Fleck est de nouveau la victime ici. Il est victime du système pénitentiaire dont les traitements infligés aux prisonniers sont inhumains. Du fait de son trouble psychiatrique, il ne devrait d'ailleurs pas être en prison. Il est également victime du système judiciaire qui cherche à le faire reconnaître coupable et le condamné à mort malgré sa maladie. Cette dernière n'est d'ailleurs que très peu évoquée par le système, qui soit cherche à la cacher avec des médicaments en prison, soit à la nier lors du procès pour faire condamner Arthur. Le système médiatique et capitaliste cherche de plus à exploiter la notoriété du Joker et donc son malaise, en réalisant des séries sur lui ou en lui accordant des interviews. Cela contribue par ailleurs à attiser la passion de ses fans. La première est Harley Quinn qui cherche ici aussi à l'exploiter et à tirer parti de son image de Joker, même si cela se fait au détriment d'Arthur (sa santé mentale mais aussi son procès). Finalement, rien n'a véritablement changé pour lui, personne ne le remarque ni ne fait attention à lui et à ses véritables besoins (si ce n'est pendant un court moment son avocate). Arthur lui même souffre de son double et des crimes qu'il lui a fait faire. Il renonce finalement de lui-même à son personnage dans un dernier moment de lucidité. Cela déçoit non seulement ses soutiens dans le film mais aussi les fans du premier film, qui comprennent que Joker ne peut être un symbole. Todd Phillips explique avec fatalisme la création d'un méchant dans un Etat (ville) failli mais ne le défend pas pour autant. Sa révolte est compréhensible, voire peut-être légitime mais pas dans la manière employée. Arthur finit par être assassiné par un de ses fans, probablement avec la complicité des gardiens. Si cela est inhabituel pour Joker, et frustrant pour les fans du personnage, il faut comprendre que ce n'est qu'Arthur Fleck qui meurt. Joker, en étant que symbole nihiliste du chaos survit. Il survit toutefois uniquement chez les fous et les violents. Même le double d'Arthur Fleck lui aura été volé, victime d'une société qui l'a totalement détruit, exploité et humilié.


En définitive, Todd Phillips prend le pari audacieux de revenir avec une comédie musicale pour Joker Folie à deux, avec une histoire qui vient désacraliser celui qui avait été érigé en symbole. Habilement réalisé, ce parti-pris sera frustrant pour certains...


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samedi 5 octobre 2024

 

Synopsis :

César est un inventeur et urbaniste de génie de la nouvelle Rome. Utopiste, il pense être capable de guérir la ville par l'urbanisme...

Commentaire :

L'Histoire de la réalisation

Oeuvre testamentaire de Francis Ford Coppola, Megalopolis y concentre sa science de la réalisation. L'ensemble des artifices du cinéma y est présent. Du traveling compensé, à l'incrustation, en passant par les split-screens et les œillets, peu de films présentent autant d'effets pré-CGI. Le film présente à certains moments des influences expressionnistes comme les scènes où les ombres sont projetées sur les murs. Les plans sont constamment très riches du fait d'un décor foisonnant et des effets spéciaux. Si le réalisme de l'environnement n'est pas toujours convaincant, nous garderons en tête qu'il s'agit d'une fable de science-fiction et qu'à ce titre, la réalisation possède nécessairement une dimension onirique et poétique. Toutefois, la mise en scène s'apparente plus à un hommage érudit de l'Hollywood passé qu'à une proposition nouvelle pour le cinéma de science-fiction. Un cachet presque daté. Le montage est lui particulier, parfois décousu, dans des scènes qui le justifient mais cela ne rend pas nécessairement le film toujours facile à suivre, d'autant que l'intrigue semble arriver aussi parfois par fragments. La musique, confiée à Golijov et VanderWaal, évoque parfois les péplums des années 60 mais sait également se fondre dans les scènes moins théâtrales. Ainsi le film est techniquement riche et intéressant, il s'agit incontestablement d'une vraie proposition de cinéma bien que la narration n'aide pas à l'immersion. 

De nombreuses thématiques peu creusées ou peu lisibles

Si la narration n'aide pas à la compréhension générale, l'univers de la nouvelle Rome demande en plus de bonnes connaissances sur l'antiquité romaine dans sa période impériale afin de pouvoir s'accrocher au contexte. Il reste toutefois la possibilité de comprendre le fonctionnement de cette ville décadente avec d'autres références comme la ville de New York des années 80, voire même Gotham en tant que mégapole dystopique. Une fois cela dit, la grande thématique est celle de la ville "empire" au bord du précipice qui voit difficilement cohabiter la masse et les élites. L'élite est richissime, plurielle et en rivalité et se compose des banquiers, politiciens ou bien intellectuels, toutes ces différentes catégories étant plus ou moins liées. Vivant dans leur monde et proposant des jeux au bas peuple, cette élite pose la question de l'équilibre de cette civilisation car la chute de Rome guette. Elite critiquée certes, mais sans pour autant que la fable ne la condamne totalement. En effet, Cicéron n'est que partiellement ambigu, il est un père aimant tout au plus conservateur. Toutefois, le héros et celui venant apporter une solution aux méfaits du capitalisme et à la décadence est César, lui même issu de l'élite. Il est certes un génie et un philosophe utopiste, il semble tout de même assez éloigné des préoccupations réelles du peuple bien que moins hypocrite que Cicéron qui est dans l'optique "du pain et des jeux". Pourtant, c'est lui qui trouvera une solution miracle pour la Cité, faisant de ce film une œuvre profondément technophile. Adepte du progrès, Coppola est finalement un homme de son temps. Le seul se préoccupant en revanche du peuple pour ses propres intérêts est Claudio, sorte de Donald Trump, démagogue et agitant les plus bas instincts des foules, proche par ailleurs des milieux d'extrême droite. Il est le vrai représentant de l'élite critiquée et punie dans la fable. La fable étant un genre à morale, Coppola adopte une position plus aristocratique que pro-démocratique. César trouve une solution grâce à son génie et non en s'appuyant sur la réalité des masses, quand Claudio se réjouit lui, de réunir les masses incultes. 
Au-delà du message technophile et aristocratique (au sens noble du terme comme pourrait le définir Aristote), plusieurs thématiques sont rapidement abordées par César. Elles sont toutefois sans réel lien avec l'intrigue, sortes d'interludes dispatchées dans l'œuvre. Il est fait mention de Dieu ou des dieux, inventions humaines, permettant le contrôle des foules par certains. Toutefois, ces inventeurs ont besoin de cet intermédiaire imaginaire pour manipuler les foules. Le pouvoir vient des Dieux, eux mêmes issus des humains, mais les humains ne peuvent exercer directement le pouvoir. César s'interroge aussi sur l'art et sa nature profonde et sa relation au temps. L'art n'est finalement qu'un instant figé du temps. D'autres thématiques sont également disséminées de manière plus ou moins convaincantes.


En définitive, cette vraie proposition de cinéma signée Coppola n'accrochera pas tout le monde, tant la dimension ésotérique de cette fable et sa dimension onirique au détriment de la fluidité de la narration rendent l'immersion difficile.  


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samedi 28 septembre 2024

Les Barbares

 


Synopsis :

Le petit village de Paimpont en Bretagne s'apprête à recevoir des réfugiés ukrainiens, le maire ayant réussi à convaincre son conseil municipal. Toutefois, ce ne sont pas des Ukrainiens qui finissent par arriver mais une famille syrienne. La population oscille alors entre une attitude de curiosité et de rejet...


Le Commentaire :

Une mise en scène de comédie

Si la réalisation n'offre pas de particularité visuelle et se fond donc assez facilement dans le paysage cinématographique français, la prouesse réside alors dans la rythmique du film et l'écriture ciselée des dialogues afin que le film maintienne sa dimension comique jusqu'à la fin. Il s'agit donc d'un film de gags où l'humour tient au montage mais aussi au travail dans le plan. Le film emprunte parfois à la satire comme cette scène de face à face entre le réfugié et un Breton filmée comme une scène de Western. Julie Delpy réussit le pari de l'humour en s'appuyant également sur des performances de haut niveau; en premier lieu Laurent Lafitte à qui elle rend la réplique. A la musique, Philippe Jakko est plutôt discret mais accompagne l'image avec succès en apportant de la légèreté. 

Rire de l'altérité avec des personnages types et caricaturaux

Les thématiques du film sont liées au rapport à l'autre et à l'acceptation de ce dernier dans un monde presque clos. Dans un sens, le film questionne la tolérance et la résilience du vivre-ensemble en France. En effet, Julie Delpy dépeint ici la France profonde dans ses aspects primaires mais aussi parfois sympathiques. Les personnages représentés sont amusants car caricaturaux et disent tout haut ce qui ne devrait pas (plus) être dit. Si le film part sur le constat qu'il y a eu un deux poids, deux mesures entre l'accueil des Ukrainiens et l'accueil des autres réfugiés, les Ukrainiens étant jugés plus assimilables (mais aussi constitués en majorité de femmes et d'enfants) et dont il est fait un élément comique, le film se concentre bien vite sur le ressenti des différents protagonistes par rapport à l'étranger. En effet, chaque personnage se définit par rapport à son degré d'ouverture. Il est vrai que Julie Delpy se moque d'une certaine France profonde mais plus avec bienveillance que dans une attitude de jugement. Si la majorité de la population est attentiste, quelques figures se singularisent et apportent du comique. Il y a tout d'abord les figures républicaines. Le maire est un opportuniste, comme toute bonne personne voulant se maintenir à son poste, mais souhaite malgré tout bien faire. Il tente de profiter de l'accueil des Ukrainiens pour se donner bonne presse à moindre risque. Sa posture de maire le fait faire bon accueil aux Syriens tant que la population n'y est pas opposé. L'autre figure de prou est la fonctionnaire locale, la professeure des écoles, porteuse des valeurs de la République, véritable hussarde noire en milieu quelque peu hostile. Exaltée parfois par sa cause, elle en devient même ridicule dans son attitude auto-flagellatrice. Toutefois, l'excès et l'obstination dans l'ouverture n'est jamais dangereuse. De l'autre côté, il y a ensuite un panel de postures racistes entre les maladresses plus ou moins amusantes et la xénophobie la plus affirmée avec personnage de Laurent Lafitte (sans compter les "fachos"). Il incarne la caricature de l'homme rural, ce Français qui n'aurait jamais côtoyé d'étranger mais qui serait porteur d'un imaginaire raciste plein de clichés sur "les barbares". Personnage miroir de la professeure des écoles, ces obstinations et ses excès sont ici en revanche dangereux bien qu'il ne se mette pas lui-même directement dans l'illégalité. Il répand en effet sa haine qui infuse dans la population crédule. Entre ces deux figures situées de part et d'autre du spectre politique, plusieurs portraits finissent de compléter cette France curieuse mais méfiante. La famille syrienne présente également des "personnages types" variés quant à l'effort d'intégration, sachant que cette famille issue de la haute classe moyenne voit inévitablement sa situation se détériorer dans le pays d'accueil. Tous les membres de la famille n'acceptent pas aussi bien ce tragique déclassement. L'aspect comique est toutefois plus du côté des personnages français étant donné la gravité inhérente autour de la condition de réfugié. Un humour intelligent et piquant ressort de ce film, tant ces personnages types aux traits appuyés restent proches finalement de la réalité.

En définitive, les Barbares est un film humoristique haut en couleur décrivant une France profonde faisant face à l'altérité. Si le côté rude d'une certaine France transparait, les multiples maladresses et quiproquos des personnages montrent également une certaine tendresse dans le portrait dressé par Julie Delpy.  




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samedi 21 septembre 2024

Beetlejuice Beetlejuice


Synopsis :

Lydia est une médium à succès, star d'une émission télévisuelle. Sa fille, Astrid, très cartésienne n'a que peu de considération pour le travail de sa mère. Toutefois, mère et fille vont devoir se rapprocher alors que le démon farceur Beetlejuice tente de reprendre contact avec Lydia... 


Commentaire :

Tim Burton, et le retour du style classique

Burton est un des réalisateurs produisant les films les plus identifiables. Celui-ci, suite du premier 36 ans plus tard est définitivement empreint de la patte de Burton. Il possède un cachet que beaucoup de films n'ont plus avec ses influences expressionnistes, ses décors réels, ses maquettes et marionnettes. Il s'agit d'une véritable proposition de cinéma dans un style des années 90 avec l'ensemble des artifices pré-numériques. A cela, il faut rajouter évidemment la thématique du morbide, du rapport à la mort et aux monstrueux en passant par l'importance de la fête d'Halloween. Que cela soit la richesse du plan ou la finesse des transitions, le film est constamment dans l'offre d'idées visuelles, notamment à partir du moment où l'intrigue se déplace dans le monde des morts. Il s'agit d'un film dense et généreux, encore plus appréciable si l'on est réceptif à l'univers de Burton. A noter également la direction d'acteurs et la performance des acteurs, avec des protagonistes habités (si ce n'est hantés) par leur rôle. Les différents arcs narratifs sont intéressants bien que certains semblent toutefois se conclure un peu facilement (celui de Monica Bellucci et de Jenna Ortega en particulier). A la musique, c'est l'excellent Danny Elfman qui est de retour, avec sa musique orchestrale toujours si reconnaissable et réussie, donnant une réalité à ce monde horrifique à dimension comique. Il est pleinement auteur de l'univers de Tim Burton dans sa dimension auditive. 

Les thématiques, habituelles

Chez Tim Burton, les histoires se ressemblent tant visuellement que dans les thématiques, ce sont parfois les intrigues qui se distinguent. Les héros sont à leur habitude les originaux ou marginaux alors que ceux vivant dans la norme, pliés par le capitalisme et l'administration sont les vrais personnages monstrueux. En effet, les monstres ne sont jamais véritablement les monstres, et il faut se méfier des personnes belles et propres. Ici, il faut bien évidemment se méfier de l'amant ambitieux ou... des amants en général bien sous tout rapport. La solution vient alors de l'autre monde et en particulier de Beetlejuice qui bien que répugnant, ne l'est peut-être pas plus que d'autres aux visages agréables. Il n'est pas inintéressant de faire le rapprochement avec le premier film Beetlejuice dans lequel le personnage de Beetlejuice voulait absolument se marier avec Lydia. Ici, Lydia fait de nouveau face à un mariage, mais venant d'un vivant qui semble plein de bonnes intentions. Pour autant, cette proposition est-elle moins dangereuse ? Sans surprise, Tim Burton demande à voir au-delà des apparences et des normes et à se soucier avant tout des personnes qui ont le cœur pur. 


En définitive, Beetlejuice Beetlejuice est un retour dans le cinéma pré-numérique dans l'univers de Tim Burton. Une proposition en rupture avec ce qui est actuellement proposé et qui comme à son habitude, interroge la monstruosité. 



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dimanche 18 août 2024

Alien : Romulus


Synopsis :

Plusieurs jours après la destruction du Nostromo, la Weyland-Yutani Corporation récupère l'alien considéré comme une ressource rare. La station effectue alors des recherches sur l'alien mais bientôt, plus aucune nouvelle ne parvient de celle-ci. Elle dérive alors vers une colonie minière et est repérée par un groupe de jeunes travailleurs...

Commentaire : 

Un retour aux sources d'Alien avec Alvarez

Fede Alvarez, le spécialiste des films d'horreur s'est vu confié la tâche de relancer la saga. Spécialiste du genre, il est toutefois habituellement coutumier d'un genre plus gore que ne l'est la saga Alien. Néanmoins, le cinéaste uruguayen tout autant fan d'Alien le huitième passager que du jeu Alien Isolation réussit son pari. Le film est techniquement irréprochable. En effet, Alvarez prend le temps de développer son intrigue et de poser l'ambiance caractéristique du suspense horrifique quitte à limiter l'action uniquement à la deuxième partie du film. Le film s'appuie sur une photographie léchée notamment pour les plans dans l'espace, réelle plus-value par rapport aux premiers films qui ne pouvaient bénéficier de la technologie d'aujourd'hui pour filmer le gigantisme de l'espace. La scène en 0 gravité, autre nouveauté, permet également d'ajouter des visuels inédits. Toutefois, les créatures restent en animatroniques pour partie, notamment pour les gros plans, ce qui permet de préserver l'aspect organique des premiers films. Fede Alvarez réussit une belle réactualisation de la saga malgré, il est vrai, quelques citations un peu forcées. En tant que réalisateur de film d'horreur, il sait jouer avec le hors-champ pour installer son ambiance mais également avec le champ, en dissimulant parfois la créature dans les tonalités de gris. La caméra est libre et dynamique permettant également de rendre les scènes d'action efficaces. Le film possède, conformément aux films de la saga, son fameux quatrième acte, qui propose une innovation dans le lore, qui pourra autant satisfaire que susciter des contestations. A la composition, Benjamin Wallfisch contribue à réinstaller l'ambiance de la saga en reprenant et en réinterprétant les thèmes originels. Notons que le mixage sonore en général est de très grande qualité et à la hauteur d'un film se voulant être un hommage et une continuité au premier film de la saga. 

Les thématiques : capitalisme et technique 

Les thématiques qui parcourent la saga Alien reviennent ici, sans grande différence ni innovation mais avec toujours autant de pertinence. La première thématique est bien évidemment celle du capitalisme avec la compagnie Weyland-Yutani, exploitant jusqu'à l'os ses travailleurs pour augmenter ses profits et voulant absolument préserver l'Alien pour les potentielles retombées financières et scientifiques découlant de son éventuelle exploitation. Le deuxième grand questionnement se situe autour de la technique comme le souligne la référence à la mythologie de Prométhée. La technique est ce qui distingue et élève l'humain mais ce dernier, piégé par son hubris et sa volonté de profits, commet bien souvent des erreurs. Le rêve d'immortalité est un chemin qui n'a d'autre destination que la mort, car l'immortalité passe par le contrôle de l'Alien. L'humain est d'ailleurs dans l'hubris à partir du moment où il quitte sa planète, lui, n'étant adapté qu'à ce milieu. L'exploitation génétique de l'Alien permettrait à l'humain de ne plus être l'étranger (en anglais alien) dans les milieux non terrestres. Objectifs irréalistes tant l'humain est le produit de la Terre. Les synthétiques seraient-ils alors une solution ? Solution partielle à l'exploration spatiale, ils ne permettent pas néanmoins de changer la condition humaine. Miroir de l'humanité et produit de la technique, les synthétiques ne sont ni bons ni mauvais mais simplement le reflet des intentions des humains (mention spéciale au retour en image de synthèse de Ian Holm et à l'excellent David Jonsson en Andy). Plus rationnels que les humains, possédant plus de connaissances ainsi que plus robustes que ces derniers, ils sont néanmoins tout aussi faillibles... car produits par les humains. Le synthétique de Ian Holm travaille à l'amélioration de l'humain mais commet des erreurs (tout comme David dans les volets précédents). Leur incapacité à se décider par eux-mêmes et leur nécessité d'obéir à des directives (du moins dans ce film) en font par ailleurs plus des intelligences artificielles que des consciences artificielles. C'est finalement la relation avec Rain qui humanise Andy plutôt que le personnage d'Andy pris isolément. Le couple humain-synthétique est donc une belle histoire mais n'est pas à la hauteur de la quête d'immortalité. L'Alien, symbole de la nature proliférante (symboles phalliques et vaginaux), de la vie et de la mort est là pour rappeler les limites de l'humanité malgré toute sa technique et pour pousser les héros (héroïnes en l'occurrence) dans leurs derniers retranchements.


En définitive, Alien Romulus relance la saga Alien en ayant capté la justesse et la maîtrise du premier film, autant dans son ambiance que dans ses thématiques. 



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mardi 30 juillet 2024

Deadpool et Wolverine


Synopsis :

Wade Wilson alias Deadpool rêve de faire équipe avec Wolverine. Malheureusement, Wolverine est mort dans son univers... Heureusement, Deadpool fait maintenant partie du MCU et de son multivers!

Commentaire :

Réalisation simple et narrative 

La réalisation reste le parent pauvre de cette saga mais elle n'a jamais été un argument de vente contrairement à la classification R, aux interprétations de Ryan Reynolds et au "brisage de quatrième mur". Shawn Levy continue la tradition avec une mise en scène efficace et narrative mais sans originalité. La photographie est quelconque voire peu travaillée, l'esthétisme n'étant pas un enjeu de réalisation. Les effets de surprise et les ralentis sont en revanche maîtrisés, ainsi que les chorégraphies de combat toujours soignées. Les décors (exceptés ceux de la côte Est) sont eux sans grand intérêt car plutôt vides et pauvres... La musique orchestrale de Rob Simonsen est quant à elle réussie avec ses thèmes de tension ou héroïques, et participe à la réussite narrative de l'ensemble. 

Les atouts affichés et cachés

Tout l'intérêt du personnage de Deadpool réside dans la dimension méta du personnage qui s'adresse sans cesse aux spectateurs et plus précisément aux fans. Une connaissance minutieuse de l'univers cinématographique Marvel (Fox et Disney) est nécessaire. De plus, il est préférable de connaître les questions de droits entre studios (ce qui va de soi pour un fan). L'atout premier et annoncé est évidemment le retour de Hugh Jackman en Wolverine et son interaction avec le personnage de Ryan Reynolds. Hugh Jackman crève l'écran par son physique et sa présence mais le scénario et les dialogues ne permettent pas de mettre en avant les qualités d'acteur de l'acteur australien. Ryan Reynolds a en revanche des répliques plus intéressantes (avant tout parce qu'elles sont métas) mais des connaissances sur l'acteur lui-même sont également nécessaires pour comprendre l'intégralité des références. Ces deux personnages centraux sont le plat principal mais c'est un véritable buffet surprise et nostalgique qui est servi tout au long de l'intrigue avec un hommage appuyé à l'univers Marvel de la Fox, désormais racheté par Disney. Le film sert à expliquer en quoi l'univers de la Fox doit prendre fin (qui correspond au monde Deadpool), Disney ayant ici ironiquement le rôle du méchant avec M. Paradoxe. Ryan Reynolds ressort alors une dernière fois des figurines d'une caisse de jouets oubliée pour rappeler leur existence et leur offrir un dernier tour de piste dans le multivers du MCU. 

Des thématiques, malgré tout

Si le film a avant tout l'idée, confirmée par le générique de fin, de rendre hommage à la période Fox avant d'offrir ces personnages à Disney, le film propose tout de même une thématique propre au personnage de Deadpool. Deadpool, anti-héros singulier, cherche sa place dans l'univers des super-héros et souhaite en devenir un. Néanmoins, comme le lui rappelle le personnage de Jon Favreau, un super-héros ne souhaite pas son statut. Deadpool a besoin de devenir un Avenger pour des raisons personnelles, mais un Avenger n'a jamais souhaité le devenir. C'est le monde qui a eu besoin des Avengers. Pour que Deadpool devienne un vrai super-héros, il devra comprendre la notion de sacrifice. 


En définitive, Deadpool & Wolverine est une sucrerie pour les amateurs forcenés de films de Super-héros. Fortement méta, il n'a d'autre intérêt que ses références, effectivement de niche, et sa petite dose de nostalgie. 



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jeudi 4 juillet 2024

Le Comte de Monte-Cristo

 

Synopsis :

Edmond Dantès va enfin pouvoir se marier avec Mercédès alors qu'il va être nommé capitaine. En effet, Edmond devait devenir officier afin d'avoir l'autorisation de se lier à une des plus grandes familles du Sud de la France. Toutefois, cette future promotion sociale, qui se fait au détriment d'autres intéressés, lui attire rapidement de très gros ennuis...

Commentaire :

Une mise en scène narrative linéaire mais efficace

Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière se mettent derrière la caméra après avoir pu travailler sur le diptyque Pathé des Trois Mousquetaires qui laissait, notamment à cause de la deuxième partie, un goût amer. Ici le scénario est bien équilibré et bien adapté depuis le roman de Dumas pour le format cinéma. S'il est vrai qu'il y avait matière à faire deux parties, le film a été pensé pour se tenir d'un seul tenant avec la montée progressive de la tension. En effet, il s'agit d'un drame dont l'intrigue se tend progressivement et dont la résolution aurait été probablement moins satisfaisante si elle n'était arrivée que dans un second temps. Dans la période actuelle où la saga est reine, il est à saluer le choix de produire un film structuré qui se suffit à lui-même. Concernant la réalisation, la colorimétrie est recherchée dans un ton terne, accordé au drame mais également à la dissimulation (intentions, identités). La mise en scène est en elle-même classique et narrative, sans fulgurance mais soignée avec une photographie travaillée. Cette dernière est aidée par des décors et des paysages particulièrement réussis car en très grande partie construits en dur, ce qui apporte un cachet que la plupart des films américains n'ont plus. Ainsi, l'ouverture du film pourrait s'apparenter au premier Pirates des Caraïbes. La direction d'acteur, contrairement aux Trois Mousquetaires, est ici irréprochable avec de grands acteurs de la comédie française tels que Niney ou Lafitte. La seule réserve du film est peut-être un dernier acte un peu rapide, ou du moins qui n'apporte pas pleine satisfaction au regard de la longue construction de la tension. La mise en scène très linéaire maintient la tension du fait d'un bon scénario mais l'absence de montage alterné, parallèle ou flashback ne permet pas de rappel des enjeux. Le film étant déjà long, c'est certainement la plus sage des solutions qui a été retenue mais le dernier combat manque tout de même un peu de tension ou panache. Il est, pour le coup, moins bien filmé que les combats des Mousquetaires. A la musique, Jérôme Rebotier réalise une bande musicale digne d'un blockbuster avec des thèmes reconnaissables et travaillés de musique orchestrale. La mise en scène laisse s'exprimer la bande musicale mais celle-ci s'impose aussi parfois face aux images du fait de l'efficacité des thèmes.

Les thématiques de Dumas : Justice ou Vengeance ? [Spoiler]

Les thématiques sont sans surprise celles du roman. La grande question est celle de l'opposition entre la Justice au sens philosophique et la vengeance. La question n'est pas simple pour Edmond Dantès car la justice étatique a failli. Il va donc devoir définir ce qu'est la vraie Justice. Dès le début, l'Abbé Faria l'avertit de ne pas confondre sa quête avec celle de la vengeance, car la vengeance, en plus d'être injuste n'apporte pas satisfaction à celui qui l'exécute. Comme l'histoire le laissait présager, Edmond Dantès, devenu le comte de Monte-Cristo, finit par être aveuglé par sa quête et a pour projet de tuer un innocent, le fils d'un homme lui ayant porté préjudice. Par ailleurs, les complices qu'il implique dans cette quête destructrice se voient eux aussi ronger par la haine. Le Comte de Monte-Cristo se rendra finalement compte des risques de la vengeance quand son protégé ira plus loin que ce qui était prévu. C'est donc un équilibre difficile à atteindre qui porte en lui-même une certaine frustration. Le Comte ne trouvera cet équilibre que parce-que son premier amour, en allant chercher l'homme qui l'était avant, et en jouant donc sur la fibre émotive, viendra lui montrer l'injustice de la vengeance et donc sa propre trahison par rapport à son projet de Justice. Sa Justice ne doit pas être la Justice Divine qui, elle, est cruelle et impitoyable. Elle est par ailleurs incontestable par essence et le Comte ne peut prétendre manier l'épée divine. Edmond Dantès doit se contenter d'une justice humaine et raisonnable sans pour autant qu'il ne lui soit demandé d'aller jusqu'au pardon. 


En définitive, Le Comte de Monte-Cristo est une adaptation réussie, portée par une mise en scène efficace, des acteurs convaincants et des décors et costumes à la hauteur de ce blockbuster à la française. 


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samedi 1 juin 2024

Furiosa: une saga Mad Max


Synopsis :

La petite Furiosa est capturée par la horde de Dementus et arrachée à sa terre natale. Désormais, la jeune fille va évoluer dans un monde d'hommes où la survie ne tient qu'au droit du plus fort...


Commentaire :

Une maîtrise du genre, cette fois-ci un peu plus numérique

George Miller revient avec une nouvelle proposition dans le même univers. Une nouvelle proposition car cet épisode a une dimension moins organique du fait de l'utilisation généralisée des CGI au détriment des cascades, cela étant toutefois justifié par un univers également plus mythique. La narration est également différente, par chapitre avec un montage plus lent sauf pour ce qui est des scènes d'action. Ce film délaisse l'aspect road movie et souhaite plutôt développer son univers ainsi qu'installer son personnage principal (à dimension prophétique). La caméra propose aussi des mouvements plus numériques et moins réalistes, toujours dans l'idée que ce film propose un mythe plutôt qu'une dystopie palpable. Car s'il s'agit bien d'une dystopie futuriste, cet épisode est en revanche un préquel et peut ainsi se prévaloir d'une dimension mythique. La photographie reste en revanche toujours aussi travaillée avec plusieurs plans iconiques, appropriés pour la tonalité de cet épisode. Il est tout de même possible de regretter le recours massif aux CGI dans la mesure où Fury Road avait convaincu par ses artifices organiques tout en cascade, le différenciant de tous les autres blockbusters. Il semble néanmoins ici que le propos le justifie. Un effet qui devrait toutefois faire l'unanimité est le visage d'Anya Taylor-Joy calqué sur son double enfant, bluffant de réalisme, même si l'on sait qu'il s'agit d'un artifice. Concernant la musique de Junkie XL, elle est évidemment de très bonne facture et sait maintenir la tension même si les leitmotivs sont beaucoup moins présents ici. Les motifs réapparaissent à la fin alors que le personnage de Furiosa devient la Furiosa de Fury Road. La bande musicale prend ici plus la forme d'une ambiance sonore à la Zimmer, avec un rappel de l'univers dans les sonorités utilisées. 

La permanence et la redondance des thématiques dans une dimension mythique

Les thématiques de la saga dystopique changent peu bien qu'elles soient abordées sous un nouvel angle dans cet épisode. Le monde dystopique est un monde d'hommes, où les valeurs de ces derniers ont complètement gagné avec une utilisation généralisée de la force. C'est ce que montre le conflit naissant entre Dementus et Immortan Joe, deux chefs de guerre se battant pour des ressources devenues une condition de survie et de leur pouvoir. Il ne reste dans ce monde que le conflit, le commerce et la valorisation du monde de la mécanique, valeur liée à la masculinité. Le monde des hommes est un monde guerre et de prédation, et l'a toujours été. Les femmes sont complètement soumises dans ce monde, devenues une denrée nourricière ou génétique (thématique de Fury Road). L'apport de ce film est de nous montrer le monde alternatif proposé par les femmes avec la vallée secrète d'où est issue Furiosa. Ce monde matriarcal est préservé de la perversion, que cela soit la chair des humains ou la nature. Hormis le prétorien Jack, aucun homme n'est une figure positive. Immortan Joe est homme de pouvoir sanguinaire. Quant à Dementus, c'est un petit chef grandiloquent ayant obtenu du pouvoir et se croyant supérieur aux autres. Il met en scène son pouvoir et se veut être un messie (voir sa tenue quand il apparaît pour la première fois). Toutefois, le vrai personnage prophétique est Furiosa. Il s'agit de la nouvelle dimension du film ; présenter le mythe de cet univers. Cela commence quand Furiosa est expulsée du jardin d'Eden après avoir goûté le fruit défendu. Sa mère est ensuite crucifiée pour sauver Furiosa. C'est le sacrifice christique. Bien qu'il s'agisse d'un film de vengeance, Furiosa se construit tout au long du film une figure prophétique comme le démontre le découpage du récit en chapitre (similaire à la Bible) ainsi que la narration de l'historien au cours du récit. Dans Fury Road, elle est celle qui fera échapper les esclaves femmes, dans la lignée de Moïse. Ici, elle lutte contre un Dementus sur char (comme les pharaons) avec sa troupe parcourant le désert. Il est évoqué une guerre de 40 jours, alors que les 40 jours sont une durée rappelée à plusieurs reprises dans la Bible. Il ne peut y avoir de doute, George Miller a souhaité ici créer la mythologie ou pour le loin, l'Odyssée de son monde. 


En définitive, dans un style renouvelé, George Miller donne une mythologie à son univers avec une cohérence des thématiques, en dénonçant une nouvelle fois la corruption et la décrépitude du monde au masculin.



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samedi 11 mai 2024

La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume


Synopsis :

Plusieurs générations après César, ce dernier est devenu une légende. Mais comme toute légende, l'histoire est transformée et appropriée de façon différente selon les clans de singes et, le message de paix de César n'est pas forcément préservé...


Commentaire :

Entre le réel et le CGI, l'aspect technique toujours aussi impressionnant

Le nouveau réalisateur Wes Ball s'inscrit dans la lignée de la dernière trilogie avec une mise en scène efficace et narrative. L'enjeu est de produire un film à grand spectacle mais aussi de grande qualité comme l'est la saga depuis son retour au cinéma. Peu de plans sont particulièrement marquants, en revanche, l'ensemble est fluide et arrive parfaitement à articuler les temps forts et les temps faibles qui sont la marque de fabrique de la saga, qui propose toujours des temps de réflexion. La mise en scène arrive également à gérer les dialogues de manière dynamique alors qu'une partie se fait une nouvelle fois en langage des signes. L'aspect technique revient également sur le devant de la scène, avec un tour de force renouvelé. S'il est évident que les singes sont en CGI, leur intégration dans des décors naturels se fait sans aucune difficulté, ainsi que leurs interactions avec de vrais acteurs (les singes sont également joués par des acteurs, cela rendant plus simple l'interaction). L'univers est crédible, ce qui permet une projection du spectateur dans l'histoire. Seul bémol subjectif ; peut-être manque t-il une scène de forte émotion, le film se concentrant plus sur son intrigue que sur ses personnages. A musique, John Paesano reprend quelques anciens thèmes et effectue un excellent travail, la mise en tension et l'émotion reposant également sur une partition travaillée. Il n'y a pas nécessairement de grands thèmes marquants, mais plusieurs leitmotivs récurants. C'est le cas de celui des humains qui donne le sentiment d'exotisme (vis-à-vis des singes) mais aussi de soupçon... La musique est donc également narrative. 

Une histoire prenante avec de la profondeur [spoilers]

L'intrigue convainc car elle présente une profondeur, palpable ne serait-ce que par le décor. Les anciennes traces urbanistiques de l'humanité servent d'arrière-plan au film. Les singes de leur côté, suivent leur propre évolution en reprenant les grandes étapes de l'évolution de l'humanité. Tout l'enjeu pour les singes est de ne pas suivre exactement la même voie pour ne pas disparaître comme les humains et leur hubris. La légende autour de César, plus au moins triturée et la mémoire des singes de leur passé, finissent de convaincre de la profondeur de l'œuvre et donc de la crédibilité de l'univers. Ce passé est d'ailleurs le fil conducteur et est un des enjeux du film. Les références à la Bible et au mythe de Noé rajoutent de la pesanteur à l'histoire. Les références sont utilisées mais aussi bien exploitées dans le contexte du film. Ainsi, une partie du récit se passe dans un navire (qui d'ailleurs accueille ce qui semble à un moment les deux derniers représentants intelligents de l'espèce humaine) et l'eau finira par engloutir les "mauvais" singes, ceux utilisant la force et donnant la mort. Noah lui conduit son clan "juste" dans une structure où ils sont sauvés. Le film est assez bien fait pour que les références ne soient pas nécessaires mais les comprendre rajoute un cachet à l'œuvre. 

Les thématiques d'un récit biblique [Spoilers]

La Planète des Singes : Suprématie était une réécriture du mythe de Moïse. L'évocation du prénom du héros Noah (Noé) dans les premières minutes donne l'orientation de ce nouvel épisode. Cela montre également que cet épisode s'inscrit directement dans la lignée du précédent (tout en étant détaché du point de vue de l'intrigue, puisque se passant 300 ans après). Les thématiques seront donc celles de la Genèse mais également de l'interprétation de la religion. Dans ce monde, César est devenu le nouvel Adam. Il s'agit de l'ancêtre de tous les singes, le fondateur originel dont tous les singes se revendiquent, quand ils ne l'ont pas oublié... Toutefois, même le clan de Noah qui ignore qui est César, suit les règles établies par ce dernier. Les singes du clan de Noah ignorent l'origine des lois, mais ils les suivent comme leur a inculqué les anciens. Toutefois, Noah suit les règles car il sait aussi qu'elles sont justes, c'est ce qui le rapproche du personnage biblique de Noé. Le Noé biblique incarne l'idéal de justice et de bonté, il est celui qui montre de la compassion en sauvant les animaux et souhaite préserver la nature en accueillant des couples d'animaux pour assurer l'avenir. Noah montre sa douceur envers les animaux (les aigles), dans le respect de l'équilibre de la nature (il ne prend pas tous les œufs du nid) et même envers les curieux humains pourtant méprisés par les singes. Par ailleurs, il ne tue personne pendant l'ensemble de l'intrigue alors qu'il lutte face à des ennemis qui ne se privent pas de donner la mort. Noah propose donc le chemin de la réconciliation dans un monde où s'opposent Hommes et Singes. Il est la voie juste mais d'autres personnages présentent des visions du monde différentes. Raka l'orang-outan présente la sagesse, une version proche de celle de César et donc de Noah mais plus théorique et érudite avec toutefois une altération de l'Histoire puisque pour Raka, les singes ont toujours dominé les humains. Les vestiges du monde sont des vestiges de Singes. Il faut donc protéger les humains mais comme les humains aujourd'hui peuvent avoir de compassion pour le reste du monde animal. Il représente la voie juste mais un peu trop humaine ou naïve à certains égards. Il aide toutefois Noah à trouver et à savoir ce qui est juste. Face à lui, se trouve Proximus César, l'usurpateur, qui représente le fanatisme. Dans la figure de César, il ne retient que ce qui lui permet d'assurer sa domination. Il tord ainsi la figure prophétique à son profit. Dans la Genèse, il s'apparente aux descendants de Caïn qui sont des êtres violents. Paradoxalement, il est le singe le moins naïf de l'histoire car il connaît le véritable passé du monde contrairement à Raka. Il sait que l'humain en position de force exerce toujours un rapport de domination sur l'ensemble des autres êtres. Alors à l'âge de la Révolution agricole, Proximus César voit dans les connaissances humaines et leur armement, la manière de ne jamais se retrouver de nouveau sous la coupe humaine. Toutefois, en choisissant cette voie, Proximus César prend la voie de la violence... en "s'humanisant" trop fortement, il ne vaut alors pas mieux que les humains. Noah représente à côté la possibilité pour les singes de conquérir leur "humanité" (au sens cette fois-ci noble du terme, en renonçant au droit du plus fort). Il n'est pas prêt à suivre la loi de Proximus qui est une loi injuste et dévoyée. Il est celui qui peut trancher et réfléchir. Pourtant, le film nous dit habilement que Proximus est peut-être la seule voie réaliste face aux humains car l'humaine Nova, n'a de cesse de mentir sur ses intentions... Le dernier plan avec Nova et le pistolet dans le dos est à ce titre révélateur. Elle est une alliée de circonstance pour Noah contre l'oppression de Proximus, mais elle représente également le risque d'une future oppression humaine. Le suite de la Trilogie complètera le propos mais la complexité amenée ici est déjà satisfaisante. Ainsi, le film nous propose une relecture de Genèse (pour peu qu'on ait les références) tout en présentant une critique du fanatisme (accessible à tout le monde).
Le message du film semble alors être que pour que les Singes aient un avenir, ils doivent trouver leur propre voie en évitant celle prise par les humains, qui est certes simple mais aussi vouée à l'échec. Le fanatisme humain est tout sauf un modèle!


En définitive, dans le prolongement de la dernière Trilogie, ce nouvel épisode est fidèle à la saga en qualité visuelle et scénaristique. L'intrigue reprend habilement un nouvel épisode biblique tout en offrant une critique du fanatisme. 




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mercredi 24 avril 2024

Civil War

 


Synopsis :

Dans un futur proche, les Etats-Unis sont en guerre civile. L'Etat fédéral est en difficulté face à deux Etats sécessionnistes, la Californie et le Texas. Dans ce chaos, la photographe de guerre Lee tente de documenter le conflit…


Commentaire :

Magnifier l'horrible 

La réalisation d'Alex Garland est teintée de froideur comme le sujet qu'il tente de dépeindre. En effet, pour sa dystopie, Alex Garland a choisi une image documentaire, la plus réaliste possible car si son film est bien une fiction, il a l'ambition de décrire avec réalisme la nature humaine et sa face la plus sombre. Ainsi, le film n'épargnera aucune vision au spectateur ; les morts et les blessés sont légions dans le film mais présentés sans aucun sensationnalisme ou effusion de sang superflue. Le son de la guerre, de balles et d'obus sont parfaitement retranscrits. Les plans les plus beaux et les plus marquants, autant au niveau du contexte que de la photographie sont réservés aux sujets tragiques voire sordides. A ce titre, un plan est consacré à une forêt en feu, détruite par la guerre. Le plan est sublime de part la cendre incandescente virevoltante autour de la voiture. Le deuxième plan d'une beauté assumée et en même temps d'un tragique terrible est la jeune Jessie filmée en plongée dans un charnier où les corps ont été probablement recouverts de chaux. La vision est morbide et pourtant la photographie par le cadrage et les couleurs est belle. L'humanité dans ce qu'elle a de plus répugnante est sublimée par la photographie. C'est également le message du film. Côté musique, le film reste minimaliste la plupart du temps, l'image devant rester la plus "pure" possible. La bande musicale reprend de l'ampleur à certains moments et redonne un côté cinématographique à certaines scènes Néanmoins, c'est bien le son ambiant de la guerre qui rythme le film. 


Film politique sur les conséquences de l'absence de politique [spoilers]

Civil War est particulièrement riche en thématiques, la guerre étant comprise comme la conséquence de la politique ou plus précisément de l'absence de politique. Cette dystopie improbable n'est pour autant pas impossible dans un Etat fédéral qui reste fort mais où les polarités deviennent exacerbées... comme ailleurs dans le monde au XXIème siècle. L'origine du conflit reste floue dans le film et même les protagonistes l'ignorent pour certains (nous verrons par la suite que ça n'a pas vraiment d'importance de toutes façons). Toutefois, le film a été écrit avant l'assaut pro-Trump du Capitol, c'est à dire que ce contexte de tension est perceptible depuis un certain temps aux Etats-Unis pour un fin observateur comme Alex Garland. En effet, la division entre progressistes et réactionnaires court depuis au moins une décennie et le souvenir de la guerre civil (la guerre de sécession) reste bien présent aux Etats-Unis. L'irruption d'une guerre civile alors que Trump cherche une nouvelle fois le pouvoir en cette année d'élection n'est donc pas totalement illusoire. Dans le film, le président au pouvoir est autoritaire et a changé la constitution, cela déclenchant la guerre civile : nous restons dans le domaine du possible. Ainsi comme toute dystopie, celle-ci reste un avertissement. 
Ce film nous dit d'ailleurs autre chose, l'origine du conflit importe peu. C'est ce que nous dit la scène d'affrontement entre deux snipers. Peu importe qui est en face, de quel camp il vient. A partir du moment où il représente une menace, il est à éliminer. Les soldats ne savent plus pourquoi ils se battent si ce n'est pour leur survie. L'instinct primaire des Hommes revient et nous montre une nouvelle fois la nécessité d'un Etat (le Léviathan de Hobbes), car sinon l'Homme est un loup pour l'Homme (d'autant plus que les Américains sont lourdement armés, pas loin de 400 millions d'armes en circulation). Vengeances, exécutions sommaires, le pire de l'humanité est montré dans le film. La notion de Justice a complètement disparu. Au delà des groupes de soldat, même les deux camps ont perdu cet impératif comme le montre l'exécution sans procès du Président (peu importe qu'il soit un responsable autoritaire et probablement auteur de crimes de guerre). Le camp de l'Ouest ne vaut probablement pas mieux. La justice fédérale a disparu comme la notion de Justice. Elle disparait avec la démocratie qui est pensée, à l'origine, pour éviter les rapports de force armés, l'opposition devant se faire dans les urnes. Rien ne contrôlant les Hommes, leurs pires démons ressortent. Le racisme revient évidemment sur le devant de la scène, avec la séquence du charnier, où un soldat (probablement) exécute les non-américains. Paradoxalement, il reconnait encore les Etats-Unis comme une entité.
Les Etats-Unis sont en lutte face à leurs pires démons mais qui pour face aux Etats-Unis si ce n'est les Etats-Unis eux-mêmes. Il est vrai que la géopolitique actuelle n'offre pas de protagonistes vraiment à la hauteur dans un rapport de force (35% des dépenses militaires du monde). 
Le dernier sujet est la place des journalistes de guerre. Figures positives du film au départ, la conclusion de l'intrigue vient planter le dernier clou du cercueil. Lee est une figure positive ; elle a couvert les conflits à l'étranger pour éviter que cela ne se produise aux Etats-Unis. Elle devient toutefois apathique après tant d'horreur. Sammy est lui le journaliste d'expérience gardant une certaine éthique journalistique. Tous deux sont des figures positives mais connaissent leur place de journaliste. Les journalistes restent neutre pour couvrir les conflits, ils jouissent par ailleurs d'une certaine reconnaissance aux Etats-Unis, étant présentés comme le 4ème pouvoir. Toutefois, ils doivent alors garder une posture de spectateur impuissant face aux horreurs pour parler à n'importe quel camp. Et en effet, les différents camps les respectent (sauf les individus/soldats isolés). Cette posture en fait toutefois des robots, car ils transfèrent leur capacité de jugement aux citoyens, eux se contentant d'être des témoins. Posture impossible à tenir, Lee et Sammy finissent par sortir de leur rôle, ce qui leur coûte la vie... Il reste alors le journaliste en recherche d'adrénaline, Joel, et celle cherchant la carrière et la gloire, le jeune Jessie. Le film ne nous laisse rien, toute figure humaine est définitivement corrompue à la fin.  


En définitive, Civil War est une dystopie glaçante sur la nature humaine, dystopie ayant des racines profondes dans notre monde réel... 




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lundi 4 mars 2024

Dune : Deuxième Partie


Synopsis :

Paul Atréides et sa mère Jessica ont survécu à l'élimination de leur maison par les Harkonnens. Ils sont réfugiés chez les Fremens, le peuple du désert. La vengeance de Paul s'inscrit désormais dans la lutte des Fremens qui luttent contre le colonialisme des Harkonnens. La question qui se pose à Paul est alors de savoir s'il se bat en tant qu'Atréide ou en tant que Fremen...


Commentaire :

Denis Villeneuve récidive brillamment 

La mise en scène de Denis Villeneuve s'inscrit parfaitement dans la réalisation du premier épisode avec toujours la photographie incroyable de Greig Fraser. Cela reste la première qualité du film qui réussit à saisir l'ambiance de chaque monde mais également, pour cet épisode, à magnifier des évènements ou des personnages, là ou le premier épisode se limitait à de l'exposition. Denis Villeneuve joue également avec la notion d'échelle comme il l'a déjà fait, cela permettant de mettre en valeur le gigantisme dans un empire galactique. L'univers se trouve ainsi très incarné et particulièrement impressionnant. La grande différence avec l'épisode précédent se joue au niveau du rythme et de la tension. En effet, l'intrigue se déploie enfin dans ce deuxième épisode alors que certains nouveaux personnages rajoutent des enjeux et de la tension du fait de leur personnalité. Le montage est dense du fait des nombreux évènements à dépeindre. Le film comporte aussi de nombreuses ellipses ce qui rajoute au rythme mais tend presque parfois à rendre la narration moins fluide. Denis Villeneuve compte alors sur l'intelligence du spectateur pour faire les liens. Le film aurait presque gagner à être plus long malgré sa durée déjà plus qu'honorable (2h46). Certaines scènes de combats avec des personnages importants auraient à ce titre aussi gagné (sur la fin) à être plus développées. Seul petit bémol sur ce point, la chorégraphie des combats n'est pas forcément mise en valeur par une caméra trop mouvante et des séquences trop cutés. Il s'agit là du seul grief car le reste de la technique, tout autant les décors, le maquillage ou les effets spéciaux ne sont sujets à aucune fausse note. 
A la musique, Hans Zimmer est de retour. Le mixage sonore et la bande musicale font énormément pour l'ambiance du film et favorise l'ancrage dans les différents mondes. Toutefois, il est difficile de parler de partition pour la bande musicale car Hans Zimmer travaille avant tout sur l'ambiance en utilisant des sons de l'environnement de l'histoire. Il s'agit d'un travail extraordinaire sur les sonorités plus qu'une partition orchestrale. 

Les thématiques : de la géopolitique teintée du passée

Les thématiques de Dune traitées ici sont celles perceptibles dans le film et non celles des romans, évidemment plus foisonnantes et développées. Les thématiques sont néanmoins beaucoup plus développées que dans le premier film qui effleurait seulement son univers. Dans ce deuxième épisode, la géopolitique est au premier plan avec principalement deux aspects : la réalité du pouvoir et la dimension religieuse. La réalité du pouvoir est décrite comme un fatalisme. Paul ou sa mère Jessica ne souhaitent pas prendre de responsabilité chez les Fremens. Toutefois, face à la réalité de la situation (des rapports de force sur le  terrain), ils finissent par cesser de lutter et embrasser leur destin. Ce passage est symbolisé dans le film par l'eau de vie. Une fois cette eau bue, Jessica et encore plus Paul acceptent de faire ce qui doit être fait afin de défaire les Harkonnens et l'Empereur. Paul sait que cette quête de vengeance inscrite dans la lutte anticolonialiste des Fremens coûtera à la fin de très nombreuses vies. Toutefois, Paul ne pouvait pas renoncer à son destin car cela aurait conduit à la fin des Fremens. Il n'y avait pas d'autre choix. Le pouvoir n'est pas synonyme de liberté mais de contrainte... comme le symbolise son renoncement définitif à une vie aux côtés de Chani. Il devient donc le Messie. Cela amène la seconde thématique: la dimension religieuse de l'univers. Paul ne croît pas à la prophétie mais doit se résoudre à y participer afin de fédérer les Fremens contre les occupants. Les Fremens sont fortement inspirés par les peuples arabes ayant mené la révolte contre l'empire ottoman entre 1916 et 1918. Ils jouissent à ce titre d'une bonne image bien que l'aspect religieux voire fanatique soit menaçant. La prophétie du Messie a été répandue par les Bene Gesserit au cours des siècles et Paul doit s'en servir afin de pouvoir imposer son pouvoir. Il peut alors déclencher le Djihad (le terme est simplement utilisé dans les livres) contre les occupants. Le film nous montre ainsi la puissance de la Foi. Pour le moment cela bénéficie au héros mais il est clair que le film apporte un commentaire critique sur la religion comme le souligne les dialogues entre Paul et Chani. La religion est un instrument de contrôle. 


En définitive, Dune deuxième partie est un spectacle total et une réussite à tous les niveaux. L'aspect technique du film est parfait, le travail sur le son remarquable et les thématiques politiques extrêmement riches. Au dessus de la première partie. 



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samedi 3 février 2024

Argylle


Synopsis :

Argylle est en mission sur une île paradisiaque de Grèce. Il cherche alors à attraper Legrange, une femme fatale... Cette histoire est tout droit sortie de l'imagination d'Elly Conway, romancière d'espionnage à succès. 

Commentaire :

Matthew Vaughn, la maîtrise de l'action

Matthew Vaughn réemploit la recette qui a fait sa force au Box Office: à savoir la réalisation d'un film d'espionnage et d'action comique agrémenté de scènes de combat réglées au millimètre. Argylle peut être vu comme une réminiscence de Kingsman avec un ton encore plus léger. Toutefois, le montage du film et les multiples rebondissements en font un film toujours très dynamique, dont le rythme n'est pas altéré par l'humour. La mise en scène est généreuse par la photographie, le dynamisme de la caméra et l'éclairage et le soin des transitions. La caméra numérique se voit quelque peu mais n'est pas si dérangeante dans un univers loufoque, parfois presque parodique du genre d'espionnage. La surenchère visuelle et stylistique est manifestement pensée et voulue. Le point fort du film, comme la plupart des films de Vaughn, est la mise en scène des combats, qui en plus d'une chorégraphie toujours léchée, fait l'objet d'un soin tout particulier que cela soit en termes de rythme ou du mouvement de la caméra. Plus l'intrigue se déploie, plus les plus scènes de combat sont impressionnantes. Elles sont le principal atout du film. A la musique, Matthew Vaughn n'est pas accompagné d'Henry Jackman cette fois-ci mais de Lorne Bafle. Toutefois ce dernier s'en sort aussi bien, du fait d'une composition travaillée mais aussi d'une mise en scène très visuelle de Vaughn qui laisse toujours une place pour la composition. Pas de leitmotiv particulièrement mémorable toutefois.  

Là où le scénario éclipse la thématique 

Contrairement aux films Kingsman, il semble que le film n'ait pas véritablement de thématique cette fois-ci, même en toile de fond. A ce titre, le grand méchant n'a pas de motivation hormis celui de la recherche du pouvoir et d'être le méchant. Cela diffère des méchants certes caricaturaux de Kingsman mais dont la motivation pouvait prêter à réflexion. Ici, Matthew Vaughn est plutôt intéressé par le déroulement de son scénario et de l'enchainement des retournements de situation, pastiches du genre mais aussi parodiques jusqu'à la dernière intervention d'Henry Cavill qui vient définitivement montrer la volonté du réalisateur. Vaughn adore le genre tout en le moquant. Ce commentaire méta est peut être complété par l'autre commentaire méta sur la création ; l'aspiration du romancier, bien que cela soit finalement assez en retrait dans le film. Au delà de l'effet de style et de l'argument pour faire de la mise en scène (transition entre fiction et réalité): il n'y a pas nécessairement de profondeur sur la thématique de la création. La création n'est qu'une simple transformation de l'expérience vécue (c'est en tout cas le cas pour Elly Conway). C'est dommage que Matthew Vaughn ne creuse pas un peu plus son sujet.


En définitive, Argylle est la nouvelle réalisation de Matthew Vaughn, toujours très généreuse visuellement dans un pastiche presque parodique du genre d'espionnage. Film avant tout good vibes au casting XXL, les thématiques restent très anecdotiques.



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