Les sorties de la semaine

samedi 28 septembre 2024

Les Barbares

 


Synopsis :

Le petit village de Paimpont en Bretagne s'apprête à recevoir des réfugiés ukrainiens, le maire ayant réussi à convaincre son conseil municipal. Toutefois, ce ne sont pas des Ukrainiens qui finissent par arriver mais une famille syrienne. La population oscille alors entre une attitude de curiosité et de rejet...


Le Commentaire :

Une mise en scène de comédie

Si la réalisation n'offre pas de particularité visuelle et se fond donc assez facilement dans le paysage cinématographique français, la prouesse réside alors dans la rythmique du film et l'écriture ciselée des dialogues afin que le film maintienne sa dimension comique jusqu'à la fin. Il s'agit donc d'un film de gags où l'humour tient au montage mais aussi au travail dans le plan. Le film emprunte parfois à la satire comme cette scène de face à face entre le réfugié et un Breton filmée comme une scène de Western. Julie Delpy réussit le pari de l'humour en s'appuyant également sur des performances de haut niveau; en premier lieu Laurent Lafitte à qui elle rend la réplique. A la musique, Philippe Jakko est plutôt discret mais accompagne l'image avec succès en apportant de la légèreté. 

Rire de l'altérité avec des personnages types et caricaturaux

Les thématiques du film sont liées au rapport à l'autre et à l'acceptation de ce dernier dans un monde presque clos. Dans un sens, le film questionne la tolérance et la résilience du vivre-ensemble en France. En effet, Julie Delpy dépeint ici la France profonde dans ses aspects primaires mais aussi parfois sympathiques. Les personnages représentés sont amusants car caricaturaux et disent tout haut ce qui ne devrait pas (plus) être dit. Si le film part sur le constat qu'il y a eu un deux poids, deux mesures entre l'accueil des Ukrainiens et l'accueil des autres réfugiés, les Ukrainiens étant jugés plus assimilables (mais aussi constitués en majorité de femmes et d'enfants) et dont il est fait un élément comique, le film se concentre bien vite sur le ressenti des différents protagonistes par rapport à l'étranger. En effet, chaque personnage se définit par rapport à son degré d'ouverture. Il est vrai que Julie Delpy se moque d'une certaine France profonde mais plus avec bienveillance que dans une attitude de jugement. Si la majorité de la population est attentiste, quelques figures se singularisent et apportent du comique. Il y a tout d'abord les figures républicaines. Le maire est un opportuniste, comme toute bonne personne voulant se maintenir à son poste, mais souhaite malgré tout bien faire. Il tente de profiter de l'accueil des Ukrainiens pour se donner bonne presse à moindre risque. Sa posture de maire le fait faire bon accueil aux Syriens tant que la population n'y est pas opposé. L'autre figure de prou est la fonctionnaire locale, la professeure des écoles, porteuse des valeurs de la République, véritable hussarde noire en milieu quelque peu hostile. Exaltée parfois par sa cause, elle en devient même ridicule dans son attitude auto-flagellatrice. Toutefois, l'excès et l'obstination dans l'ouverture n'est jamais dangereuse. De l'autre côté, il y a ensuite un panel de postures racistes entre les maladresses plus ou moins amusantes et la xénophobie la plus affirmée avec personnage de Laurent Lafitte (sans compter les "fachos"). Il incarne la caricature de l'homme rural, ce Français qui n'aurait jamais côtoyé d'étranger mais qui serait porteur d'un imaginaire raciste plein de clichés sur "les barbares". Personnage miroir de la professeure des écoles, ces obstinations et ses excès sont ici en revanche dangereux bien qu'il ne se mette pas lui-même directement dans l'illégalité. Il répand en effet sa haine qui infuse dans la population crédule. Entre ces deux figures situées de part et d'autre du spectre politique, plusieurs portraits finissent de compléter cette France curieuse mais méfiante. La famille syrienne présente également des "personnages types" variés quant à l'effort d'intégration, sachant que cette famille issue de la haute classe moyenne voit inévitablement sa situation se détériorer dans le pays d'accueil. Tous les membres de la famille n'acceptent pas aussi bien ce tragique déclassement. L'aspect comique est toutefois plus du côté des personnages français étant donné la gravité inhérente autour de la condition de réfugié. Un humour intelligent et piquant ressort de ce film, tant ces personnages types aux traits appuyés restent proches finalement de la réalité.

En définitive, les Barbares est un film humoristique haut en couleur décrivant une France profonde faisant face à l'altérité. Si le côté rude d'une certaine France transparait, les multiples maladresses et quiproquos des personnages montrent également une certaine tendresse dans le portrait dressé par Julie Delpy.  




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