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samedi 5 octobre 2024

 

Synopsis :

César est un inventeur et urbaniste de génie de la nouvelle Rome. Utopiste, il pense être capable de guérir la ville par l'urbanisme...

Commentaire :

L'Histoire de la réalisation

Oeuvre testamentaire de Francis Ford Coppola, Megalopolis y concentre sa science de la réalisation. L'ensemble des artifices du cinéma y est présent. Du traveling compensé, à l'incrustation, en passant par les split-screens et les œillets, peu de films présentent autant d'effets pré-CGI. Le film présente à certains moments des influences expressionnistes comme les scènes où les ombres sont projetées sur les murs. Les plans sont constamment très riches du fait d'un décor foisonnant et des effets spéciaux. Si le réalisme de l'environnement n'est pas toujours convaincant, nous garderons en tête qu'il s'agit d'une fable de science-fiction et qu'à ce titre, la réalisation possède nécessairement une dimension onirique et poétique. Toutefois, la mise en scène s'apparente plus à un hommage érudit de l'Hollywood passé qu'à une proposition nouvelle pour le cinéma de science-fiction. Un cachet presque daté. Le montage est lui particulier, parfois décousu, dans des scènes qui le justifient mais cela ne rend pas nécessairement le film toujours facile à suivre, d'autant que l'intrigue semble arriver aussi parfois par fragments. La musique, confiée à Golijov et VanderWaal, évoque parfois les péplums des années 60 mais sait également se fondre dans les scènes moins théâtrales. Ainsi le film est techniquement riche et intéressant, il s'agit incontestablement d'une vraie proposition de cinéma bien que la narration n'aide pas à l'immersion. 

De nombreuses thématiques peu creusées ou peu lisibles

Si la narration n'aide pas à la compréhension générale, l'univers de la nouvelle Rome demande en plus de bonnes connaissances sur l'antiquité romaine dans sa période impériale afin de pouvoir s'accrocher au contexte. Il reste toutefois la possibilité de comprendre le fonctionnement de cette ville décadente avec d'autres références comme la ville de New York des années 80, voire même Gotham en tant que mégapole dystopique. Une fois cela dit, la grande thématique est celle de la ville "empire" au bord du précipice qui voit difficilement cohabiter la masse et les élites. L'élite est richissime, plurielle et en rivalité et se compose des banquiers, politiciens ou bien intellectuels, toutes ces différentes catégories étant plus ou moins liées. Vivant dans leur monde et proposant des jeux au bas peuple, cette élite pose la question de l'équilibre de cette civilisation car la chute de Rome guette. Elite critiquée certes, mais sans pour autant que la fable ne la condamne totalement. En effet, Cicéron n'est que partiellement ambigu, il est un père aimant tout au plus conservateur. Toutefois, le héros et celui venant apporter une solution aux méfaits du capitalisme et à la décadence est César, lui même issu de l'élite. Il est certes un génie et un philosophe utopiste, il semble tout de même assez éloigné des préoccupations réelles du peuple bien que moins hypocrite que Cicéron qui est dans l'optique "du pain et des jeux". Pourtant, c'est lui qui trouvera une solution miracle pour la Cité, faisant de ce film une œuvre profondément technophile. Adepte du progrès, Coppola est finalement un homme de son temps. Le seul se préoccupant en revanche du peuple pour ses propres intérêts est Claudio, sorte de Donald Trump, démagogue et agitant les plus bas instincts des foules, proche par ailleurs des milieux d'extrême droite. Il est le vrai représentant de l'élite critiquée et punie dans la fable. La fable étant un genre à morale, Coppola adopte une position plus aristocratique que pro-démocratique. César trouve une solution grâce à son génie et non en s'appuyant sur la réalité des masses, quand Claudio se réjouit lui, de réunir les masses incultes. 
Au-delà du message technophile et aristocratique (au sens noble du terme comme pourrait le définir Aristote), plusieurs thématiques sont rapidement abordées par César. Elles sont toutefois sans réel lien avec l'intrigue, sortes d'interludes dispatchées dans l'œuvre. Il est fait mention de Dieu ou des dieux, inventions humaines, permettant le contrôle des foules par certains. Toutefois, ces inventeurs ont besoin de cet intermédiaire imaginaire pour manipuler les foules. Le pouvoir vient des Dieux, eux mêmes issus des humains, mais les humains ne peuvent exercer directement le pouvoir. César s'interroge aussi sur l'art et sa nature profonde et sa relation au temps. L'art n'est finalement qu'un instant figé du temps. D'autres thématiques sont également disséminées de manière plus ou moins convaincantes.


En définitive, cette vraie proposition de cinéma signée Coppola n'accrochera pas tout le monde, tant la dimension ésotérique de cette fable et sa dimension onirique au détriment de la fluidité de la narration rendent l'immersion difficile.  


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