Les sorties de la semaine

vendredi 27 mars 2015

Citizenfour


Synopsis:

En juin 2013, les activités secrètes et illégales de la National Security Agency (NSA) sont dévoilées au monde. L'auteur des révélations est un ancien administrateur de la NSA Edward Snowden, qui avant sa fuite, a récupéré de nombreux dossiers embarrassants pour les Etats-Unis. Ce documentaire revient sur cette affaire d'envergure mondiale... 

Commentaire : 

La surveillance massive 

Ce documentaire est avant tout à prendre pour son côté utilitaire, c'est à dire son fond. Deux heures est une durée assez longue pour un documentaire et Citizenfour n'est pas très rythmé. Cela est dû a son montage qui essaye d'une certaine manière de recréer l'ambiance des films d'espionnage. En même temps, lorsque Edward Snowden intervient, il n'est pas toujours aisé d'assimiler toutes les informations techniques. Le message général est néanmoins très clair et assimilable : la NSA surveille des millions de personnes à travers le monde dans l'opacité la plus totale et sans autorisation ou contrôle démocratique. Le documentaire insiste particulièrement sur l'échelle inédite de cette surveillance. Chaque individu connecté pouvant être concerné, l'intention d'information du documentaire est plus que louable. La dimension politique du sujet lui a logiquement garanti l'Oscar du meilleur documentaire en 2015. 

Juste mais objectif ?

Même si l'intention du documentaire est juste, il ne faut jamais perdre de vue qu'un documentaire est également une construction et qu'un point de vue préside nécessairement à son élaboration. Edward Snowden est dépeint comme un héros des temps modernes, mettant sa vie en danger dans l'intérêt de tous les internautes. Le film ne présente guère son personnage principal ou plutôt le laisse se présenter lui même. Même si Edward Snowden semble être un homme de principes et honorable, cela ne préserve pas d'un regard critique. Il n'aurait pas été inintéressant de faire une petite biographie du lanceur d'alerte et de qualifier sa philosophie (le libertarianisme semble t-il).  

Repositionner le débat


Repositionner le débat me semble intéressant ici. En effet, il est certain que l'activité de la NSA, puisque qu'elle est opaque et illégale, est condamnable. Invoquer le droit suffit pour conclure l'affaire. Néanmoins, il existe une question de fond : si l'activité de la NSA était légale, transparente et ne concernait que les citoyens américains, serait - elle alors juste ? Autrement dit, peut-on consciemment accepter de renoncer à une sphère purement privée au nom de la sécurité ? On serait tenter de dire que la réponse est simple et évidente. Elle l'est en effet pour les anglo-saxons et leur modèle politique libéral : la liberté ne peut s'exercer sans sphère privée et l'Etat doit être le moins envahissant possible. C'est encore plus évident pour Edward Snowden en tant que libertarien, qui a d'ailleurs soutenu le républicain Ron Paul partisan du libertarianisme en 2012. Toutefois, nous pouvons souligner que l'un des penseurs du républicanisme français, Rousseau affirmait que le contrat social engendrait de facto la suppression de la sphère privée. Vie privée et liberté ne sont pas synonymes comme le laisse parfois penser le film, bien que les notions soient liées. Impossible de trancher ici mais pour information, le paradigme actuel prône un modèle mixte penchant vers le libéralisme (politique). En outre, puisqu'il est question d'internet, il est nécessaire de se demander si une liberté totale sur le net garantie par l'anonymat est souhaitable comme le pense Snowden. En vérité, Platon répond déjà dans un sens à la question avec le mythe de l'Anneau de Gygès. Si l'homme ne peut être tenu responsable de ses actes, il fera le mal. Voici en partie une explication des dérapages de langage sur internet. Bref, il n'est pas question ici de donner une réponse définitive mais de montrer que les questions sont beaucoup plus complexes qu'elles ne paraissent à l'écran.

En définitive, ce documentaire a un rôle fondamental d'information. Son rôle premier traitant des activités de la NSA est parfaitement rempli. Néanmoins, les questions relatives à la philosophie politique sont tout au plus effleurées. 




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