Les sorties de la semaine

mardi 31 mars 2015

Cendrillon



Synopsis :

Cendrillon est une enfant heureuse. Malheureusement, cette vie merveilleuse prend fin avec la mort de sa mère. Son père, très affecté, finit par se remarier à une veuve ayant également deux filles. Ces femmes sont loin d'être bienveillantes et la situation s'aggrave pour Cendrillon avec la mort de son père. Elle finit par être la servante de la maison...


Commentaire :

Confirmation du cinéma en prises de vue réelles chez Disney

Après Alice au Pays des Merveilles et Maléfique, les Studios Disney continuent l'adaptation en prises de vues réelles de son répertoire de films d'animation. Into The Woods est l'adaptation fidèle d'un musical et ne rentre pas directement dans ces réadaptations. Voici ainsi un nouveau conte de Charles Perrault réinterprété par Disney. Toutefois, cette adaptation tient plus du film d'animation de 1950 que de l'histoire originale. Le réalisateur Kenneth Branagh, connu pour ses adaptations des pièces de Shakespeare (également connu du grand public pour Thor) a confirmé avoir d'abord travaillé à partir du classique Disney. Néanmoins, il existe quelques différences : une période portant sur la jeunesse de Cendrillon, le développement du personnage de la belle-mère (la marâtre) et l'incorporation d'autres messages en plus de la morale classique du conte. Nous reviendrons sur ce dernier point en dernière partie.

Réalisation, entre bonnes et mauvaises idées

La réalisation est sans surprise fonctionnelle, au service de la narration. Cela n'empêche pas quelques scènes purement contemplatives comme la scène de danse au château. Les scènes festives et de magie sont en général très jolies avec des couleurs appuyées rappelant le dessin animé et plus généralement le merveilleux de Disney. Le film est plutôt abouti esthétiquement. Un exemple de réussite est la scène de fuite de Cendrillon aux douze coups de minuit : travaillée graphiquement et bien rythmée. Il y a néanmoins des moments moins intenses comme le premier tiers du film qui peine à nous intéresser, d'autant plus que l'histoire est connue. Le reste est fait de petits plus et de petits moins. Concernant les bonnes idées, les références à la France sont bien trouvées (voir en vo). Disney reste consciencieux et rend hommage à la nationalité de ses contes. Cet effort pour l'hommage est d'autant plus touchant que l'histoire se passe dans un pays imaginaire et que les références explicites à notre monde n'ont pas grand sens. D'ailleurs, cette adaptation fait référence à d'autres contes de Perrault comme Les Fées (pour la rencontre de la marraine). Un autre bon point pour Cendrillon est le traitement des animaux avec lesquels l'humour fonctionne vraiment bien. En revanche, dans les mauvaises idées, nous n'apprécions que moyennement le choix de l'époque de référence du film, qui au vu des costumes et de l'architecture, oscille entre le XVIIIème et le XIXème siècle. La féerie des contes fonctionnent mieux avec un ancrage au Moyen-âge du fait qu'il s'agisse d'une époque de croyances. Les périodes suivantes voient le début de la science et de la philosophie moderne : il s'agit du début du "désenchantement du monde" selon l'expression de Max Weber. De plus, le XIXème siècle est plutôt associé au positivisme et au scientisme et même s'il existe encore des princes et des princesses, le merveilleux chevaleresque prend, nous semble t-il, moins bien. Néanmoins, c'est loin d'être le plus gros défaut.  

Le traitement contestable du personnage de Cendrillon

Disney semble avoir fait un saut en arrière dans le traitement de ses héroïnes qui avaient l'habitude d'être des femmes fortes. La Cendrillon de cette adaptation est passive. C'est en soi compréhensif car elle a cette attitude chez Perrault et dans la version de 1950. Néanmoins, le résultat est un personnage nias, presque béat ; heureux sans raison ou heureux malgré tout. Le choix de l'actrice Lily James contribue à ce trait de caractère et la direction d'acteur doit également avoir un rôle. La marraine vient de fait récompenser un état d'esprit plutôt qu'une initiative. Cendrillon agit comme une petite fille. Cette adaptation semble avant tout destinée aux petits enfants alors que les derniers films Disney pouvaient plaire à tout le monde. Ce traitement est d'autant plus regrettable que les autres personnages sont intéressants. Cate Blanchett est extraordinaire dans le rôle de la belle-mère. La marraine interprétée par Helena Bonham Carter est excellente dans sa courte apparition. Même le prince qui rejette les conventions et est ouvert à la raison est intéressant : il est à la fois classique et moderne. Néanmoins, cela ne peut compenser le problème du personnage de Cendrillon. 

La morale : les messages du conte

Un conte a comme premier objectif de faire passer des messages. Ceux-ci sont multiples bien que certains soient très convenus. Le film reprend d'abord les messages du conte original. Il y a ainsi la première morale qui souligne que la bienveillance, c'est à dire l'esprit, est la plus importante des qualités. Ce message est même particulièrement appuyé car contrairement à la version de Perrault, Cendrillon se révèle au Prince sans magie en fin de film : telle qu'elle est réellement. La magie n'est qu'un coup de pouce. La donnée magique est en fait la métaphore du réseau relationnel. Vous avez bien lu, le conte original est déjà très moderne. Dans le conte comme dans le film, c'est la marraine (la connaissance providentielle) qui met en avant Cendrillon pour sa bonté. C'est de là que vient en partie la passivité de Cendrillon : le besoin du secours de la marraine. Nous pensons qu'il aurait fallu faire l'économie de cette morale. Cela aurait permis le développement d'une Cendrillon plus forte, qui aurait rejoint les héroïnes des dernières productions. Toutefois, le message le plus intéressant et inédit de l'adaptation est une philosophie du doute prônée par Cendrillon : "ce n'est pas parce-que cela a toujours été que cela est juste" dit-elle peu ou prou. C'est le début de l'esprit critique. Alors bien même qu'il est question de croyances constamment dans le film, ce qui d'ailleurs brouille le message, dans les faits, Cendrillon est celle qui remet en cause, à la manière des enfants demandant "pourquoi". Cette qualité propre à Cendrillon est confrontée aux certitudes du Prince qui finit par adopter cette aptitude d'esprit. Ainsi, Cendrillon remet en cause la chasse en tant que loisir, qui est pour elle une activité culturelle et non naturelle. Le Prince, lui, remet par la suite en cause le mariage d'intérêt et le mariage de classe et prône le mariage d'amour. Bien que classiques, les morales du film sont pour le moins justes. 

En définitive, cette adaptation de Cendrillon a des qualités mais le traitement contestable de son personnage principal en fait un film avant tout pour enfants. Pour une production Disney, c'est un peu décevant. 




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