Les sorties de la semaine

mardi 31 mars 2015

Cendrillon



Synopsis :

Cendrillon est une enfant heureuse. Malheureusement, cette vie merveilleuse prend fin avec la mort de sa mère. Son père, très affecté, finit par se remarier à une veuve ayant également deux filles. Ces femmes sont loin d'être bienveillantes et la situation s'aggrave pour Cendrillon avec la mort de son père. Elle finit par être la servante de la maison...


Commentaire :

Confirmation du cinéma en prises de vue réelles chez Disney

Après Alice au Pays des Merveilles et Maléfique, les Studios Disney continuent l'adaptation en prises de vues réelles de son répertoire de films d'animation. Into The Woods est l'adaptation fidèle d'un musical et ne rentre pas directement dans ces réadaptations. Voici ainsi un nouveau conte de Charles Perrault réinterprété par Disney. Toutefois, cette adaptation tient plus du film d'animation de 1950 que de l'histoire originale. Le réalisateur Kenneth Branagh, connu pour ses adaptations des pièces de Shakespeare (également connu du grand public pour Thor) a confirmé avoir d'abord travaillé à partir du classique Disney. Néanmoins, il existe quelques différences : une période portant sur la jeunesse de Cendrillon, le développement du personnage de la belle-mère (la marâtre) et l'incorporation d'autres messages en plus de la morale classique du conte. Nous reviendrons sur ce dernier point en dernière partie.

Réalisation, entre bonnes et mauvaises idées

La réalisation est sans surprise fonctionnelle, au service de la narration. Cela n'empêche pas quelques scènes purement contemplatives comme la scène de danse au château. Les scènes festives et de magie sont en général très jolies avec des couleurs appuyées rappelant le dessin animé et plus généralement le merveilleux de Disney. Le film est plutôt abouti esthétiquement. Un exemple de réussite est la scène de fuite de Cendrillon aux douze coups de minuit : travaillée graphiquement et bien rythmée. Il y a néanmoins des moments moins intenses comme le premier tiers du film qui peine à nous intéresser, d'autant plus que l'histoire est connue. Le reste est fait de petits plus et de petits moins. Concernant les bonnes idées, les références à la France sont bien trouvées (voir en vo). Disney reste consciencieux et rend hommage à la nationalité de ses contes. Cet effort pour l'hommage est d'autant plus touchant que l'histoire se passe dans un pays imaginaire et que les références explicites à notre monde n'ont pas grand sens. D'ailleurs, cette adaptation fait référence à d'autres contes de Perrault comme Les Fées (pour la rencontre de la marraine). Un autre bon point pour Cendrillon est le traitement des animaux avec lesquels l'humour fonctionne vraiment bien. En revanche, dans les mauvaises idées, nous n'apprécions que moyennement le choix de l'époque de référence du film, qui au vu des costumes et de l'architecture, oscille entre le XVIIIème et le XIXème siècle. La féerie des contes fonctionnent mieux avec un ancrage au Moyen-âge du fait qu'il s'agisse d'une époque de croyances. Les périodes suivantes voient le début de la science et de la philosophie moderne : il s'agit du début du "désenchantement du monde" selon l'expression de Max Weber. De plus, le XIXème siècle est plutôt associé au positivisme et au scientisme et même s'il existe encore des princes et des princesses, le merveilleux chevaleresque prend, nous semble t-il, moins bien. Néanmoins, c'est loin d'être le plus gros défaut.  

Le traitement contestable du personnage de Cendrillon

Disney semble avoir fait un saut en arrière dans le traitement de ses héroïnes qui avaient l'habitude d'être des femmes fortes. La Cendrillon de cette adaptation est passive. C'est en soi compréhensif car elle a cette attitude chez Perrault et dans la version de 1950. Néanmoins, le résultat est un personnage nias, presque béat ; heureux sans raison ou heureux malgré tout. Le choix de l'actrice Lily James contribue à ce trait de caractère et la direction d'acteur doit également avoir un rôle. La marraine vient de fait récompenser un état d'esprit plutôt qu'une initiative. Cendrillon agit comme une petite fille. Cette adaptation semble avant tout destinée aux petits enfants alors que les derniers films Disney pouvaient plaire à tout le monde. Ce traitement est d'autant plus regrettable que les autres personnages sont intéressants. Cate Blanchett est extraordinaire dans le rôle de la belle-mère. La marraine interprétée par Helena Bonham Carter est excellente dans sa courte apparition. Même le prince qui rejette les conventions et est ouvert à la raison est intéressant : il est à la fois classique et moderne. Néanmoins, cela ne peut compenser le problème du personnage de Cendrillon. 

La morale : les messages du conte

Un conte a comme premier objectif de faire passer des messages. Ceux-ci sont multiples bien que certains soient très convenus. Le film reprend d'abord les messages du conte original. Il y a ainsi la première morale qui souligne que la bienveillance, c'est à dire l'esprit, est la plus importante des qualités. Ce message est même particulièrement appuyé car contrairement à la version de Perrault, Cendrillon se révèle au Prince sans magie en fin de film : telle qu'elle est réellement. La magie n'est qu'un coup de pouce. La donnée magique est en fait la métaphore du réseau relationnel. Vous avez bien lu, le conte original est déjà très moderne. Dans le conte comme dans le film, c'est la marraine (la connaissance providentielle) qui met en avant Cendrillon pour sa bonté. C'est de là que vient en partie la passivité de Cendrillon : le besoin du secours de la marraine. Nous pensons qu'il aurait fallu faire l'économie de cette morale. Cela aurait permis le développement d'une Cendrillon plus forte, qui aurait rejoint les héroïnes des dernières productions. Toutefois, le message le plus intéressant et inédit de l'adaptation est une philosophie du doute prônée par Cendrillon : "ce n'est pas parce-que cela a toujours été que cela est juste" dit-elle peu ou prou. C'est le début de l'esprit critique. Alors bien même qu'il est question de croyances constamment dans le film, ce qui d'ailleurs brouille le message, dans les faits, Cendrillon est celle qui remet en cause, à la manière des enfants demandant "pourquoi". Cette qualité propre à Cendrillon est confrontée aux certitudes du Prince qui finit par adopter cette aptitude d'esprit. Ainsi, Cendrillon remet en cause la chasse en tant que loisir, qui est pour elle une activité culturelle et non naturelle. Le Prince, lui, remet par la suite en cause le mariage d'intérêt et le mariage de classe et prône le mariage d'amour. Bien que classiques, les morales du film sont pour le moins justes. 

En définitive, cette adaptation de Cendrillon a des qualités mais le traitement contestable de son personnage principal en fait un film avant tout pour enfants. Pour une production Disney, c'est un peu décevant. 




******

vendredi 27 mars 2015

Citizenfour


Synopsis:

En juin 2013, les activités secrètes et illégales de la National Security Agency (NSA) sont dévoilées au monde. L'auteur des révélations est un ancien administrateur de la NSA Edward Snowden, qui avant sa fuite, a récupéré de nombreux dossiers embarrassants pour les Etats-Unis. Ce documentaire revient sur cette affaire d'envergure mondiale... 

Commentaire : 

La surveillance massive 

Ce documentaire est avant tout à prendre pour son côté utilitaire, c'est à dire son fond. Deux heures est une durée assez longue pour un documentaire et Citizenfour n'est pas très rythmé. Cela est dû a son montage qui essaye d'une certaine manière de recréer l'ambiance des films d'espionnage. En même temps, lorsque Edward Snowden intervient, il n'est pas toujours aisé d'assimiler toutes les informations techniques. Le message général est néanmoins très clair et assimilable : la NSA surveille des millions de personnes à travers le monde dans l'opacité la plus totale et sans autorisation ou contrôle démocratique. Le documentaire insiste particulièrement sur l'échelle inédite de cette surveillance. Chaque individu connecté pouvant être concerné, l'intention d'information du documentaire est plus que louable. La dimension politique du sujet lui a logiquement garanti l'Oscar du meilleur documentaire en 2015. 

Juste mais objectif ?

Même si l'intention du documentaire est juste, il ne faut jamais perdre de vue qu'un documentaire est également une construction et qu'un point de vue préside nécessairement à son élaboration. Edward Snowden est dépeint comme un héros des temps modernes, mettant sa vie en danger dans l'intérêt de tous les internautes. Le film ne présente guère son personnage principal ou plutôt le laisse se présenter lui même. Même si Edward Snowden semble être un homme de principes et honorable, cela ne préserve pas d'un regard critique. Il n'aurait pas été inintéressant de faire une petite biographie du lanceur d'alerte et de qualifier sa philosophie (le libertarianisme semble t-il).  

Repositionner le débat


Repositionner le débat me semble intéressant ici. En effet, il est certain que l'activité de la NSA, puisque qu'elle est opaque et illégale, est condamnable. Invoquer le droit suffit pour conclure l'affaire. Néanmoins, il existe une question de fond : si l'activité de la NSA était légale, transparente et ne concernait que les citoyens américains, serait - elle alors juste ? Autrement dit, peut-on consciemment accepter de renoncer à une sphère purement privée au nom de la sécurité ? On serait tenter de dire que la réponse est simple et évidente. Elle l'est en effet pour les anglo-saxons et leur modèle politique libéral : la liberté ne peut s'exercer sans sphère privée et l'Etat doit être le moins envahissant possible. C'est encore plus évident pour Edward Snowden en tant que libertarien, qui a d'ailleurs soutenu le républicain Ron Paul partisan du libertarianisme en 2012. Toutefois, nous pouvons souligner que l'un des penseurs du républicanisme français, Rousseau affirmait que le contrat social engendrait de facto la suppression de la sphère privée. Vie privée et liberté ne sont pas synonymes comme le laisse parfois penser le film, bien que les notions soient liées. Impossible de trancher ici mais pour information, le paradigme actuel prône un modèle mixte penchant vers le libéralisme (politique). En outre, puisqu'il est question d'internet, il est nécessaire de se demander si une liberté totale sur le net garantie par l'anonymat est souhaitable comme le pense Snowden. En vérité, Platon répond déjà dans un sens à la question avec le mythe de l'Anneau de Gygès. Si l'homme ne peut être tenu responsable de ses actes, il fera le mal. Voici en partie une explication des dérapages de langage sur internet. Bref, il n'est pas question ici de donner une réponse définitive mais de montrer que les questions sont beaucoup plus complexes qu'elles ne paraissent à l'écran.

En définitive, ce documentaire a un rôle fondamental d'information. Son rôle premier traitant des activités de la NSA est parfaitement rempli. Néanmoins, les questions relatives à la philosophie politique sont tout au plus effleurées. 




******

jeudi 26 mars 2015

Still Alice



Synopsis :

Alice est un brillant professeur de linguistique. Professeur à la Columbia University, elle est au sommet de sa carrière professionnelle. Lors d'une présentation de son travail de recherche, elle a un trou de mémoire. Alice se rend compte qu'elle est de plus en plus sujette à des oublis quotidiens : mots, rendez-vous, événements. Elle finit par consulter un neurologue qui lui annonce qu'elle est atteinte d'une forme d'Alzheimer précoce et héréditaire. La vie d'Alice et de toute sa famille en est bouleversée... 

Commentaire :

Rendre le monde étranger, beaux procédés de mise en scène

Still Alice jouit d'une bonne mise scène qui permet au spectateur d'entre-apercevoir ce qu'est la maladie d'Alzheimer. Pour cela, les deux réalisateurs Richard Glatzer et Wash Westmoreland ont joué sur deux procédés cinématographiques. Premièrement, la mise au point qui permet lors des moments d'absence d'Alice, de représenter un monde qui lui est inconnu. L'environnement, c'est à dire l'arrière plan est rendu flou pour signifier qu'Alice perd ses repaires dans le monde. La deuxième technique est d'agir sur la luminosité de l'environnement, qui  peut rappeller la lumière céleste signe de la fin du voyage et également signifier un monde éblouissant et lissé sur lequel Alice n'a plus d'accroche. Ainsi, les deux réalisateurs arrivent parfaitement à transmettre l'idée et la sensation de perte de repaires, qui rend l'homme sans mémoire étranger au monde. Il est possible que Richard Glatzer, qui nous a quitté ce mois-ci, suite à la maladie de Charcot, comprenait mieux que quiconque l'isolement induit par la maladie. Il a ainsi su transmettre visuellement cette épreuve. Le film réussit ainsi parfaitement son pari de traiter de la maladie d'Azheimer. Il rend cette maladie perceptible pour le spectateur qui peut en faire une certaine expérience. 

La mémoire, fondement de la personnalité

Still Alice nous amène à nous interroger sur le fondement de sujet. Le sujet est un être pensant certes, mais il pense à partir d'un savoir, de connaissances. Un individu sans mémoire est une coquille vide ; c'est en ça que la maladie d'Azheimer est terrible. Elle enlève à l'individu ce qui fait de lui un être humain. Alice, qui est une femme intelligente, comprend que c'est son être/son "moi" qui disparaît. Elle lutte ainsi pour rester elle-même ; "Still", elle souhaite persévérer dans son être. Par les actions d'Alice dans le film, on comprend que lorsque tout souvenir a disparu, il n'est plus nécessaire de vivre. En fait, à ce moment là, le "moi" est déjà mort. L'histoire est tragique dans le fait qu'une fois arrivé dans une phase avancée de la maladie, il n'est plus possible de tenir ce raisonnement. Il n'est plus possible de choisir pour soi. Ce qui reste de l'individu est étranger au monde mais aussi étranger à son ancien et véritable être. 

Un oscar destiné

Kristen Stewart et Alec Baldwin sont excellents dans le rôle de la famille, touchée par le sort d'Alice. Il était important que l'entourage du malade soit bien interprété car pour Alzheimer, la famille est particulièrement affectée. Kristen Stewart, qui malgré un jeu qui est proche de ce qu'elle délivre habituellement, est très juste pour cette réalisation. Jullianne Moore est évidemment excellente mais la question est de savoir si cette interprétation lui valait l'oscar. Les films jouant sur le pathos en représentant des personnes handicapées sont souvent des films récompensés (Intouchables, la Famille Bélier). Dans un sens, cela prouve que l'homme a de l'empathie et éprouve de la compassion. L'oscar 2015 du meilleur acteur masculin a été attribué à Eddie Redmayne pour son interprétation de Stephen Hawking atteint de la maladie de Charcot. Jullianne Moore obtient le sien pour le rôle d'une malade d'Alzheimer. Dans ce rôle, une actrice de talent comme Jullianne Moore ne pouvait semble t-il passer à côté de l'oscar. Était-ce la meilleure des nominées ? Sans doute. Était-ce la meilleure performance de Jullianne Moore ? J'en doute.

En définitive, ce film est un bon moyen d'appréhender Alzheimer. Au-delà du sujet, cette histoire contentera d'abord les amateurs de drames. 


******

mercredi 25 mars 2015

The Voices


Synopsis :

Jerry est un employé d'usine, considéré comme très simple et gentil. Il vit seul avec son chat et son chien. Tout à fait normal en apparence, Jerry souffre toutefois de problèmes psychiatriques depuis son enfance. Lorsqu'il omet volontairement ou involontairement de prendre ses médicaments, il entend des voix. Son chien et son chat se mettent alors à prendre la parole et tels un ange et un diablotin, essayent de pousser Jerry à faire le bien ou le mal...


Commentaire :

Une mise en scène très réussie

La réussite d'une mise en scène tient à l'adéquation avec le propos traité par le film. Ici, il est question de la schizophrénie. En jouant sur la colorimétrie de l'image et sur la représentation à l'écran de l'imaginaire de Jerry, le film arrive parfaitement à nous montrer tour à tour un monde angélique vu selon Jerry et un monde objectif et macabre. Ce procédé de mise en scène permet de nous mettre face à des choses que l'on sait horribles mais tolérables à l'image car représentées à travers le filtre perceptif de Jerry. Il en résulte un humour noir jouant sur un comique de situation puisque derrière cette vision idyllique se trouve la réalité macabre, susceptible d'être découverte par les autres personnages et par nous spectateur. Une réelle tension s'installe car nous ne souhaitons pas voir cette réalité qui serait insupportable. Le génie de la réalisatrice Marjane Satrapi est de reprendre des images bien connues à son compte en faisant, par exemple, discuter à travers le prisme de Jerry, le chat maléfique et le chien raisonnable (la conscience prise entre l'ange et le diable). Simple prétexte pour faire discuter des animaux, le résultat est assurément très amusant. Ajoutons également que Ryan Reynolds, dans le rôle de Jerry, interprète parfaitement son personnage simplet et schizophrène, le comique de caractère se superposant au comique de situation. 

Tu n'es plus mettre dans ta propre maison

Derrière le malade souffrant de troubles psychiatriques, il est très clairement question du sujet dont l'ego est profondément blessé par l'affirmation de Freud "le moi n'est pas maître dans sa propre maison". Le fondateur de la psychanalyse remet précisément en cause l'unité du sujet. Il vrai ici que le cas est un peu particulier car il ne s'agit pas d'une dualité conscience - inconscience mais d'un individu à deux consciences voir plus en fonction des voix qu'il entend. C'est un cas extrême de sujet qui n'ayant pas d'unité a énormément de problèmes à appréhender le monde extérieur. De manière assez corollaire, on attendrait que la question de la responsabilité surgisse et que le film vienne peut-être interroger ce que le droit propose lorsqu'il faut juger ces individus. Toutefois, il n'en est rien. Le film présente de manière horrifico-comique l'histoire d'un malade psychiatrique mais ne dit mot sur le fond. Venant de la réalisatrice de Persépolis c'est tout de même assez étrange, mais la fin du film semble quand même aller dans ce sens. 

En définitive, un film construit sur de superbes idées de mise en scène avec un humour qui fait mouche. Dommage néanmoins que le film se contente de la comédie en évitant de réfléchir profondément sur son "sujet".



******

lundi 23 mars 2015

Big Eyes


Synopsis :

Margaret est une mère divorcée élevant seule sa fille. Elle est peintre ayant pour particularité de représenter des enfants, souvent sa fille, avec des yeux immenses. Toutefois, son art ne rencontre pas le succès avant qu'elle ne rencontre Walter. Peintre également, il essaye à tout prix de faire connaître les tableaux de celle qui deviendra sa femme. Pour mieux vendre les peintures de Margaret, il s'en attribue la création...


Commentaire :

Un surprenant Tim Burton

La pâte de Tim Burton n'est pas aussi manifeste que d'habitude dans ce biopic artistique. Le simple fait que le film soit un biopic réduit grandement la possibilité du développement de cette atmosphère gothique si singulière à Burton. Toutefois, les yeux disproportionnés des tableaux rappellent très vite les films d'animation de Burton. Ce dernier concède d'ailleurs adorer les tableaux de l'artiste peintre. La caméra subjective de Margaret permet également à Burton de faire surgir l'imaginaire dans la réalité. Néanmoins, de manière générale, la mise en scène est plutôt sage et fonctionnelle tout en restant élaborée. Le film ne tente pas de dénaturer ce qu'a pu être la vie de Margaret Keane, il paraît plutôt être réalisé de manière consciencieuse afin de restituer au plus près l'histoire de cette femme. Amy Adams est excellente dans le rôle de Margareth Keane, et Christopher Waltz est comme à son habitude admirable. Le film arrive donc bien à retracer la vie de cette artiste et à expliquer les enjeux autour de l'art.

La société patriarcale

Les messages présentés dans ce biopic sont clairs. Il y a d'abord la thématique centrale concernant la place de la femme dans la société américaine - périodes 50 - 60 - 70 et de la difficulté d'être une femme artiste. Le film présente une société où le patriarcat est encore central, la femme pouvant tout au plus être l'assistante du maître peintre, avec la scène édifiante où Margaret est réduite à faire le service lors de l'exposition de ses tableaux. Il est donc refusé à la femme tout rôle moteur dans la famille et dans la société. Cette donnée sociale est renforcée par les enseignements de l'Eglise qui pousse Margaret à se laisser dominer par Walter, elle qui a déjà peu de caractère. La critique envers la religion n'est toutefois pas si poussée car, c'est un fait l'histoire de Margaret, ce sont les Témoins de Jéhovah qui finissent par donner à celle-ci la force de s'opposer à son mari. On note toutefois de manière générale que la société civile et religieuse sont encore réticentes à accorder à la femme toute sa place.  

Art ou Marchandise

Il y a également toute une série de réflexions sur l'art: notamment la question de l'art et de la reproductibilité, de l'art et du phénomène de mode, de l'art et de la société de consommation. En définitive, il y a un questionnement sur l'art de notre temps et sur la forme de l'art contemporain. On constate que la notion d'art est facilement manipulée dans cette société mais le film, qui a avant tout pour but de raconter la vie de Margaret Keane, ne donne pas son avis sur ces questions. D'ailleurs dans le domaine de l'art, y a t-il une vérité universelle ? Il semble que non puisque l'art est avant tout personnel, d'où la souffrance de Margaret dans le film. 

Bonus : Un message caché de Tim Burton ?

Cela serait sûrement de la sur-interprétation de faire un rapprochement entre la vie privée de Tim Burton et l'enjeu du film mais risquons nous à émettre une idée en ce sens. Tim Burton s'étant séparé d'Héléna Bonham Carter récemment, cette dernière n'étant pas pour une fois dans le film de son compagnon, y'aurait-il un écho du film au-delà de son histoire en présentant un homme qui est moindre sans sa femme ?  Il s'agit après tout du plus faible démarrage d'un film de Tim Burton sur le territoire américain...  

En définitive, ce dernier Burton, plutôt sage, arrive parfaitement à retracer la vie de Margaret Keane.



******

samedi 21 mars 2015

Divergente 2: L'Insurrection


Synopsis:

Après avoir réussi à fuir lors du complot orchestré par Jeanine, Tris et Four sont contraints à la clandestinité. Ils découvrent par la suite que Jeanine leur fait porter la responsabilité du massacre de la faction des Altruistes. Pour empêcher Jeanine de s'emparer du pouvoir, ils comprennent qu'ils vont devoir déclencher une révolte contre le système des factions...


Commentaire:

Peu fulgurant malgré quelques jolies scènes

Le film comporte plusieurs longueurs malgré une durée classique (2h) pour le sous-genre cinématographique, c'est à dire une dystopie tirée d'une saga de romans visant un public jeune, plutôt féminin. Il n'est pas inutile de préciser le genre du film car c'est plus spécifiquement les moments de questionnement de l'héroïne sur sa culpabilité, sur ses états d'âme et sur ses sentiments qui font traîner le récit. Le public visé explique évidemment ces caractéristiques mais le premier volet ou une saga analogue comme Hunger Games étaient mieux équilibrés (quoique le dernier Hunger Games La Révolte traînait un peu également). La réalisation, elle, n'est pas totalement inintéressante. Elle est certes fonctionnelle mais il y a quelques jolis plans signifiants notamment avec Kate Winslet. Les scènes de simulation, dans lesquelles s'expriment la créativité du réalisateur et de l'équipe des effets spéciaux, sont elles très agréables à regarder. Ils s'agit des principaux moments d'audace cinématographique. En revanche, le reste est beaucoup moins prenant, que cela soit au niveau de l'histoire ou de la mise en scène. En outre, les effets spéciaux utilisés pour les décors urbains lors des plans généraux sont peu convaincants. Cela n'est pas très grave lorsqu'il s'agit de simulation mais lorsque le film est censé représenter l'environnement réel de son histoire, la qualité de cette modélisation 3D trouve ses limites. 

Un casting plutôt impressionnant

Si l'héroïne est incarnée par l'étoile montante d'Hollywood Shailene Woodley, le casting présente également des acteurs en devenir ou bien connus comme Jai Courtney, Octavia Spencer et Daniel Dae Kim et des stars qu'on ne présentent plus comme Kate Winslet et Naomi Watts. Ils sont bien évidemment très bons dans leur rôle mais qui lui n'est pas très intéressant car très stéréotypé. Les personnages sont très lisses et il est facile d'imaginer leurs actions. L'histoire étant également banale pour le genre, il n'y a pas beaucoup de surprises. Toutefois, pour un public jeune qui n'a pas encore énormément de références concernant ce genre, l'histoire peut, peut-être, être prenante. Cela sera du déjà-vu pour les autres mais chaque spectateur a autant de légitimité. Néanmoins, malgré de bons acteurs, le rythme du film restera sûrement un problème pour tous. 

Le message

Le message du film est le même que pour le premier volet hormis si on prend en compte la fin. Pour rappel, le film critique le conformisme et l'imperméabilité des classes sociales qui sont de véritables communautés refermées sur elles-mêmes. Dans ce volet, la révolte éclate et souhaite faire tomber ce système de castes qui est une entrave à la liberté. Le film délivre donc progressivement son message. Néanmoins, le dénouement de ce volet (qui est une révélation de la vérité) soulève de nombreuses questions concernant l'égalité les peuples et l'égalité formelle des hommes. Le message nous parait éthiquement contestable. Difficile d'en dire plus sans ne rien révéler mais en substance (ceux qui ont vu le film comprendront), il faudrait que la suite montre que le monde extérieur ait eu tord d'avoir mener ce test. Impossible de savoir quel sera le message final de l'oeuvre d'autant plus que ce film, qui a pour le coup une réelle qualité, ne se termine pas avec une fin de série en présentant un cliffhanger. Une ouverture modérée clôt juste le film. De ce point de vue, ce volet est un ensemble cohérent comme l'a été le premier volet mais le message délivré en toute fin nous semble nécessairement devoir être contesté par les deux derniers volets de la saga. 

En définitive, cette production nous semble moins prenante que le premier volet mais peut satisfaire ceux étant passionnés par l'histoire. En revanche, il est difficile de savoir ce que penseront les amateurs du roman car le film s'offre de grandes libertés. 






******

jeudi 5 mars 2015

Chappie


Synopsis ;

Deon travaille dans une société de robotique fabriquant des robots de sécurité pour la Police sud-africaine. La mise en place de ces robots autonomes est un vrai succès et la criminalité sud-africaine chute. Toutefois, Déon rêve d'aller au-delà des robots autonomes, il souhaite créer la conscience artificielle. Dans l'entreprise, Deon est opposé à Vincent qui privilégie des robots entièrement contrôlés par des humains. Il jalouse férocement les crédits que Deon obtient pour ses robots... 

Commentaire :

Neill Blomkamp le sud-africain

Neill Blomkamp retourne en Afrique du Sud, son pays natal et y place son histoire comme il le fit avec District 9. Chappie est d'ailleurs la production rappelant le plus le film qui a fait connaître Neill Blomkamp, par le lieu de l'action mais également par les acteurs ou par la teinte et l'exposition de l'image. Le contexte sud-africain est âpre et la violence qui règne dans ce pays irrigue cette nouvelle production. Si la thématique développée par Chappie a une portée universelle, les plus jeunes et les plus anciens pourront être rebutés par ce voyage sans concession au plus près de la malveillance et de l’agressivité humaine. 

L'Altérité : une thématique chère Blomkamp

Paradoxalement mais intelligemment, l'ignorance, la raison et la bonté viennent ici de la conscience non-humaine, la conscience artificielle. Certes, Deon semble être une bonne personne ainsi que Yo-Landi finalement, néanmoins, l'espèce humaine ne fait pas grande impression ici, entre l'avidité de Vincent, la violence des voyous et l'incompréhension ou l'indifférence du reste de la population. Chappie en fait ici la terrible expérience comme les extraterrestres dans District 9. Encore une fois, c'est pour l'autre (et non pour l'humain) que le spectateur va avoir de l'empathie et de la compassion. C'est une thématique tout à fait intéressante car le message de Blomkamp suppose qu'une intelligence n'est pas bonne ou mauvaise par nature (biologique / robotique) mais devient ce qu'elle est par expérience (par culture diraient certains). Toute conscience, peu importe son origine, se vaut donc. C'est typiquement une approche non-déterministe, si bien que les consciences se valant tellement qu'elles finissent par devenir totalement égales aux yeux du spectateur en fin de film. En vérité, la conclusion du film soulève énormément de questions autour de l'homme, de la conscience, de l'être et du corps, mais l'objectif de Blomkamp s'arrête sûrement à la question de la conscience artificielle. 

Rafraîchissant tout en restant classique

Un film rafraîchissant, modeste finalement en terme de science fiction puisque l'intrigue ne vient pas remettre en cause l'existence de la galaxie, mais présentant une thématique profonde et universelle. La thématique est rafraîchissante dans le sens où depuis 2001, L’Odyssée de l'espace en passant I.Robot, l'intelligence artificielle et plus spécifiquement la conscience artificielle jouit d'une mauvaise réputation, bien que les lignes semblent bouger. 
La mise en scène est elle plutôt fonctionnelle et classique avec un petit côté tiré des jeux vidéos du fait que l'on ait parfois la caméra subjective des robots. D'ailleurs, il y a peut-être une petite critique à l'adresse des joueurs prenant la réalité pour la virtualité à l'instar de Vincent qui est finalement un grand enfant voulant tester son jouet dans le monde réel. Enfin, la musique est elle très reconnaissable avec ses fortes percussions rythmiques. Hans Zimmer réalise toujours une musique purement cinématographie c'est à dire minimale mais efficace.

En définitive, un film signé Neill Blomkamp, proposant un message très intéressant et intelligemment abordé. Le format est classique, rythmé et efficace. 


******