Les sorties de la semaine

samedi 24 février 2018

La Forme de l'eau


Synopsis :

En pleine guerre froide, les américains capturent une étrange créature aquatique humanoïde dont ils espèrent tirer des connaissances dans la course contre l'URSS. Elisa, une simple employée de ménage, muette, se prend alors d'intérêt pour cette créature, soumise à toutes sortes d'expériences...


Commentaire :

La camera immergée de Del Toro 

Guillermo Del Toro nous offre un véritable film de cinéma avec une réalisation aboutie, de la caméra à la direction artistique. L'univers marin est au centre du film de part la gamme chromatique de tonalité vert/bleu. Le réalisateur utilise très justement une sorte de caméra flottante avec de longs plans, comme si elle était portée par un courant marin, caméra qui n'hésite pas à traverser les planchers comme pourrait le faire de l'eau. Le film est véritablement beau et travaillé, cela tout à fait en cohérence avec le talent de Del Toro. Le réalisateur est décelable à deux autres niveaux : le design de la créature qui ne va pas sans rappeler le personnage aquatique de Hellboy. Le fait qu'il ne s'agisse pas d'un personnage numérique (la plupart du temps) mais d'un costume-maquillage crée une continuité avec la plupart des monstres des autres films. En outre, le petit côté gore, dérangeant, marque là encore la présence du prodige mexicain. Si l’histoire en elle-même n'est pas si originale mais au contraire prévisible (comme le devenir des cicatrices d'Elisa), la réalisation de Del Toro en fait un film très agréable à regarder. Du côté musical, Alexandre Desplat réalise une belle partition qui ne prend jamais l'avantage sur l'image mais qui est donc difficilement mémorisable.

Une direction d'acteur impeccable 

L'ensemble des acteurs est d'une justesse incroyable, ce qui permet de s'investir dans un conte assez convenu dans son schéma. Sally Hawkins (Elisa) au premier rôle est très convaincante avec un jeu juste et une figure (aspect) banale, à propos ici. Les seconds rôles campés par Michael Shannon (Richard Strickland), Olivia Spencer (Zelda) et Michael Stuhlbarg (Dr Hoffsteller) sont quant à eux parfaits. 

Thématique : les héros marginaux

Si la romance semble être a priori le centre du récit, il s'agit en fait d'un simple ornement qui donne de la chair au drame, car l'histoire fonctionnerait sans. Ce conte nous parle de la différence et particulièrement des a-normaux; ceux mis en position de minorité dans la société. Tous les a-normaux ont le bon rôle dans le film. La créature est l'être le plus anormal de l'histoire et pourtant le plus merveilleux, presque dressée au rang de dieu. L'héroïne est muette et c'est cet handicap qui lui permet de comprendre la créature. Son ami Zelda est afro-américaine, ce qui, dans les années 50-60, n'est pas aisé aux Etats-Unis, des scènes de la télévision le rappelant. Même l'ami et voisin d'Elisa, Giles, qui a priori est dans la norme se révèle finalement homosexuel, ce qui est pareillement loin d'être facile. C'est uniquement lorsque ce trait du personnage est révélé qu'il devient véritablement bon. Enfin, le docteur Hoffsteller est lui un soviétique aux Etats-unis ce qui est aussi hors-norme. Toutefois, Del Toro ne fait pas des soviétiques les gentils en évitant de tomber dans une critique trop facile et erronée des Etats-Unis. En face de ces marginaux, le serveur blond du restaurant et le chef du service de recherche représentent parfaitement la norme américaine des années 50. Le chef Strickland a tout de la réussite, belle réussite professionnelle, belle famille, enfants, femme, maison, voiture. C'est pourtant le pire individu représenté. Il y a dans le film presque l'idée d'une convergence des luttes contre la tyrannie de la majorité "normale". Si le manichéisme est évité pour la guerre froide, en revanche, il est présent à travers les rôles des personnages dans leur sociologie (hommes blancs tyranniques contre le reste de la société). Ce qui pourrait être une limite du propos ne l'est pas ici car il s'agit bien d'un conte, genre qui se doit d'être clair dans son message. Message par ailleurs à propos sous la présidence Trump. 

En définitive, Guillermo Del Toro nous offre un joli conte, réalisé d'une magnifique manière, à la morale simple mais non simpliste. 



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