Les sorties de la semaine

vendredi 9 février 2018

Pentagon Papers


Synopsis :

La guerre du Vietnam n'en finit pas. Pourtant le gouvernement américain sait la victoire impossible. Pour garder la face, les différents Présidents n'osent pas se retirer du conflit. Ce secret d'Etat finit par fuiter en 1972 dans les Pentagon Papers. Le Washington Post et sa directrice Katharine Graham hésitent un temps à publier les informations, intimidés par la présidence Nixon et la Justice fédérale.


Commentaire :

Mise en scène attrayante 

Ce genre de film, un drame historique, ne mise pas tout son intérêt sur la réalisation. Toutefois Steven Spielberg s'est particulièrement impliqué dans la mise en scène. L'ouverture est celle d'un film de guerre : dès cet instant, le spectateur sait qu'il est devant un film historique et non un documentaire. Le spectateur pourra donc s'investir émotionnellement dans la narration. Les cadres, les angles, les mouvements de la caméra varient tout au long du film, Spielberg ne tombant nullement dans la facilité. Au delà, de la mise en scène de narration, les plans et séquences sur les machines d'imprimerie de la presse des années 70 sont la touche en plus du réalisateur. Ces séquences insistent sur l'enjeu de l’événement, en plus d'être intéressantes d'un point de vue mécanique. Plus généralement, la montée en tension est progressive, le film se regardant donc très facilement. Pour parachever à la fluidité de l'ensemble John Williams, à la musique, produit une partition tout en retenue mais d'excellente facture. 

Richesse thématique : féminisme, liberté, sécurité 

L'intérêt de ce film est véritablement sa richesse thématique et en réflexions. La réalité du patriarcat dans l'Amérique des années 70 ne fait aucun doute à travers l’œil de Steven Spielberg. La propriétaire du Washington Post, Katharine Graham n'est jamais prise au sérieux par l'ensemble des hommes autour d'elle, si bien qu'elle doute nécessairement toujours d'elle, malgré quelques bons soutiens masculins. Ce qui est véritablement intéressant dans le film est la progression de ce personnage qui s'affirme tout au long du film. Que cela soit la réalité ou un arrangement pour le film, le message est pertinent. Le plan de Katharine traversant une foule de femmes après le procès est en ce sens révélateur de l'intention louable de Spielberg. Le choix de se focaliser sur Mme Graham, au-delà de sa condition de femme, est intéressant. En plus de donner un point d'ancrage au récit et de permettre au spectateur de s'investir dans un personnage, ce choix de Spielberg permet d'aller au delà de la question du bien ou du mal, du juste ou de l'injuste, bref comme il est dit dans le film, de la théorie. En effet, une fois la validité de la cause arrêtée, quelqu'un doit prendre le risque de briser le silence pour dévoiler la vérité. La vérité peut avoir un prix, et il était judicieux de la part de Spielberg de montrer tout ce que peut perdre un lanceur d'alerte. La question de la Justice n'est donc pas que théorique. 
Autre thématique bien évidemment, celle de la presse et plus largement des institutions américaines. Beaucoup de réflexions parcourent cette thématique. La première est celle de la rentrée en bourse des journaux qui implique une perte de contrôle et donc d'indépendance. Le Washington Post publie les Pentagon Papers juste après sa rentrée en bourse, ce qui pourrait signifier sa fin en cas de catastrophe (interdiction par la Justice Américaine). Bien que la bourse ne soit pas le principal problème dans le film (cela rajoute à la tension), ce point souligne néanmoins la question de la perte de l'indépendance de la presse (poids des actionnaires) et son obligation de rentabilité. Problème d'ailleurs prégnant dans le film car les journaux sont dans une situation de concurrence, or l'information la plus vendeuse n'est pas forcément la plus intéressante. Question : la presse doit-elle être rentable ? Ou autrement dit, le marché peut-il réguler les médias ? 
Une autre question inhérente à la presse est particulièrement intéressante. La presse peut-elle tout dire ? Même si cela concerne la sécurité intérieure ? Les Pentagons Papers pouvaient être révélés, comme l'a tranchés la Cour suprême américaine. Cela reste toutefois un cas singulier. Dans une démocratie, l'information doit être libre pour que les citoyens puissent se forger une opinion. Le film dit très joliment "La presse sert les gouvernés, non les gouvernants". Il reste que la question se pose néanmoins, même au delà de la question de la légalité des révélations.  Toute chose doit être dit mais pas nécessairement instantanément, notamment en matière de sécurité. Les Pentagons Papers étaient acceptables dans la mesure où ils portaient sur des événements passés et qu'ils ne mettaient pas en jeu directement des vies sur le terrain, bien au contraire.  L'affaire des Pentagons Papers prouvent deux choses : que d'une part la Justice américaine est bien un contre-pouvoir à l'exécutif; elle est véritablement indépendante. Elle prouve d'autre part que la Constitution américaine est très bien écrite pour ce qui concerne la question de la presse car c'est sur elle que se fonde la Cour suprême. Attention toutefois à ne pas sacraliser la Constitution américaine qui a tout de même quelques défauts (armes à feu). Dans les mêmes précautions à mentionner, il est nécessaire de souligner que le rôle de la presse est déterminant, sans pour autant ériger cette dernière en guide à penser. La valeur d'un article de presse n'est pas celle d'un article scientifique et le point de vue peut être volontairement ou involontairement biaisé. La réflexion personnelle reste indispensable. 


En définitive, Pentagon Papers est un grand film du genre historique. Les réflexions sur la presse, le féminisme, la liberté et la sécurité sont passionnantes, ainsi que le voyage dans le fonctionnement des institutions américaines. 


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