Les sorties de la semaine

lundi 25 octobre 2021

Venom : Let There be Carnage

 


Synopsis :

Eddie Brock est toujours associé à Venom avec qui la relation oscille entre amitié, complicité et agacement. Toutefois, il faudra que les deux comparses soient parfaitement en osmose pour affronter un nouvel ennemi : Carnage... 


Commentaire :

Montage trop dynamique

Andy Serkis opte pour un montage au service du rythme ou est-ce le studio qui a remonté ou élagué le film ? En tout cas, le montage ne fait place qu'à l'action en faisant le minimum pour travailler les personnages et le enjeux. Les relations entre les personnages sont très peu mis à l'honneur si bien que le film, très court, se retrouve être une succession de scènes d'action. Ainsi, le film n'est constitué que de temps forts mais sans réelle tension puisque aucune scène ne travaille vraiment leur venue. Pourtant le film avait beaucoup de relations à travailler ; entre Eddie et Venom, Eddie et Anne ou encore Eddie et Cletus, pour ne citer que les relations où Eddie est impliqué. L'origine de Carnage est également peu compréhensible, comme le fait qu'il soit rouge ce qui est censé vouloir signifier quelque chose. Rien n'est expliqué. Le scénario manque donc globalement de développement et de finesse. Aucun arc narratif n'est réellement conclu ou concluant... La petite dose d'humour dans le "couple" Eddie-Venom fonctionne plutôt bien mais c'est très peu pour sauver l'ensemble. Au-delà du scénario, on sent qu'Andy Serkis avait l'ambition d'utiliser quelques éléments de la mise en scène horrifique (l'origine de Cletus Kasady, l'apparition de Carnage), mais le film n'est pas assez posé pour que les éléments horrifiques prennent. Un ou deux plans se détachent sans que l'ensemble ne paraissent véritablement travaillé. C'est donc un film assez décevant. Seule la scène post-générique a un intérêt. A la musique, Marco Beltrami est assez effacé et ne se signale que pour certains éléments rappelant le film d'horreur. Toutefois, aucun thème ne se détache, et pour cause, le film n'offre pas d'espace à la musique du fait de son rythme infernal.

Film sans thématique

Si l'histoire est rudimentaire, les grandes thématiques sont absentes. Le déterminisme (l'origine de Cletus), la peine de mort ou les relations de couple ou d'amitié ; toutes ces thématiques étaient pourtant exploitables. Mais là encore, la durée et le rythme du film n'offrent aucune possibilité de développement. Un film sans thématique ne peut être un bon film. 


En définitive, Venom 2 est un film dont le scénario manque de développement, ce qui était évident étant donné la durée du film. Une succession de scènes d'action sans grand intérêt.



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lundi 18 octobre 2021

Le Dernier Duel

 


Synopsis :

Les anciens amis Jean de Carrouges et Jacques Legris s'opposent dans un procès dans lequel Jean accuse Jacques d'avoir violer sa femme Marguerite alors qu'il était absent. Sans témoin, l'affaire débouche sur un duel judiciaire dont le résulta dépendra de la volonté de Dieu et révèlera si Marguerite a menti ou bien subit un viol portant atteinte à la famille Carrouges...


Commentaire :

Minutie et réalisme de Ridley Scott

Ridley Scott sait raconter des histoires grâce à son sens de la narration fluide. Il sait également rendre crédible l'univers dépeint par la minutie qu'il met dans le détail. Que cela soit les paysages, les décors, les costumes (quelques libertés sur les armures) ou la description de la société féodale, tout témoigne d'un travail approfondi cherchant à restituer de la réalité ou pour le moins produire un sentiment de réalisme. Il faut dire que le film s'appuyait déjà sur des fondations solides avec l'œuvre de l'universitaire Eric Jager comme matériau d'origine. Toutefois, aucun des choix artistiques n'est laissé au hasard et ce travail minutieux et rigoureux distingue le Dernier Duel de bien des films sur la période médiévale. La mise en scène est en elle-même académique, soignée, parfois symbolique par certains plans (le monde chrétien de l'époque offrant de nombreuses possibilités) mais sans originalité notable. La singularité du film, qui est sa force et sa faiblesse, est sa structuration en 4 actes, dont les 3 premiers sont les points de vue des trois protagonistes principaux sur l'affaire (effet Rashômon). Le spectateur est mis à la place du jury écoutant les différentes versions de l'histoire. Si l'intelligence du spectateur est convoquée pour analyser les nuances de chaque version, le procédé amène nécessairement un sentiment de répétition tout autant que de mise en tension des versions. Néanmoins, malgré la durée conséquente du film, cette structure réussit habilement à maintenir l'intérêt pour l'histoire. A la musique, Harry Gregson-Williams réalise un joli travail en incorporant une bande-musicale inspirée par la musique baroque pour renforcer l'impression d'authenticité. Toutefois, les moments de musique orchestrale sont tout aussi réussis. 

La féodalité et la femme objet 

La puissance du film réside dans sa description de la société féodale : les pouvoirs des seigneurs, les liens de vassalité, le rôle de l'Eglise. Il y a presque une vertu pédagogique au film (ici l'interview d'un conseiller historique du film). C'est dans ce contexte qu'est décrit le patriarcat médiéval dans lequel Marguerite n'a pas plus d'importance qu'un bien ou qu'un animal. La comparaison est indirectement faite avec une jument dans le film. Jean de Carrouges n'est d'ailleurs pas choqué par le viol en lui-même ni le traumatisme de sa femme, il est hors de lui pour le tord que cela lui fait. Son rival lui a pris une terre, il lui prend maintenant sa femme. De l'autre côté, Jacques Legris n'a que peu de considération pour la femme et le consentement. Les institutions des hommes viennent par dessus douter constamment du non-consentement de Marguerite, la femme étant une tentatrice par nature. La femme, sans statut juridique, n'a donc pas le droit à la parole ; elle n'a aucun moyen de se défendre. Le film prend habilement fait et cause pour Marguerite grâce à son montage faisant succéder les points de vue, en soulignant que la version de Marguerite n'est pas seulement un point de vue, mais la vérité. Paradoxalement, c'est bien la version la moins écoutée par les hommes et les institutions. Le film dénonce et critique avec une résonnance contemporaine.
Toutefois, Le Dernier Duel se distingue par la finesse avec laquelle il traite le sujet. Le film questionne avec nuance car la vérité n'est pas toujours une valeur absolue. La vérité vaut-elle la vie ? Vaut-elle à un enfant de grandir sans mère ni père ? La tension des questionnements reflète la complexité du monde.
 

En définitive, Le Dernier Duel est une plongée crue et sans concession dans le monde féodal. Ridley Scott décrit minutieusement la société française de l'époque et montre le sort peu enviable réservé à la femme.  



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dimanche 10 octobre 2021

Mourir peut attendre




Synopsis

James Bond essaye d'oublier le passé et de profiter de la vie en compagnie de Madeleine. Toutefois, lorsque qu'on fut 007, le passé peut toujours venir troubler le présent... 


Commentaire :

Mise en scène entre le dynamisme de l'histoire et la travail des plans [spoilers]

Fukunaga arrive sur la saga en reprenant le travail des plans des derniers épisodes. Si le travail sur la lumière est moindre que chez Sam Mendes, de nombreux plans, notamment d'introduction aux scènes, bénéficient d'un beau travail de composition, avec pour cadre des paysages naturels grandioses. Les différents lieux parcourus et montrés ainsi que l'intensité de l'action font de ce James Bond un blockbuster classique au sens noble du terme. La volonté de relancer l'action, dans un film d'une durée conséquente, est palpable, pour éviter semble t-il tout ennui au spectateur. Par certains aspects, le film offre même trop d'action, trop de temps forts, alors que le film avait le potentiel de travailler plus en finesse les personnages et les relations entre eux. En effet, ce film s'intéresse plus à l'homme qu'à l'agent secret et il a manqué des temps faibles pour travailler l'émotion du spectateur en prévision du climax final, qui n'en aurait été que plus émouvant. Il était possible notamment, d'insister sur la relation entre Bond et 007 et la relation entre Bond et sa fille, à l'image de la relation entre Bond et Mathilde bien menée. La scène finale de la mort de James Bond, évènement unique puisque James Bond ne meurt jamais, aurait gagné aussi à ralentir pour laisser monter l'émotion, soit en insistant sur le dernier plan de Bond, soit en accentuant les plans sur les réactions des personnages autres que Mathilde. Toutefois à l'image des différentes scènes, le film se conclut un peu abruptement, comme si un James Bond se devait d'être rythmé, sans temps faible. A la musique, Hans Zimmer est à la direction avec une musique efficace mais peu originale, qui rappelle par exemple les thèmes de la trilogie Batman de Nolan. Il reprend toutefois habilement à certains moments le thème de la saga, avec un certain effet car Fukunaga ménage des scènes qui vise à ré-iconiser le personnage. 

Les thèmes : un héros du passé ?

Le film est avant tout un film d'action et son rythme n'est que peu propice à la réflexion. Toutefois, certaines thématiques finissent par apparaître. Il y a bien évidemment la question des armes biologiques gouvernementales dévoyées par des terroristes, ce qui souligne la dangerosité des projets à l'éthique douteuse développés en secret par les gouvernements. Toute innovation doit être pensée dans ses pires applications, même si l'objectif était acceptable au début (éviter les morts collatérales ici.). Un personnage assez passéiste comme James Bond voit d'un mauvais œil cette nouvelle technologie bien que le méchant lui rappelle que James Bond est également un tueur mais avec des méthodes anciennes. Le film ne rebondit pas sur cette argumentaire. Il nous invite à conclure qu'une espèce si peu enclin à l'éthique doit garder des moyens rudimentaires pour tuer, ne pouvant assumer la responsabilité de posséder des moyens mettant le génocide à portée de main de n'importe qui. Il s'agit de la longue question de la science sans conscience. Toutefois, la question du passé est plus large qu'une réflexion sur la façon de tuer. Tout dans le film rappel à James Bond sa place d'homme blanc approchant la cinquantaine. La nouvelle 007, une jeune femme noire sûre d'elle est là pour marquer la différence. Toutefois, le film n'arrive pas clairement à rendre le personnage dépassé (au contraire du dernier OSS 117). Il est au contraire toujours aussi doué dans ce qu'il fait et ré-iconisé régulièrement par la mise en scène. L'acte final montrant le sens du sacrifice et le combat homérique de Bond laisse à penser que le monde avait besoin de ce type de personnage. Loin d'être un personnage ringard, c'est ce James Bond non destructuré qui conclut la saga Craig. Il faut dire que le rapport aux femmes est plus apaisé dans les derniers épisodes et que rien de ce que fait James Bond n'est moralement choquant. Toutefois, cette conclusion surprenante, allant un peu à contre-courant du mouvement est intéressante. Il restera en effet toujours une certaine fascination pour les mythes qui peuvent servir tout autant de modèle que de contre-modèle.


En définitive, Mourir peut attendre est une conclusion réussie à la saga Craig. Un des épisodes qui s'intéresse le plus au personnage et qui aurait gagné peut-être à ralentir pour encore plus travailler le personnage de James Bond et ses relations aux autres.


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