Les sorties de la semaine

jeudi 30 juin 2016

Ninja Turtle 2



Synopsis :

Shredder, l'ennemi de la ville de New York, est transféré dans une nouvelle prison. Bien que les Tortues veillent aux grains, le grand méchant prévoit de profiter du transfert pour s'échapper...


Commentaire :

Rythme effréné 


Ninja Turtle 2 est doté d'une mise en scène dynamique, au montage très rapide qui ne va pas sans rappeler la patte de son producteur Michael Bay. L'influence du producteur se retrouve par exemple également dans les réactions des personnages extérieurs à l'action, filmés pour mettre en avant les événements. Dommage néanmoins que le savant équilibre du hyper-énergique Michael Bay ne se retrouve pas ici. En effet, le film ne laisse pas respirer. Le métrage est dénué de temps faibles ce qui a pour effet de ne pas mettre en avant les moments importants, de même qu'il n'y a pas de temps pour travailler les personnages.

Sur un mode cartoon

Le film ressemble finalement au fameux dessin animé des années 90, avec des personnages caricaturaux, un scénario très basique et qui fait fi de toute logique réaliste (logique des cartoons) pendant presque 2h. Le film s'adresse donc majoritairement aux enfants passionnés du dessin animé. L'humour totalement débridé et constant en témoigne. Il est d'ailleurs surprenant que le film soit tourné en images réelles puisque le réalisme, ou ne serait-ce que la crédibilité, n'est jamais recherchée : l'important est l'action et l'humour. Un des exemples de la superficialité du film est le jargon scientifique digne des anciens dessins animées pour jeunes adolescents. Ce rapport aux comics et dessins animés est confirmé par le fait que le film présente des personnages cultes des productions des années 90 : Krang avec le technodrome et les deux acolytes de Shredder, Rocksteady et Bibop. La référence va jusqu'à reprendre le fameux générique du dessin animé pour générique de fin. Cette initiative est honorable mais le matériau brute (la série de dessins animés produit à la chaîne) n'a pas subi le processus d'adaptation nécessaire pour produire un bon film de cinéma. Peut-être que seuls les enfants étaient visés par la production, ce qui au passage, ne préserve pas de produire un long métrage de bonne facture.

La petite morale

Destiné aux enfants, Ninja Turtle 2 a l'avantage de proposer un petit message à ces derniers: acceptez vous comme vous êtes. Il ne s'agit pas de ne pas changer mais si on choisit de le faire, il faut le faire pour soi et non en fonction du regard des autres. Une certaine leçon de tolérance.


En définitive, Ninja Turtle 2, en voulant coller au dessin animé du milieu des années 90, se retrouve être un film de presque 2h où les personnages et le scénario ne valent pas plus que ceux du dessin animé. Le film ne satisfera surement que les enfants, sachant que le choix d'images réelles rend le tout plus violent malgré une diégèse cartoonesque. 



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Dans les forêts de Siberie


Synopsis :

Teddy arrive en Sibérie afin de se couper d'un monde qui l'étouffe. Il achète une cabane isolée près du lac Baïkal. Néanmoins, les habitants de la ville la plus proche, à plusieurs jours de marche, lui disent qu'un fugitif russe à longtemps vécu dans les environs...


Commentaire : [Spoilers]

L'Humain et la nature

Dans les forêts de Sibérie propose une mise en scène autant au service de l'environnement grandiose, par des variations fréquentes de valeurs de plan et des angles de caméra pour ancrer l'histoire dans des paysages magnifiques, que de l'humain, par le cadrage souvent en gros plan de Teddy, en quête de la découverte de son for intérieur. Si la première partie du film laisse présager un film avant tout sur la nature, plutôt contemplatif et écologique, ce dernier prend par la suite un autre chemin. Le format du cadre n'est effectivement pas si large que ce à quoi on pourrait s'attendre compte tenu du sujet ; on comprend que l'humain reviendra au centre du cadre, donc de l'intrigue. Il semble alors que la première partie soit plus dans l'esprit de l'ouvrage de Sylvain Tesson et que la seconde partie laisse le réalisateur Safy Nebbou rendre hommage au chef d'oeuvre de Kurosawa, le bouleversant Dersu Uzula. Le rôle du fugitif russe Aleksei dans son rapport avec Teddy, parachevé par la scène d'adieu, reprise de la scène de séparation du film de Kurosawa donne une réelle force en terme d'émotion. Si le spectateur a connaissance du chef d'oeuvre de Kurosawa, le film profite de la puissance de cette dernière.
Les deux acteurs principaux, Raphaël Personnaz, Evgueni Sidikhine, délivrent une prestation très juste, particulièrement touchante en fin de film. L'émotion est également appuyée par la musique d'Ibrahim Maalouf, remarquable.

La philosophie du contentement 

Le film n'est pas moralisateur mais délivre une philosophie de la sobriété. Les nouveaux riches sont mis en regard avec le vieux russe qui prélève juste ce dont il a besoin dans la forêt. Ils sont aussi à mettre en regard avec le Français, personnage principal, renaissant sur ces terres isolées. En fait, il est fait l'éloge de l'homme nature, humble animal parmi les autres. Il s'agit d'un homme simple, dont la culture s'inscrit dans les cycles naturels. Il n'est pas réellement question d'un dépassement de sa condition d'Homme mais d'un retour à l'essentiel qui lui permet de retrouver sa liberté de l'état de nature. Néanmoins, si l'ermitage et cette aventure permettent au héros de travailler sa spiritualité intérieure, le vieux russe lui dit dans toute sa sagesse que le héros peut être également libre dans sa société d'origine s'il ose y faire face. Ainsi, le héros, changé par cette expérience, finit par retourner en France. 

En définitive, Dans les forêts de Sibérie est une magnifique aventure, questionnant le sens de la liberté, faisant écho au chef d'oeuvre Dersu Uzula d'Akira Kurosawa.


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mardi 28 juin 2016

The Witch


Synopsis :

En Nouvelle-Angleterre, une famille expulsée de la colonie essaye d'établir sa ferme à la lisière d'une forêt. Si le travail de la famille semble payer au début, une série de malheurs vient remettre en cause leur installation...


Commentaire : (vu en vo)

Ambiance horrifique

The Witch est une véritable réussite artistique. La mise en scène provoque rapidement un malaise, grâce à un énorme travail sur le hors champ. La caméra se concentre sur les expressions faciales des personnages et laisse travailler l'imaginaire du spectateur. L'image est volontairement terne et sombre et la seule lumière sert à allonger les ombres. Associées aux angles de caméra, les différentes formes filmées, que cela soit des objets ou des visages sont dérangeantes. Voici un film à ambiance, sans jump scare, qui se concentre avant tout sur le malaise. Cela est complété par une magnifique bande sonore aux notes dissonantes qui amène l'angoisse dès les premières minutes . Le travail réalisé sur le son, notamment sur les respirations et divers grincements, est remarquable. Pour compléter ce tableau très positif, il faut souligner la grande performance des quatre acteurs principaux  (Anya Taylor-Joy : Thomasin, Ralph Ineson : William, Kate Dickie : Katherine, Harvey Scrimshaw : Caleb) avec une mention spécial pour les performances masculines remarquables. 

Critique nulle 

S'il est clair que le film souhaite au départ critiquer le fondamentalisme religieux et ses conséquences sur les individus et plus particulièrement sur les femmes, le message disparaît englouti par la diégèse. En effet, étant donné que le fantastique se confirme (en conséquence, on est dans le genre du merveilleux), le refuge dans les enseignements de Dieu semble pertinent puisqu'il est sensé exister dans cette diégèse. Bien que le film critique le statut de la femme dans une société religieuse et le tabou autour de sa dimension charnelle (la jeune adolescente est en effet accusée), le film ne peut aller au bout de sa critique car il ne remet pas en cause l'origine du statut de la femme à l'époque, c'est à dire la religion. De ce fait, la critique n'est que superficielle ou pour le moins, non explicative. 

En définitive, The Witch est un film à ambiance artistiquement irréprochable qui devrait satisfaire tout cinéphile. Petit bémol, la critique que souhaitait faire le réalisateur Robert Eggers sur la place de la femme dans ces sociétés religieuses est superficielle.


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lundi 6 juin 2016

Alice de l'autre côté du mirroir


Synopsis :

Désormais capitaine, Alice navigue à travers les mers avec brio. Néanmoins, le nouveau directeur de la compagnie Lord Hamish refuse que la jeune femme continue son activité car il est impensable qu'une femme soit capitaine. Heureusement, l'impensable n'est pas ce qui peut arrêter Alice...


Commentaire :

Mise en scène fonctionnelle pour filmer l'extraordinaire

Ce nouvel épisode d'Alice au pays des Merveilles, faisant suite au film de Tim Burton de 2010 est plutôt impressionnant techniquement. Le monde réel et numérique sont unis pour donner cette diégèse convaincante. Nous avons l'impression parfois d'être dans un film d'animation, sans que cela ne pose de problème d'ailleurs. Le monde merveilleux retrouve des couleurs et quitte l'univers torturé de Tim Burton. Le monde, de l'autre côté du miroir, est créatif et très bien travaillé (structures, environnements, personnages annexes). Il reste cependant que la mise en scène est assez basique, fonctionnelle narrativement sans qu'aucun plan ne marque particulièrement. La diégèse est néanmoins superbe. En somme, le travail est bien exécuté, mais sans audace. Le casting, avec notamment Johnny Depp et Mia Wasikowska, participe à cette réussite. A noter qu'il y a beaucoup de jeux de mots qui sonnent très biens en version originale et qu'il est assez réjouissant d'écouter des dialogues dont la sonorité a été travaillée. Cette oeuvre, ainsi plutôt réussie, est toujours emportée par la belle musique de Danny Elfman qui reprend ses thèmes du premier film. 

Un conte bien compris 

Cette suite est une histoire originale bien que le titre ait été repris d'un livre de Lewis Carroll. Les scénaristes ont parfaitement compris la fonction du conte et travaillé thématiquement l'histoire. L'aventure dans le monde merveilleux permet de tirer une leçon pour le monde réel. Il existe un grand thème central, le temps, autour duquel d'autres thèmes plus secondaires vont s'accoler ; comme la famille et la liberté (plus exactement le non-conformisme). Le temps, élément central, est tellement important qu'il est incarné par un personnage, idée originale et audacieuse à saluer. Le film s'attaque en outre au scénario fondé sur le voyage dans le temps et peut-être pour la première fois, évite les paradoxes récurrents des scénarios fondés sur ce principe (paradoxe du grand-père, paradoxe de l'écrivain). La grande morale du film est d'ailleurs qu'on ne peut changer le passé, mais qu'on peut apprendre de lui. Le scénario écrit autour de ce concept est une réussite et le message est très clair. Paradoxalement, c'est le message qui est le moins utile à Alice dans son monde réel, cette dernière n'ayant pas fait d'erreur majeure jusqu'ici. Un des thèmes secondaires est la famille, qui est central dans l'histoire de Chapelier et moteur pour l'intrigue du film. La morale est simple : nous n'avons qu'une famille et il faut en profiter. Alice en tire une leçon pour sa réalité. Enfin, le dernier message est le même que le message central du premier film mais en plus marqué : il s'agit de ses libres choix dans une société normée. Pour une fille comme Alice, beaucoup de projets ou d'attitudes lui sont interdites - on lui dit que c'est impossible pour elle -. Or Alice a pour principe de croire que l'impossible est possible. La morale qu'en tire Alice est qu'il est possible d'aller contre les normes. Néanmoins, le message comme il est exposé reste un peu flou car il prône également la croyance dans le fait que rien n'est impossible au delà du sage principe de l'ouverture d'esprit. Quoiqu'il en soit, il s'agit d'un conte riche en messages qui plus est, plutôt justes, sans qu'ils soient non plus révolutionnaires. L'exercice du conte est réussi.

En définitive, ce nouvel épisode d'Alice au pays des merveilles est un film autant bien réalisé techniquement que plutôt intéressant sur le fond. 




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