Les sorties de la semaine

dimanche 13 octobre 2024

Joker : Folie à deux

 


Synopsis :

Arthur Fleck est en prison et en attente de son procès. Le Joker en lui a disparu, effacé par les médicaments. Il doit bientôt faire face à son procès dans lequel la peine de mort sera demandée. Arthur n'a aucune lueur d'espoir jusqu'au jour où il rencontre Harley, jeune femme semblant fascinée par le Joker...


Commentaire :

La réalisation duale de Todd Phillips 

Après le succès mérité du premier film, Joker, Todd Philipps revient sur le deuxième volet. Si thématiquement, le film ne sera que peu différent, le réalisateur opte pour inclure ici le genre de la comédie musicale au drame. Ce choix audacieux et qui permet de justifier un deuxième épisode s'aliénera toutefois une partie du public rétif à cette forme d'art total, où l'image se conjugue avec la musique et le chant, voire avec la danse. Ce film presque en huit-clos (la prison et le tribunal) possède ainsi deux tonalités. La réalité est sombre et terne, brutale dans les interactions montrées alors que les scènes dans l'imaginaire d'Arthur (autre huit-clos) sont lumineuses, ou pour le moins présentent des couleurs contrastées. Ces scènes musicales, nombreuses, portées par un Joaquin Phoenix et une Lady Gaga irréprochables sont la plus-value du film. Elles sont néanmoins intégrées à côté de l'intrigue, et non au cœur même de l'intrigue. En effet, les scènes sont également montrées hors imaginaire d'Arthur, ce qui n'est pas le cas dans les comédies musicales classiques qui assument des scènes chantées comme parties intégrantes du film et faisant avancer l'intrigue. Le spectateur a donc les deux points de vue (Arthur et la réalité), ce qui n'est pas toujours nécessaire et qui peut nuire aussi au rythme, plutôt lent dans la première partie. Toutefois, ces scènes sont autant d'échappatoires pour Arthur que pour le spectateur à l'étroit dans cette prison et ce huit-clos et la redondance peut accentuer ce besoin de liberté. Notons aussi quelques facilités scénaristiques  dans les petits bémols. Toutefois, la mise est en scène est de très bonne facture tout au long du film avec en particulier le jeu sur les lumières qui varient en fonction des émotions d'Arthur Fleck. Les cadrages, sur-cadrages (avec les écrans), et citations sont légions. Le film est recherché dans sa réalisation. La scène dans l'imaginaire d'Arthur sont logiquement celles avec la scénographie la plus poussée. Le ton est donné dès le début avec l'apparition furtive des parapluies de Cherbourg. La bande musicale de Hilgur Gudnadottir, lente, toute en lourdeur, et parfois stridente rentre en opposition avec les scènes musicales; elles, rythmées, riches en instruments et aux arrangements joyeux. La musique participant à l'ambiance, se greffe parfaitement sur les deux tonalités du film.

Les thématiques : le Joker, victime mais non symbole [spoilers]

Le premier film était un drame social brillant qui montrait comment l'Etat défaillant avait produit le Joker, anti-héros qui suscitait compassion et empathie. Il était pourtant devenu le symbole d'une révolution anarchiste au message démagogique et populiste, plutôt à droite de l'échiquier politique, tant dans le film qu'en dehors du film. Si le choix de la comédie musicale avait déjà détourné une bonne partie des spectateurs, le choix de déconstruire ce symbole, ou pour le moins de montrer que ce symbole est profondément négatif, finit de rebuter les derniers partisans du film. Car en effet, Arthur Fleck est de nouveau la victime ici. Il est victime du système pénitentiaire dont les traitements infligés aux prisonniers sont inhumains. Du fait de son trouble psychiatrique, il ne devrait d'ailleurs pas être en prison. Il est également victime du système judiciaire qui cherche à le faire reconnaître coupable et le condamné à mort malgré sa maladie. Cette dernière n'est d'ailleurs que très peu évoquée par le système, qui soit cherche à la cacher avec des médicaments en prison, soit à la nier lors du procès pour faire condamner Arthur. Le système médiatique et capitaliste cherche de plus à exploiter la notoriété du Joker et donc son malaise, en réalisant des séries sur lui ou en lui accordant des interviews. Cela contribue par ailleurs à attiser la passion de ses fans. La première est Harley Quinn qui cherche ici aussi à l'exploiter et à tirer parti de son image de Joker, même si cela se fait au détriment d'Arthur (sa santé mentale mais aussi son procès). Finalement, rien n'a véritablement changé pour lui, personne ne le remarque ni ne fait attention à lui et à ses véritables besoins (si ce n'est pendant un court moment son avocate). Arthur lui même souffre de son double et des crimes qu'il lui a fait faire. Il renonce finalement de lui-même à son personnage dans un dernier moment de lucidité. Cela déçoit non seulement ses soutiens dans le film mais aussi les fans du premier film, qui comprennent que Joker ne peut être un symbole. Todd Phillips explique avec fatalisme la création d'un méchant dans un Etat (ville) failli mais ne le défend pas pour autant. Sa révolte est compréhensible, voire peut-être légitime mais pas dans la manière employée. Arthur finit par être assassiné par un de ses fans, probablement avec la complicité des gardiens. Si cela est inhabituel pour Joker, et frustrant pour les fans du personnage, il faut comprendre que ce n'est qu'Arthur Fleck qui meurt. Joker, en étant que symbole nihiliste du chaos survit. Il survit toutefois uniquement chez les fous et les violents. Même le double d'Arthur Fleck lui aura été volé, victime d'une société qui l'a totalement détruit, exploité et humilié.


En définitive, Todd Phillips prend le pari audacieux de revenir avec une comédie musicale pour Joker Folie à deux, avec une histoire qui vient désacraliser celui qui avait été érigé en symbole. Habilement réalisé, ce parti-pris sera frustrant pour certains...


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samedi 5 octobre 2024

 

Synopsis :

César est un inventeur et urbaniste de génie de la nouvelle Rome. Utopiste, il pense être capable de guérir la ville par l'urbanisme...

Commentaire :

L'Histoire de la réalisation

Oeuvre testamentaire de Francis Ford Coppola, Megalopolis y concentre sa science de la réalisation. L'ensemble des artifices du cinéma y est présent. Du traveling compensé, à l'incrustation, en passant par les split-screens et les œillets, peu de films présentent autant d'effets pré-CGI. Le film présente à certains moments des influences expressionnistes comme les scènes où les ombres sont projetées sur les murs. Les plans sont constamment très riches du fait d'un décor foisonnant et des effets spéciaux. Si le réalisme de l'environnement n'est pas toujours convaincant, nous garderons en tête qu'il s'agit d'une fable de science-fiction et qu'à ce titre, la réalisation possède nécessairement une dimension onirique et poétique. Toutefois, la mise en scène s'apparente plus à un hommage érudit de l'Hollywood passé qu'à une proposition nouvelle pour le cinéma de science-fiction. Un cachet presque daté. Le montage est lui particulier, parfois décousu, dans des scènes qui le justifient mais cela ne rend pas nécessairement le film toujours facile à suivre, d'autant que l'intrigue semble arriver aussi parfois par fragments. La musique, confiée à Golijov et VanderWaal, évoque parfois les péplums des années 60 mais sait également se fondre dans les scènes moins théâtrales. Ainsi le film est techniquement riche et intéressant, il s'agit incontestablement d'une vraie proposition de cinéma bien que la narration n'aide pas à l'immersion. 

De nombreuses thématiques peu creusées ou peu lisibles

Si la narration n'aide pas à la compréhension générale, l'univers de la nouvelle Rome demande en plus de bonnes connaissances sur l'antiquité romaine dans sa période impériale afin de pouvoir s'accrocher au contexte. Il reste toutefois la possibilité de comprendre le fonctionnement de cette ville décadente avec d'autres références comme la ville de New York des années 80, voire même Gotham en tant que mégapole dystopique. Une fois cela dit, la grande thématique est celle de la ville "empire" au bord du précipice qui voit difficilement cohabiter la masse et les élites. L'élite est richissime, plurielle et en rivalité et se compose des banquiers, politiciens ou bien intellectuels, toutes ces différentes catégories étant plus ou moins liées. Vivant dans leur monde et proposant des jeux au bas peuple, cette élite pose la question de l'équilibre de cette civilisation car la chute de Rome guette. Elite critiquée certes, mais sans pour autant que la fable ne la condamne totalement. En effet, Cicéron n'est que partiellement ambigu, il est un père aimant tout au plus conservateur. Toutefois, le héros et celui venant apporter une solution aux méfaits du capitalisme et à la décadence est César, lui même issu de l'élite. Il est certes un génie et un philosophe utopiste, il semble tout de même assez éloigné des préoccupations réelles du peuple bien que moins hypocrite que Cicéron qui est dans l'optique "du pain et des jeux". Pourtant, c'est lui qui trouvera une solution miracle pour la Cité, faisant de ce film une œuvre profondément technophile. Adepte du progrès, Coppola est finalement un homme de son temps. Le seul se préoccupant en revanche du peuple pour ses propres intérêts est Claudio, sorte de Donald Trump, démagogue et agitant les plus bas instincts des foules, proche par ailleurs des milieux d'extrême droite. Il est le vrai représentant de l'élite critiquée et punie dans la fable. La fable étant un genre à morale, Coppola adopte une position plus aristocratique que pro-démocratique. César trouve une solution grâce à son génie et non en s'appuyant sur la réalité des masses, quand Claudio se réjouit lui, de réunir les masses incultes. 
Au-delà du message technophile et aristocratique (au sens noble du terme comme pourrait le définir Aristote), plusieurs thématiques sont rapidement abordées par César. Elles sont toutefois sans réel lien avec l'intrigue, sortes d'interludes dispatchées dans l'œuvre. Il est fait mention de Dieu ou des dieux, inventions humaines, permettant le contrôle des foules par certains. Toutefois, ces inventeurs ont besoin de cet intermédiaire imaginaire pour manipuler les foules. Le pouvoir vient des Dieux, eux mêmes issus des humains, mais les humains ne peuvent exercer directement le pouvoir. César s'interroge aussi sur l'art et sa nature profonde et sa relation au temps. L'art n'est finalement qu'un instant figé du temps. D'autres thématiques sont également disséminées de manière plus ou moins convaincantes.


En définitive, cette vraie proposition de cinéma signée Coppola n'accrochera pas tout le monde, tant la dimension ésotérique de cette fable et sa dimension onirique au détriment de la fluidité de la narration rendent l'immersion difficile.  


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samedi 28 septembre 2024

Les Barbares

 


Synopsis :

Le petit village de Paimpont en Bretagne s'apprête à recevoir des réfugiés ukrainiens, le maire ayant réussi à convaincre son conseil municipal. Toutefois, ce ne sont pas des Ukrainiens qui finissent par arriver mais une famille syrienne. La population oscille alors entre une attitude de curiosité et de rejet...


Le Commentaire :

Une mise en scène de comédie

Si la réalisation n'offre pas de particularité visuelle et se fond donc assez facilement dans le paysage cinématographique français, la prouesse réside alors dans la rythmique du film et l'écriture ciselée des dialogues afin que le film maintienne sa dimension comique jusqu'à la fin. Il s'agit donc d'un film de gags où l'humour tient au montage mais aussi au travail dans le plan. Le film emprunte parfois à la satire comme cette scène de face à face entre le réfugié et un Breton filmée comme une scène de Western. Julie Delpy réussit le pari de l'humour en s'appuyant également sur des performances de haut niveau; en premier lieu Laurent Lafitte à qui elle rend la réplique. A la musique, Philippe Jakko est plutôt discret mais accompagne l'image avec succès en apportant de la légèreté. 

Rire de l'altérité avec des personnages types et caricaturaux

Les thématiques du film sont liées au rapport à l'autre et à l'acceptation de ce dernier dans un monde presque clos. Dans un sens, le film questionne la tolérance et la résilience du vivre-ensemble en France. En effet, Julie Delpy dépeint ici la France profonde dans ses aspects primaires mais aussi parfois sympathiques. Les personnages représentés sont amusants car caricaturaux et disent tout haut ce qui ne devrait pas (plus) être dit. Si le film part sur le constat qu'il y a eu un deux poids, deux mesures entre l'accueil des Ukrainiens et l'accueil des autres réfugiés, les Ukrainiens étant jugés plus assimilables (mais aussi constitués en majorité de femmes et d'enfants) et dont il est fait un élément comique, le film se concentre bien vite sur le ressenti des différents protagonistes par rapport à l'étranger. En effet, chaque personnage se définit par rapport à son degré d'ouverture. Il est vrai que Julie Delpy se moque d'une certaine France profonde mais plus avec bienveillance que dans une attitude de jugement. Si la majorité de la population est attentiste, quelques figures se singularisent et apportent du comique. Il y a tout d'abord les figures républicaines. Le maire est un opportuniste, comme toute bonne personne voulant se maintenir à son poste, mais souhaite malgré tout bien faire. Il tente de profiter de l'accueil des Ukrainiens pour se donner bonne presse à moindre risque. Sa posture de maire le fait faire bon accueil aux Syriens tant que la population n'y est pas opposé. L'autre figure de prou est la fonctionnaire locale, la professeure des écoles, porteuse des valeurs de la République, véritable hussarde noire en milieu quelque peu hostile. Exaltée parfois par sa cause, elle en devient même ridicule dans son attitude auto-flagellatrice. Toutefois, l'excès et l'obstination dans l'ouverture n'est jamais dangereuse. De l'autre côté, il y a ensuite un panel de postures racistes entre les maladresses plus ou moins amusantes et la xénophobie la plus affirmée avec personnage de Laurent Lafitte (sans compter les "fachos"). Il incarne la caricature de l'homme rural, ce Français qui n'aurait jamais côtoyé d'étranger mais qui serait porteur d'un imaginaire raciste plein de clichés sur "les barbares". Personnage miroir de la professeure des écoles, ces obstinations et ses excès sont ici en revanche dangereux bien qu'il ne se mette pas lui-même directement dans l'illégalité. Il répand en effet sa haine qui infuse dans la population crédule. Entre ces deux figures situées de part et d'autre du spectre politique, plusieurs portraits finissent de compléter cette France curieuse mais méfiante. La famille syrienne présente également des "personnages types" variés quant à l'effort d'intégration, sachant que cette famille issue de la haute classe moyenne voit inévitablement sa situation se détériorer dans le pays d'accueil. Tous les membres de la famille n'acceptent pas aussi bien ce tragique déclassement. L'aspect comique est toutefois plus du côté des personnages français étant donné la gravité inhérente autour de la condition de réfugié. Un humour intelligent et piquant ressort de ce film, tant ces personnages types aux traits appuyés restent proches finalement de la réalité.

En définitive, les Barbares est un film humoristique haut en couleur décrivant une France profonde faisant face à l'altérité. Si le côté rude d'une certaine France transparait, les multiples maladresses et quiproquos des personnages montrent également une certaine tendresse dans le portrait dressé par Julie Delpy.  




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samedi 21 septembre 2024

Beetlejuice Beetlejuice


Synopsis :

Lydia est une médium à succès, star d'une émission télévisuelle. Sa fille, Astrid, très cartésienne n'a que peu de considération pour le travail de sa mère. Toutefois, mère et fille vont devoir se rapprocher alors que le démon farceur Beetlejuice tente de reprendre contact avec Lydia... 


Commentaire :

Tim Burton, et le retour du style classique

Burton est un des réalisateurs produisant les films les plus identifiables. Celui-ci, suite du premier 36 ans plus tard est définitivement empreint de la patte de Burton. Il possède un cachet que beaucoup de films n'ont plus avec ses influences expressionnistes, ses décors réels, ses maquettes et marionnettes. Il s'agit d'une véritable proposition de cinéma dans un style des années 90 avec l'ensemble des artifices pré-numériques. A cela, il faut rajouter évidemment la thématique du morbide, du rapport à la mort et aux monstrueux en passant par l'importance de la fête d'Halloween. Que cela soit la richesse du plan ou la finesse des transitions, le film est constamment dans l'offre d'idées visuelles, notamment à partir du moment où l'intrigue se déplace dans le monde des morts. Il s'agit d'un film dense et généreux, encore plus appréciable si l'on est réceptif à l'univers de Burton. A noter également la direction d'acteurs et la performance des acteurs, avec des protagonistes habités (si ce n'est hantés) par leur rôle. Les différents arcs narratifs sont intéressants bien que certains semblent toutefois se conclure un peu facilement (celui de Monica Bellucci et de Jenna Ortega en particulier). A la musique, c'est l'excellent Danny Elfman qui est de retour, avec sa musique orchestrale toujours si reconnaissable et réussie, donnant une réalité à ce monde horrifique à dimension comique. Il est pleinement auteur de l'univers de Tim Burton dans sa dimension auditive. 

Les thématiques, habituelles

Chez Tim Burton, les histoires se ressemblent tant visuellement que dans les thématiques, ce sont parfois les intrigues qui se distinguent. Les héros sont à leur habitude les originaux ou marginaux alors que ceux vivant dans la norme, pliés par le capitalisme et l'administration sont les vrais personnages monstrueux. En effet, les monstres ne sont jamais véritablement les monstres, et il faut se méfier des personnes belles et propres. Ici, il faut bien évidemment se méfier de l'amant ambitieux ou... des amants en général bien sous tout rapport. La solution vient alors de l'autre monde et en particulier de Beetlejuice qui bien que répugnant, ne l'est peut-être pas plus que d'autres aux visages agréables. Il n'est pas inintéressant de faire le rapprochement avec le premier film Beetlejuice dans lequel le personnage de Beetlejuice voulait absolument se marier avec Lydia. Ici, Lydia fait de nouveau face à un mariage, mais venant d'un vivant qui semble plein de bonnes intentions. Pour autant, cette proposition est-elle moins dangereuse ? Sans surprise, Tim Burton demande à voir au-delà des apparences et des normes et à se soucier avant tout des personnes qui ont le cœur pur. 


En définitive, Beetlejuice Beetlejuice est un retour dans le cinéma pré-numérique dans l'univers de Tim Burton. Une proposition en rupture avec ce qui est actuellement proposé et qui comme à son habitude, interroge la monstruosité. 



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dimanche 18 août 2024

Alien : Romulus


Synopsis :

Plusieurs jours après la destruction du Nostromo, la Weyland-Yutani Corporation récupère l'alien considéré comme une ressource rare. La station effectue alors des recherches sur l'alien mais bientôt, plus aucune nouvelle ne parvient de celle-ci. Elle dérive alors vers une colonie minière et est repérée par un groupe de jeunes travailleurs...

Commentaire : 

Un retour aux sources d'Alien avec Alvarez

Fede Alvarez, le spécialiste des films d'horreur s'est vu confié la tâche de relancer la saga. Spécialiste du genre, il est toutefois habituellement coutumier d'un genre plus gore que ne l'est la saga Alien. Néanmoins, le cinéaste uruguayen tout autant fan d'Alien le huitième passager que du jeu Alien Isolation réussit son pari. Le film est techniquement irréprochable. En effet, Alvarez prend le temps de développer son intrigue et de poser l'ambiance caractéristique du suspense horrifique quitte à limiter l'action uniquement à la deuxième partie du film. Le film s'appuie sur une photographie léchée notamment pour les plans dans l'espace, réelle plus-value par rapport aux premiers films qui ne pouvaient bénéficier de la technologie d'aujourd'hui pour filmer le gigantisme de l'espace. La scène en 0 gravité, autre nouveauté, permet également d'ajouter des visuels inédits. Toutefois, les créatures restent en animatroniques pour partie, notamment pour les gros plans, ce qui permet de préserver l'aspect organique des premiers films. Fede Alvarez réussit une belle réactualisation de la saga malgré, il est vrai, quelques citations un peu forcées. En tant que réalisateur de film d'horreur, il sait jouer avec le hors-champ pour installer son ambiance mais également avec le champ, en dissimulant parfois la créature dans les tonalités de gris. La caméra est libre et dynamique permettant également de rendre les scènes d'action efficaces. Le film possède, conformément aux films de la saga, son fameux quatrième acte, qui propose une innovation dans le lore, qui pourra autant satisfaire que susciter des contestations. A la composition, Benjamin Wallfisch contribue à réinstaller l'ambiance de la saga en reprenant et en réinterprétant les thèmes originels. Notons que le mixage sonore en général est de très grande qualité et à la hauteur d'un film se voulant être un hommage et une continuité au premier film de la saga. 

Les thématiques : capitalisme et technique 

Les thématiques qui parcourent la saga Alien reviennent ici, sans grande différence ni innovation mais avec toujours autant de pertinence. La première thématique est bien évidemment celle du capitalisme avec la compagnie Weyland-Yutani, exploitant jusqu'à l'os ses travailleurs pour augmenter ses profits et voulant absolument préserver l'Alien pour les potentielles retombées financières et scientifiques découlant de son éventuelle exploitation. Le deuxième grand questionnement se situe autour de la technique comme le souligne la référence à la mythologie de Prométhée. La technique est ce qui distingue et élève l'humain mais ce dernier, piégé par son hubris et sa volonté de profits, commet bien souvent des erreurs. Le rêve d'immortalité est un chemin qui n'a d'autre destination que la mort, car l'immortalité passe par le contrôle de l'Alien. L'humain est d'ailleurs dans l'hubris à partir du moment où il quitte sa planète, lui, n'étant adapté qu'à ce milieu. L'exploitation génétique de l'Alien permettrait à l'humain de ne plus être l'étranger (en anglais alien) dans les milieux non terrestres. Objectifs irréalistes tant l'humain est le produit de la Terre. Les synthétiques seraient-ils alors une solution ? Solution partielle à l'exploration spatiale, ils ne permettent pas néanmoins de changer la condition humaine. Miroir de l'humanité et produit de la technique, les synthétiques ne sont ni bons ni mauvais mais simplement le reflet des intentions des humains (mention spéciale au retour en image de synthèse de Ian Holm et à l'excellent David Jonsson en Andy). Plus rationnels que les humains, possédant plus de connaissances ainsi que plus robustes que ces derniers, ils sont néanmoins tout aussi faillibles... car produits par les humains. Le synthétique de Ian Holm travaille à l'amélioration de l'humain mais commet des erreurs (tout comme David dans les volets précédents). Leur incapacité à se décider par eux-mêmes et leur nécessité d'obéir à des directives (du moins dans ce film) en font par ailleurs plus des intelligences artificielles que des consciences artificielles. C'est finalement la relation avec Rain qui humanise Andy plutôt que le personnage d'Andy pris isolément. Le couple humain-synthétique est donc une belle histoire mais n'est pas à la hauteur de la quête d'immortalité. L'Alien, symbole de la nature proliférante (symboles phalliques et vaginaux), de la vie et de la mort est là pour rappeler les limites de l'humanité malgré toute sa technique et pour pousser les héros (héroïnes en l'occurrence) dans leurs derniers retranchements.


En définitive, Alien Romulus relance la saga Alien en ayant capté la justesse et la maîtrise du premier film, autant dans son ambiance que dans ses thématiques. 



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mardi 30 juillet 2024

Deadpool et Wolverine


Synopsis :

Wade Wilson alias Deadpool rêve de faire équipe avec Wolverine. Malheureusement, Wolverine est mort dans son univers... Heureusement, Deadpool fait maintenant partie du MCU et de son multivers!

Commentaire :

Réalisation simple et narrative 

La réalisation reste le parent pauvre de cette saga mais elle n'a jamais été un argument de vente contrairement à la classification R, aux interprétations de Ryan Reynolds et au "brisage de quatrième mur". Shawn Levy continue la tradition avec une mise en scène efficace et narrative mais sans originalité. La photographie est quelconque voire peu travaillée, l'esthétisme n'étant pas un enjeu de réalisation. Les effets de surprise et les ralentis sont en revanche maîtrisés, ainsi que les chorégraphies de combat toujours soignées. Les décors (exceptés ceux de la côte Est) sont eux sans grand intérêt car plutôt vides et pauvres... La musique orchestrale de Rob Simonsen est quant à elle réussie avec ses thèmes de tension ou héroïques, et participe à la réussite narrative de l'ensemble. 

Les atouts affichés et cachés

Tout l'intérêt du personnage de Deadpool réside dans la dimension méta du personnage qui s'adresse sans cesse aux spectateurs et plus précisément aux fans. Une connaissance minutieuse de l'univers cinématographique Marvel (Fox et Disney) est nécessaire. De plus, il est préférable de connaître les questions de droits entre studios (ce qui va de soi pour un fan). L'atout premier et annoncé est évidemment le retour de Hugh Jackman en Wolverine et son interaction avec le personnage de Ryan Reynolds. Hugh Jackman crève l'écran par son physique et sa présence mais le scénario et les dialogues ne permettent pas de mettre en avant les qualités d'acteur de l'acteur australien. Ryan Reynolds a en revanche des répliques plus intéressantes (avant tout parce qu'elles sont métas) mais des connaissances sur l'acteur lui-même sont également nécessaires pour comprendre l'intégralité des références. Ces deux personnages centraux sont le plat principal mais c'est un véritable buffet surprise et nostalgique qui est servi tout au long de l'intrigue avec un hommage appuyé à l'univers Marvel de la Fox, désormais racheté par Disney. Le film sert à expliquer en quoi l'univers de la Fox doit prendre fin (qui correspond au monde Deadpool), Disney ayant ici ironiquement le rôle du méchant avec M. Paradoxe. Ryan Reynolds ressort alors une dernière fois des figurines d'une caisse de jouets oubliée pour rappeler leur existence et leur offrir un dernier tour de piste dans le multivers du MCU. 

Des thématiques, malgré tout

Si le film a avant tout l'idée, confirmée par le générique de fin, de rendre hommage à la période Fox avant d'offrir ces personnages à Disney, le film propose tout de même une thématique propre au personnage de Deadpool. Deadpool, anti-héros singulier, cherche sa place dans l'univers des super-héros et souhaite en devenir un. Néanmoins, comme le lui rappelle le personnage de Jon Favreau, un super-héros ne souhaite pas son statut. Deadpool a besoin de devenir un Avenger pour des raisons personnelles, mais un Avenger n'a jamais souhaité le devenir. C'est le monde qui a eu besoin des Avengers. Pour que Deadpool devienne un vrai super-héros, il devra comprendre la notion de sacrifice. 


En définitive, Deadpool & Wolverine est une sucrerie pour les amateurs forcenés de films de Super-héros. Fortement méta, il n'a d'autre intérêt que ses références, effectivement de niche, et sa petite dose de nostalgie. 



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jeudi 4 juillet 2024

Le Comte de Monte-Cristo

 

Synopsis :

Edmond Dantès va enfin pouvoir se marier avec Mercédès alors qu'il va être nommé capitaine. En effet, Edmond devait devenir officier afin d'avoir l'autorisation de se lier à une des plus grandes familles du Sud de la France. Toutefois, cette future promotion sociale, qui se fait au détriment d'autres intéressés, lui attire rapidement de très gros ennuis...

Commentaire :

Une mise en scène narrative linéaire mais efficace

Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière se mettent derrière la caméra après avoir pu travailler sur le diptyque Pathé des Trois Mousquetaires qui laissait, notamment à cause de la deuxième partie, un goût amer. Ici le scénario est bien équilibré et bien adapté depuis le roman de Dumas pour le format cinéma. S'il est vrai qu'il y avait matière à faire deux parties, le film a été pensé pour se tenir d'un seul tenant avec la montée progressive de la tension. En effet, il s'agit d'un drame dont l'intrigue se tend progressivement et dont la résolution aurait été probablement moins satisfaisante si elle n'était arrivée que dans un second temps. Dans la période actuelle où la saga est reine, il est à saluer le choix de produire un film structuré qui se suffit à lui-même. Concernant la réalisation, la colorimétrie est recherchée dans un ton terne, accordé au drame mais également à la dissimulation (intentions, identités). La mise en scène est en elle-même classique et narrative, sans fulgurance mais soignée avec une photographie travaillée. Cette dernière est aidée par des décors et des paysages particulièrement réussis car en très grande partie construits en dur, ce qui apporte un cachet que la plupart des films américains n'ont plus. Ainsi, l'ouverture du film pourrait s'apparenter au premier Pirates des Caraïbes. La direction d'acteur, contrairement aux Trois Mousquetaires, est ici irréprochable avec de grands acteurs de la comédie française tels que Niney ou Lafitte. La seule réserve du film est peut-être un dernier acte un peu rapide, ou du moins qui n'apporte pas pleine satisfaction au regard de la longue construction de la tension. La mise en scène très linéaire maintient la tension du fait d'un bon scénario mais l'absence de montage alterné, parallèle ou flashback ne permet pas de rappel des enjeux. Le film étant déjà long, c'est certainement la plus sage des solutions qui a été retenue mais le dernier combat manque tout de même un peu de tension ou panache. Il est, pour le coup, moins bien filmé que les combats des Mousquetaires. A la musique, Jérôme Rebotier réalise une bande musicale digne d'un blockbuster avec des thèmes reconnaissables et travaillés de musique orchestrale. La mise en scène laisse s'exprimer la bande musicale mais celle-ci s'impose aussi parfois face aux images du fait de l'efficacité des thèmes.

Les thématiques de Dumas : Justice ou Vengeance ? [Spoiler]

Les thématiques sont sans surprise celles du roman. La grande question est celle de l'opposition entre la Justice au sens philosophique et la vengeance. La question n'est pas simple pour Edmond Dantès car la justice étatique a failli. Il va donc devoir définir ce qu'est la vraie Justice. Dès le début, l'Abbé Faria l'avertit de ne pas confondre sa quête avec celle de la vengeance, car la vengeance, en plus d'être injuste n'apporte pas satisfaction à celui qui l'exécute. Comme l'histoire le laissait présager, Edmond Dantès, devenu le comte de Monte-Cristo, finit par être aveuglé par sa quête et a pour projet de tuer un innocent, le fils d'un homme lui ayant porté préjudice. Par ailleurs, les complices qu'il implique dans cette quête destructrice se voient eux aussi ronger par la haine. Le Comte de Monte-Cristo se rendra finalement compte des risques de la vengeance quand son protégé ira plus loin que ce qui était prévu. C'est donc un équilibre difficile à atteindre qui porte en lui-même une certaine frustration. Le Comte ne trouvera cet équilibre que parce-que son premier amour, en allant chercher l'homme qui l'était avant, et en jouant donc sur la fibre émotive, viendra lui montrer l'injustice de la vengeance et donc sa propre trahison par rapport à son projet de Justice. Sa Justice ne doit pas être la Justice Divine qui, elle, est cruelle et impitoyable. Elle est par ailleurs incontestable par essence et le Comte ne peut prétendre manier l'épée divine. Edmond Dantès doit se contenter d'une justice humaine et raisonnable sans pour autant qu'il ne lui soit demandé d'aller jusqu'au pardon. 


En définitive, Le Comte de Monte-Cristo est une adaptation réussie, portée par une mise en scène efficace, des acteurs convaincants et des décors et costumes à la hauteur de ce blockbuster à la française. 


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