Les sorties de la semaine

dimanche 23 février 2020

Le cas Richard Jewell


Synopsis : 

Richard Jewell est un agent de sécurité aux Jeux Olympiques d'Atlanta en 1996. Il découvre un colis piégé et sauve ainsi de nombreuses vies. Devenu un héros, les agents du FBI commencent à le suspecter. Les médias leur emboîtent le pas et traînent Richard dans la boue...


Commentaire :

Réalisme de la mise en scène

Clint Eastwood se saisit d'une histoire inspirée de faits réels, exercice dans lequel il excelle. La narration est donc au centre de la mise en scène, cette dernière restant très sobre, utilisant principalement des gros plans ou des plans en taille pour les personnages. La caméra est parfois une caméra à épaule pour rendre l'histoire plus réaliste et plus intimiste, avec l'illusion d'être aux côtés du principal protagoniste Richard Jewell. Certaines scènes sont reprises de scènes réelles comme l'interrogatoire de Richard dont le FBI avait une copie, ou les plans d'époque diffusés à la télévision. L'utilisation des plans télévisuels concourent également à rajouter à l'authenticité du film. La teinte de l'image est moins flamboyante que pour la plupart des long-métrages avec ici en plus, la recherche du contraste pour rappeler le film noir. A la musique, Arturo Sandoval est logiquement à l'accompagnement pour laisser à la narration le premier rôle.
Ici ce n'est pas la mise en scène qui signale véritablement que Clint Eastwood est à la manoeuvre. C'est l'histoire racontée. 

Thématique : le héros détruit par les institutions

Clint Eastwood est toujours à la recherche du héros commun, celui présent dans tout Homme et qui un jour rejaillit lorsque la situation l'exige. Le héros connaît ici l'injustice ; la non-reconnaissance de son acte de bravour. Pire, il est dépeint comme un monstre, l'injustice suprême. En effet, avoir découvert la bombe fait de Richard Jewell le premier suspect. Une chasse aux sorcières est alors lancée par le FBI et les médias pour faire de Richard Jewell le suspect parfait. Le héros devient la cible des institutions que lui même respecte naïvement au plus au haut point. C'est ainsi l'histoire d'un homme broyé par un système qu'il a depuis toujours cherché à servir. Cette critique frontale envers les institutions policières et la voracité des médias pour le scoop est le principal message du film. Au-delà de ce thème, le sujet choisit ici intrigue. La temporalité de la sortie du film est intéressante parce-que Clint Eastwood défend ici un humain, réduit à ses caractéristiques d'homme blanc frustré, l'idéal suspect pour le FBI et encore plus pour les médias, déjà dans les années 90. Si Clint Eastwood montre la naïveté mais aussi parfois l'imbécilité de cet individu, il souligne aussi que ces attributs d'homme blanc ne peuvent lui dénier le droit à la Justice ni à son statut d'héros. Car ce n'est pas en tant qu'homme blanc qu'il mérite sa reconnaissance mais par ses actes, comme n'importe quel humain qui aurait agit de la même manière. Ainsi Eastwood cherche à rendre hommage à un homme ayant accompli des actes héroïques mais n'ayant rien du profil du héros aux yeux de la société. 


En définitive, Clint Eastwood choisit une nouvelle fois de travailler l'image du héros, en rendant brillamment hommage cette fois-ci à un héros déchu.




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dimanche 16 février 2020

The Gentlemen


Synopsis :

Michael Pearson, Baron de la Marijuana, cherche à raccrocher et à vendre ses plantations et son commerce. Plusieurs parrains cherchent alors à prendre sa relève...


Commentaire :

Classissisme dans la mise en scène

Guy Ritchy priviligie la mise en scène pleinement narrative pour un film reposant avant tout sur son scénario et ses acteurs. La réalisation en elle-mêmene ne présente pas vraiment de singularité à Hollywood et cherche avant tout l'efficacité. Le montage, principal argument de réalisation ici, participe à la mise en place du suspense en révélant une partie du dénouement dans la première scène. Cet artifice permet à Guy Ritchy de prendre le temps de poser les bases de son scénario, une certaine tension étant maintenue pendant plusieurs scènes d'introduction. Christopher Benstead à la composition ne cherche pas non plus à dépasser la narration et accompagne les scènes sans si subsitituer. Les chansons extradiégétiques mais aussi intradiégétiques sont en revanche beaucoup plus prégnantes, puisqu'elles participent au scénario du film, toujours dans un but d'efficacité. 

Guy Ritchy pour un discours sur le scénario

Si le film a un intérêt, ce n'est pas pour les thématiques développées par l'histoire des personnages dont le propos simple se résume au fait que le droit du plus fort, conjugué à la ruse est la seule loi valable dans cet anti-monde ; l'univers de l'illégalité dont fait partie le trafic de drogue. Il y a en outre certainement une critique de l'aristocratie anglaise mais trop peu creusée pour que l'on puisse en tirer un message particulier. Toute la force du film réside alors dans son propos méta sur le film de Gangsters apporté par le personnage de Fletcher. Ce personnage narrateur explique le fonctionnement du film et ses références cinématographiques. Les costumes des personnages laissent d'ailleurs planer le doute sur la temporalité de la diégèse comme si ce thriller contemporain essayait de s'accrocher aux films de Gangsters du XXème siècle. Fletcher (brillament interprété par Hugh Grant), principal narrateur, est l'alter-égo exalté de Guy Ritchy. Face à lui dans le rôle du spectateur, puis du narrateur, Ray (Charlie Hunnman) est un Guy Ritchy modéré plus réaliste. Ces deux personnages proposent successivement et de manière alternée un récit des évènements qui changent les scènes narrées. Celles-ci sont alors remontrées sous un nouveau jour, comme si des scénaristes rayaient et ré-écrivaient une scène. Si la scène n'est pas réécrite par le nouveau narrateur, celui-ci rajoute un détail ou un point de vue qui la modifie entièrement. Il en ressort un scénario "en mille-feuille" qui ne peut être compris que lorsque le dernier narrateur a parlé. Il y a donc chez Guy Ritchy une maîtrise totale de l'écriture du scénario à suspense, prenant même le temps d'en expliquer les subterfuges aux spectateurs. Pour son côté méta et cinéphilique, ce long-métrage est somme toute une réussite. 

En définitive, Guy Ritchy brille avec The Gentlemen par l'écriture de son scénario à plusieurs niveaux. Le côté cinéphilique et méta apporté par le personnage de Fletcher est le véritable atout de ce film de Gangsters. 



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mercredi 12 février 2020

Birds of Prey et La fantabuleuse histoire de Harley Quinn


Synopsis :

Séparée de Joker, Harley Quinn perd l'immunité dont elle jouissait. Tous les bandits de Gotham ayant un grief contre elle se mettent alors à sa poursuite...


Commentaire :

Une mise en scène dynamique et soignée

Cathy Yan choisit de travailler la mise en scène pour redorer le blason de DC après l'échec critique de Suicide Squad, film directement lié à Birds of Prey. La réalisatrice n'a à son crédit qu'un film indépendant. Elle reprend l'esthétique de l'univers DC mais propose une réalisation singulière. Par son montage, le film épouse la narration d'Harley Quinn. La structure du film est donc un peu décousue pour reproduire le désordre dans la psyché de l'anti-héroïne. Harley Quinn a également un côté enfantin et immature qui se lit dans l'interfilmicité avec la citation visuelle de Titi et Grosminet, constamment sur la télé de H. Quinn, mais aussi avec l'introduction du film réalisée sous la forme de cartoon. Il est possible également de noter des choix non-thématiques mais démontrant un soin particulier à la réalisation, comme par exemple un flash back en plan-séquence dont le changement de temporalité s'effectue via un déplacement de la caméra. Le cut aurait été plus évident mais beaucoup plus banal. Autre qualité de réalisation: la mise en scène des combats laisse voir la chorégraphie de l'action avec un recours modéré aux cuts et l'utilisation de plans en pied. Ce petit blockbuster a donc la qualité d'éviter la réalisation normée et pauvre de la plupart des films à grand spectacle. A la musique, Daniel Pemberton est discret, effacé derrière les nombreuses chansons d'artistes tels Sofi Tukker, Doja Cat, Whipped Cream et Baby Goth, Jucee Froot ou Halsey, ou des tubes tels Hit Me With Your Best Shot, Barracuda, Love Rollercoaster et I Hate Myself For Loving You.

Les thèmes : l'ère des femmes et la remise en cause du patriarcat 

Chez DC, Cathy Yan est la seconde femme à pouvoir réaliser un film de super-héros mettant en scène une héroïne, le studio prenant ainsi de l'avance vis-à-vis de Marvel. Le film est une critique générale du patriarcat. Les héroïnes ont toutes subies des violences diverses de la part des hommes ou sont sous la menace d'en subir. Il y a un rapport de force lié au genre dans le film entre les personnages de sexe différent, toujours lié à un rapport de classe, ce qui ouvre la situation des personnages à l'universel. Ainsi c'est à la fois en tant qu'homme, patron ou supérieur que les personnages masculins exercent leur domination. Le système patriarcal permet aux hommes d'accéder au position de pouvoir comme cela est montré avec le policier, ce qui engendre une domination double. Il en ressort que la domination de classe est liée à la domination du genre dans un système partiarcal, et peut être d'une extrême brutalité, Harley Quinn comparant sa situation et celle de Black Canary à celle du maître et de l'esclave. Aucune figure masculine du film n'est d'ailleurs positive et aucune femme n'est menacante car en situation de dominée. En cela, le film est plutôt juste car la question du genre est articulée à l'ensemble d'un système et donc non essentialisée Le parcours d'Harley Quinn et de ses comparses est donc celui de l'émancipation, que cela soit dans la vie privée et sentimentale ou dans la vie professionnelle. Le film est monothématique mais clair dans son ambition, tout en conservant avant tout son côté divertissant.

En définitive, Birds of Prey est un bon divertissement, à la réalisation soignée, mettant en scène le combat pour l'émancipation de Harley Quinn et ses comparses.



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mardi 4 février 2020

Jojo Rabbit


Synopsis :

Jojo est un petit allemand de 10 ans. Endoctriné par le régime Nazi, il s'imagine avoir Hitler comme meilleur ami...


Commentaire :

Esthétisme de Waititi

Loin de se contenter de la narration, Taika Waititi soigne sa mise en scène. L'objectif est de représenter le nazisme à travers le regard d'un petit garçon embrigadé, ce qui autorise quelques extravagances. C'est notamment le cas pour la teinte et les couleurs choisies, assez flambloyantes pour une époque de guerre. La photographie est travaillée, notamment pour les plans de demi-ensemble où l'on voit un véritable effort de composition dans le cadre. Il ne semble pas y avoir un sens particulier à ces plans, juste une recherche esthétique pour introduire une scène. Il est palpable que Waititi a pris du plaisir et du temps pour réaliser son film. La scène d'introduction d'Elsa, la jeune juive cachée, à la manière d'un film d'horreur est particulièrement réussie pour renvoyer à l'imaginaire du Juif dans la tête d'un jeune garçon endoctriné. L'ensemble de l'histoire a un ton assez léger, grâce à un humour moquant les grossièretés de l'idéologie Nazi. Cela demande, du côté de la mise en scène, une rythmique millimétrée pour que les gags, souvent visuels, fassent mouche. A la musique, Michael Giacchino, un des grands compositeurs d'Hollywood, est plutôt discret, effacé derrière des reprises forcenées de chants allemands de propagande qui participent au ton humoristique.

Réfléchir par l'humour

Le nazisme est peut-être un des sujets les plus délicats à traiter au cinéma pour éviter les retours polémiques. Toutefois, la simplicité et l'absurdité de la propagande nazi, notamment dans son contenu adressé aux enfants se prêtent également au rire. Le rire est un des moyens possibles pour montrer l'absurdité de cette idéologie et ses effets sur un enfant. A ce titre, Taika Waititi dans le rôle d'un Hitler imaginaire est particulièrement réussi. Il est dommage toutefois que le ton humoristique décline au cours du film pour que le drame attendu dans ce genre de sujet prenne le dessus. Waititi a affirmé qu'il cherchait à désarmer le spectateur pour lui montrer ensuite la vérité crue.C'est un choix honorable. Néanmoins ce point de vue laisse aussi penser que l'humour seul n'est pas suffisant pour faire réfléchir  sur un sujet. Le choix de Waititi est celui de la sécurité, mais son talent pour l'humour rendait possible un traitement tout aussi pertinent par le biais de la comédie. 

En définitive, Jojo Rabbit est une comédie dramatique plutôt réussie sur une thématique complexe. On est presque à regretter que Taika Waititi se retienne sur la comédie.




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