Les sorties de la semaine

jeudi 17 mai 2018

Senses 1&2


Synopsis :

Quatre amies japonaises dans la trentaine questionnent leur vie, tant sentimentale que professionnelle.   
[Il s'agit uniquement de la première partie, l'ensemble étant composé de 5 volets. Il s'agit en fait d'un seul film découpé.]


Commentaire : 

Une réalisation aléatoire et pauvre

Ryusuke Hamaguchi veut filmer l'imperceptible. Il laisse alors le temps dévoiler ce qu'il recherche. Mais que recherche t-il ? Le réalisateur avoue lui même se demander tout au long du tournage quel était le but de son film et comment le finir. Il en ressort que son film est composé exclusivement de temps faibles. Il film le quotidien. Si le problème de nombreux films est justement l'absence de temps faibles, Senses tombe dans l’excès inverse. Une intrigue peu dynamique peut être compensée par une réalisation audacieuse, contemplative ou expérimentale, mais ce n'est pas le cas ici. Les cadres sont fixes, notamment pour les scènes d'intérieur qui sont majoritaires, elles mêmes composées de très longues scènes de dialogue. Quelques plans en regard caméra sont présents, indiquant peut-être un basculement dans l'intrigue. Le procédé du champ - contre-champ est utilisé pour ces scènes de dialogue avec parfois le plan arrêté sur le personnage écoutant pour insister sur sa réaction. Le procédé n'est pas nouveau dans le cinéma d'auteur. Le film offre majoritairement des plans en taille ou des gros plans. La diégèse est donc peu ancrée spatialement, hormis pour la partie Arami en fin de film qui, enfin, propose quelques plans (fixes évidemment) de paysage (exception pour la cascade). Il en ressort une sorte d'étouffement, peut-être à propos mais le reste du film offrira plus de réponses. Le film ne présente en tout et pour tout que deux travellings, dont un pour la belle scène d'ouverture. Pour le reste en extérieur, au mieux, la caméra pivote.

Hamaguchi se refuse à utiliser la lumière artificielle, ce qui peut être un choix intéressant, au service du réalisme mais qui du coup rend les effets de pénombre (et autres) anecdotiques car il est hasardeux d'y voir alors une intention de réalisation. C'est probablement un choix pour le mari de Jun en contre-jour mais plus le cas lorsque Jun est dans la voiture entre ses deux amies. Filmer le réel tel quel empêche de lui donner un sens par un artifice visuel. Concernant le son, le mixage sonore est aléatoire, les scènes d'extérieur étant parfois encombrées par le son d'ambiance et les voix des acteurs étant inégalement fortes au cours des scènes. Certes, cela apporte du réalisme, mais un film étant dans tous les cas une construction, pourquoi ne pas le faire avec soin ? Nul besoin d'aller au cinéma pour voir le quotidien, bien souvent ennuyant. Concernant la bande musicale, il n'y a que deux très cours passages au piano, au début et à la fin. 
La sobriété côtoie ainsi la médiocrité même si cela est effectivement voulu.

Les thématiques : la vie professionnelle et amoureuse, une réalité complexe

Si les thématiques ne sont pas mises en oeuvre par l'image ni l'histoire, le film possède bien quelques thématiques, notamment présentées lors des scènes de dialogue. Les propos sont eux intéressants. Ils concernent la vie professionnelle de ces femmes et leur vie amoureuse ou plus généralement leurs rapports aux hommes. Le propos sur la vie professionnelle est peut-être le plus intéressant avec le cas de l'infirmière qui présente la complexité de son travail notamment face au vieillissement de la population japonaise. Les histoires d'amour de ces femmes sont elles présentées avec soin. Bien que le film ait été salué pour dénoncer le patriarcat, ce dernier n'est pas si oppressant dans le film. C'est plutôt la grande normativité de la société japonaise qui est perceptible pour un œil extérieur, qui remarque les questions taboues entraînant une gêne (question intime notamment). Le film ne porte pas de jugement sur les errements amoureux, l'individu concerné ne pouvant se défaire de sa subjectivité. Cela est intéressant. Il s'agit d'écouter les personnages plutôt que de les juger. Toutefois les histoires de cœur intéresseront ceux qui voudront. 


En définitive, Senses propose un voyage au cœur de la banalité de la vie, présenté avec le plus de banalité possible. Il faudra attendre la suite du film pour proposer un avis définitif. Il n'en demeure pas moins qu'à cette étape, le fond (l'histoire) et la forme sont ennuyants bien que certaines thématiques soient intéressantes. 



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Bande annonce :
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19577719&cfilm=239526.html

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