Les sorties de la semaine

dimanche 13 avril 2014

Noé


Synopsis :

Noé, descendant de Seth, lui même fils d'Adam, se voit confier la tâche par le Seigneur, de construire une arche afin de sauver les innocents du Déluge. En effet, Dieu souhaite punir les hommes et tout particulièrement les descendants de Caïn le meurtrier, fils d'Adam, pour la méchanceté dont ils font preuve. Seuls les animaux de la Création auront une place dans le nouveau monde. Quant à Noé, il ignore si l'humanité, par sa lignée, aura encore une place dans ce monde purifié...


Commentaire :

La marque d'Aronofsky

Darren Aronofsky était très attendu pour ce film, qui signait le grand retour des films bibliques au cinéma. Il n'est d'ailleurs pas le seul cette année avec Exodus prévu pour la fin d'année et Son Of God, sorti pour l'instant au Etats-Unis. Quoiqu'il en soit, ce film tiré de l'Ancien Testament devait également être un film d'Aronofsky. Le résultat est que la marque de l'auteur est présente et qu'un spectateur ayant vu Requiem For a Dream remarquera surement des similitudes de montage. Nous pensons notamment au montage "épileptique" utilisé ici pour représenter ou interpréter des passages de l'Ancien Testament. Au niveau de l'esthétique et de la gamme chromatique, il est également possible de faire le lien avec The Fountain.

Un seul temps fort

S'il s'agit bien d'un film portant la marque d'Aronofsky, le résultat est lui mitigé. Le film est structuré en trois actes. Le premier acte est moyennement rythmé mais surprenant du fait de la découverte de l'esthétique du film (l'avant-Déluge) et le dernier et troisième acte (l'après-Déluge), lui, se tire en longueur. Ces deux actes sont nécessaires au récit de la Genèse mais sont moyennement passionnant au cinéma. Ainsi, seul le Déluge en lui-même est particulièrement prenant et très bien réalisé, conjuguant grande bataille et thriller. Selon nous, un seul des trois actes est donc vraiment réussi, qui est par ailleurs le seul acte qui soit fidèle à ce que l'on pourrait attendre venant d'un blockbuster ; autrement dit, le seul acte de grand spectacle.

Esthétique mi-figue mi-raisin

L'esthétique du film est originale mais surprenante. L'environnement, ainsi que la faune et la flore dans une moindre mesure, diffère du monde actuel. Il fallait, en effet, que le monde d'avant le Déluge soit différent du monde que nous connaissons, car l'ancien monde est sensé avoir été détruit pour donner la Terre d'aujourd'hui. A ce titre le pari est réussi, notamment l'esthétique du ciel, qui ancre l'histoire de Noé dans un monde inconnu. Pour l'après-Déluge, le choix des paysages de l'Islande colle très bien à ce que l'on pourrait attendre d'une nouvelle Terre. Concernant les effets numériques, ils sont réussis pour la scène de la grande bataille. Ils sont, selon nous, moins réussis pour ce qui concerne les animaux. Le problème n'est pas que certains animaux soient imaginaires mais bien que leur artificialité se voit à outrance. En outre, les animaux sont un élément central et attendu dans l'histoire de Noé. Dans l'idée des effets trop voyants, il y a également un contre-jour étrange, qui dans la structure du plan rappelle ceux du cinéma classique hollywoodien mais qui ici, est d'une artificialité criante, si bien que l'on croirait assister à un spectacle d'ombres de marionnettes. Quant au design des géants, il n'est pas forcément raté mais pour le moins étrange. Leur aspect passe en vérité beaucoup mieux une fois que l'explication de leur origine nous est donnée. Leur forme d'être de lumière est elle très bien trouvée. Toutefois, le seul et vrai prodige de ce film est finalement l'arche (faite en décor réel). 

Acteurs et sur-jeu

Il s'agit peut-être d'un des aspects les plus problématiques du film, la majorité des acteurs étant à côté de leur rôle. Néanmoins, l'archétype des personnages interprétés y est surement pour beaucoup. Emma Watson n'est pas très juste et dans le sur-jeu. Plus surprenant, Jennifer Connelly sur-joue elle aussi quelques scènes. Logan Lerman, lui, ne s'en sort pas très bien avec un personnage sans nuance. Le personnage de Ray Winstone (Tubal-Caïn) est lui une caricature du méchant. Seul Russell Crowe et Anthony Hopkins s'en sortent avec une performance honorable mais sans étinceler. A se demander si ce n'est pas la direction d'acteurs qui a failli ici.

Ré-intérêt pour une mythologie judéo-chrétienne, fidèle mais progressif

Si sur la forme, Noé est donc un film plutôt moyen, le fond est en revanche très intéressant. Ce film relance l'intérêt pour la mythologie judéo-chrétienne à la manière des films épiques nous intéressant à la mythologie grecque. L'histoire et le rôle des géants (anges déchus) est génial, la présence du mystique Mathusalem est superbe. Il faut accepter ce film avec la même ouverture d'esprit qu'un film sur la mythologie grecque, qui nous apporte une conception du monde selon une religion. A vrai dire, il est beaucoup plus facile pour certains d'accepter un film sur la mythologie grecque car les évènements contés sont pris comme faux, purement fictionnels. Le sujet est plus sensible avec un livre comme la Bible qui est d'abord porteur d'une religion pratiquée, mais le film ne doit pas être reçu autrement que comme un récit mythologique. Prendre ce film pour un film de propagande religieuse serait une erreur. 
La plus grande force du film est de rester (assez) fidèle à la Genèse tout en actualisant grandement le récit. Un des meilleurs exemples est d'associer les paroles de la Bible à des images présentant le Darwinisme : superbe mise en scène subversive, grandiose! On peut parler d'une vision progressive de la religion. Le film adopte également un discours écologique intéressant, pour la défense des êtres vivants et contre l'industrialisation excessive. Les descendants de Caïn sont punis pour leur non-respect de la nature et l'industrialisation dévastatrice de la Terre. Le discours est donc très actuel. Enfin, le plus beau tour de force du film est de réussir, dans ce récit, à taper sur l'intégrisme religieux! Noé n'a pas été choisi parce-qu'il est croyant mais parce-qu'il est bon! En effet, si le film tape sur l'orgueil humain à travers Tubal-Caïn, personnage qui ne respect rien, le film pointe aussi du doigt ceux qui obéissent aveuglement au divin... Rien que pour le fond, le film mérite d'être vu.


14/20




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