Les sorties de la semaine

dimanche 22 décembre 2013

A Touch of Sin


Synopsis

Quatre histoires se déroulant dans quatre provinces chinoises se succèdent dans la Chine contemporaine. Pour des millions de chinois, vivre est un combat de tous les jours. Dahai est un de ces chinois. L'ancienne exploitation minière d'Etat dans laquelle il travaille, est aujourd'hui privée et gangrenée par la corruption. Dahai, excédé, compte prendre les choses en main...


Panorama de la Chine actuelle : impressions générales

Jia Zhang Ke, habitué de Cannes, a encore fait mouche au festival cette année en obtenant le prix du meilleur scénario en 2013 pour A Touch of Sin. Il est heureux que le réalisateur chinois soit célébré hors de son pays car il ne recevra certainement aucune reconnaissance chez lui. En effet, le dissident chinois réalise ici un film purement d'opposition où les quatre histoires présentées n'ont en commun que le rejet du régime actuel. Il est même impressionnant qu'il est obtenu les autorisations pour tourner son film en Chine. Toutefois, le régime n'est pas totalement dupe, il ne permettra sans doute jamais sa sortie sur le territoire.
La thématique centrale du film est donc la corruption et la violence du régime chinois, développée à travers quatre histoires provenant de réels faits divers. Nous trouvons une certaine apprêtée dans  quelques plans, similaire à celle du cinéma japonais et coréen. Il n'est pas alors étonnant de trouver caché à la production Takeshi Kitano, à qui nous pouvons attribuer au moins deux scènes typiquement kitaniennes. La violence de la mise en scène de Kitano permet, en effet, de retranscrire parfaitement la violence de la société chinoise, issue directement ou indirectement du régime. Toutefois, les piques de violences ne sont pas uniquement les moments forts du film. Chaque scène est minutieusement travaillée. La mise en scène de Jia Zhang Ke ne laisse rien au hasard et appuie constamment la thématique. Chaque plan a une signification, le champ étant minutieusement organisé. En outre, le réalisateur joue constamment avec la profondeur de champ pour ouvrir et fermer des possibilités d'intrigues. Quant à la musique, elle est très discrète pour renforcer le réalisme de ce panorama de la société chinoise, et ne se fait entendre que dans les scènes de transitions.


La métaphore et le symbolisme (spoils)

Jia Zhang Ke utilise de nombreuses images pour représenter la condition du peuple chinois. Les animaux auront un rôle particulier en étant constamment l'image du peuple : battus, enchaînés, égorgés, libérés, parfois forts; aucun animal arrivant dans le champ, mentionné en hors-champ ou entendu en hors-champ ne sera anodin. Dans une scène, le film le dira clairement : les animaux ont des sentiments; ils peuvent donc être le reflet du peuple. 
La notion d'emprisonnement et d'impossibilité d'action sera également visible à l'écran, à travers les nombreuses barrières, grilles et remparts. L'idée est que la majorité des chinois ne jouit que de peu de droits et que se soumettre au système est la seule façon possible vivre.
Tout élément est riche en signification et la métaphore sera semble t-il la figure de style la plus utilisée au service de la thèse de l'auteur. Nous serions tenté de qualifier la mise en scène de poétique si le sujet n'était pas aussi violent et brutal. Dans tous les cas, ces procédés sont utilisés pour la beauté et la qualité cinématographique de l'oeuvre et non pour essayer de camoufler la thèse de l'auteur, tant celle-ci est évidente.

Les intentions de Jia Zhang Ke (spoils)

Dans ce film, Jia Zhang Ke prend plaisir à punir les responsables du régime, ceux ayant tiré parti du régime et ceux profitant de son inefficacité d'action. Néanmoins, si justice est faite, les victimes ne trouveront jamais la quiétude tant ce monde les a poussées dans des extrémités, en devenant eux-mêmes des monstres semblables à leurs bourreaux. Ainsi, le propos de Jia Zhang Ke est fort car même dans la fiction, les choses ne peuvent rentrer en ordre dans la Chine contemporaine, corrompue et criante d'inégalités. Le réalisateur n'en a pas, semble t-il, après le système communiste en tant que tel, mais bien après ce que celui-ci est devenu. Il ne loue pas d'ailleurs d'autres modèles de sociétés, les personnes de l'extérieur étant présentées de manières plus ou moins neutres ou pour le moins ambivalentes. Le vrai ennemi provient de l'intérieur, il est celui qui a réussi, probablement par le biais de méthodes douteuses.


En définitif, il s'agit d'un film qui regorge d'effets cinématographiques avec une thématique forte. Loin de nous ici, l'idée de prendre parti pour ou contre la thèse de l'auteur mais il y a sans conteste du vrai dans ce film. Dans tous les cas, il s'agit d'un grand film de Cinéma avec un grand "C", le tout étant d'apprécier un cinéma autre que celui du pur divertissement. Si ce n'est pas le cas, il reste la sublime mise en scène à admirer. Le seul reproche qu'on pourrait néanmoins lui faire est sa durée, la thèse de l'auteur étant rapidement audible et compréhensible. Mais là encore, peut-être faut-il y voir un message : on ne sort pas si facilement de ce drame humain.





17/20

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