Les sorties de la semaine

lundi 16 mai 2022

The Northman

 


Synopsis :

Amleth, fils du Roi Horvendil voit son père tué par son oncle et est obligé à l'exil. Il promet alors de revenir un jour venger son père et libérer sa mère... 


Commentaire : 

Film stylisé à outrance ?

Robert Eggers s'attaque à la fresque historique tout en souhaitant apporter une vision artistique très loin du réalisme. Sa vision est poétique, mais au sens de la poésie des sagas Vikings ; brutal et sans concession. Les combats présentés, sur un rythme lent (pour une fois au cinéma) et dans de longs plans séquences léchés sont visuellement intéressants. La photographie est l'atout principal du film. Il y a manifestement une patte graphique affirmée, teintée de la mise scène de l'horreur, genre sur lequel le réalisateur a fait ses premières armes. Ce film est un objet hybride par son visuel particulièrement stylisé (encore plus pendant les scènes d'hallucination) et sa volonté de produire un film historique sur les Vikings pour lequel de nombreux experts de la période ont été consultés. En effet, l'époque dans sa matérialité et ses superstitions semblent bien maîtrisée. Toutefois, c'est un défi particulièrement audacieux qui n'est malheureusement pas complètement satisfaisant dans son rendu final. En effet, le cadre réaliste se voit totalement anéanti par l'histoire d'une violence crue qui joue avec les clichés de cette société plus que d'en proposer une vision pertinente et nuancée. La mise en scène ultra-violente et horrifique ne rend donc pas grâce à ce peuple fantasmé. Elle renforce au contraire le fantasme jusqu'à le rendre émétique. Fort dommage! La musique de Carolan et de Gainsborough continue dans le cliché avec les tambours de guerre et les chants à voix graves, bien que l'utilisation de plusieurs instruments d'époque offrent un rendu intéressant. Le résultat technique de cette œuvre osée est un shot de virilité sans dérision et au premier degré. Une tragédie sérieuse, intéressante parfois lorsque ses origines théâtrales se signalent à l'écran. Certes, cette vision viriliste pourrait correspondre aux fantasmes des populations de l'époque Viking mais l'histoire manque de souffle et le personnage principal de nuance pour que cette proposition présente un intérêt de nos jours.

Adapter Hamlet ?

Robert Eggers offre un film intéressant dans sa volonté d'adapter la plus fameuse pièce de Shakespeare à l'époque Viking, car Shakespeare s'est probablement inspiré d'un évènement de l'époque Viking pour produire sa pièce au XVIIème siècle. Robert Eggers a, dans un sens, rendu ce fait à son époque, autrement dit a rendu à ce fait, sa primitivité originelle. Toutefois, plus que de recontextualiser cet évènement, Robert Eggers l'a restitué à son époque par le prisme fantasmé de notre époque sur le Xème siècle Viking. 

Le fatalisme antique 

Shakespeare, élève des auteurs antiques, et les Vikings croient au Destin. Le Destin ne peut être évité : c'est le fatalisme. Ainsi Amleth devra se venger. Cette nécessité guidée par les dieux est bien présente dans l'histoire. Le personnage, élevé par son père, croit dur comme fer à son destin. Le film semble, approchant le climax, prendre une voie plus pertinente en proposant une explication des raisons qui ont poussé l'oncle d'Amleth à agir. Il est alors possible, à cet embranchement du film, de dépasser le fatalisme et les valeurs d'époque. La masculinité toxique (ultra-violente à l'époque) est dénoncée, le film semble amorcer un propos critique. Toutefois, le héros n'ayant que faire de cette révélation ne semble pas appuyé cet axe du film. A la fin, il reste alors juste l'impression d'avoir vu une ode à la bestialité.


En définitive, The Northman est une proposition audacieuse de renvoyer la pièce d'Hamlet à ses origines Vikings. Visuellement intéressante, cette proposition fantasme trop son sujet pour en faire un film d'époque pertinent. 




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mercredi 11 mai 2022

Doctor Strange in the Multivers of Madness

 

Synopsis :

Steven Strange fait des rêves étranges, qui paraissent plus vrais que nature. Mais ces rêves sont-ils simplement une simple illusion du cerveau ou une fenêtre sur d'autres univers ?


Commentaire

Sam Raimi, le maître de l'horreur

Sam Raimi retourne aux superhéros après sa prestigieuse décennie 2000. Loin de se laisser cadenasser par Marvel, il impose sa patte en imbibant Marvel de son genre favori : l'horreur. Genre par excellence pour travailler la mise en scène grâce au travail sur le hors-champs et le ressenti du spectateur, le genre horrifique apporte un style bien particulier à cet épisode de Doctor Strange. Steven Strange et Wanda Maximoff deviennent alors les muses horrifiques de Sam Raimi. Par ailleurs, chaque plan revêt une idée de mise en scène et chaque transition est travaillée. Notons en particulier une caméra dynamique avec des plans débullées, qui peut très bien passer à travers les murs ou utiliser les reflets pour continuer la séquence. Certains éléments reflètent directement le cinéma de Raimi comme la scène de corniche dans New York lors du combat contre le premier monstre (la bête aux tentacules). Les scènes de combats - d'action sont particulièrement bien filmées avec enfin des plans en pied, plus larges laissant respirer l'image. La scène la plus réussie sera évidemment le combat "aux notes de musique", parfaitement en symbiose avec la bande musicale de Danny Eflman, le compositeur favori de Sam Raimi. Si Elfman n'apporte pas de thème particulièrement reconnaissable - retenable, il excelle à mettre en place une ambiance angoissante, à mettre en valeur les scènes grâce au mickeymousing ou tout simplement à donner au film une autre envergure grâce à une musique symphonique et orchestrale classique et classieuse. Le film est réussi car il s'agit d'un film de Sam Raimi avant d'être un film de la "série" Marvel.

Le scénario, petit point faible 

Si le scénario est convenu et tient la route, l'inévitable recours au multivers crée immanquablement quelques problèmes. Par exemple, Doctor Strange s'adressant à un double maléfique prend pour acquis qu'ils ont vécu un même évènement dramatique dans leur enfance. Premièrement, la séparation des lignes de réalité n'est-elle pas trop récente (série Loki) pour que 2 Strange si différents puissent exister ? Deuxièmement, s'il existe bien une infinité d'univers parallèles, comment Strange peut-il penser qu'un double a forcément vécu la même expérience que lui ? Il manque peut-être un chef d'orchestre général chez Marvel pour établir des règles communes aux productions sur ce fameux multivers. Le scénario fait alors ce qui l'arrange. Notons à côté des problèmes du multivers, quelques éléments également là encore peu subtiles. L'utilisation des générateurs de mémoire dans un monde du multivers par Strange et America Chavez est un procédé un peu facile pour amener des flashbacks qui arrangent le scénario. Toutefois, l'ensemble reste encore acceptable pour une production de ce type. 

La thématique : l'acceptation 

L'existence du multivers est pour Doctor Strange et Scarlet Witch la possibilité d'obtenir ce qu'ils souhaitent, car ce qu'ils cherchent (son ex-femme pour Strange et ses enfants pour Wanda) existe forcément quelque part. Le dénouement ne peut ainsi avoir lieu que dans le renoncement, car le multivers est la métaphore de l'éternel désir. Wanda doit accepter l'état de son existence et Strange accepter de ne pas tout contrôler. Au début du film, Strange est bloqué dans le passé, symbolisé judicieusement par une montre cassée... quand choisira t-il alors de dépasser sa frustration et de symboliquement faire réparer sa montre ? Il doit apprendre d'abord à lâcher prise. Le film utilise à ce propos, encore, quelques éléments scénaristiques un peu convenus - faciles comme le fait que Strange doive se résoudre à placer sa confiance dans une fillette dont le succès ou l'échec déterminera le destin de l'univers... de tout le multivers! Un homme si sage peut-il faire ce pari ? Ou est est-il plutôt un homme de foi qu'un homme sage ? Toutefois, la morale est entendable voire plutôt intéressante venant d'outre atlantique. Doctor Strange doit en effet apprendre à laisser faire et à accepter le monde tel qu'il est. Le self-made man américain est enfin opposée à une proposition bouddhiste (ou nietzschéenne - chacun choisira) qui parait plus raisonnable et surtout plus propice à la paix intérieure. Doctor Strange n'est-il pas avant tout un grand sage aux inspirations orientalistes ? 

En définitive, Doctor Strange in the Multivers of Madness est un excellent film de l'écurie Marvel parce qu'il est un film transpirant la patte de Sam Raimi. 




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