Les sorties de la semaine

lundi 20 septembre 2021

Dune

 


Synopsis :

La grande maison des Atreides se voit confier par l'empereur l'exploitation d'Arrakis à place de la famille des puissants Harkonnen. Paul Atreides, héritier des Atreides, accompagne sa famille sur cette planète aride et désertique, regorgeant de la matière première la plus convoitée de l'univers : l'épice. Leto, duc des Atreides et père de Paul redoute que la mission de l'empereur soit en fait un cadeau empoisonné... 

Commentaire :

Un grandiose désaturé 

Cela fait plusieurs films que Denis Villeneuve démontre son soin dans la conception de l'image, dans l'idée à terme de pouvoir réaliser Dune. La réalisation est parfaite dans l'objectif recherché. Les plans d'ensemble ultra-larges sont légions pour rendre grâce au gigantisme de cet univers. Que cela soit les plans dans l'espace ou sur une planète, chaque lieu bénéficie d'un plan général d'introduction. Lorsque cela est possible, des véhicules ou des silhouettes humaines viennent donner une notion d'échelle dans un univers qui ne semble pas avoir de limite. Le point le plus travaillé est probablement la photographie, cette dernière étant mise en avant par un montage lent et des plans qui durent. Villeneuve recherche une photo réaliste (exploitation au maximum de décors réels) avec des couleurs désaturées, ce qui correspond par ailleurs à sa filmographie. Ce choix audacieux a la qualité de rendre ce space opéra singulier bien que peut être trop terre à terre pour l'univers décrit. Cela n'atteint toutefois pas le grandiose recherché, qui trouve toute sa puissance dans la projection Imax, Denis Villeneuve ayant pensé son film pour ce format. Les différents tableaux justifient sûrement à eux seuls le visionnage du film. Les designs et technologies ont un rendu tout à fait crédible et abouti qui renforce l'aspect très soigné de la réalisation. Certaines scènes d'action, filmer par exemple à l'échelle d'une ville, sont par ailleurs impressionnantes. Denis Villeneuve peut compter également sur un mixage sonore exceptionnel et une bande musicale (qu'il serait plus juste de qualifier de bande d'ambiance ici) singulière et innovante de Hans Zimmer pour installer l'univers dépaysant de Dune. Les nombreux temps faibles laissent se déployer l'univers auditif quand ces derniers comportent de la musique, car le film se risque également à de nombreux passages sans musique. Ce blockbuster a la très grande qualité de dénoter en comparaison des films du genre, de par ses temps faibles et son rythme assez lent. 

Un monde vaste et immersif, une histoire désincarnée 

La puissance de Dune est le monde de la diégèse allant bien au-delà de ce qui est narré et montré à l'écran. Le spectateur est d'ailleurs submergé d'informations notamment du fait de noms (lieux, maisons, sectes) particuliers et difficilement mémorisables à la première écoute. Énormément de contexte est mis en place pour donner de la profondeur au monde, toutefois, la présentation fait parfois un peu exposition universitaire (le héros Paul regarde des documentaires et des tutoriels). L'univers présenté, au delà de faire très terrestre comme il l'a été dit plus haut, paraît par ailleurs assez vide (même au-delà d'Arrakis). La photographie et le design sont épurés, ce qui est un choix artistique mais cela empêche la dépeinte d'un monde qui devrait être foisonnant - on est loin d'une planète comme Coruscant (Star Wars) qui permet de donner vie à un univers - . L'univers est ici aussi terne que la photographie. Et il peut être regretté un manque de diversité et d'exotisme des mondes montrés. C'est également le problème de l'histoire et des personnages. En effet, ils sont peu attachants du fait qu'ils soient assez stoïques au regarde de leurs péripéties, alors que l'histoire politique est elle assez prenante. La mère de Paul est la seule à montrer véritablement des émotions mais cela n'est montré que dans une scène. Cet élément associé à un rythme plutôt lent ne permet pas de réelle mise en tension de enjeux. Une majorité des éléments narratifs (à l'exception de l'attaque de la ville) se déroule alors sans réellement impacter le spectateur. Par ailleurs, les visions de Paul viennent désamorcer plus qu'introduire le déroulement de l'histoire.  

Des bribes de thématiques disséminées dans l'immensité 

Villeneuve s'était attaqué à des films très riches en réflexion récemment, en passant de Blade Runner 2049 à Premier Contact. Ici quelques thématiques sont abordés mais seulement effleurées alors que le rythme du film était propice à la réflexion. Cette déception est due au fait que les dialogues sont finalement assez peu nombreux mais également qu'une grande partie de l'intrigue se jouera dans le second épisode. Villeneuve a d'ailleurs parlé de ce Dune comme une introduction à l'univers. Il reste alors quelques réflexions sur le pouvoir et la légitimité à gouverner, ce dont Paul et son père discutent. Un homme d'Etat ne cherche pas le pouvoir, c'est ainsi qu'il en est digne et est préservé de l'avidité (le contraire des Harkonnen). Il y a également un début de réflexion sur la religion et le fanatisme qui peut être intéressant. Toutefois, si Paul est véritablement l'élu, alors l'aspect religieux ne pourra être traité que de manière particulière puisqu'ici la religion aurait une base réelle et non mythologique. Le colonialisme et l'exploitation sont montrés sans que cela ne soit mis en réflexion. Pour un film si prometteur et ambitieux, la dimension philosophique est ainsi assez pauvre, en espérant une fulgurance dans le second film. 


En définitive, le Dune de Denis Villeneuve est impressionnant de part sa photographie, son mixage sonore et le travail de Hans Zimmer. Il peut toutefois paraître du point de vue de son scénario comme un immense film d'exposition. Le monde est immersif mais l'histoire est désincarnée. 



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dimanche 5 septembre 2021

Shang-Chi et la Légende des dix anneaux

 


Synopsis :

Il y a deçà un millénaire Xu Wenwu récupéra les 10 anneaux lui permettant de vaincre tous ses ennemis et d'asseoir son pouvoir sur le monde. Il y a quelques années, son fils Shang-Chi fuit pour éviter de suivre la voie de son père. Aujourd'hui simple carrossier à San Francisco, son passé et son héritage ne tardent pas à le rattraper... 


Commentaire

Forte inspiration du cinéma chinois et hong-kongais 

Destin Daniel Cretton rend hommage aux différents genres du cinéma chinois, en passant des films épiques en début de film (Les Trois Royaumes, Hero), au cinéma hong-kongais d'arts martiaux (notamment les films de Jacky Chan et ceux de Zhang Yimou Le secret des poignards volants). A cela, il rajoute tout le bestiaire mythologique chinois (dragon, qilin, lion chinois, renard à neuf queues) pour donner à son film une teinte définitivement particulière. Il s'agit visuellement d'un film très généreux pour les amateurs du cinéma chinois. Par ailleurs, Marvel aime aller chercher des acteurs prestigieux pour apporter une garantie de sérieux à ses films (Michelle Pfeiffer, Michael Douglas, Robert Redford, Tilda Swinton). Ici, Marvel réussit à récupérer Tony Leung et Michelle Yeoh, deux des plus grosses stars du cinéma de l'empire du milieu. A noter l'audace pour un film américain d'avoir une partie de ses dialogues en mandarin. La mise en scène en elle-même prend également beaucoup au cinéma chinois d'action avec des plans en plongée totale et des plans pieds pour montrer l'ensemble des corps en action. Elle se permet aussi des scènes moins cutés qui respectent mieux les chorégraphies d'arts martiaux. Ces dernières sont d'ailleurs parfaitement travaillées et exécutées, cela étant dû à l'expertise de Brad Allan, ancien de l'équipe de Jacky Chan, ici superviseur des cascades et second réalisateur. Les combats au corps à corps sont donc mieux filmés que dans la plupart des Marvels bien que le montage ne laisse pas encore totalement se déployer la majesté des chorégraphies, comme le fait le cinéma hong-kongais. Ce qui tient à la mise en scène de Marvel vient finalement quelque peu parasiter les combats que cela soit les cuts mais également les effets spéciaux (ralentis, effets numériques pour les pouvoirs etc.). Toutefois, certaines scènes s'en sortent particulièrement bien comme les scènes d'arts martiaux dans le bus, sur les échaudages en bambou, ou encore dans la forêt de bambous. La scène finale très marvelienne de part ses effets spéciaux est en revanche plus confuse. En effet, les effets numériques, que cela soit pour les véhicules ou le bestiaire ne sont pas des plus aboutis et les plans trop rapprochés ne permettent pas tout le temps de suivre le déroulement de l'action. 
Point très positif, Shang-Chi bénéficie d'une des plus belles bandes musicales des derniers Marvels avec le travail de Joel P. West, très fortement imprégné de la musique chinoise. Le film par ses quelques temps faibles permet également la mise en valeur de la bande musicale.

Thématiques limitées sur la famille 

Destiné au marché chinois, Shang-Chi ne bénéficie pas de thématiques si fortes que celles de Black Panther, autre film communautaire de l'univers Marvel. Les thématiques sont plus classiques et héritées également du cinéma chinois. Il s'agit du traitement de l'héritage et du passage de relais entre le père et le fils. La thématique du féminisme très secondaire ici (avec la sœur) ne mérite pas d'être abordée tant le déploiement dans le film est limité. En revanche, il est constamment fait mention du rapport entre le père et le fils, ce dernier ne sachant que faire de son héritage. Bien que l'aspect philosophique de la question soit insuffisamment développé, tout le parcours du fils réside dans l'acceptation de son identité qui est à la fois le produit de son père et de sa mère. La philosophie chinoise (bouddhiste, taoïste ou confucianiste) prône la résilience et l'acceptation (à la manière d'un Nietzsche en occident). Ce n'est qu'une fois que le héros aura accepté pleinement son passé qu'il pourra dépasser son père. Paradoxalement, son père chute en adoptant une pensée transcendante (caractéristique de l'occident) en espérant récupérer sa femme dans l'arrière-monde. Il n'est donc pas dans l'acceptation mais dans le combat permanent, ce qui le mènera à sa perte. Le personnage du père est par ailleurs plutôt réussit du fait de sa complexité. Il évite ainsi le cliché du super-vilain de comics. Malheureusement, il faut plusieurs flasbacks pour poser l'histoire et ses motivations, ce qui entraîne une mise en tension des problématiques un peu tardive. 

 

En définitive, Shang-Chi est un hommage généreux aux différents genres du cinéma chinois. La sauce marvelienne est presque de trop au regard des scènes strictement d'arts martiaux. 



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