Les sorties de la semaine

mardi 13 juillet 2021

Cruella


 Synopsis:

Estella a une double personnalité si bien qu'elle s'appelle parfois elle-même Cruella. Son caractère bien trempé (son côté Cruella) lui vaut d'être renvoyée de son école. Sa mère cherche alors un nouvel endroit où elle pourrait continuer ses études...


Commentaire 

Réalisation entrainante

Craig Gillespie réalise un modèle de film narratif, avec l'intention de raconter une histoire prenante à multiples rebondissements. En effet, le film est doté d'une réalisation dynamique, associant mouvements de caméra et travellings à un montage rythmé, sans pour autant que ce dernier ne soit trop saccadé. Si la mise en scène est fonctionnelle, elle est également esthétique dans un film qui a pour thème la mode, c'est à dire qui s'intéresse à la forme. Les cadres sont toujours travaillés avec soin, et enferment une belle composition du plan. Il faut également saluer la direction artistique, que cela soit pour les costumes époustouflants, variés et originaux, ou les décors grandioses pour la plupart en dur. Emma Stone et Emma Thompson délivrent par ailleurs toutes deux une prestation remarquable qui porte le film du début à la fin. Elles ont dû particulièrement apprécier jouer leurs personnages haut en couleur, et porter des parures fabuleuses. Le film bénéficie en outre de l'inclusion de plusieurs tubes musicaux des années 60-70 qui viennent dynamiser le rythme et la mise en scène, pour laquelle il possible de se demander si dans la conception, la musique ne précédait pas la mise en image. Nicholas Britell se charge de la bande musicale plus traditionnelle. Cette dernière est composée finement avec des thèmes identifiables mais doit s'éclipser face aux tubes qui donnent un ton pop à l'ensemble de l'œuvre. Ainsi sur l'aspect technique, le film ne fait aucune fausse note. 

Des thématiques au film ? [spoiler]

Il est assez compliqué de définir une thématique à Cruella. Le scénario à rebondissement est entrainant mais il est difficile de tirer un message de l'histoire. Il pourrait s'agir du thème de la famille et de l'héritage des traits de caractère. En effet, Cruella serait une facette héritée de la mère biologique d'Estella mais cette explication est peu satisfaisante car Estella a été élevée par une mère douce et aimante. Le film nierait ainsi le rôle de l'éducation. Toutefois, Disney cherche à s'en sortir par une pirouette incohérente puisque que ce préquel aux 101 Dalmatiens nous montre une Cruella gentille, certes avec certains côtés effrayants mais avec un bon fond. Le dénouement montre d'ailleurs qu'elle a choisit le côté du bien, ce qui rassure au passage Jasper qui craignait que son amie tourne mal. Toutefois le message de Disney n'est pas entendable car l'avenir de Cruella et sa personnalité sont connus. Le stratagème avait marché pour le personnage de Maléfique en prétextant un changement de point de vue, il était alors possible de faire de ce personnage un protagoniste positif. Toutefois, Cruella devient par la suite un des méchants iconiques de Disney et peu importe le point de vue. Elle a par ailleurs horreur des chiens et en particulier des Dalmatiens ce que le film semble introduire au début mais qu'il finit par avorter. Disney ne peut se résoudre à faire de son personnage un méchant... en contradiction avec l'avenir du personnage. Cela sert le propos pour le film : la fille n'est pas obligée de ressembler à sa mère et il reste donc une marge de liberté à l'individu. Mais le film des 101 Dalmatiens montrera bien une Cruella méchante, cela venant annuler le propos défendu ici. 


En définitive, Cruella est un excellent film de divertissement, rythmé et avec une direction artistique impeccable. Unique reproche : Disney n'arrive pas à rendre son personnage antipathique ; est-ce vraiment la future Cruella des 101 Dalmatiens ?



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vendredi 9 juillet 2021

Black Widow

 


Synopsis :

Après les évènements de la Civil War, les Avengers sont séparés. Natasha Romanoff est pourchassée pour son implication du côté des Avengers rebelles mais doit également faire face à la chambre rouge, l'organisation soviétique responsable de sa formation dans ses jeunes années... 


Commentaire : 

Rythme endiablé 

Cate Shortland s'attaque au genre du super-héros marvelien en essayant de respecter le style associé. La réalisatrice ne réussit que trop bien son défi en fournissant un film très riche en action, dans une intention narrative et fonctionnelle. Seule originalité : l'introduction-crédit musicale. Ainsi, la réalisation n'a pas de personnalité en tant que telle mais remplit un des impératifs donnés par Scarlett Johansson, à savoir éviter l'hypersexualisation de Black Widow. En effet, malgré des tenues avantageuses et moulantes, la caméra ne s'arrête jamais sur cet aspect du personnage. Pour le reste, la mise en scène est celle d'un film de super-héros avec énormément de scènes d'action : avec des scènes de combats au corps à corps, des courses poursuites, en passant par les scènes aériennes de super-héros. Toutefois, un effort a été fait pour travailler les combats au corps à corps, spécialités de Black Widow, dont les cascades sont impressionnantes. Il y a un véritable travail sur le corps, notamment de Black Widow qui subit tous les chocs et contusions possibles. Le fait qu'elle semble insensible (malgré les bleus) à toutes ces violences la pose comme super-héroïne. Si la chorégraphie des combats est léchée, il est toutefois regrettable que la réalisation ne s'inspire pas de la mise en scène hong-kongaise qui aurait laissé se développer la magie de la chorégraphie sans avoir recours aux cuts incessants. Plus généralement, le film semble s'imposer un rythme endiablé qui certes maintient le spectateur sous tension mais peine à travailler les émotions et le ressenti dans une histoire tragique. Logiquement, le film qui ne se permet pas de temps faible ne laisse que peu s'exprimer la bande musicale de Lorne Balfe, qui réussit une partition orchestrale dans la lignée des bandes musicales Marvel. 

Un féminisme d'apparence [Spoilers]

Le sujet de Black Widow est classique et d'une limpidité sans pareil : la libération des femmes face au patriarcat blanc. En effet, Black Widow est confronté à un père incompétent (un super héros mythique - le Red Gardian- qu'il aurait été plaisant de plus fouiller), à l'incompétent et têtu général Ross, ainsi qu'à Dreykov l'incarnation du patriarcat dans un style qui rappelle Harvey Weinstein. Ce dernier contrôle les femmes par le biais d'une substance chimique qui est censé rappeler la manière dont le patriarcat tisse sa toile autour du corps féminin et de la femme plus généralement. La soumission qu'il exige, la violence physique qu'il exerce et son contrôle sur les femmes par le biais de phéromones ne rendent le propos que plus limpide (voir la scène de confrontation entre Dreykov et Romanoff). Il manque toutefois les violences sexuelles, arme principale du patriarcat pour que le propos soit complet. La résolution du film est littéralement la libération des femmes du système mondial mis en place par Dreykov (autrement dit le patriarcat). Par la suite, les femmes se soutiennent dans une sorte de sororité. Le seul homme ayant un rôle positif est le sidekick de Romanoff qui a pour vertu de ne pas être blanc et du coup d'être symboliquement meilleur que l'ancienne génération. Si le message est hautement d'actualité et efficace, il reste consensuel sans être révolutionnaire. En effet, Romanoff ne propose pas une vision du monde radicalement différente des autres Avengers. Le film est avant tout une succession de scènes de combat. Faut-il comprendre que subissant ce système, elle est obligée d'exercer autant de violence que les hommes ? Romanoff est rusée, elle utilise un stratagème face à Dreykov mais l'ultime alternative reste la violence. De même, d'un point de vue méta, la mise en scène de Shortland reste super dynamique, on pourrait presque la qualifier de virile, peut-être pour se fondre dans le monde marvélien. Mais est-ce qu'une vision radicalement féministe n'impliquerait pas une révolution du genre qui va au-delà du simple mimétisme des codes masculins ?


En définitive, Black Widow bénéficie enfin de son film solitaire. Elle y mène un combat ouvertement féministe qui manque toutefois de profondeur sur le sujet. Le tout reste distrayant de part son rythme très (trop ?) soutenu. 



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