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jeudi 8 avril 2021

Wonder Woman 1984

 


Synopsis : 

Dans les années 80, Wonder Woman continue sa quête pour la Justice et la Vérité. Archéologue le jour, justicière la nuit, Diana a une vie palpitante, bien que la solitude lui pèse et qu'elle garde toujours au fond d'elle le souvenir de Steve...  


Commentaire : 

Une réalisation s'inspirant des années 80

Pour l'immersion, Patty Jenkins adopte un style des années 80, avec une colorimétrie très flashy et un format cinéma, ce qui rompt avec le style grave et austère de Zack Snyder. Le ton est également plus léger, du moins au départ lors des scènes d'action, ce qui n'est pas sans rappeler les comédies d'époque. De manière générale, un grand soin est apporté aux cadres et la composition des plans ce qui apporte une réelle plus value à l'œuvre. En revanche, les effets spéciaux lors des combats (excepté la scène en Egypte) et les scènes dans le ciel sont moins convaincantes que dans les autres films DC. [Spoiler] La scène dans laquelle Wonder Woman apprend à voler est beaucoup moins puissante que le premier vol de Superman, de par les effets spéciaux mais aussi du fait de la musique moins marquante et originale [Spoiler]. Hanz Zimmer est à la partition, offrant globalement une jolie musique d'accompagnement mais sans produire de thème ici particulièrement marquant. En revanche, le style musical des années 80 marche très bien pour l'immersion.

Un scénario parfois désarticulé [Spoilers]

Le scénario manque à plusieurs reprises de liant pour des éléments parfois peu pertinents. Toutefois, ces imperfections produisent une impression de manque de soin dans l'écriture. Prenons deux exemples dans une même séquence; la scène de la fuite vers l'Egypte. Première facilité : le fait que Diana soit capable de rendre invisible un objet, ce qui est introduit en une seule phrase et sert facilement le scénario pour la fuite de l'aéroport (même si c'est un hommage à la série des années 70). Deuxième élément dans la même séquence : le jour où Steve reprend son rôle du pilote est également le jour de la fête nationale (4 juillet), ce qui tombe bien pour faire une scène, il est vrai visuellement impressionnante, mais dont l'introduction est trop facile. Deux facilités sont donc introduites, une pour un hommage, l'autre pour faire joli, ce qui dessert le film pour des éléments négligeables.
Citons également le fait que le président possède des posters, visibles à la vue de tous dans son bureau, d'un projet ultra secret particulièrement utile pour le projet du méchant. De même, la présence d'un descendant Maya deux minutes à l'écran pour faciliter la compréhension du scénario au spectateur est particulièrement mal raccordée à l'histoire. Il existe en plus plusieurs éléments incohérents sur lesquels il n'est pas nécessaire de revenir (par exemple autour du personnage du Steve dans le corps d'un autre) mais c'est véritablement la facilité scénaristique qui est la plus dérangeante. Il y a ainsi un manque de finesse dans le déroulement de l'histoire comme si le scénario brut n'avait été que rapidement retravaillé. Un élément a tout de même été bien amené, preuve qu'il était possible d'introduire de nouveaux éléments de manière soignée. Il s'agit de l'arrivée de la nouvelle armure dont il est question tout au long du film avant qu'elle n'apparaisse finalement à l'écran.

Un autre problème, cette fois-ci méta, concerne la continuité du film dans le DC Univers. Le fait que l'Amazone puisse voler dans les années 80, alors qu'elle ne vole pas mais se projette puissamment dans les films se déroulant dans les 2010, pose problème. A la rigueur, il aurait fallu mettre ce pouvoir en relation avec la nouvelle armure mais éviter d'en faire une capacité intrinsèque de Wonder Woman. 

Les thématiques : un film riche voire très riche ; le point fort [Spoilers]

Des messages intéressants viennent contrebalancer un scénario décevant. Le dilemme du personnage de Diana est très pertinent : le choix entre l'amour et la raison. Diana doit choisir entre son grand amour Steve et ses pouvoirs qui lui permettraient de sauver le monde. Le dilemme est fort, le choix est dur mais une héroïne a pour caractéristique de faire passer l'intérêt général avant le sien. Le dilemme fonctionne ainsi parfaitement. Dans lignée de ce dilemme, c'est évidemment la question du capitalisme qui est en jeu, car ce système consiste à penser que les égoïsmes personnels permettent de réaliser l'intérêt général. Rien de mieux que le secteur du pétrole pour représenter la contradiction de la volonté infinie dans un mode fini. Pedro Pascal (Max Lord) incarne le capitalisme. Il est cet homme d'affaire ambitieux et voulant se réaliser. Bien que le jeu d'acteur soit en roue libre sur la fin du film, le personnage reste cohérent, finalement, au regard d'un système il est vrai, tout aussi absurde. La raison fondamentale du fonctionnement du système capitalisme est la croyance et l'espoir (croyance dans la monnaie, espoir que les crédits seront remboursés), les deux étant liés. Autrement dit, le système fonctionne sur le principe du "toujours plus". Tant que le monde y croit, les marchés montent et le système perdure. Le problème montré dans le film est que les souhaits égoïstes de chacun ne vont pas dans le sens de l'intérêt général mais débouchent sur le chaos, le monde étant limité. Dans un sens, le film propose un exercice de pensée montrant que le postulat du libéralisme d'Adam Smith (l'égoïsme serait un bienfait) est erroné et ne fonctionne pas. Bien entendu, cela est fait de manière peu subtile. 
Diana propose, face à ce modèle, la modestie et la résilience. Il faut accepter le monde tel qu'il est dans une vision nietzschéenne. C'est à dire vouloir ce que l'on a déjà comme le fils de Max Lord. Cette philosophie qui rejoint le stoïcisme est particulièrement séduisante venant d'une production américaine : c'est la fin du rêve américain. Ainsi, Diana représente dans ce film non plus la Justice (scène de Justice League sur la statue de la Justice) mais la Vérité, c'est à dire le réel. La limite de cette pensée reste toutefois que la réalité peut être dure. D'un certain point de vue, cette philosophie de l'acceptation est aussi une philosophie du renoncement. Elle débouche sur l'absence de lutte. Barbara Minerva doit-elle par exemple prendre sur elle et accepter les agressions masculines ? Une Diana allégorie de la Justice se bat pour le changement, alors qu'une Diana représentant la Vérité se bat pour le statut quo. Dilemme complexe que le film, pas plus que la philosophie d'ailleurs, n'a réussi à démêler. 
Il n'en reste pas moins que pour accepter de se projeter dans ces thématiques, il faut accepter également de suivre un scénario peu prenant. 


En définitive, WonderWoman 1984 est desservi par un scénario ayant recours à beaucoup de facilités et par des effets spéciaux de temps en temps maladroits. Toutefois, les différentes thématiques traitant du fonctionnement du capitalisme restent intéressantes. 



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