Les sorties de la semaine

samedi 25 janvier 2020

1917


Synopsis :

Les caporaux Blake et Scofield sont envoyés prévenir le bataillon Devon que les Allemands leur tendent un piège. S'ils échouent à délivrer le message, 1600 hommes périront. 


Commentaire :

L'immersion de Sam Mendes

Impossible de parler de 1917 de Sam Mendes sans parler du plan-séquence comme choix de réalisation pour l'ensemble du film. Il ne s'agit pas d'un vrai plan-séquence au tournage mais l'illusion du plan-séquence pour le rendu final est parfaite. Au delà de la prouesse technique à saluer, l'intérêt ici est d'accentuer l'expérience combattante qui ne peut être réellement rendue par la rupture du bataille, le champ de combat n'offrant pas répit. L'immersion est donc totale, l'expérience prenante voire angoissante, se rapprochant parfois de l'expérience du jeu vidéo. Ainsi, l'absence de montage n'est pas l'absence de mise en scène car il reste pour le réalisateur toute la palette du déplacement de caméra, des angles de la prise de vue, du choix du cadre ou de l'utilisation de la lumière. A ce titre, la scène de course de Scofield à travers un bataillon lançant une offensive offre une leçon de mise en scène sans montage, avec un travelling rapide en pied à très forte profondeur de champ qui permet de comprendre l'immensité de la manoeuvre. La contrainte (du plan-séquence) force à la créativité dans un Hollywood très normé. La faiblesse issue de l'absence de montage pourrait être un rythme parfois plus lent, notamment lors des temps faibles. Néanmoins, la musique de Thomas Newman permet d'accompagner le film, en soutenant ou en accentuant chaque étape de l'aventure. Les scènes de tension sont mises en valeur par des motifs très courts et répétés dans le style de Hans Zimmer alors que d'autres scènes, parfois plus calmes ou aussi épiques ont une écriture plus travaillée, plus classique. 

Thématique : la guerre sans fin des britanniques

L'épisode narré n'est pas un épisode précis, il s'agit pour Sam Mendes de retranscrire l'esprit de cette guerre à travers un épisode qui aurait pu se passer chaque jour de 1917. Le Colonel McKenzie le confirme d'ailleurs à la fin, cette guerre est un éternel recommencement. Toutefois, pour les participants de l'épisode, c'est bien souvent un aller sans retour. A comprendre que la mort est le quotidien de la guerre et que les soldats, qui ont tous une singularité et une histoire qui mérite d'être racontée ne sont que des données dans un évènement qui les dépassent. Le message est clair, en plus d'être historiquement juste, la nation ayant à l'époque une valeur supérieure à l'individu. Le message est également efficace parce-que le film est plutôt juste d'un point historique que cela soit par les décors ou les tenues des personnages. Un des exemples est la reconstitution des tranchées, avec des constructions plus organisées côtées allemands que du côté anglais (les tranchées françaises étant similaires aux anglaises). De même, l'ennemi, haï, est également peu vus par les troupes. C'est une guerre où pour la première fois on tue sans voir; et le film s'attache à montrer le moins possible les Allemands, parfois simplement représentés par de simples silhouettes. La seule critique qui peut être fait sur ce film est à nouveau une vision anglo-saxone de la guerre, la Première guerre mondiale semblant être menée en premier lieu par les Britanniques. 


En définitive, Sam Mendes avec 1917 arrive à retranscrire l'expérience combattante à travers un film en plan-séquence prenant et angoissant. 


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dimanche 12 janvier 2020

Les filles du docteur March


Synopsis :

La vie de quatre soeurs au XIXème siècle aux Etats-Unis, de leur enfance au passage à l'âge adulte...


Commentaire :

La mise en scène soignée de Greta Gerwing

Si la mise en scène est d'un certain académisme dans la narration, elle a la qualité d'être particulièrement léchée, notamment dans la composition du cadre. Le premier plan parfaitement symétrique en est l'exemple, le symétrisme revenant à plusieurs reprise. Quand ce n'est pas ce choix de composition, le plan est organisé tel un tableau impressionniste notamment pour les scènes ayant lieu en extérieur. Si l'esthétisme est certain, le sens est moins prégnant, la narration étant le principal objectif de la réalisation. Toutefois, notons là encore, un montage recherché, en paralèlle, permettant de lier deux temporalités. C'est un choix judicieux mais nécessaire du fait du manque de péripéties et d'enjeux dans la première partie du film, qui se contente de dépeindre des personnages. Malgré ce montage, le rythme du film est plutôt lent dans un style évocant le réalisme. Il faut alors être bon spectacteur pour s'intéresser à la vie de ces 4 filles d'une classe sociale assez aisée. Toutefois la performance des 4 actrices principales mais aussi des acteurs incarnant la famille Lawrence permet d'accepter la longue description de ce milieu. A la musique, Alexandre Desplat se signale dans un genre de film qui lui convient plutôt bien, plus à l'aise pour les drames et l'époque romantique par son usage préférentiel du piano que pour le grandiose orchestral. 

Des thèmes énoncés mais non montrés [Spoilers]

Greta Gerwing à la manoeuvre, il était évident que la condition des femmes au XIXème siècle serait un des axes importants du film, d'autant plus lorsque certaines actrices engagées comme Emma Watson participent au projet. Dans le film, le patriarcat est immanent, il sous-tend les choix des personnages qui essayent de trouver leur voie, c'est à dire un choix de vie dans lequel ils pourront se réaliser. Si le film nous fait bien comprendre ce contexte oppressant par le biais des dialogues ou monologues des personnages, il ne nous montre pas de situations concrètes qui témoigneraient du pouvoir des hommes. En effet, toutes les figures masculines sont positives ; elles sont au pire neutres comme l'est l'éditeur. Ce personnage dit par ailleurs agir en raison de l'impératif commercial mais n'est lui-même pas particulièrement antipathique. S'attaquer à la question des femmes au XIXème siècle était enfoncer une porte ouverte mais le film est étonnament très léger sur la question, les protagonistes acceptant plus ou moins rapidement, mais en définitive plutôt bien leur sort. Le principal personnage défenseur de la norme est d'ailleurs une femme ; la tante March. En outre, le personnage le plus intéressant Jo (Saoirse Ronan), qui défend la situation du célibat pour une femme, qui peut se réaliser autrement qu'à travers son époux, finit elle aussi par vouloir se mettre en couple et le fait finalement. Certes ce n'est pas un mariage d'argent, c'est un mariage d'amour, et si cela contrevient à l'intérêt de la petite bourgeoisie d'époque, il n'est reste pas moins que Jo revient sur l'idée d'une possibilité pour une femme de trouver un épanouissement complet dans le célibat. Est-ce alors pour dénoncer une sorte de fatalisme et de mise en conformité avec l'époque ? Cette interprétation n'est toutefois pas évidente après le visionnage du film. Par ailleurs, le principal problème réside dans le fait que les protagonistes appartiennent à une petite bourgeoisie bien installée. Dans ce contexte, l'argent diminue grandement les rapports de force et fait que le patriarcat est beaucoup moins oppressant. Le personnage le plus en difficulté dans le film semble être Meg (Emma Watson), qui a elle aussi fait le choix d'un mariage d'amour. Toutefois, elle se prive d'une consommation superficielle (une belle robe) et non de nourriture.
Il reste alors la qualité pour ce film de mettre au centre de son histoire des femmes, sans que leur sort ne soit représentatif de la majorité des femmes de l'époque. Amy (Florence Pugh) résume à Jo (qui écrit son roman dans une sorte de mise en abîme) l'impression que peut laisser le film : qui s'intéresse à la description futile et banale d'une famille avec des femmes ? La réponse est sociologique : des femmes qui voient ici des figures dans lesquelles il est facile de se représenter dans un monde dominer par des hommes. C'est l'explication du succès du livre d'origine. C'est le cas également pour ce film aujourd'hui dans un monde où le cinéma est encore aux mains des hommes. Toutefois, le propos de fond est lui assez superficiel car c'est bien les intrigues amoureuses ou d'amitié qui portent finalement cette fiction. Dommage. 


En définitive, Les filles du Docteur March fait la part belle à un quator de femmes du XIXème dans un monde d'hommes. Il en va de même pour ces quatre actrices de renom dans un hollywood masculin. Toutefois, le sujet de fond sur la situation des femmes est léger dans son développement. 



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