Les sorties de la semaine

samedi 16 février 2019

Alita : Battle Angel


Synopsis :

Le docteur Ido récupère un cyborg mal en point alors qu'il est à la recherche de pièces dans une décharge pour réparer des humains augmentés. Il récupère ce qui semble être une jeune fille, qu'il remet sur pied. La petite cyborg se réveille sans aucun souvenir... 


Commentaire :

Robert Rodriguez à la barre pour un blockbuster hollywoodien

R. Rodriguez réalise sûrement son film le plus ambitieux visuellement où le recours au numérique est présent dans presque tous les plans. Il s'agit d'un grand film de science-fiction filmé comme un blockbuster américain avec des scènes et des plans sublimes mais dont la réalisation ne laisse que peu de trace du manga (les plans du manga ou les effets des films d'animation sont discrets). La mise en scène classique et narrative est très soignée, notamment au niveau du travail sur la lumière. Les plans larges font au départ assez numériques mais passé les premières minutes d'adaptation, l'univers dystopique est accepté tel qu'il est. Le monde présenté n'est toutefois pas si révolutionnaire tant les films de science-fiction de ce genre sont légions, et la ville et certains plans de rue pourront rappeler certains filmes récents (Ready Player One, Valérian) ou bien d'autres plus anciens. Néanmoins, les personnages et les véhicules (comme la moto à une roue) n'ont en revanche pas d'équivalents et il est plaisant de découvrir un monde porteur de créativité. Concernant les effets spéciaux sur les personnages et notamment sur le personnage principal, ils fonctionnent particulièrement bien puisqu'il s'agit d'une cyborg. Il est sensé alors que son traitement visuel puisse être différent des humains lambdas. Cela permet en plus de garder une trace du support d'origine car la tête de l'héroïne avec de grands yeux est le dernier héritage visuel qui permet de lier ce film à un manga. Du côté de la bande musicale, Junkie XL fait un travail honorable, avant tout d'accompagnement de l'image. 

Une héroïne japonaise 

Les japonais mettent des héroïnes à l'honneur depuis plusieurs décennies et c'est peut-être à ce titre que l'on peut deviner l'origine de l'oeuvre, bien qu'Hollywood emboîte le pas sur ce sujet depuis quelques années. Il n'est alors peut-être pas innocent que les majors américaines acceptent des projets made in Japan avec des héroïnes aujourd'hui. Ce qui est intéressant avec le personnage d'Alita est qu'il s'agit d'une cyborg. Elle peut donc s'émanciper des contraintes biologiques du sexe et devenir ainsi la plus grande combattante sur terre, ce qui aurait été moins crédible avec des personnages de chair et de sang. Ainsi, le transhumanisme permet de se soustraire aux déterminismes biologiques et  de présenter une héroïne comme la plus grande guerrière. De son côté japonais, elle garde son parcours. Le fait de se défaire d'ennemis de plus en plus puissants et d'augmenter en puissance au fur et à mesure est un processus typique des animés japonais. Lorsqu'Alita s'empare de l'épée de Zapan et que cette dernière rentre en synergie avec elle, le plan présenté est incontestablement un plan de manga. Ce qui est encore plus japonais est le côté cyberpunk et les réflexions allant avec.

Les thématiques futuristes [Spoilers]

Comme tout film de Science-fiction, c'est un film très riche en thématiques. Les Japonais ont depuis longtemps travaillé (réfléchi à) la fusion humain-machine et restent les meilleurs pour présenter des récits questionnant ainsi l'être humain. Est-on toujours humain quand on est un cyborg ? Peut-on aimer un cyborg ? Quand perd-on son humanité ? Il semble que dans le film l'humanité ne fasse aucun doute quand le cerveau est toujours humain. Lorsque le remplacement de membres vise simplement à retrouver une motricité perdue, l'humanité n'est pas contestée. En revanche, les "méchants" du film ont transformé tellement leur corps qu'ils n'ont plus rien d'humain en apparence et au niveau de leurs capacités... il reste alors leur méchanceté bien humaine. Les questions sont posées, les réponses sont en suspend mais une chose est sûre, l'héroïne est bien humaine. Elle est humaine car elle évolue en passant de l'adolescence à l'âge adulte de manière brillamment amenée dans l'histoire. Elle est également humaine de par les choix qu'elle fait. Néanmoins, l’échappatoire pour résoudre les problèmes transhumanismes est d'opérer une distinction entre l'âme et le corps (comme Platon) ce que fait le film à un moment. Un cyborg peut alors être humain s'il a gardé la pureté de son âme. De ce point de vue, la réponse un peu facile n'est pas satisfaisante si tenté qu'il soit possible d'avoir une réponse satisfaisante sur ce sujet aujourd'hui.
Autre questionnement sous-jacent, la ségrégation de classe et même de caste puisqu'il n'y a plus de mélange entre les populations de Zalem et d'Iron City. La police est a été privatisée pour des chasseurs de prime. Il s'agit donc probablement de l'aboutissement d'un système capitaliste et néolibéral même s'il n'en est pas fait mention directement et que le propos ne soit présent dans l'histoire qu'en arrière plan. 
Dernière réflexion en lien avec le dernier questionnement et extrêmement bien traité, celui du rêve / de l'espoir. C'est une société qui fonctionne sur l'espoir (le désir) d'atteindre Zalem. L'espoir cache la misère de ce monde, misère également occultée par les grands jeux pour le peuple (le motorball). En cela, la société décrite est assez proche de la société de consommation. Les personnages qui abandonnent ce rêve sont tous de bons personnages (le docteur Ido, Chiren, ou Alita préférant vivre aux côtés d'Hugo qu'à Zalem). C'est donc le renoncement à l'espoir qui apporte la paix intérieure, message nietzschéen d'une justesse terrible.


En définitive, Alita Battle Angel est un excellent film de science-fiction à l'histoire bien ficelée et aux thématiques intéressantes. Une excellente nouvelle saga au cinéma. 


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jeudi 14 février 2019

Nicky Larson et le parfum de Cupidon


Synopsis :

Nicky Larson et son acolyte Laura repartent en mission. Ils sont cette fois-ci engagés par M.Letellier, inventeur du parfum de Cupidon, substance capable de rendre amoureux n'importe qui...


Commentaire :

Un vrai usage de l'image

Nicky Larson et le Parfum de Cupidon est une histoire originale. Toutefois, le film est inspiré du manga d'origine City Hunter ainsi que de la série animée remaniée pour le public français dans le Club Dorothée Nicky Larson. Pour ces raisons, Philippe Lacheau, par fidélité pour les supports de base, peut s'autoriser énormément d'extravagances, autrement dit énormément d'effets de mise en scène que l'on retrouve notamment dans les animés. Enfin un film français utilisant un large éventail de possibilités offertes par le cinéma! Ralentis, shaky-cam, montage alterné, montage parallèle, split-screens, incrustations, scènes en vue subjective, plan-séquences, zooms, de-zooms... c'est un film très riche visuellement et ambitieux dans sa réalisation. De nombreux plans sont d'ailleurs tirés du manga ou de la série animée. Les plans larges de mise en contexte sur les villes sont particulièrement réussis et donnent de l'ampleur à une histoire qui veut être prise au sérieux. Il ne s'agit pas de lieux localisables mais de villes occidentales indéterminées. Cela nécessite donc un travail numérique pour retoucher des plans filmés dans un endroit réel. Il est également nécessaire de saluer les scènes d'action, superbement chorégraphiées à la manière de la série animée. A cela, il faut ajouter les effets musicaux avec des morceaux datés mais toujours connus, les bandes musicales originales de l'animé et le fameux générique d'ouverture. 

Une excellente adaptation franco-française

L'adaptation au cinéma est réussie et la fidélité est indéniable. Les personnages sont ressemblants, les personnalités sont respectées et l'humour, que l'on aime ou pas, est parfaitement restitué. Néanmoins, ce n'est pas simplement un manga qui est adapté. C'est une époque qui est retranscrite à l'écran, elle parlera particulièrement à la génération Dorothée. La présentatrice star est d'ailleurs présente ainsi qu'énormément de références aux séries de l'époque par le biais de citations directes ou indirectes (Olive et Tom, le personnage de Tortue Géniale, Jeanne et Serge : l'ensemble des références sont ici pour les intéressés).  La limite de ce choix est que le film parlera uniquement à une génération et perdra également beaucoup de sa superbe s'il a une vie à l'international. Quoiqu'il en soit, Philippe Lacheau est un fan qui a réalisé une véritable retranscription de sa jeunesse façonnée par la télévision. Ajoutons que le travail de réécriture, d'une oeuvre déjà transformée que constituait la série animée française, n'a pas fait perdre la sève du manga original. En effet, Tsukasa Hojo, le créateur du manga qui avait demandé un droit de regard sur le film de Philippe Lacheau a particulièrement apprécié son travail. La boucle est bouclée. 

Les non-thématiques

Nicky Larson et le parfum de Cupidon est une bonne adaptation qui joue sur la corde sensible de la nostalgie. Au-delà de ce plaisir coupable, ce film n'a pas véritablement de fond ou plus exactement de grande thématique. C'est un shônen au scénario simple (les scénarii des épisodes télés étaient très linéaires) avec de l'action et de l'humour. C'est un divertissement. On pourrait peut-être chercher une réflexion autour de l'amour mais les personnages très fonctionnels et monolithiques ne sont pas véritablement porteurs de messages. Divertissement ne rime donc pas avec réflexion ici. Peu importe, bien peu iront voir le film de Philippe Lacheau dans le but de réfléchir. Ceux qui iront seront d'abord les fans de Dorothée. A raison, ils seront sûrement satisfaits.


En définitive, Nicky Larson et le parfum de Cupidon est actuellement la meilleure adaptation de City Hunter au cinéma et même peut-être la meilleure adaptation live action d'un manga/animé. Cette production française décomplexée est fidèle à l'oeuvre d'origine et aux années Dorothée. Reste à apprécier le fameux humour graveleux de Nicky! 



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dimanche 10 février 2019

Arctic


Synopsis :

Un homme est perdu dans le grand nord après que son avion se soit écrasé. Il n'a alors plus que deux objectifs : survivre et tenter d'appeler les secours...


Commentaire :

Le film d'acteur de Joe Penna

Arctic s'inscrit dans la tradition du "survival movie", du film de survie en milieu hostile. Le plus illustre représentant de la catégorie reste The Revenant, distinguable de part sa mise en scène. Arctic est filmé plutôt classiquement et la beauté des plans revient d'abord à la photographie et aux paysages dépaysants plutôt qu'à un travail sur le plan ou au montage. Mads Mikkelsen fait beaucoup pour le film du fait de son implication physique dans le rôle et la mise en scène consiste avant tout à le filmer sous plusieurs angles. Il est filmé en plan rapproché pour les plans intérieurs (et les plans d'émotion) pour montrer l'impact du milieu sur son visage et en pied pour les scènes de marche en extérieur. Si la réalisation n'a rien de singulière, il faut saluer le pari de l'absence de montage parallèle (en flash-back) pour apporter des informations. Tout se découvre progressivement au cours du récit; le film est donc bien construit. Il est d'autant bien construit que son rythme lent n'entraîne pas particulièrement de lassitude. Pour ce dernier point, il faut mentionner le rôle de la bande musicale de Joseph Trapanese qui comble un monde Arctique profondément vide pour un humain.   

Un problème n'arrive jamais seul

Un film ancré dans le réel comme Arctic doit trouver le point d'équilibre entre réalisme et intérêt. Il ne s'agit pas de voir une histoire de tous les jours et en même temps, le film doit rester dans les clous du probable. Arctic maintient cet équilibre pendant les trois-quarts du récit avant malheureusement de tomber dans une surenchère qui peut, en tout cas pour certains, paraître risible. Individuellement, toutes les actions présentées sont possibles mais leur accumulation est trop improbable pour le spectateur qui a "signé" pour un film ancré dans le réel. 

Les thématiques : un minimum salutaire [Spoilers]

Les survival movies sont souvent dénués de thématiques "réflexives". La survie reste un réflexe instinctif et il serait d'ailleurs malvenu de forcer des thématiques autres que celles amenées par le contexte de survie. Le personnage se pose peu de questions. Tout est contraint par le temps. Il se posera une fois la question du sacrifice de la blessée alors que leur quête semble perdue. Il s'agit d'une bonne question, totalement en phase avec le contexte, le problème vient avec la réponse apportée par le film. Le choix initial du personnage est de laisser la rescapée sur place alors qu'il n'y a plus d'espoir pour elle. Toutefois, il apparaît être puni par le destin. Étrange séquence de punition divine qui entraîne des remords chez le personnage. Or, ce genre n'est pas propice à la morale. Il cherche plus à décrire l'humain pousser dans ses retranchements qu'à émettre un jugement. Le réalisateur peut et même doit donner son avis mais il est trop facile de juger un personnage dans cette situation. Ce jugement entraîne d'ailleurs une péripétie qui participe à la surenchère. Notons néanmoins que cette séquence est une partie mineure de l'ensemble du film.


En définitive, Arctic ne se distingue pas des autres survival movies mais Mads Mikkelsen porte une histoire prenante et dépaysante. 



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samedi 2 février 2019

La Mule


Synopsis :

Earl a une passion, faire pousser des fleurs. En tant que pépiniériste, il peut vivre de sa passion. Mais à 80 ans, il est fauché par la concurrence utilisant les nouveaux outils de l'information. Sans solution, une connaissance lui propose d'être chauffeur...


Commentaire :

La maîtrise de Clint Eastwood

Clint Eastwood réalise sans surprise un bon travail derrière la caméra avec une mise en scène fonctionnelle, fluide, au service du récit. Il varie habillement les valeurs de plan pour soit ancrer le film dans l'univers américain, soit se concentrer sur les personnages. Le personnage principal joué par Clint Eastwood est celui qui reçoit le plus attention par la mise en scène, qui se concentre sur un visage, des mains, une posture, marqués par le temps. Il y a un côté méta (au-delà du film en lui-même) au film car tout le monde connaît l'acteur et constate comment ce corps vieillit. Il faut ajouter le jeu fin de Clint Eastwood à cette mise en scène pour que le personnage âgé mais plein de caractère soit complètement convaincant. Il y a par ailleurs une constante tension dans le récit du fait de placer cet individu vulnérable au cœur de la plus grande violence. Notons la belle photographie d'Yves Bélanger, le directeur photo connu pour son travail avec Nolan, qui se fait remarquer par les plans des grands paysages américains lors des scènes de route. A la musique, Arturo Sandoval réalise un joli travail d'accompagnement.  

Un casting cinq étoiles

Il est nécessaire de mentionner le casting réuni par Eastwood, tant l'ensemble des acteurs réalise un travail sans fausse note. A côté de Clint Eastwood qui vole bien évidemment la vedette, gravitent Bradley Cooper (son héros de American Sniper), Laurence Fishburne, Michael Pena, Diane Wiest et Taissa Farmiga (récemment à l'écran avec La Nonne). Le plus amusant à relever est que le fille de Earl, Iris, n'est jouée par nulle autre qu'Alison Eastwood, la fille de Clint Eastwood. 

Les thématiques : l'humanité par la famille [spoilers]

Si Eastwood tient le rôle d'une mule, un hors la loi, il filme ce dernier sans prise de position morale. La forme du récit favorise la compréhension du parcours d'un individu amené à transporter de la drogue. Le grand âge du personnage lui offre le bénéfice de l'incompréhension avant d'être pris dans une dynamique dont il ne parvient pas à s'extirper. Earl est assez naïf vis à vis du nouveau monde qu'il ne comprend plus très bien. Il a par ailleurs un bon fond. A chaque fois qu'il obtient de l'argent, il l'offre en partie à son entourage en grand besoin. Cette configuration fait qu'il est possible de prendre Earl en affection du fait qu'il ne soit pas du monde de la drogue. C'est d'ailleurs la raison qui le rend difficile à attraper. Malgré son côté touchant et sympathique, le vieil homme met du temps à comprendre que l'important n'est pas seulement monétaire. Sa famille attendait plus sa présence que son porte-feuille. C'est son plus grand crime et c'est la raison première de son égarement dans l'illégalité. L'important est le temps passé aux côtés de ses proches, une chose qui ne s'achète pas. Earl s'en rend compte, c'est pourquoi il plaidera coupable. C'est lors de cette scène que le message, presque à portée morale, est définitivement affirmé. Ce message est classique, c'est peut être la limite de cette oeuvre, mais joliment amené. Eastwood réalise ainsi un nouveau un film humaniste.


Pour son dernier film, La Mule, le vieux maître Clint Eastwood ne perd rien de sa maîtrise en se tenant devant et derrière la caméra. Le film est prenant et touchant.



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