Les sorties de la semaine

dimanche 23 juillet 2017

Dunkerque


Synopsis :

Mai 1940, les alliés sont acculés par l'Allemagne à Dunkerque. Les Britanniques optent pour la retraite afin de pouvoir mener la bataille d'Angleterre. Les Français résistent tant bien que mal pour permettre l'évacuation... 


Commentaire : 

Une réalisation âpre 

Nolan est le maître du réalisme et cela se voit d'abord dans son image rugueuse. L'image est terne, non sublimée et sert à montrer l’âpreté d'un théâtre de guerre. Toutefois, le film ne prend jamais le chemin trop facile du gore pour marquer les esprits. Ici, ce sont les continuelles péripéties qui s'enchaînent et ne finissent jamais qui soulignent combien la guerre est difficile pour le mental des protagonistes. Certaines images, notamment aériennes, n'en sont pas moins très belles et rappellent que Nolan sait également trouver les cadres, tout cela en limitant au plus l'ajout numérique. Concernant la réalisation et notamment le montage, Christopher Nolan ne prend pas le chemin de la simplicité. Sa mise en scène est fonctionnelle, peu symbolique, ce qui n'est pas étonnant venant d'un cartésien comme lui. En revanche, la narration à l'échelle du film est alambiquée. En effet, ce ne sont pas les mêmes échelles de temps qui sont mis à l'oeuvre, sur la jetée (une semaine), sur mer (un jour) et dans le ciel (une heure). Ce qui fait que le montage alterné (des actions qui se passent en même temps) qui suit plusieurs groupes de personnages n'est en réalité pas un montage alterné mais un montage parallèle (les actions sont mis en relations mais ne sont pas concomitantes dans le temps). Cette petite extravagance tranche avec le blockbuster classique mais provoque une confusion déconcertante. Une mise en scène travaillée est appréciable mais cela ne doit pas se faire au détriment de la clarté de la narration. Peut-être que cela sert à souligner le chaos de la guerre du point de vue des protagonistes, mais cela reste une hypothèse. Au delà de la narration, le reste de la technique est, comme toujours chez Nolan, proche de la perfection. Le mixage sonore est très réussi et force à l'immersion sur le champ de bataille. Tout cela est soutenu par la bande musicale de son partenaire habituel Hans Zimmer. Ce dernier travaille particulièrement l'ambiance avec une musique fondée sur des bruits de montre et des bruits d'avion répétés de manière mécanique qui donnent une atmosphère pesante. La question du temps s'entend et se ressent avec Hans Zimmer. L'image de Nolan s'appuie à ce titre beaucoup sur la bande son de son compositeur. A noter qu'il n'y a pas de grands thèmes d'orchestre symphonique. La musique est en effet, également sobre, âpre et volontairement peu engageante. 

Un point de vue britannique de l'Histoire

Le point de vue de l'Histoire de l'évacuation de Dunkerque est incontestablement britannique. Tout d'abord, parce-que les adversaires sont pratiquement invisibles. Il n'y a aucun plan sur un visage allemand, à la rigueur quelques rares formes floues de casques en fin de film. Lorsque les adversaires sont les plus visibles, ce sont leurs machines qui le sont (les différents avions), cela contribuant à la dépersonnalisation des Allemands. Peut-être là encore une intention : la guerre n'est-elle pas un processus de déshumanisation de l'autre ? Une hypothèse que l'on ne peut confirmer. Le sort réservé aux alliés est tout aussi étonnant. Les Belges passent à la trappe et les Français sont dépeints de façon peu valorisante, alors qu'ils ont en réalité permis le retrait britannique en résistant vaillant aux Allemands en surnombre. Pire, une des dernières phrases d'un haut gradé anglais "Je reste pour les Français" laisse supposer que les Anglais sont les seuls artisans de cette opération. Choisir un point de vue n'est en soi pas nécessairement mauvais, mais cela contribue à construire des représentations oubliant une partie de la réalité.

Un film sans message ? 

Les films de Christopher Nolan sont en général meilleurs lorsque ce dernier est associé à son frère Jonathan pour le scénario. Ici, Christopher est tout seul. Le scénario, qui est le cœur des films de Nolan, est paradoxalement absent, presque dans une volonté de réduire cette histoire à une description de la guerre. L'histoire s'en retrouve moins prenante et reste au niveau du survival. Cela se ressent également dans l'attachement aux personnages sans profondeur et pourtant interprétés pour certains par des acteurs fétiches de Nolan (Tom Hardy, Cillian Murphy). Cela peut correspondre à la volonté du réalisateur mais nous regrettons que l'histoire ne tienne finalement que du fait du suspens et non de l'intrigue.
Si le film n'a qu'un maigre scénario, celui-ci a t-il un message ? Les Batman ou encore Interstellar avaient un message - ou plus humblement une réflexion - sur la société et le monde. Dunkerque à l'image de son scénario, n'en a pas vraiment. Seul le groupe de marins civils délivre quelques pensées : la persévérance dans l'accomplissement de la mission, la vérité parfois non nécessaire (ne pas dire au soldat que le jeune de 17 ans est mort). Cela est tout de même un peu décevant pour un film de Nolan. Toutefois, si son intention n'allait pas au-delà de la description du chaos et de l'imprévisibilité de la guerre, sa mission est accomplie. 

En définitive, Nolan réalise un film âpre sur la guerre à partir de points de vue singuliers de soldats britanniques. Le film est techniquement réussi mais un scénario plus charnu et une réflexion sur le propos étaient également attendus pour un réalisateur de cet acabit.  



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