Les sorties de la semaine

jeudi 27 juillet 2017

Valérian


Synopsis :

Valérian et Laureline sont des agents spatiaux du XXVIIIème siècle, au service de la fédération. L'histoire de la tragique disparition du peuple des Pearls 30 ans auparavant refait jour lors d'une mission des deux coéquipiers... 


Commentaire :

Une direction artistique très travaillée 

Luc Besson est un metteur en scène talentueux qui ne déçoit jamais au niveau de sa direction artistique. La bande dessinée avait un style graphique abouti, il en va de même pour le film. C'est avant tout le jeu sur les couleurs qui impressionne, autant au niveau des paysages que pour l'ensemble du bestiaire présent à l'écran. Les races extraterrestres sont foisonnantes et inventives alors que certains paysages, certes jolis (déserts, océans), rappellent l'univers d'autres films : il est vrai que Valérian arrive après beaucoup de films de SF et de Space opéra, bien que la BD les ait souvent elle-même inspirés. Quoiqu'il en soit, l'écran est toujours plein et très animé, ce qui renforce le caractère vivant de cet univers foisonnant. Les cadres sont également très bien choisis, ce qui témoigne d'une photographie réfléchie. Cara Delevingne est particulièrement mise en valeur par la mise en scène (en plus de ses costumes) : elle est toujours filmée avec attention (gros plans de profil ou de trois-quart) et ce n'est pas étonnant lorsqu'on sait que le personnage de Laureline est le premier amour de Luc Besson. Le montage est lui plutôt classique : c'est donc bien la beauté dans le cadre qui donne une réelle plus-value à cette super-production française (presque 200 millions d'euros) par rapport aux blockbusters américains. Le seul regret de mise en scène est parfois un montage trop rapide et une caméra bougeant trop rapidement lors des scènes d'action. Les plans sont parfois un peu courts, d'autant plus qu'il y a toujours quelque chose à voir dans dans le cadre. L'atmosphère du film est soutenue par la bande musicale d'Alexandre Desplat, fine et mesurée avec un orchestre symphonique. Toutefois, il n'y a pas de thème particulièrement marquant . 

Une intrigue qui peine à accrocher

L'histoire des deux héros manque un peu de peps. Peut-être que les acteurs sont un peu trop jeunes pour être crédibles dans leur rôle, malgré une bonne performance. Les seconds rôles comme ceux de Rihanna ou d'Alain Chabat sont également bien interprétés mais trop peu exploités. Les personnages manquent de profondeur pour qu'on puissent réellement s'y attacher, à l'exception de la très bonne travaille des trois extraterrestres "canards" et des Pearls qui bénéficient d'un long temps d'écran. Toutefois, même l'univers n'est pas assez exploité et ne se dévoile pas de lui même, si bien que des scènes d'exposition sont parfois obligées de faire le travail (l'ordinateur Alex décrit la station Alpha lors de l'arrivée de Valérian et Laureline comme s'il lisait la description détaillée du scénario). L'univers demande à être vécu et non simplement vu ou décrit. Laureline est le personnage le plus intéressant, pilier de l'histoire, mais les autres manquent un peu de complexité et d'originalité, le méchant en particulier mais également le peuple Pearl (semblable aux Na'vis d'Avatar). Le méchant est d'ailleurs repérable trop rapidement. Il n'y a que peu de retournement de situation. Le scénario est alors trop mécanique, peu original et manque d'épaisseur sur certains aspects pour amener plus d'émotion. Il est donc difficile de s'investir pleinement tout au long de l'histoire (la deuxième partie notamment). Cela confirme que Luc Besson est plus doué au niveau des visuels que de l'écriture, voire que de la réflexion philosophique...

Les messages du film : justes mais assez convenus [Spoilers]

En effet, le film est plus un space opera qu'un film de science-fiction au niveau de ses questionnements, bien qu'étrangement, Luc Besson essaye dans la scène pré-titre de l'annoncer comme un film de SF. C'est en vérité un film assez proche du genre merveilleux car les technologies présentes ne témoignent pas d'une volonté de crédibilité mais bien d'un libre court à l'imagination. Il n'y a donc pas dans Valérian les grandes interrogations de société relatives aux films de science-fiction, ni les grandes questions métaphysiques qui hantent l'humanité (présentes par exemple dans Lucy, le dernier Besson). La faute sûrement à l'enjeu du film : il s'agit de la simple enquête de deux agents spatiaux. Un méchant trop manichéen empêche également de poser la réflexion plus loin : il représente une humanité destructrice et arrogante qui refuse de porter de l'importance aux autres créatures. En face, les Pearls sont des êtres parfaits, c'est la seule chose qui les caractérise. Mais il n'y pas de réflexion sur la perfection : ils sont à notre sens trop parfaits puisqu'ils assimilent l'ensemble des connaissances disponibles en seulement trente ans alors qu'ils ignoraient tout de l'univers avant : par exemple, ils ignoraient les mathématiques et la philosophie... Et comment des êtres peuvent-ils être parfaits et justes sans connaître la philosophie ? Bref, les groupes antagonistes sont schématiques et manquent de chair pour que leur confrontation pousse à la réflexion. Il s'agit d'une philosophie très primaire. Le seul questionnement intéressant mais non abouti naît de l'opposition entre Laureline qui représente la sensibilité et l'amour, et Valérian qui représente le respect de la loi. Etant tous les deux gentils, leur opposition a un intérêt pour le spectateur mais là encore, cela ne va pas assez loin. La conclusion est que le cœur doit avoir raison des règles. Pourquoi pas, mais il aurait plutôt été intéressant de montrer que les règles devraient être soumises à l'esprit critique, c'est à dire à la Raison, plutôt que de dire qu'elles doivent simplement s'effacer face à la sensibilité. Les règles peuvent être utiles et, de la sensibilité, ne sort pas nécessairement le bien et le juste. 

En définitive, Luc Besson réalise une sublime oeuvre visuelle mais banale au niveau de l'intrigue et simpliste au niveau des réflexions. 


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dimanche 23 juillet 2017

Dunkerque


Synopsis :

Mai 1940, les alliés sont acculés par l'Allemagne à Dunkerque. Les Britanniques optent pour la retraite afin de pouvoir mener la bataille d'Angleterre. Les Français résistent tant bien que mal pour permettre l'évacuation... 


Commentaire : 

Une réalisation âpre 

Nolan est le maître du réalisme et cela se voit d'abord dans son image rugueuse. L'image est terne, non sublimée et sert à montrer l’âpreté d'un théâtre de guerre. Toutefois, le film ne prend jamais le chemin trop facile du gore pour marquer les esprits. Ici, ce sont les continuelles péripéties qui s'enchaînent et ne finissent jamais qui soulignent combien la guerre est difficile pour le mental des protagonistes. Certaines images, notamment aériennes, n'en sont pas moins très belles et rappellent que Nolan sait également trouver les cadres, tout cela en limitant au plus l'ajout numérique. Concernant la réalisation et notamment le montage, Christopher Nolan ne prend pas le chemin de la simplicité. Sa mise en scène est fonctionnelle, peu symbolique, ce qui n'est pas étonnant venant d'un cartésien comme lui. En revanche, la narration à l'échelle du film est alambiquée. En effet, ce ne sont pas les mêmes échelles de temps qui sont mis à l'oeuvre, sur la jetée (une semaine), sur mer (un jour) et dans le ciel (une heure). Ce qui fait que le montage alterné (des actions qui se passent en même temps) qui suit plusieurs groupes de personnages n'est en réalité pas un montage alterné mais un montage parallèle (les actions sont mis en relations mais ne sont pas concomitantes dans le temps). Cette petite extravagance tranche avec le blockbuster classique mais provoque une confusion déconcertante. Une mise en scène travaillée est appréciable mais cela ne doit pas se faire au détriment de la clarté de la narration. Peut-être que cela sert à souligner le chaos de la guerre du point de vue des protagonistes, mais cela reste une hypothèse. Au delà de la narration, le reste de la technique est, comme toujours chez Nolan, proche de la perfection. Le mixage sonore est très réussi et force à l'immersion sur le champ de bataille. Tout cela est soutenu par la bande musicale de son partenaire habituel Hans Zimmer. Ce dernier travaille particulièrement l'ambiance avec une musique fondée sur des bruits de montre et des bruits d'avion répétés de manière mécanique qui donnent une atmosphère pesante. La question du temps s'entend et se ressent avec Hans Zimmer. L'image de Nolan s'appuie à ce titre beaucoup sur la bande son de son compositeur. A noter qu'il n'y a pas de grands thèmes d'orchestre symphonique. La musique est en effet, également sobre, âpre et volontairement peu engageante. 

Un point de vue britannique de l'Histoire

Le point de vue de l'Histoire de l'évacuation de Dunkerque est incontestablement britannique. Tout d'abord, parce-que les adversaires sont pratiquement invisibles. Il n'y a aucun plan sur un visage allemand, à la rigueur quelques rares formes floues de casques en fin de film. Lorsque les adversaires sont les plus visibles, ce sont leurs machines qui le sont (les différents avions), cela contribuant à la dépersonnalisation des Allemands. Peut-être là encore une intention : la guerre n'est-elle pas un processus de déshumanisation de l'autre ? Une hypothèse que l'on ne peut confirmer. Le sort réservé aux alliés est tout aussi étonnant. Les Belges passent à la trappe et les Français sont dépeints de façon peu valorisante, alors qu'ils ont en réalité permis le retrait britannique en résistant vaillant aux Allemands en surnombre. Pire, une des dernières phrases d'un haut gradé anglais "Je reste pour les Français" laisse supposer que les Anglais sont les seuls artisans de cette opération. Choisir un point de vue n'est en soi pas nécessairement mauvais, mais cela contribue à construire des représentations oubliant une partie de la réalité.

Un film sans message ? 

Les films de Christopher Nolan sont en général meilleurs lorsque ce dernier est associé à son frère Jonathan pour le scénario. Ici, Christopher est tout seul. Le scénario, qui est le cœur des films de Nolan, est paradoxalement absent, presque dans une volonté de réduire cette histoire à une description de la guerre. L'histoire s'en retrouve moins prenante et reste au niveau du survival. Cela se ressent également dans l'attachement aux personnages sans profondeur et pourtant interprétés pour certains par des acteurs fétiches de Nolan (Tom Hardy, Cillian Murphy). Cela peut correspondre à la volonté du réalisateur mais nous regrettons que l'histoire ne tienne finalement que du fait du suspens et non de l'intrigue.
Si le film n'a qu'un maigre scénario, celui-ci a t-il un message ? Les Batman ou encore Interstellar avaient un message - ou plus humblement une réflexion - sur la société et le monde. Dunkerque à l'image de son scénario, n'en a pas vraiment. Seul le groupe de marins civils délivre quelques pensées : la persévérance dans l'accomplissement de la mission, la vérité parfois non nécessaire (ne pas dire au soldat que le jeune de 17 ans est mort). Cela est tout de même un peu décevant pour un film de Nolan. Toutefois, si son intention n'allait pas au-delà de la description du chaos et de l'imprévisibilité de la guerre, sa mission est accomplie. 

En définitive, Nolan réalise un film âpre sur la guerre à partir de points de vue singuliers de soldats britanniques. Le film est techniquement réussi mais un scénario plus charnu et une réflexion sur le propos étaient également attendus pour un réalisateur de cet acabit.  



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