Les sorties de la semaine

jeudi 2 novembre 2023

Le Garçon le Héron



Synopsis :

Mahito vient de perdre tragiquement sa mère, victime civile de la deuxième Guerre Mondiale. Plusieurs années après, il n'a toujours pas fait son deuil alors que son père épouse une nouvelle femme... 


Commentaire : 

Une dernière sortie de retraite ?

Hayao Miyazaki sort une nouvelle fois de sa retraite pour nous livrer Le Garçon et le Héron, film dont l'animation et les thématiques résument la filmographie du maître japonais. Le film ouvre sur une scène de guerre dans laquelle l'animation montre toute sa puissance de part le mouvement à l'écran (flamme, vent) et les traits des personnages déformés par la peur et l'horreur. L'animation garde la qualité que l'on connaît à Ghibli jusqu'à la fin du film alors que le récit lui va progressivement ralentir son rythme jusqu'à ce que le merveilleux entre de manière définitive dans le récit. Cette baisse d'intensité peut se laisser sentir du fait que le récit ne soit pas pleinement linéaire, le rapport au temps étant bousculé dans le merveilleux et par le merveilleux. Le film le dit lui même, il ne faut plus nécessairement chercher à comprendre mais se laisser guider dans un monde onirique. Il faut entrer dans ce monde tout comme le fait le personnage principal, peu désorienté ni interloqué mais déterminé, contrairement par exemple à Chihiro dans le monde des esprits. Le plan est toujours plein et foisonnant, si le récit erre, le visuel fait le lien et donne également des indices aux spectateurs sur le scénario. Des petits esprits blanchâtres viennent rappeler Princesse Mononoké quand des décors viennent rappeler Le Château dans le ciel. Le personnage de feu évoque Calcifer (Le Château Ambulant) et la mer est un élément central de l'autre monde (la mer est un cadre cher à Miyazaki). Le film est définitivement un condensé visuel de Miyazaki, peut-être toutefois un peu chaotique mais généreux. A la musique, Joe Hisaishi est également de retour, reconnaissable mais plus discret qu'à l'habitude. Il ne se signale que peu hors de l'action, ce qui limite sa présence dissimulée par l'image et l'intrigue.

Les thématiques : faire le deuil pour repartir

Miyazaki semble réinvestir certaines thématiques de ses films précédents comme celle du deuil. Les tragédies sont souvent surmontées dans le monde merveilleux chez Miyazaki, lieu qui aide les personnages à retrouver un sens à leurs actions. Mahito semble au départ éteint et à la recherche de quelque chose qui lui manque En effet, Mahito doit faire le deuil de sa mère pour ensuite accepter sa belle-mère et enfin retrouver goût à la vie. Le monde merveilleux plus qu'un échappatoire est un rite, un passage qui mène à une nouvelle étape de notre vie. Ici c'est le Héron qui guide Mahito dans ce nouveau monde, rôle qu'il exécute sans vouloir nécessairement le faire. Car personne n'est foncièrement bon dans cet univers comme dans tous les univers de Miyazaki. Tout le monde a une part de bonté et de méchanceté. La quête de Mahito l'amène donc à rencontrer des personnages nuancés, lui même n'étant pas tout blanc. Reconnaître sa part de noirceur fait aussi partie du rite de passage. 
D'autres thématiques annexes chères à Miyazaki sont abordées comme celle de la guerre, déjà toile de fond de Le Vent se Lève. La fin de ce dernier pourrait presque être le début de ce film-ci. La guerre est ce qui cause la mort de la mère de Mahito. Son père est paradoxalement partie prenante de la guerre en tant qu'industriel prêt à exploiter ses ouvriers. Lui non plus n'est pas foncièrement négatif car il aime sincèrement son fils, mais la critique de la guerre comme aboutissement du capitalisme est présente. 
Une interrogation subsiste concernant le message autour du personnage du maître de l'autre monde. Peut-être est-il une représentation de Miyazaki, cherchant un successeur digne de confiance ? Pourtant existe t-il quelqu'un pouvant Et voulant endosser ce rôle ? Car un tel rôle demande de sacrifier sa vie. Ce film est paradoxalement une moins bonne conclusion que Le Vent se lève mais plus fidèle à ce que le public attend d'un Miyazaki. Question d'avis, mais est-ce bien son dernier film ? Si l'on extrapole l'histoire de ce film, Miyazaki doit continuer jusqu'à sa mort car personne ne peut ou veut prendre la suite. 


En définitive, Le Garçon et le Héron est un condensé du cinéma de Miyazaki, poétique tout en étant aussi un peu volontairement chaotique. Il ne s'agit probablement pas du meilleur film de sa filmographie mais il possède une réelle puissance onirique parfaitement retranscrite visuellement.




******

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire