Les sorties de la semaine

dimanche 26 novembre 2023

Napoléon


 Synopsis :

Révolution française : un jeune capitaine assiste à l'exécution de la reine Marie-Antoinette. Le jeune Napoléon ignore encore quelle place il doit prendre dans l'histoire mais la guerre lui offre une occasion de briller auprès des révolutionnaires...

Commentaire :

Une histoire élaguée

Du vrai film de Ridley Scott d'une durée de plus de 4h30, nous ne savons encore rien. Pour le moment, nous avons la version cinéma de 2h30 dans un format logiquement bien élagué. Difficile de savoir s'il est encore possible de lire les intentions du réalisateur tant les équilibres peuvent changer en fonction des versions. Entre les étapes obligées de l'histoire de Napoléon et les choix narratifs de Ridley Scott, le film dans sa forme actuelle a une dimension batarde. Des ellipses lourdes sont visibles à l'écran, alors que le film veut traiter une durée de vie importante du personnage. Il en résulte alors une impression de succession d'étapes sans explication et avec très peu de contexte. Ainsi par exemple, le couronnement de Napoléon semble arriver nul part. La photographie n'en reste pas moins sublime, inspirer parfois des tableaux faisant la "communication" de l'empereur (Gérôme, David, Delacroix). Un immense travail a été également fait sur les costumes, qui sont pour le coup très fidèles à l'histoire à l'inverse de plusieurs évènements narrés. Que dire également des plans de batailles avec le recours aux figurants plutôt qu'aux effets numériques. A ce titre, la bataille d'Austerlitz est probablement la plus belle scène du film d'un point de la mise en scène. Il manque peut-être néanmoins un petit côté épique au film, cela du fait d'une musique de Martin Philips assez transparente mais aussi d'un manque d'incarnation sur le champ de bataille. 

Les thématiques : Napoléon et Joséphine moteur de l'Histoire ?

Il est difficile de savoir ce que voulait mettre en avant Ridley Scott dans cette version de 2h30. La relation Napoléon et Joséphine est au centre de l'intrigue avec paradoxalement un problème majeur au niveau de l'âge des deux acteurs, Joséphine étant normalement bien plus âgée (plus de 6 ans) que Napoléon. Ce choix d'entrée sur le personnage peut être néanmoins intéressant et original pour traiter de Napoléon si toutefois l'interprétation du réalisateur ne vient pas trop recouvrir la vérité. Or ici, l'ascension de Napoléon, ses guerres et les grands tournants de sa vie (le retour d'Egypte, le retour de l'île d'Elbe) semblent uniquement liés à Joséphine. La dimension politique et ses manipulations, sa vision de la France et de l'Europe ou bien même son habilité stratégique disparaissent. L'interprétation de Napoléon par Joaquin Phoenix n'aide pas. Le personnage n'est pas nuancé même s'il fallait mettre évidemment ses faiblesses en avant. Le personnage n'est donc pas attachant comme si Ridley Scott n'aimait pas son personnage et se contentait d'une version monochrome de celui-ci. Peut être que Joséphine aurait dû être le cœur du récit. Dans cette version de 2h30 qui passe rapidement par toutes les étapes de la vie de Napoléon, on ne retient pas grand chose hormis la petitesse du personnage et son obsession pour Joséphine. Le dernier plan met sur le dos de Napoléon l'ensemble des morts en Europe. Nous comprenons alors que l'idée était de dénoncer les actes du personnage. Néanmoins le contexte géopolitique est tellement peu développé dans le film que ce dernier plan ne semble pas à sa place... sauf si l'idée est de dire que par amour, Napoléon a retourné l'Europe... Le choix initial du réalisateur est intéressant mais la réalisation est bancale pour provoquer un vrai intérêt et ce qui est autour de la relation centrale est trop peu développé pour maintenir l'intérêt.


En définitive, Le Napoléon de Ridley Scott a peu d'intérêt, en tout cas dans sa version de 2h30 tant le réalisateur ne semble que peu intéressé par son protagoniste. Pourtant Napoléon recèle un fort potentiel pour le drame, la tragédie, l'épique ou la romance. Le résultat est donc décevant. On se consolera avec quelques scènes de batailles, les costumes et la photographie.  


******

jeudi 2 novembre 2023

Le Garçon le Héron



Synopsis :

Mahito vient de perdre tragiquement sa mère, victime civile de la deuxième Guerre Mondiale. Plusieurs années après, il n'a toujours pas fait son deuil alors que son père épouse une nouvelle femme... 


Commentaire : 

Une dernière sortie de retraite ?

Hayao Miyazaki sort une nouvelle fois de sa retraite pour nous livrer Le Garçon et le Héron, film dont l'animation et les thématiques résument la filmographie du maître japonais. Le film ouvre sur une scène de guerre dans laquelle l'animation montre toute sa puissance de part le mouvement à l'écran (flamme, vent) et les traits des personnages déformés par la peur et l'horreur. L'animation garde la qualité que l'on connaît à Ghibli jusqu'à la fin du film alors que le récit lui va progressivement ralentir son rythme jusqu'à ce que le merveilleux entre de manière définitive dans le récit. Cette baisse d'intensité peut se laisser sentir du fait que le récit ne soit pas pleinement linéaire, le rapport au temps étant bousculé dans le merveilleux et par le merveilleux. Le film le dit lui même, il ne faut plus nécessairement chercher à comprendre mais se laisser guider dans un monde onirique. Il faut entrer dans ce monde tout comme le fait le personnage principal, peu désorienté ni interloqué mais déterminé, contrairement par exemple à Chihiro dans le monde des esprits. Le plan est toujours plein et foisonnant, si le récit erre, le visuel fait le lien et donne également des indices aux spectateurs sur le scénario. Des petits esprits blanchâtres viennent rappeler Princesse Mononoké quand des décors viennent rappeler Le Château dans le ciel. Le personnage de feu évoque Calcifer (Le Château Ambulant) et la mer est un élément central de l'autre monde (la mer est un cadre cher à Miyazaki). Le film est définitivement un condensé visuel de Miyazaki, peut-être toutefois un peu chaotique mais généreux. A la musique, Joe Hisaishi est également de retour, reconnaissable mais plus discret qu'à l'habitude. Il ne se signale que peu hors de l'action, ce qui limite sa présence dissimulée par l'image et l'intrigue.

Les thématiques : faire le deuil pour repartir

Miyazaki semble réinvestir certaines thématiques de ses films précédents comme celle du deuil. Les tragédies sont souvent surmontées dans le monde merveilleux chez Miyazaki, lieu qui aide les personnages à retrouver un sens à leurs actions. Mahito semble au départ éteint et à la recherche de quelque chose qui lui manque En effet, Mahito doit faire le deuil de sa mère pour ensuite accepter sa belle-mère et enfin retrouver goût à la vie. Le monde merveilleux plus qu'un échappatoire est un rite, un passage qui mène à une nouvelle étape de notre vie. Ici c'est le Héron qui guide Mahito dans ce nouveau monde, rôle qu'il exécute sans vouloir nécessairement le faire. Car personne n'est foncièrement bon dans cet univers comme dans tous les univers de Miyazaki. Tout le monde a une part de bonté et de méchanceté. La quête de Mahito l'amène donc à rencontrer des personnages nuancés, lui même n'étant pas tout blanc. Reconnaître sa part de noirceur fait aussi partie du rite de passage. 
D'autres thématiques annexes chères à Miyazaki sont abordées comme celle de la guerre, déjà toile de fond de Le Vent se Lève. La fin de ce dernier pourrait presque être le début de ce film-ci. La guerre est ce qui cause la mort de la mère de Mahito. Son père est paradoxalement partie prenante de la guerre en tant qu'industriel prêt à exploiter ses ouvriers. Lui non plus n'est pas foncièrement négatif car il aime sincèrement son fils, mais la critique de la guerre comme aboutissement du capitalisme est présente. 
Une interrogation subsiste concernant le message autour du personnage du maître de l'autre monde. Peut-être est-il une représentation de Miyazaki, cherchant un successeur digne de confiance ? Pourtant existe t-il quelqu'un pouvant Et voulant endosser ce rôle ? Car un tel rôle demande de sacrifier sa vie. Ce film est paradoxalement une moins bonne conclusion que Le Vent se lève mais plus fidèle à ce que le public attend d'un Miyazaki. Question d'avis, mais est-ce bien son dernier film ? Si l'on extrapole l'histoire de ce film, Miyazaki doit continuer jusqu'à sa mort car personne ne peut ou veut prendre la suite. 


En définitive, Le Garçon et le Héron est un condensé du cinéma de Miyazaki, poétique tout en étant aussi un peu volontairement chaotique. Il ne s'agit probablement pas du meilleur film de sa filmographie mais il possède une réelle puissance onirique parfaitement retranscrite visuellement.




******