Les sorties de la semaine

mardi 22 juin 2021

Sans un bruit 2

 

Synopsis :

La famille Abbott est encore sous le choc de la mort du père. Toutefois, elle doit quitter les lieux pour garder un espoir de survie. Evelyn emmène alors ses enfants en des lieux inconnus, avec toujours le souci de ne faire aucun bruit … 

Commentaire

Ne pas changer ce qui a marché

John Krasinski reprend la mise en scène ayant fait le succès de son premier épisode avec autant d'efficacité. L'attention est toujours habilement portée sur la dimension sonore dès les premières scènes, dans lesquelles chaque son du quotidien est amplifié et donc déjà oppressant. Dans la lignée du premier film, la mise en scène prend le point de vue de la fille d'Evelyn (sourde) pour quelques scènes, rajoutant encore à la tension. Il y a toutefois une évolution dans la réalisation pour coller aux côtés road movie de ce film. En effet, Krasinski incorpore de longs plans en travelling grue ou sur charriot (en non plus en steady cam) pour suivre le périple des personnages. Le point de vue est semi-subjectif puisque la caméra suit le personnage de derrière en ne laissant apparaître pas plus de champ que le personnage ne le voit lui même. La mise en scène donne ainsi l'impression au spectateur d'être un personnage suivant au plus près les protagonistes. Autre élément de mise en tension : le montage. En effet, le film se structure autour de plusieurs montages alternés, en particulier sur les deux enfants. L'ensemble des protagonistes est en danger mais dans des lieux différents, ainsi les scènes se succédant maintiennent la tension du thriller. A la musique, Marco Beltrami propose une partition plus proche du film d'horreur que de celui du thriller. Ceci fait écho à la typographie du titre et des crédits se référant au genre horrifique ainsi qu'à certains éléments de mise en scène comme les jump scares. Toutefois, l'ensemble de l'œuvre se rapproche par son ton plus du thriller que de l'horreur, bien que la réalisation joue un peu plus sur le hors-champ que dans le premier film. En effet, les aliens ne sont pas mis en image de manière effrayante et sont déjà connus du public.

Les thématiques : du survival au passage de relais 

Si dans le premier film, le genre du survival écrasait toute thématique possible, ce second volet traite du passage de relais des adultes aux enfants concernant les responsabilités. Du point de vue du scénario, c'est assez logique puisque le père meurt à la fin du premier film. De manière surprenante pour le spectateur, Emily Blunt est moins mise en avant et laisse progressivement la place à ses enfants au cours de l'histoire, alors qu'on aurait pu penser qu'elle garderait la tête d'affiche. Ce choix est cohérent lorsqu'on comprend la thématique choisie, celle de la transmission. La thématique est pleinement assumée et mise en valeur dans la dernière scène dans un montage alterné. Si l'écriture du personnage de la sœur est plutôt bien aboutie, le personnage du frère est un moins attachant, voire un peu agaçant. Certains de ses actes (sortir du bunker sans raison, et la mère ne lui donnant aucune consigne par rapport à la bouteille d'oxygène) sont forcés, dans le but de le mettre en avant et de coller à la thématique, sans pour autant que le scénario ne le justifie. 


En définitive, Sans un Bruit 2, est un thriller tout aussi haletant et efficace que le premier, avec ici la thématique bien amenée de la transmission. 




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mardi 1 juin 2021

Falling


Synopsis :

John envisage de ramener son père Willis en Californie, ce dernier devenant de moins en moins autonome. Toutefois, John et sa sœur n'ont jamais vraiment apprécié leur père ; trop dur et trop dominant. Malgré le grand âge, il est toujours aussi compliqué à vivre, de part ses idées réactionnaires et son attitude outrancière... 


Commentaire : 

Viggo Mortensen, un premier passage dernière la caméra réussie

Si Viggo Mortensen est connu pour son interprétation magistrale de l'emblématique Aragorn, il est avant tout un acteur du cinéma d'auteur à l'instar de ses rôles avec David Cronenberg. Sa réalisation s'inspire donc des réalisateurs avec qui il a tourné. Toutefois, Viggo Mortensen se tourne également vers d'autres metteurs en scène spécialisés dans le drame familial comme Yosujiro Ozu, visant au réalisme par le minimalisme (plan fixe intégrant l'ensemble des protagonistes). Le résultat est réussi, le film étant doté d'un réel travail visuel. Cela est notable dans ses cadres et dans l'organisation des plans. Plus encore, le montage est le point fort du film, du fait de flashbacks en montage parallèle pour comprendre les relations Père-fils. Toutefois, l'état du père étant critique, la réalisation avait également un autre objectif : rendre sensible la démence et les absences du père. Ainsi, Mortensen a également recours à des similis de flashback avec parfois des plans très courts ou simplement des flashbacks sonores, le plan restant lui sur le père de John au présent. Il est alors parfaitement possible de ressentir les absences de l'âme qui voyage et se perd dans le passé. A la musique, nous retrouvons...Viggo Mortensen qui prouve qu'il a de multiples talents, avec une bande musicale principalement au piano, tout à fait à propos pour le genre. Le fait que le réalisateur s'occupe également de la bande musicale montre à quel point ce projet lui était personnel. 

La famille ; un lien dépassant la raison [spoilers]

Il est assez aisé de déterminer la thématique centrale du film : la famille. Toutefois, le film pose la question de savoir jusqu'à quel point la famille est une valeur sacrée, autrement dit jusqu'à quel point John doit aider un père ne faisant rien pour se rendre sympathique ou simplement supportable. Le lien familial est-il si sacré qu'il ne peut être rompu ? C'est ce que semble dire le film pendant une longue période même si John finit par se résigner dans une scène très touchante. Les idéologies étaient irréconciliables, John étant le portrait même du progressiste alors que son père coche tous les critères du réactionnaire. John finit par le comprendre alors que le spectateur l'a déjà compris depuis longtemps. Toutefois, le génie du film est de montrer que le constat est simple d'un point de vue extérieur mais presque impossible à accepter lorsqu'il nous concerne. Les liens amicaux et familiaux sont tisser sur le temps long et participent à la formation de notre identité. Couper ses liens, c'est alors renier une partie de soi, parfois pour le meilleur, mais le choix est terriblement difficile. Ainsi, la famille peut-être compliquée ; lorsque les choses tournent mal, il s'agit des liens les plus difficiles à rompre. Viggo Mortensen nous le fait comprendre parfaitement.


En définitive, Viggo Mortensen réussit son passage derrière la caméra dans un drame familial, nous montrant qu'il n'y a pas plus compliqué que de rompre avec sa famille. Ce film d'auteur, hautement personnel, est à éviter en période morose! 




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