Les sorties de la semaine

lundi 26 octobre 2020

Adieu les cons



Synopsis :

Suze a été diagnostiquée d'une maladie incurable. Sa dernière volonté; revoir son fils qu'elle a eu quand elle avait 15 ans et qu'elle a dû abandonner sous X. Dans sa quête, elle fait la connaissance de Jean-Baptiste, un vieux prodige de l'informatique déconsidéré par sa direction... 

Commentaire

Du cinéma visuel 

Albert Dupontel possède une réelle patte visuelle, ce qui le distingue immédiatement du reste du cinéma comique français. Tous les plans ont un traitement particulier; dans la composition du cadre, dans la colorimétrie, par les nombreux mouvements de caméra. Il ne s'agit pas de surperflu, rien n'est gratuit ; le plan zénithal au dessus du rond-point en travelling arrière marque l'isolement de JB à un moment de sa vie où le monde est contre lui, la teinte jaune de la scène en banlieue renvoie à la nostalgie du passé à la manière de Jean-Pierre Jeunet, le plan de Suze à travers le plan (la carte) de la préfecture montre son emprisonnement dans la bureaucratie etc. Rajoutons un travail sur les transitions et sur les reflets, et nous obtenons un véritable bijou en terme de réalisation. Pour narrer sa fable, Dupontel a également recours aux images de synthèse (toujours rares dans le cinéma français) pour représenter un monde connecté et écrasant ; une ville folle dans une volonté presque expressionniste. Le choix du numérique pour représenter la ville témoigne d'une réelle vision, d'un souci de transformer le réel pour le rendre plus compréhensible. Le montage est également pensé. Il est rythmé, ce qui correspond bien au genre burlesque et à la volonté du réalisateur de distraire, tout autant que de pousser à la réflexion. Car le burlesque et les gags ici dénoncent la folie d'un système qui fonctionne sans considération pour l'humain. 

L'humain broyé par la bureaucratie 

Les trois protagonistes sont écrasés par le système: Suze tombe mortellement malade à la suite de son travail, JB veut mettre fin à ses jours à cause de l'humiliation qu'il a subi par sa hiérarchie, et M. Blin a perdu la vue dans l'exercice de son travail à cause de la police. Ce sont tous trois des personnages rendus inaptes : une mourante, un (probable) autiste asperber dépressif (JB) et un aveugle. Le choix est restreint dans le film, soit l'Homme s'abrutit à la tâche (comme le fonctionnaire incapable de répondre à Suze, ou le Palmashow à la préfecture) et/ou devient un clone dans le monde du privé (à l'image de tous ces travailleurs, dont le fils de Suze, dans un quartier évoquant la Défense), soit il sort du système et est broyé par celui-ci. L'intérêt du film est qu'il montre des personnages qui n'ont pas fait le choix de sortir du système / de la société. C'est le monde de travail qui les a rendu improductifs et qui les marginalise. Paradoxe puisque le monde du travail veut du productif mais du productif jeune, même s'il est moins compétent. Il est amusant de remarquer que Suze et JB n'ont pourtant rien à avoir, ils ont même un profil diamétralement opposé. Toutefois tous deux s'éloignent de la norme pour se rejoindre dans la marge. JB est trop rigoureux, rationnel et efficace pour le système alors que Suze est trop vieux jeu pour celui-ci (elle n'est même pas numérisée). Pour la machine bureaucratique, il faut correspondre exactement au profil recherché, un profil médian duquel il ne faut pas s'éloigner. Il n'est alors pas étonnant d'entendre Dupontel en interview dénoncer le formatage des individus par la société et ses institutions dans le but de produire les consommateurs parfaits du monde libéral. 

En définitive, Albert Dupontel redonne du souffle à la comédie française dans une période où le cinéma national peine à attirer des spectateurs alors que Hollywood reste confiné. Adieu les cons est un drame burlesque à la mise en scène très soignée et dont les gags dénoncent l'absurdité d'un système qui oublie l'humain. 




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