Les sorties de la semaine

dimanche 28 juin 2020

De Gaulle


Synopsis :

En 1940, le colonel De Gaulle remporte une des rares victoires de l'armée française. Il est alors nommé sous-secrétaire d'Etat à la guerre et devient général. Il est le seul à vouloir fermement continuer la guerre alors que les partisans de l'armistice sont de plus en plus nombreux... 


Commentaire :

Un biopic soigné 

Gabriel Le Bomin est le premier à mettre en scène au cinéma le personnage de De Gaulle, presque sacralisé et donc intouchable. Le film bénéficie d'une mise en scène soignée mais au budget limité. Ainsi, c'est avant tout l'intimité de Charles de Gaulle ainsi que ses relations d'homme politique qui sont mises en scène. Il n'y a pas véritablement de scène de guerre. La réalisation met ainsi en image des dialogues et des paysages (pour la fuite de la famille De Gaulle). Les scènes les plus fortes en tension et probablement les plus réussies sont celles de la fuite de la famille car elles permettent une mise en contexte (la fuite des civiles) alors que le reste des scènes sont plutôt en huis clos. Cela n'empêche pas à l'ensemble du film d'être particulièrement soigné dans sa réalisation. Une attention particulière est réservée évidemment à De Gaulle, personnage grand et donc facilement mis en valeur dans le plan. Le film insiste également sur la ressemblance physique de Lambert Wilson bénéficiant de prothèses avec le personnage historique. Ainsi, de profil, et parfois en jouant sur le flou, l'illusion à l'image est frappante. Avec les scènes de fuite, cet artifice est la principale réussite visuelle du film. Pourtant, dans un contexte de guerre, il peut résider un regret / une frustration sur le fait qu'il n'y ait que l'environnement proche de De Gaulle qui soit mis en image. Concernant la musique, Romain Trouillet est parfaitement à la hauteur et réussit à rajouter de l'ampleur à l'histoire narrée. 


L'Histoire comme objectif

Le film traite du personnage historique sur une très courte période et de ce fait n'a pas un large spectre thématique à embrasser. Sans être hagiographique, quoique la mise en scène est clairement au profit de De Gaulle, le film souligne la droiture du personnage et met en avant ses convictions. Pourtant, il est difficile d'apprécier le personnage au-delà de son courage et de son patriotisme car c'est bien l'amour de la France, plus que des engagements éthiques profonds, qui le rend hermétique aux arguments parfois convaincants des défaitistes (la paix, le sacrifice inutile de soldats). Il n'est pas fait mention par De Gaulle de l'idéologie nazie à combattre et de la lutte pour la démocratie. Dans le film, c'est Churchill qui prend ce rôle de gardien des valeurs. C'est alors que le choix de traiter de la famille de De Gaulle se révèle intéressant. En effet, il est ainsi possible de mettre en avant son engagement pour sa famille et particulièrement pour sa fille Anne qui est trisomique. Charles et Yvonne De Gaulle font le choix de garder leur fille et la mette au centre de leur attention. C'est ainsi que Charles De Gaulle devient un personnage réellement appréciable par la mise en avant de son empathie pour un enfant fragile et différent. 
Toutefois, le film a également plusieurs qualités qui tiennent à la vulgarisation de l'Histoire. Il met en avant le De Gaulle peu connu, le De Gaulle illégitime des années 40. Car celui qui deviendra le héros de la Nation et le père de la Vème République n'est qu'un général dégradé et déchu de sa nationalité en 1940. Ainsi, celui qui deviendra un jour le plus grand des Français n'est, à un moment de l'Histoire, même plus français. Avant sa déchéance, le film informe que De Gaulle est un des rares à avoir connu des succès militaires en 1940 et que son personnage est persuadé qu'un changement de tactique militaire finira par avoir raison de l'Allemagne dans une guerre mondiale. La question qui demeure à cette période est de savoir qui incarnera la résistance, chose que De Gaulle n'accepte pas tout de suite. A Londres, ce qui frappe en effet est son incroyable isolement. Le choix de ce pan de l'Histoire est donc tout à fait intéressant à traiter car il est peu connu. Toutefois, l'intérêt historique n'est pas forcément judicieux narrativement (hormis pour les historiens et enseignants). Le film manque en effet d'élan et surtout d'une conclusion. Ici le manque de budget se fait sentir, car hormis par le biais de quelques lignes de texte, le film ne conclut pas par l'image l'aboutissement de l'engagement de De Gaulle. Il est certain qu'un film américain ne se serait pas privé d'une narration complète comportant une conclusion. Néanmoins, le grand intérêt de cette production est qu'elle soit justement française. Elle apporte un son de cloche différent sur la défaite de 40 que la version anglo-saxonne. Car si Dunkerque est présenté comme un succès britannique, c'est avant tout la fuite de l'armée anglaise du continent, permise par l'armée française laissant seule cette dernière face à l'Allemagne. Dernièré qualité du film : la politique en 1940. La tergiversation à la tête de l'Etat français est intéressante à narrer. En effet, le Président Reynaud, soutenu par De Gaulle, peine à imposer ses vues. Ainsi, cette période permet de comprendre la volonté de De Gaulle de mettre en place un exécutif fort, chose qu'il finira par faire bien plus tard en 1958 avec la Vème République. 

En définitive, De Gaulle a un réel intérêt historique en mettant en avant le De Gaulle illégitime de 1940 et en apportant une vision française et non plus anglo-saxonne sur la défaite de 1940. Toutefois, le film, concentré dans le temps et sur son personnage, manque d'ampleur.



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samedi 27 juin 2020

Radioactive


Synopsis :

L'histoire de Maria Sklodowska devenue Marie Curie, qui mis toute son énergie pour mener ses recherches et être reconnue en tant que scientifique dans une société dominée par les hommes.


Commentaire :

Un biopic à la réalisation travaillée, trop travaillée ?

Marjane Satrapi adapte un roman graphique retraçant la vie de Marie Curie. Le support original explique sûrement une image particulièrement travaillée et un montage parfois très dynamique. Le roman graphique autorise en effet le recours à des visuels forts par souci d'efficacité. Dans le même ordre d'idée, le film (de nationalité britannique) a recours à des géosymboles comme la tour Eiffel en arrière-plan, ce qui peut être beau dans la composition du plan tout en ancrant parfaitement le film pour un public international... cela étant cliché pour un Français. C'est à cette occasion que l'on peut noter que le film est doté d'un budget conséquent. Ainsi, aucun film français ne se serait autorisé par exemple à mettre en image les applications futures venant des découvertes de Marie Curie. Or ce film ne s'interdit rien visuellement.
Si le film adopte ainsi une mise en scène singulière, la forme prend parfois le pas sur le fond, comme si le film essayait pour certaines scènes de forcer la tension ou la peur. Or le genre du biopic historique (film biographique) préfère la sobriété pour des raisons de réalisme, de fidélité. Le propos du film reste néanmoins parfaitement audible et l'audace en termes de réalisation, parfois très belle dans la composition des plans, fait du projet une oeuvre originale pour le genre. 


Une myriade de thématiques

La qualité du film tient à ses thématiques. L'objectif premier du film est bien entendu de mettre en avant un personnage historique, et d'explorer des pans de l'Histoire moins connus comme l'engagement de Marie Curie pour la Première guerre mondiale. Toutefois, l'objectif du film va au-delà de l'Histoire, en témoigne le choix de partir du roman graphique et non de sources historiques.
Le choix du personnage indique déjà l'inscription du film dans la lutte féministe. Le traitement du sujet souligne toutefois encore plus la thématique. En effet, Marie Curie n'a de cesse de faire face à de vieux hommes blancs, représentant le conservatisme. Le film arrive particulièrement bien à souligner l'impossibilité pour une femme de s'épanouir dans une société patriarcale. De manière intrigante, seuls les hommes plus jeunes sont présentés sous un jour plus sympathiques quoiqu'ils sont dépeints légèrement lâches dans leur posture face au système. Le fait que Marie Curie réussisse finalement sa carrière témoigne de l'exceptionnalité du personnage tant du point de vue scientifique que de son caractère. Il faut un individu hors du commun pour pouvoir s'imposer en tant que femme à cette époque. Cela souligne encore plus crument l'injustice faite aux femmes, car même Marie Curie peine à être reconnue à sa juste valeur, sa reconnaissance imparfaite à l'époque étant le fruit d'une lutte et d'exploits incommensurables. 
Le féminisme est bien le propos principal mais d'autres thématiques s'ajoutent également à la thématique centrale. Le deuxième sujet est celui du progrès technologique et pose la question de l'utilisation des découvertes scientifiques. Car si Marie Curie est une chercheuse passionnée par la théorie scientifique et n'a d'autre ambition que d'enrichir les connaissances de l'humanité, ses découvertes ont eu des applications concrètes, tant positives (la radiographie, la radiothérapie) que négatives (le nucléaire : les bombes et les accidents des centrales nucléaires). Le film utilise habillement les flashforwards (les flashbacks pour le futur) pour montrer l'ambivalence des découvertes scientifiques. Notons toutefois que pour ce cas précis, Marie Curie ne pouvait pas imaginer la portée de ses découvertes. Il ne s'agissait pas de découvertes ambivalentes à l'origine. Sa responsabilité morale est donc très limitée bien que le film veuille forcer le trait sur ce point.
La troisième thématique est mineure mais ressort à certains moments. Il s'agit de la xénophobie dans un contexte de poussée de nationalisme dans lequel l'origine d'une personne dépend de son apport et de son image dans la société. Ainsi Marie Curie est française lorsqu'elle est une grande scientifique mais ramenée à son identité polonaise lorsqu'un scandale sur ses moeurs fait les gros titres de journaux à commérages. Ce passage montre également la quête de la liberté sexuelle des femmes qui n'en est alors qu'à ses prémices.
Quatrième et dernière thématique, le rationalisme de Marie Curie qui adopte une posture scientifique, athée pour tous les domaines de sa vie, lui permettant de se protéger des pseudo-sciences, contrairement à son mari. En revanche, il est regrettable que la fin du film, qui correspond à la fin du personnage, semble suggérer que Marie Curie est amenée au paradis par Pierre, son mari. Si cela rend la fin évidemment moins triste, presque heureuse, ce choix de conclusion rentre en contradiction avec le trait d'esprit de Marie Curie.


En définitive, Radioactive a pour grande qualité la richesse des thématiques explorées à travers l'exploration du personnage de Marie Curie. La limite du film se trouve certainement dans sa forme avec une réalisation qui manque parfois de simplicité.





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