Les sorties de la semaine

mardi 24 octobre 2017

The Square


Synopsis :

Christian est un conservateur de musée menant un vie bourgeoise. Son souci, vendre son exposition d'art contemporain au public dans un monde en concurrence...


Commentaire :

Mise en scène signifiante 

Ruben Östlund réalise un film très soigné à la mise en scène signifiante, ou autrement dit avec un réel sens. La réalisation n'est pas seulement narrative ; les règles de la narration sont rompues à plusieurs reprises, notamment lors des dialogues. Très souvent, le plan s'attarde sur un personnage pour montrer sa réaction alors qu'il n'est pas détenteur de la parole. La règle du champ / contre-champ n'est donc pas respectée car c'est le comportement des individus qui est intéressant à regarder pour le réalisateur. Au-delà de quelques transgressions, on imagine que La Palme d'Or 2017 n'a pu échapper à The Square, de part quelques très jolis plans, comme par exemple la plongée totale sur la scène dans les ordures. Ruben Östlund réussit également très bien à mettre en place des situations de tension en jouant sur la luminosité et les hors-champs. Si le film est esthétiquement très beau, on notera quand même une certaine longueur pour un propos assez vite compréhensible. L'absence de musique minimise aussi la majesté de la réalisation. 

Une histoire peu prenante

Parce que le film propose une critique de la société bourgeoise, l'intrigue se place et se développe dans ce contexte. Les péripéties et les états d'âmes de cette frange privilégiée de la population sont pertinents à montrer pour le propos défendu par le film mais leur histoire n'est pas particulièrement prenante. Ce qui maintient une certaine tension tout le long du film est la possible conséquence de l'action entreprise par Christian afin de récupérer ses affaires volées. La scène de spectacle du singe-artiste apporte également une folie passagère mais qui ne s'étend pas au-delà de la scène en question. On ignore d'ailleurs comment se termine cette sous-intrigue. Quelques passages jouant sur l'humour fonctionnent également à l'intérieur de certaines scènes. Néanmoins, le reste du film, en ce qui concerne la relation du père à ses filles, ses relations amoureuses, ou ses questionnements en terme d'exposition et d'art, est moyennement captivant car très banal. L'histoire peine donc à nous emporter en dehors de la réalité.

Des thématiques très fortes sur la société bourgeoise

Les intentions de Ruben Östlund sont claires, c'est un film critique sur notre société et c'est pour les messages qu'il contient que le film est intéressant. Les questionnements se structurent autour de la société bourgeoise, vivant dans son monde et selon ses codes.
La première critique concerne l'art contemporain qui est montré comme ne représentant plus rien car techniquement nul. Le tas de cailloux exposé est le meilleur exemple. Ce qui est intéressant est que même le conservateur Christian n'y croit pas, mais l'enjeu est simplement de vendre cette exposition au public, autour de concepts forts. La classe bourgeoise est donc une classe qui repose sur des codes mais dont les membres en connaissent l'artificialité.
Une deuxième critique assez forte en lien avec la première porte sur la communication dans les médias, et notamment les nouveaux médias. La jeune garde des communicants n'a d'autres idées que de créer le buzz afin de gagner la guerre de communication, quitte à produire un buzz qui renvoie à quelque chose de diamétralement opposé à ce qu'était le produit vendu (ici une exposition). Le buzz repose sur le fait de montrer quelque chose de clivant et donc pouvant déranger. Peut-on tout montrer ? Ou commence ou s'arrête la liberté d'expression ? Le film montre que la question n'est pas simple sans pour autant donner une réponse.
La troisième grande critique transversale concerne l'incohérence de cette classe bourgeoise qui se donne une image de pureté et de bonté mais qui est très peu enclin à aider les autres, que cela soit les pauvres mais également les siens. Cette classe est paradoxalement très individualiste et est dépeinte comme ayant horreur de ce qui sort des codes de la société. Le meilleur exemple est le spectacle de l'artiste-singe.
Ce questionnement nous mène justement à cette scène simiesque qui est intéressante car contient une réflexion en son sein ; celle de la fusion entre le créateur et la création/créature. Lorsque ce phénomène a lieu, le créateur perd tout contrôle sur son oeuvre qui vit d'elle même. Cela questionne le rôle du créateur qui est parfois complètement absorbé par son oeuvre, quitte à devenir fou. Notons que le vrai singe présenté dans une autre scène à l'air lui beaucoup plus calme que la représentation qu'en fait l'artiste.
Il s'agit là des grands questionnements du film mais on pourrait en souligner d'autres plus mineurs, sur les relations de pouvoir, la place de l'enfant (de la paternité) en Suède etc. C'est un film qui montre et dénonce énormément, car c'est une oeuvre où le fond prédomine. Quitte à nous narrer une histoire sage sans grand entrain, le film aurait peut-être pu se placer du côté de la démonstration plutôt que du côté de la dénonciation ou le simple fait de montrer les choses. La forme manque peps (ou de rigueur, les deux options sont possibles) pour nous permettre d'adhérer au propos, qui est lui fort juste.
Ce qui est paradoxal est que le film dénonce finalement une classe assez fermée sur elle-même mais le film s'adresse précisément à un public assez restreint. Peut-être faut-il comprendre que ce film est une remontrance pour ses propres spectateurs, ce qui serait audacieux et bien trouvé.

En définitive, la Palme d'Or 2017 traite de sujets pertinents en adressant une critique acerbe à une classe bourgeoise se refermant sur elle-même. Toutefois, le film ne captive que par intermittence. 


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