Les sorties de la semaine

vendredi 7 avril 2017

Ghost in the Shell



Synopsis :

Mira se réveille après un long sommeil. Elle ignore où elle se trouve. Le médecin à ses côtés lui apprend qu'elle a été victime d'un accident ; son cerveau (son âme / son ghost) a été sauvé mais pas son corps. Elle se retrouve dans un corps synthétique. Que reste t-il alors d'humain chez elle ?


Commentaire ; 

Une réalisation réussie riche en effets spéciaux

Rupert Sanders n'avait à son actif que Blanche neige et le chasseur mais il paraît avoir eu les épaules pour porter ce projet tout aussi ambitieux visuellement qu'intellectuellement. Concernant la mise en scène, elle est aboutie. La réalisation est au service de la narration mais recherchée et très soignée. Aucun plan n'est simple dans ce monde du futur. Les effets spéciaux sont présents à chaque instant pour produire cet univers visuel très riche et en conséquence crédible. Il y a souvent quelque chose en arrière plan, parfois le danger surgissant. Cela est tout à fait intéressant car effectivement du fait de l'ultra-connectivité, la menace est omniprésente, elle peut se manifester dans l'instantané. Mira, l'héroïne, peut même devenir invisible, ce qui rentre dans cette logique de présence invisible dans le plan. Rien de révolutionnaire toutefois dans la manière de filmer mais une grande attention a été portée à l'ancrage spatiale : chaque scène est introduit par un plan large ou un plan rapproché avec une certaine profondeur de champ afin d'ancrer l'histoire dans une ville fourmillante voire presque étouffante. Les scènes de combat ont reçu un soin tout particulier, avec ralentis, variation des angles, variation de valeur de plan, tout en respectant la puissance des chorégraphies. Il y a également un effort fait pour mettre en image de manière métaphorique des procédés informatiques, comme le hacking, lorsque Mira sonde les bases de données d'un robot Geisha. Il s'agit donc d'un film très visuel, très travaillé d'un point de vue formel, ce qui participe grandement à l'immersion. Concernant la bande-sonore, elle est de bonne facture mais peu mémorable car simplement en soutien de l'action.

Casting impliqué 

Il n'y a pas vraiment lieu de débattre sur la polémique de white-washing, les acteurs sont excellents et il n'y a pas d'incohérence majeure pour une histoire se situant dans un monde futuriste et cosmopolite (ce n'est pas le cas du cosmopolitisme de la Belle et la Bête dans un petit village français du XVIIIème siècle). L'importance est la vraisemblance. Par ailleurs, le corps des grands protagonistes, Mira et Kuze sont artificiels, ils n'ont donc pas à être nécessairement d'apparence japonaise (ou cela voudrait dire qu'un japonais est nécessairement d'ethnie japonaise comme un français serait nécessairement caucasien ? Le racisme n'est pas toujours là où on le croit). Toutefois, l'origine japonaise n'est pas n'ont plus oubliée que cela soit par l'ancrage spatiale ou la présence d'autres personnages. Concernant la performance d'acteur, Scarlett Johansson est parfaite dans son rôle avec une attitude à la fois froide mais non mécanique. Elle a su saisir l'essence de son personnage. Pilou Asbaek dans le rôle de Batou est juste et Juliette Binoche en professeur Ouelet touchante. Quant à Takeshi Kitano, son personnage est jouissif, par le simple fait qu'il s'agisse de Takeshi Kitano ; il y a presque une dimension méta dans son rôle. 

Les thèmes de science fiction : l'humanité face à la science et la technologie [Spoilers]

Le fond de l'histoire produit un sentiment mitigé. Les questionnements proposés par ce film de science-fiction sont intéressants mais le scénario est assez simpliste, ou autrement dit, peu original. En vérité, il s'agit plus d'un prétexte, semble t-il, pour aborder des thématiques qu'une véritable proposition scénaristique. En effet, il s'agit de l'intrigue du complot, assez utilisée cette dernière décennie, faisant d'une organisation officielle (ici une puissante compagnie de robotique) une sorte d'hydre agissant dans l'ombre avec des moyens de nuisances. Les prétendus terroristes qui agissent contre cette compagnie sont alors les véritables gentils de l'histoire et le héros finit par passer dans leur camp. Ce parcours du héros n'est pas inintéressant car cela témoigne chez lui de l'usage de l'esprit critique. Toutefois, ce scénario est vu et revu, d'autant qu'ici il n'y a presque pas de surprise puisque le patron de la compagnie est suspect dès le début. C'est à dire que le cadre est manichéen alors qu'il aurait gagné à ne pas être si tranché, bien que de la nuance arrive par la suite. 
Regardons alors les thématiques traitées, chose la plus importante dans un film de science-fiction. A noter que si nous les présentons séparément, elles ont toutes un lien entre elles. La question la plus mise en tension n'est étrangement pas celle de la singularité ni du transhumanisme mais des moyens et de la fin de la science. Si le patron de la compagnie de robotique est dans la caricature du patron sans moral, prêt à n'importe quelle extrémité pour avoir de l'argent, le docteur Ouelet qui travaille pour cette compagnie est plus intéressant. Elle a des idéaux et agit dans l'intérêt de l'humanité. Le souci est que pour elle, la fin (l'humanité), justifie les moyens (faire des expériences intolérables sur les humains). La tension est ici véritablement intéressante et c'est Mira qui apportera la réponse : en aucun cas la fin ne peut justifier les moyens. C'est une question de Justice. Autrement dit, il n'y a pas de Justice au détriment de certains.
Ceci nous amène à la seconde thématique ; la définition de l'humanité. C'est peut-être la première fois qu'un film donne une réponse satisfaisante à la question de l'humain, à savoir ce qui le séparerait du robot. D'habitude, c'est l'émotion qui est avancée comme critère discriminant ce qui est effectivement un rempart à la rationalité des robots mais pas satisfaisant sur le fond. L'émotion peut aussi conduire à l'injustice. Mira n'a pas d'émotion et c'est cela qui la rapproche des robots. En revanche, elle a établi une éthique de vie et se bat pour la Justice. Ceci la distingue définitivement des robots. Cela est beaucoup plus fort que tous les autres films sur la question : être humain est pour ce film, la capacité à se transformer en surhomme, autrement dit à devenir un Homme philosophe (un Homme qui se bat pour l'éthique). Il faut toutefois faire attention ici car Mira est également un superhomme de part ses moyens physiques sur-développés mais superhomme (physique) n'est pas l'équivalent de surhomme (éthique). En ce sens, Mira est non seulement bien une humaine, mais la plus humaine du film par son combat pour la Justice et la recherche de la vérité. Reste ensuite la question de savoir ce qu'est la Justice puisqu'elle fait exécuter le vilain sans procès, ce qui est dommage.
Troisième thématique abordée directement liée, l'identité. Le film apporte encore ici une réponse juste et pertinente. Le passé explique ce que l'on est mais ne justifie pas ce que l'on fait. Le travail d'introspection sur sa personne oblige en quelque sorte à faire table rase de passé, ce qui est un peu le cas ici. Mira qui n'a plus de passé, peut être quelqu'un en se définissant par les choix et actes qu'elle fait au présent. C'est ce qui la rend humaine : à partir du moment où elle se détermine par la raison, elle affirme son identité humaine. En ce sens, il faut comprendre aussi que l'éthique doit se traduire dans les actes.
Enfin, dernier sujet dans ce film, finalement très riche : la technologie. Il est intéressant que le film ne soit pas tant catégorique sur la question. L'univers proposé est une dystopie. La technologie a tout envahi et la mise en réseau de l'humain fait que ce dernier a perdu son intimité voire ses choix d'action. De manière visuelle, ceux ayant fait le choix de l'amélioration par la technologie sont dérangeants. Ils apportent un sentiment de malaise en tant que monstre chimérique alors que tous ceux dépourvus d'amélioration sont nécessairement de bonnes personnes dans l'histoire. Néanmoins, on remarque également que la technologie peut palier à l'handicap des personnes après un accident. Il y a tout de même du bon dans ces nouveaux moyens, sans parler de l'héroïne qui constitue le stade le plus avancé de l'hybridation tout en représentant le meilleur de l'Homme. Ainsi, tout dépend l'utilisation de la technologie.
La justesse du traitement des thématiques est particulièrement intéressante du fait de la nuance apportée. Notons néanmoins que cette oeuvre n'est pas dans la conceptualisation des messages. Il n'y a que peu de discussions sur le fond, simplement quelques phrases. On ne sait donc pas si un grand intérêt est porté aux thématiques. En effet, c'est plutôt les actions des personnages qui produisent les réponses aux questions soulevées sans que cela ne soit explicité. (Certes, l'éthique doit se traduire par des actes mais est-ce vraiment cette raison qui a menée à cette réflexion superficielle ?). Il y a alors un risque que le spectateur n'aille pas de lui-même réfléchir aux thématiques et se contente de l'histoire et de l'action. Est-ce que le choix du divertissement a primé sur le fond ? Impossible de savoir. Si le film avait apporté des réponses extravagantes aux questions soulevées, on aurait pu le supposer mais le fond paraît juste.

En définitive, Ghost In The Shell est une belle oeuvre visuelle. Le scénario ne transcende pas d'originalité mais les thématiques soulevées sont intéressantes et bien traitées. 




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