Les sorties de la semaine

lundi 27 mars 2017

La Belle et la Bête


Synopsis :

Au XVIIIème siècle en France, un Prince refuse de venir en aide à une mendiante. Mais, cette vieille femme se révèle être en fait une fée, qui condamne alors le Prince et sa suite à une apparence monstrueuse. Le seul moyen de rompre le sort est qu'une femme tombe amoureuse du Prince, mais qui pourrait tomber amoureux d'une bête ?

Prologue en vidéo



Commentaire :

Une mise en scène aboutie

L'ambiance du film est réussie. Que cela soit le village, le château, la forêt ou les jardins du château, tous les décors évoquent plus ou moins le contexte français d'Ancien Régime au travers, bien entendu, d'un prisme féerique déformant (par contre, présenter le pudding comme de la gastronomie française : c'est non!). Effectivement, cela fonctionne, d'autant plus que l'ancrage français, bien que suggéré, n'était pas tant affirmé dans le dessin animé de 1991 dont cette version du conte est adaptée. Le film est également une réussite technique comme pratiquement tous les films de Disney, cela se traduisant ici par les objets animés particulièrement aboutis, d'ailleurs peut-être plus que la Bête dont le réalisme est limité. La mise en scène reste elle classique, fonctionnelle avec toutefois quelques plans étranges, travelling en gros plan tournant autour du personnage d'Emma Watson qui donne une impression de flou peu agréable en arrière plan. Les scènes de danse et de chant sont plutôt bien tournées, particulièrement dans l'organisation de l'espace et les chorégraphies ; Broadway, qui a repris le succès de 1992 sur les planches, n'est pas loin. 

Adaptation minimale

Comment adapter un des plus beaux films d'animation des studios Disney, le premier film d'animation à avoir été nominé dans la catégorie "Meilleur film" aux oscars ? Réponse : le reprendre tel quel. L'histoire est identique. Les personnages sont identiques et d'ailleurs d'une fidélité renversante; Emma Watson était presque une évidence pour jouer Belle. Du point de vue du scénario, le petit ajout de la référence à L'Oiseau Bleu, conte de Marie-Catherine d'Aulnoy, contemporaine de Perrault pour le contexte français est bien trouvé. Néanmoins, malgré l'arrivé d'un tout petit background sur la mère de Belle et de trois nouvelles chansons dont une à la hauteur des anciennes, l'originalité n'est pas au rendez-vous. Aucune plus-value (utilité?) pour cette adaptation. Certes, avec un matériau de base aussi bon et notamment la bande musicale, impossible de défaillir. Toutefois Maléfique, Le Livre de la Jungle, Alice au Pays des Merveilles, voire même Cendrillon avait su proposer quelque chose de nouveau, tout en restant plus ou moins fidèle selon les films à l'oeuvre Disney originale. Sur ce point, Le Livre de la Jungle est le plus réussi. La Belle est la Bête a donc choisi le chemin de la facilité mais avec moins d'efficacité que le dessin animé de 1991 qui était plus resserré. Et puis, la nouvelle adaptation flirte parfois avec l'original sans arriver à l'égaler, à l'image de Lumière dont Ewan McGregor n'arrive pas à égaler son interprète original Jerry Orbach et son accent français, qui lui rendait hommage à Maurice Chevalier. 

De nouveaux messages peu audacieux entre le bon et le moins bon

S'il y a bien un genre de film où les messages sont importants, c'est le conte. Le film reprend évidemment le message principal et indépassable du conte qui est celui de ne pas arrêter son jugement à l'apparence d'une personne. Ce message est essentiel et pertinent, encore mieux évoqué ici par le fait que Gaston soit moins repoussant physiquement que dans le film d'animation. Luke Evans qui est un des personnages ressemblant le moins à son personnage animé a pour le coup été bien choisi en ce sens. Deuxième bonne idée reprise : la femme forte, indépendante, curieuse et éduquée incarnée par Belle. Ce n'est jamais un message superflu. A cela, il est ajouté par contraste un village conservateur (cela est plus manifeste que dans le dessin animé), hostile à l'émancipation des femmes, qui fait parfaitement sens dans un petit village isolé de France du début du XVIIIème siècle. Il est en effet intéressant de montrer comment l'individu qui sort des clous et particulièrement celui-ci qui remet en cause un ordre établi est soumis à la pression sociale. Non pas qu'il faille être marginal coûte que coûte, mais le contexte social archaïque le justifie ici. Au-delà de Belle, la fée se présente toujours sous une forme marginale lorsque qu'elle n'est pas révélée. Cette histoire de fée cachant son identité par sonder les cœurs est une très vieille histoire européenne puisque cela remonte à l'Europe celtique, un folklore toujours vivace. 
En revanche, le choix de défendre la diversité est louable mais peu à propos ici. Il n'est en général pas nécessaire d'indiquer l'époque et le lieu dans un conte : "Il était une fois, dans un pays lointain" est beaucoup plus sage. Mais lorsque qu'il est précisé que le conte se passe dans un petit village perdu très conservateur de France, au début du XVIIIème siècle, la représentation de la diversité n'est pas pertinente. La représentation de la diversité passe un peu mieux dans le milieu nobiliaire, plus ouvert sur le monde mais cela reste ambigu (le racisme n'est pas encore conceptualisé à l'époque mais le contexte est tout de même celui du commerce triangulaire). Il n'est toutefois pas incongru de vouloir représenter un conte à l'image de la société contemporaine, mais dans ce cas, il est plus habile de ne pas préciser le contexte. Autre innovation dans les messages, l'homosexualité. Disney avait évoqué la transformation de LeFou en parangon de l'homosexualité, créant des polémiques de part le monde. Force est de constater que d'une part c'est à peine suggérée, d'autre part, la représentation est douteuse. En effet, si Disney n'avait pas décidé de communiquer sur ce sujet et de se vanter d'être l'avant-garde du progressisme, probablement que le personnage de LeFou n'aurait pas fait grand bruit. L'homosexualité du personnage est montré de manière plus ou moins explicite par deux plans (le suçon sur le ventre lors de la danse dans la taverne, et la danse de fin avec un autre homme) de moins d'une seconde! Et pourtant pour le coup, le contexte était favorable à la cause. En effet, le contexte est celui de l'Europe des libertins. En outre, la représentation du personnage est assez contestable car dépeint comme maniéré. Voilà un cliché de l'homosexualité : pas de quoi se prendre pour le chantre de l'évolution des mœurs. Et pourtant, ces nouveaux questionnements sont pertinents sur le fond. Ils sont la preuve qu'il était possible de proposer quelque chose de nouveau mais à condition d'avoir la volonté de se détacher du film de 1991 pour être bien amenés. 

En définitive, La Belle et la Bête est bon film, mais par le fait que le dessin animé dont le live-action est adapté, soit un chef d'oeuvre. Un peu trop facile.


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