Les sorties de la semaine

jeudi 20 avril 2017

Life


Synopsis :

Une mission martienne ramène des extraits de roche à la Station Spatial Internationale (ISS). Un groupe de chercheurs est chargé d'étudier les extraits et communiquent en temps réel leurs découvertes à la Terre. C'est alors que l'équipe fait une découverte incroyable : une cellule vivante extraterrestre se trouve dans les extraits analysés...


Commentaire :

Une mise en scène salvatrice

Daniel Espinosa arrive à tirer parti de l'environnement spatial pour produire une mise en scène intéressante. De longs plans, comme les premiers du film, voient des rentrées d'objets dans le plan, annonçant le début de l'histoire. Les plans larges insistent sur l'immensité de l'univers et la futilité des activités humaines. Par la suite, le film prend plus la forme d'un huit-clos à bord de l'ISS où la caméra n'hésite pas à flotter dans l’environnement et à aller dans toutes les directions (même le haute et le bas), ceci étant tout à fait pertinent dans un espace dépourvu de gravité. Il y a manifestement pour certaines scènes une inspiration de Gravity qui est le projet le plus abouti en terme de réalisation dans cet environnement. On remarque également cette inspiration lorsque la caméra tente, lors d'une scène, de traverser un hublot pour sortir. Elle ne va pas au bout de son mouvement, peut-être signe que l'ISS sera le lieu de l'action. Ainsi, la mise en scène est adaptée au sujet, ce qui est un très bon point. Certaines scènes sont particulièrement bien filmées comme lorsque l'alien se loge dans un gant et reproduit les mouvements du chercheur, ce qui produit une sensation de malaise. Les décors, majoritairement en dur, sont très immersifs et fidèles à l'ISS. Il est indéniable qu'un grand travail de recherche a été effectué en amont. Il était judicieux de choisir des décors réels pour un huit-clos puisque le nombre de décors est restreint et l'effet est toujours plus probant. Enfin, il est nécessaire de dire quelques mots sur la musique de très bonne facture et qui est introduite de manière prégnante dès le premier plan. Elle fait plus qu'accompagner le film, elle lui donne véritablement le ton. Cela est essentiel pour un film d'horreur. 

Des acteurs inégaux

La performance des acteurs est assez inégale. Ils sont au nombre de six, pour les six astronautes de l'ISS. Les personnages sont un peu caricaturaux avec des traits forcés, devant avoir une incidence évidente dans le scénario. Les femmes du casting s'en sortent le mieux avec des performances de qualité, portant le film. Ce sont Rebecca Ferguson en rôle principal et Olga Dihovichnaya notamment en première partie. Jake Gyllenhaal, Ariyon Bakare et Hiroyuki Sanada font le travail sans être exceptionnels. Ryan Reynolds quant à lui fait du Ryan Reynolds (Deadpool), ce qui est peu justifié dans ce contexte. De manière générale, les personnages paraissent trop naïfs, ce qui est peu compatible avec des astronautes sur-entraînés. 

Un scénario trop peu original et travaillé [Spoilers]

Le scénario est véritablement un point faible du film en reprenant le concept d'Alien de Ridley Scott sans aucune plus-value. On peut peut-être apprécier la tension et le gore très léger mais cela ne suffit pas. Ce sont par ailleurs des qualités apportées par la mise en scène et non par le scénario. Le concept fondamental, en n'étant pas originale et trop proche du contexte d'Alien n'a que peu d'intérêt. Pourtant, il y a ponctuellement de très bonnes idées. L'origine de l'espèce martienne est très intéressante en étant une panspermie inversée [la vie sur Mars provient de Terre par le biais d'une collision avec un astéroïde il y a 2 milliards d'années]. La description du type de cellule est pertinente avant que le film en fasse un organisme évolué peu crédible. De même, la scène avec Hugh qui est paraplégique (paralysie et insensibilité des jambes) qui joue justement sur son absence de sensation aux jambes est très bien pensée. L'idée que ce personnage veuille être astronaute pour que cet handicap ne le soit plus est également intéressante. Néanmoins, les erreurs des personnages (astronautes surentraînés) sont constamment moteurs de l'intrigue ce qui rend le scénario moins crédible. De même, l'alien quasi immortel à la manière d'Alien (voire plus) est peu vraisemblable. Reprendre le concept de Ridley Scott n'est pas en soi rédhibitoire mais le scénario manque de travail. La fin du film part d'une bonne idée mais reste également peu crédible [l'alien semble alors trop intelligent]. 

Un questionnement absent [Spoilers]

Une autre immense déception de ce film est le fond de l'histoire; son propos. Un film de science-fiction, peu importe son sous-genre, est une occasion de questionner le monde, d'autant plus que celui-ci se passe dans l'espace, lieu des questionnements métaphysiques et de l'introspection. Le film s'appelle tout de même Life et pire Life - Origine inconnue en français. Pour être précis, il s'agit d'un film de hard science-fiction, c'est à dire se passant dans un avenir proche avec les technologies actuelles succinctement présentées [la seule vraie différence avec Alien qui avait du coup une réflexion sur les technologies dans un avenir plus lointain]. L'intrigue s'inscrit dans la suite de la mission Curiosity (2012). Dans le film, cette mission a trouvé de la vie sur Mars. L'émoi terrestre et des chercheurs de l'ISS est montré mais cela ne suscite aucune réflexion. La vie est-elle universelle ? Quelles sont les conditions à l'émergence de la vie ? Au mieux, le film décrit quelques peu les conditions de survie de cette vie alien qui semble être un extrêmophile (animal survivant dans des conditions extrêmes). L'hypothèse de l'origine terrienne de la vie martienne est intéressante mais ne répond pas à l'origine fondamentale de la vie. Ainsi, il n'y a aucun grand questionnement métaphysique. Concernant la biologie, le questionnement est également nul : que peut faire l'alien ? Peut-il se reproduire ? Peut-il être amputé ? Pour l’introspection, il n'y a là encore guère à dire. Le personnage de Jake Gyllenhaal a un début de réflexion (très superficielle) sur l'humain qui n'a que pour unique but de servir la fin du film. Un film comme Seul sur Mars se passait des réflexions profondes mais défendait le génie humain et la science. L'espace n'est ici l'objet d'aucune pensée. Pire, l'ailleurs et l'autre sont un repoussoir. L'espace se contente d'être "le vide spatial" et l'alien un organisme hostile très agressif fondé sur la vision d'un darwinisme extrême [adaptabilité extrême, élimination de toutes autres formes de vie]. Bref, le vide sidérale est le propos du film.

En définitive, Life se contente d'être une reprise d'Alien sans plus-value et sans réflexion. L'oeuvre est sauvée par la mise en scène et les émotions du genre du thriller horrifique mais ne saurait être un objet intellectuel. Dommage pour un film de science-fiction.


******

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire