Les sorties de la semaine

mardi 30 juin 2015

La bataille de la Montagne du Tigre



Synopsis :

En 1946, après le retrait des Japonais, la Chine est le lieu d'affrontement des troupes nationalistes, communistes et des gangs de bandits. La région du Nord-Est est contrôlée dans le seigneur de guerre Hawk, en discussion avec les nationalistes en vue d'une alliance. Un bataillon communiste mené par le Capitaine 203 et le mystérieux Yang tente alors de ramener la paix dans la région... 


Commentaire : 

Une mise en scène très appuyée

La Chine fait comme tout le monde mais en plus gros. Cela se vérifie également dans le Septième Art, où la mise en scène et notamment les effets (ralentis, mouvements camera etc) sont si appuyés que cela en devient amusant pour un spectateur non-averti. Ainsi, il s'agit d'un excellent film pop-corn mais la question est de savoir si la réalisation de Tsui Hark (#DetectiveLee) est à prendre au second degré ou non. Difficile de savoir, mais le Hongkongais est coutumier d'une mise en scène extravagante. Heureusement, l'histoire finit par prendre le pas sur la forme. La principale force du film provient de son tournage en extérieur. Quelques scènes sont néanmoins numériques et moyennement crédibles mais la majorité du film se passe dans un sublime décor reconstitué qui apporte du réalisme. Il s'agit d'une volonté de mise en scène de Tsui Hark qui voulait apporter de la crédibilité à une histoire inspirée de faits réels. Cette histoire est d'ailleurs très connue en Chine, partie intégrante de la doxa communiste.

Un film à rallonge

2h20 est une durée assez longue mais plutôt modérée pour une épopée du cinéma chinois. Néanmoins, le film est rythmiquement inégal. Il fonctionne par fulgurance. Certaines scènes sont à couper le souffle, d'autres donnent l'impression de s'étirer. D'autres encore sont superbement réalisées mais paraissent un peu hors contexte. La scène du tigre en est un exemple, la fin alternative également. Cette dernière ressemble à une scène coupée mais intégrée tout de même grâce au jeu de la mise en abîme. D'ailleurs, celle-ci (la mise en abyme) n'est pas forcément très utile car elle n'amène rien au "personnage principal" du présent. En définitive, le film est un peu à l'image de son introduction, où 5 ou 6 logos arrivent les uns à la suite des autres. C'est joliment fait mais parfois superflu.

Validé par le PC chinois

A l'origine, il s'agit d'une des histoires diffusées par le parti communiste dans la Chine des années 60. L'idéologie est donc très appuyée. La narration met parfaitement en avant la gentillesse des soldats communistes. Plastiquement, ils sont d'ailleurs très beaux et propres. En revanche, les nationalistes et les bandits sont si moches, qu'ils rappellent presque les mauvais hommes du dernier Georges Miller. Ils sont également tous mal intentionnés ou bêtes pour le mieux. La vision est très manichéenne et rappelle à certains égards les films américains de la période guerre froide dans leur représentation des Nazis et Soviétiques. Ainsi, la fin alternative rappelle les vieux James Bond. Néanmoins, il y a peut-être une critique insidieuse à cet endroit, tellement le trait est poussé.

En définitive, ce film à très grand spectacle apparaît un peu comme un ovni dans le paysage cinématographique occidental. Distrayant et amusant, parfois malgré lui.




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dimanche 14 juin 2015

Ex Machina


Synopsis:

Caleb, jeune ingénieur informatique, gagne un concours qui lui offre la chance de passer une semaine avec le génie mondial de la programmation, Nathan. Le lieu dans lequel se rend Caleb est isolé de tout et ultra-sécurisé. Nathan y développe en effet la première conscience artificielle...

Commentaire:

Une réalisation soignée

Alex Garland, au scénario et à la réalisation, réalise un excellent premier film. Sa mise en scène est épurée. Elle traduit parfaitement les rapports ambigus entre les personnages grâce aux angles de prises de vue. La localisation de l'histoire permet la présentation de magnifiques lieux naturels mais la teinte sombre du film produit malgré tout une atmosphère froide, ce qui est assez déconcertant. Il en va de même pour les lieux en intérieur, pourtant très beaux et élaborés mais qui sont du coup plus ou moins inquiétants. On doit sûrement comprendre que le film est froid à l'image de la machine. Quoiqu'il en soit, la réalisation rend bien compte de son sujet. Concernant le scénario, il est riche et complexe. Il maintient un flou constant, amène à de réels moments de tension et ouvrent différentes pistes. Dès le début, le malaise s'installe dans une maison où certaines pièces sont interdites et où tout est régi par la machine. Le film nous amène en eau trouble. Le mixage sonore est particulièrement bien réalisé et joue énormément pour rendre l'atmosphère pesante.  

Des personnages intéressants

Les personnages représentent des figures particulières mais sont loin d'être des archétypes. Ils sont particulièrement travaillés car toujours duales. Dans ce triangle relationnel en huis clos, chacun présente un visage différent à l'autre. Si le spectateur tend à adopter le point de vue de Caleb, il n'est pas sûr non plus de connaître parfaitement ce personnage. Chacun défend son propre intérêt et a de réelles raisons de le faire. Néanmoins, il est impossible, avant le dénouement, de connaître les intentions profondes protagonistes et donc de savoir ce que le film veut nous dire sur l'intelligence artificielle.

Les thématiques, de l'excellence à la déroute

La thématique la plus anodine du film est peut-être le soupçon. En effet, dans ce huis clos, tous les protagonistes ont une part de mystère, y compris Ava. Or, si Ava, une machine, est capable de cacher quelque chose, c'est quelle est un sujet, au même titre que tous les êtres pensants. Ceci confirme qu'il s'agit bien d'une intelligence artificielle. Un autre thème, qui est en fait plus une série de références, est la religion. Cela concerne les noms des personnages à la durée de l'intrigue (7 jours). Le titre est particulièrement révélateur avec Ex Machina, le "Deus" étant exit. L'Homme, à l'image de Dieu (postulat des monothéismes) rentre dans un processus créatif. Ainsi, créer une conscience artificielle, c'est reproduire un acte divin. La principale différence est que l'Homme ignore la nature de sa création et ses intentions. Ceci nous amène au thème principal de ce film de science fiction : l'intelligence artificielle, ou plus exactement la conscience artificielle. Les dialogues, magnifiquement travaillés, introduisent et questionnent le sujet. La vraie nature d'Ava est en suspend jusqu'à la fin et c'est le dénouement qui va infirmer ou confirmer les hypothèses de Nathan et Caleb. Malheureusement, la révélation de la nature de la conscience artificielle nous amène à penser qu'Alex Garland n'a pas saisi ce qu'était réellement la conscience artificielle. Le scénariste / réalisateur reprend en effet une vieille thèse de science fiction qui aujourd'hui ne semble plus totalement pertinente, bien que défendue encore par quelques grands noms. Des films comme Chappie ou Her, semblent être beaucoup plus proches de ce que pourrait être la conscience artificielle. Le film reste néanmoins très bon malgré ce parti-pris. 




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mercredi 10 juin 2015

Jurassic World


Synopsis :

Plusieurs décennies après l'échec de Jurassic Park, des investisseurs ont repris le projet de John Hammond. La leçon oubliée, il est question de faire un parc plus grand, plus moderne, avec plus de dinosaures et même avec des créatures n'ayant jamais existé...


Commentaire :

Une mise en scène inégale

Le film commence bien, aussi bien au niveau de l'hommage à la saga que de la mise en scène. Très vite, on a le droit à un plan sur une patte crochue. On s'attend à la présentation des véritables héros de la saga et... non. Il s'agit d'un dinosaure mais d'un dinosaure moderne, un oiseau! La mise en scène a du sens, elle rend compte directement de la filiation des espèces. Malheureusement, c'est le seul exploit de mise en scène car le reste est simplement fonctionnel. Comme tout film narratif, cela est en fait assez logique mais le problème est qu'elle est répétitive. En voici un exemple. Le premier travelling en plongée sur le parc est intéressant pour présenter les lieux et rend très bien en 3D. Avec le thème de John Williams, c'est une superbe présentation! Les suivants, quelques minutes plus tard, sont de trop, hormis pour la forme, c'est à dire la 3D. Heureusement, un changement d'échelle finit par se produire et nous met au plus près de la foule. La mise en scène est donc correcte mais loin d'être extraordinaire. Les effets spéciaux sont néanmoins très bons et arrivent à faire oublier les animatroniques, ce qui était loin d'être gagné. Les combats, fruit de chorégraphies, d'effets spéciaux et de la mise en scène sont réussis. Dans la forme, le film est donc plutôt satisfaisant.

Une écriture moyenne

Le problème se trouve donc au niveau du fond. La progression de l'histoire est linéaire et donc très téléphonée. Le scénario n'est pas assez raffiné pour surprendre hormis quelques rares exceptions. C'est un point assez problématique car l'histoire générale est attendue, la seule question est donc de savoir comment la machine va dérailler. La réponse étant peu complexe, il reste simplement le spectacle de l'action. Les dinosaures en eux-mêmes ne sont pas particulièrement exploités (à l'exception des plus connus) et ne sont pas un spectacle en eux-mêmes. Cela est relativement dommage car ils sont l'ADN de Jurassic Park. Les personnages sont également peu attachants. Entre des enfants dont l'histoire n'est pas assez creusée et dont l'impact sur l'intrigue est faible et deux adultes à la personnalité stéréotypée, la profondeur n'y est pas. Sans parler du personnage voyant des applications militaires partout. Dans une certaine mesure, seuls le docteur Wong (bien qu'un archétype aussi) et surtout le milliardaire Masrani sont intéressants. Malheureusement, ils sont très secondaires. Pour autant, le film est paradoxalement sauvé par un élément...

Paradoxalement sauvé par l'hommage

Le réalisateur Colin Trevorrow est un grand fan de la Saga et cela se voit. Ainsi, si les fans sont désolés par la qualité de la production, ils pourront être heureux de voir que les références sont nombreuses. Pour ainsi dire, elles sont mêmes trop présentes, indice allant dans le sens que Jurassic World n'arrive pas à créer sa propre aventure. D'ailleurs, les références ne font pas toujours sens et paraissent disséminées simplement pour l'hommage. Les vélociraptors, le T-Rex, les 4x4, le docteur Wong, les lieux, les deux enfants etc, tous ces éléments sont des références au premier film de Spielberg. Ce dernier s'était également distingué par la rigueur scientifique de son film, ce qui n'est pas le cas pour cet épisode. La recherche a en effet fait d'énormes avancées depuis les années 90. L'hommage aurait donc dû se trouver dans les intentions de réalisation, c'est à dire qu'il aurait sans doute fallu faire un film à la pointe des connaissances dans le domaine de l'archéologie plutôt que de faire des hommages copiés / collés de quelques figures et designs. Cela aurait été plus subtil. Néanmoins, paradoxalement ces références, associées aux thèmes de John Williams, sauvent le film en apportant un peu du souffle et de la magie des anciens films. - A noter que quelques thèmes de Williams sont réutilisés mais c'est Michael Giacchino qui est à la composition -. Le climax est par exemple construit autour du retour d'un héros du premier film qui, même s'il est dans une situation ubuesque, arrive à conclure le film de manière satisfaisante. Néanmoins, on constate à cette occasion que Trevorrow est avant tout un fan de la saga mais pas nécessairement des dinosaures. Cela constitue effectivement un souci pour le fond. 

Des thématiques non renouvelées (spoils)

Le premier film Jurassic Park abordait la thématique du progrès et de la science confrontée à leurs exploitations commerciales. La thématique est exactement la même ici et n'est pas plus approfondie. Le message de Jurassic Park était en substance que l'homme est loin d'avoir tous les outils et la sagesse nécessaire pour maîtriser ses créations. Pour Jurassic World, la thématique est abordée de la même façon avec les mêmes résultats mais de manière moins subtile. L'époque fait que la question est plus radicale. La technologie permet en effet aujourd'hui de rationaliser beaucoup de choses et de ramener des éléments vivants à des chiffres. Cette évolution dangereuse de notre société est, à juste titre, soulignée mais peut-être un peu trop. Il est évident que le personnage de Clair a perdu tout sens de la réalité et ne pense qu'au profit et à la satisfaction des actionnaires. Chez Spielberg, son sort aurait été scellé pour la morale. Ici, elle finit sain et sauve avec juste une bonne leçon... Au vu de son attitude au début, cela n'est pas mérité. En revanche, le milliardaire Masrani qui lui refuse de mettre des chiffres derrière toute chose connaît un sort funeste. Il a été certes un peu naïf mais simplement aveuglé par son optimisme. Ce personnage était intéressant et aurait mérité un meilleur sort. La saga ayant une dimension morale, ces dénouements sont surprenants. Concernant le personnage cherchant des applications militaires chez les dinosaures génétiquement modifiés, sa fin est attendue mais cela était particulièrement évident étant donné le monolithisme du bonhomme. En outre, sa place n'est pas forcément pertinente bien que cette piste n'ait pas avant été abordée. On imagine peu des vélociraptors sur les champs de bataille. Quant à son argument consistant à dire que ces créatures feraient mieux que des robots perfectionnés, il est vraiment très difficile d'y croire. Jurassic World aurait donc dû prendre le pari d'aller sur des pistes inexplorées car ré-aborder des thèmes déjà visités de manière moins pertinente en rajoutant des pistes incongrues a rendu le fond du sujet peu intéressant.

En définitive, Jurassic World divertit. Mais la magie, la découverte et l'aventure n'y sont plus. Il y a presque une mise en abîme entre le film et le parc : il faut donner plus au spectateur... mais a t-il seulement besoin de plus ? Trevorrow paraît s'amuser avec les dinosaures comme un enfant avec des figurines. 





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