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samedi 11 mai 2024

La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume


Synopsis :

Plusieurs générations après César, ce dernier est devenu une légende. Mais comme toute légende, l'histoire est transformée et appropriée de façon différente selon les clans de singes et, le message de paix de César n'est pas forcément préservé...


Commentaire :

Entre le réel et le CGI, l'aspect technique toujours aussi impressionnant

Le nouveau réalisateur Wes Ball s'inscrit dans la lignée de la dernière trilogie avec une mise en scène efficace et narrative. L'enjeu est de produire un film à grand spectacle mais aussi de grande qualité comme l'est la saga depuis son retour au cinéma. Peu de plans sont particulièrement marquants, en revanche, l'ensemble est fluide et arrive parfaitement à articuler les temps forts et les temps faibles qui sont la marque de fabrique de la saga, qui propose toujours des temps de réflexion. La mise en scène arrive également à gérer les dialogues de manière dynamique alors qu'une partie se fait une nouvelle fois en langage des signes. L'aspect technique revient également sur le devant de la scène, avec un tour de force renouvelé. S'il est évident que les singes sont en CGI, leur intégration dans des décors naturels se fait sans aucune difficulté, ainsi que leurs interactions avec de vrais acteurs (les singes sont également joués par des acteurs, cela rendant plus simple l'interaction). L'univers est crédible, ce qui permet une projection du spectateur dans l'histoire. Seul bémol subjectif ; peut-être manque t-il une scène de forte émotion, le film se concentrant plus sur son intrigue que sur ses personnages. A musique, John Paesano reprend quelques anciens thèmes et effectue un excellent travail, la mise en tension et l'émotion reposant également sur une partition travaillée. Il n'y a pas nécessairement de grands thèmes marquants, mais plusieurs leitmotivs récurants. C'est le cas de celui des humains qui donne le sentiment d'exotisme (vis-à-vis des singes) mais aussi de soupçon... La musique est donc également narrative. 

Une histoire prenante avec de la profondeur [spoilers]

L'intrigue convainc car elle présente une profondeur, palpable ne serait-ce que par le décor. Les anciennes traces urbanistiques de l'humanité servent d'arrière-plan au film. Les singes de leur côté, suivent leur propre évolution en reprenant les grandes étapes de l'évolution de l'humanité. Tout l'enjeu pour les singes est de ne pas suivre exactement la même voie pour ne pas disparaître comme les humains et leur hubris. La légende autour de César, plus au moins triturée et la mémoire des singes de leur passé, finissent de convaincre de la profondeur de l'œuvre et donc de la crédibilité de l'univers. Ce passé est d'ailleurs le fil conducteur et est un des enjeux du film. Les références à la Bible et au mythe de Noé rajoutent de la pesanteur à l'histoire. Les références sont utilisées mais aussi bien exploitées dans le contexte du film. Ainsi, une partie du récit se passe dans un navire (qui d'ailleurs accueille ce qui semble à un moment les deux derniers représentants intelligents de l'espèce humaine) et l'eau finira par engloutir les "mauvais" singes, ceux utilisant la force et donnant la mort. Noah lui conduit son clan "juste" dans une structure où ils sont sauvés. Le film est assez bien fait pour que les références ne soient pas nécessaires mais les comprendre rajoute un cachet à l'œuvre. 

Les thématiques d'un récit biblique [Spoilers]

La Planète des Singes : Suprématie était une réécriture du mythe de Moïse. L'évocation du prénom du héros Noah (Noé) dans les premières minutes donne l'orientation de ce nouvel épisode. Cela montre également que cet épisode s'inscrit directement dans la lignée du précédent (tout en étant détaché du point de vue de l'intrigue, puisque se passant 300 ans après). Les thématiques seront donc celles de la Genèse mais également de l'interprétation de la religion. Dans ce monde, César est devenu le nouvel Adam. Il s'agit de l'ancêtre de tous les singes, le fondateur originel dont tous les singes se revendiquent, quand ils ne l'ont pas oublié... Toutefois, même le clan de Noah qui ignore qui est César, suit les règles établies par ce dernier. Les singes du clan de Noah ignorent l'origine des lois, mais ils les suivent comme leur a inculqué les anciens. Toutefois, Noah suit les règles car il sait aussi qu'elles sont justes, c'est ce qui le rapproche du personnage biblique de Noé. Le Noé biblique incarne l'idéal de justice et de bonté, il est celui qui montre de la compassion en sauvant les animaux et souhaite préserver la nature en accueillant des couples d'animaux pour assurer l'avenir. Noah montre sa douceur envers les animaux (les aigles), dans le respect de l'équilibre de la nature (il ne prend pas tous les œufs du nid) et même envers les curieux humains pourtant méprisés par les singes. Par ailleurs, il ne tue personne pendant l'ensemble de l'intrigue alors qu'il lutte face à des ennemis qui ne se privent pas de donner la mort. Noah propose donc le chemin de la réconciliation dans un monde où s'opposent Hommes et Singes. Il est la voie juste mais d'autres personnages présentent des visions du monde différentes. Raka l'orang-outan présente la sagesse, une version proche de celle de César et donc de Noah mais plus théorique et érudite avec toutefois une altération de l'Histoire puisque pour Raka, les singes ont toujours dominé les humains. Les vestiges du monde sont des vestiges de Singes. Il faut donc protéger les humains mais comme les humains aujourd'hui peuvent avoir de compassion pour le reste du monde animal. Il représente la voie juste mais un peu trop humaine ou naïve à certains égards. Il aide toutefois Noah à trouver et à savoir ce qui est juste. Face à lui, se trouve Proximus César, l'usurpateur, qui représente le fanatisme. Dans la figure de César, il ne retient que ce qui lui permet d'assurer sa domination. Il tord ainsi la figure prophétique à son profit. Dans la Genèse, il s'apparente aux descendants de Caïn qui sont des êtres violents. Paradoxalement, il est le singe le moins naïf de l'histoire car il connaît le véritable passé du monde contrairement à Raka. Il sait que l'humain en position de force exerce toujours un rapport de domination sur l'ensemble des autres êtres. Alors à l'âge de la Révolution agricole, Proximus César voit dans les connaissances humaines et leur armement, la manière de ne jamais se retrouver de nouveau sous la coupe humaine. Toutefois, en choisissant cette voie, Proximus César prend la voie de la violence... en "s'humanisant" trop fortement, il ne vaut alors pas mieux que les humains. Noah représente à côté la possibilité pour les singes de conquérir leur "humanité" (au sens cette fois-ci noble du terme, en renonçant au droit du plus fort). Il n'est pas prêt à suivre la loi de Proximus qui est une loi injuste et dévoyée. Il est celui qui peut trancher et réfléchir. Pourtant, le film nous dit habilement que Proximus est peut-être la seule voie réaliste face aux humains car l'humaine Nova, n'a de cesse de mentir sur ses intentions... Le dernier plan avec Nova et le pistolet dans le dos est à ce titre révélateur. Elle est une alliée de circonstance pour Noah contre l'oppression de Proximus, mais elle représente également le risque d'une future oppression humaine. Le suite de la Trilogie complètera le propos mais la complexité amenée ici est déjà satisfaisante. Ainsi, le film nous propose une relecture de Genèse (pour peu qu'on ait les références) tout en présentant une critique du fanatisme (accessible à tout le monde).
Le message du film semble alors être que pour que les Singes aient un avenir, ils doivent trouver leur propre voie en évitant celle prise par les humains, qui est certes simple mais aussi vouée à l'échec. Le fanatisme humain est tout sauf un modèle!


En définitive, dans le prolongement de la dernière Trilogie, ce nouvel épisode est fidèle à la saga en qualité visuelle et scénaristique. L'intrigue reprend habilement un nouvel épisode biblique tout en offrant une critique du fanatisme. 




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