Les sorties de la semaine

lundi 7 mars 2022

The Batman

 


Synopsis :

Gotham City est gangréné par la pègre et la corruption. Batman incarne alors la vengeance dans une ville où la Justice n'est pas rendue. Toutefois, il est mis à l'épreuve par une série de meurtres impliquant un certain homme mystère...

Commentaire :

Une mise en scène classieuse de film noir

Matt Reeves, connu pour avoir brillamment terminé la saga de la Planète des Singes, s'attaque avec réussite au genre du Super-héros. Toutefois, le film s'inscrit avant tout dans le genre du film noir, avec son atmosphère très glauque, une tonalité visuelle très sombre avec un travail sur les ombres et une photographie léchée jouant sur les lumières artificielles de la ville de nuit. C'est en effet la photographie qui marque du fait du grand nombre de plans travaillés. Les plans sur Batman, particulièrement en pied sont souvent mémorables dans l'iconisation du super-héros, mais les plans sur la ville, personnage à part entière sont également marquants. La profondeur de champ dans la ville (notamment sur les plans de rue) avec des lignes qui s'étirent, sert à dépeindre Gotham City en ogre étouffant. On retrouve la ville américaine délabrée des années 80-90 qui écrase les honnêtes gens. Ce qui fait de ce Batman un bon film, même avant d'être un bon Batman est le sens donner à la mise en scène qui sert souvent à décrire la thématique de la scène. La mise en scène est ainsi loin d'être uniquement fonctionnelle, elle souligne le propos (voir le plan où Batman devient un symbole d'espoir en guidant les citoyens de Gotham). Le point faible du film peut se situer au niveau de son montage et du rythme, notamment dans la première partie du film. Toutefois, le scénario à tiroirs, point fort en revanche de ce thriller, finit par apporter un réel dynamisme. La musique est également de très bonne facture avec Michael Giacchino dans un style beaucoup moins orchestral qu'à l'habitude. Les violons stridents du film noir et du film d'horreur font beaucoup pour l'ambiance générale. Michael Giacchino arrive également à donner un thème mémorable (en 2 notes, comme the Dark Knight) à ce nouveau Batman. Il faut dire qu'il est répété abondamment. Giacchino utilise également le mickeymousing pour souligner l'action par la bande sonore. Un vrai travail a été ainsi réalisé autour de la bande musicale, qui a par ailleurs été écrite avant le tournage des scènes. En fin de film, Giacchino retrouve un style plus symphonique qu'on lui connait mieux. Le défi de la bande musicale est parfaitement relevé. 

Des thèmes traités et exploités ? [Spoilers]

Les films autour de Batman, chez DC, sont très riches en thématiques depuis plusieurs décennies. Les Batman chez Nolan proposaient une philosophie politique, le Batman Vs Superman de Snyder (la Snyder's cut) proposait une métaphysique alors que le dernier Joker de Phillips proposait une approche sociologique de Gotham. Malheureusement, le Batman de Reeves n'a pas la même puissance thématique bien que différents sujets des précédents Batman se retrouvent dans le film. L'approche social du Joker est limité du fait que la critique structuraliste des super-riches n'aillent pas complètement au bout, en épargnant ou en ménageant pour le moins Thomas Wayne, même s'il semble que le film ait failli prendre ce chemin. Par ailleurs, le questionnement autour de la légitimé de l'action de Batman reste amoindri au regard du film de Snyder du fait que le Batman de Reeves présente un jeune Batman qui lui même ne sait pas vraiment en vertu de quelle valeur il agit. Il pense agir au nom de la vengeance, ce qui est d'ailleurs l'appellation qu'il se donne lui-même. Le film traite plutôt intelligemment ce premier aspect du personnage qui finit par voir les limites de sa légitimité, lorsque des groupuscules d'extrême-droite reprennent cette appellation. L'antagoniste principal du film, leader de ces groupuscules pense d'ailleurs travailler avec Batman et le guide à travers la corruption dans la ville. Certes Batman se bat aux côtés des plus faibles mais il n'utilise pas les mêmes méthodes ni n'a le même objectif que ces individus radicaux. Lorsque Batman se rend compte qu'il peut servir de bannière à la folie, il choisit de changer de symbolique. Il choisit alors d'incarner l'espoir, ce qui est quelque peu regrettable puisqu'il s'agit d'une vieille valeur transcendante - religieuse, de plus associée à Superman. Elle n'est par ailleurs pas suivie d'effet en tant que simple croyance contrairement à la Vengeance et la Justice. Le choix de la Justice comme symbolique aurait été plus judicieux puisqu'elle aurait permis de corriger l'action de vengeance et expliquer que la mesure intrinsèque à la Justice permet d'éviter les dérives et les récupérations douteuses. C'est par ailleurs la Justice qui fait défaut à Gotham du fait de la corruption. Toutefois, ce Batman étant jeune, cette orientation sera peut être un sujet des prochains films. Si la symbolique est un peu décevante, la description presque sociologique des milieux d'extrême-droite est en revanche plutôt fouillée et pertinente notamment dans son rapport aux réseaux sociaux. Il est intéressant de noter que leurs revendications premières sont d'ailleurs entendables voire légitimes et que le capitalisme, qui plus est corrompu, offre le parfait terreau à l'émergence de tels groupes. 

En définitive, The Batman de Matt Reeves remet DC à l'honneur en proposant un film noir, sombre à souhait pour le héros de la nuit. Espérons que cette proposition de cinéma trouve un large public.  



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