Les sorties de la semaine

samedi 27 novembre 2021

Amants

 

Synopsis :

Simon et Lisa sont deux jeunes amants vivant à Paris. Alors que Lisa poursuit ses études, Simon a investi le monde obscure de la nuit parisienne. Lisa sent que ce mode de vie finira par mettre leur relation en danger...

Commentaire :

Une mise en scène du film noir

La qualité du film de Nicole Garcia est avant tout formelle. En effet, le film est soigné du premier au dernier plan, dans son cadre mais également dans son étalonnage. Le genre du film noir, par l'image terne au niveau des couleurs mais contrastée dans l'opposition noir/blanc, s'impose très vite. Le ton du film est directement décelable par teinte de l'image, nous faisant comprendre que la romance montrée et narrée sera un drame voire une tragédie. Les mouvements de caméra sont également extrêmement travaillés comme le signal plusieurs petits plans séquences au cours du film. La photographie est pensée avec soin et le principal point fort du film, celle-ci étant aidée par des environnements visuellement marquant (l'environnement de la haute bourgeoisie). La musique est distinguée mais n'exploite pas toute la puissance orchestrale, cela correspond toutefois plutôt bien au genre. Grégoire Hetzel choisit ainsi habilement une certaine retenue. C'est donc un film techniquement irréprochable. Les acteurs, et Benoît Magimel en premier lieu, délivrent tous également une grande performance.

Les thématiques, d'un classicisme ennuyant [spoilers]

Le schéma du trio amoureux tragique ne permet pas de rendre le fond véritablement intéressant. Le film est avant tout un exercice de style mais n'a pas grand chose à raconter ou de sujet sur lequel faire réfléchir. La description tout au plus de la très haute bourgeoisie naviguant à travers l'archipel métropolitain mondial est à saluer. Toutefois, la thématique de l'argent et notamment la question de savoir si l'argent peut véritablement tout à acheter est très banale. Le film répond naïvement ou peut-être angéliquement par la négative ; l'amour et ses corolaires (passion et haine) n'étant pas perméables à la Raison. Une réponse inverse, plus cynique, aurait pu faire gagner en âpreté (réalisme du pouvoir de l'argent) plutôt qu'à travailler le tragique (romanesque mais peu intéressant dans la description du pouvoir). Le film parait finalement assez artificiel au-delà de son scénario fonctionnel, celui-ci ne nous disant fondamentalement rien. Le film manque d'un point de vue novateur sur l'argent et l'amour. 

En définitive, Amants est un film noir réussi dans l'exercice formel mais sans réel propos de fond ou point de vue original sur la question de l'argent et de l'amour. Loin d'être transcendant. 



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vendredi 5 novembre 2021

Les Eternels

 


Synopsis :

Les Eternels sont des êtres immortels envoyés sur Terre par les Célestes afin de défendre les humains de créatures particulièrement dangereuses appelées les Déviants... Eliminées il y a plus de 500 ans, ces créatures refont leur apparition de nos jours...


Commentaire :

Une mise en scène neuve dans le MCU

La réalisatrice oscarisée Chloé Zhao renouvelle l'image et le rythme chez Marvel, pour le plus grand bien de la série cinématographique. La réalisatrice de cinéma indépendant apporte son sens du rythme ainsi qu'une ambition visuelle plus naturaliste. En effet, ce blockbuster a la qualité de travailler des temps faibles, importants ici pour introduire de nombreux personnages. Si certains sont plus mis en avant que d'autres, tous ont une personnalité bien définie et des pouvoirs identifiés. Cela est dû à un équilibre réussi entre temps forts (action) et temps faibles (travail sur les personnages et leurs relations aux autres). Le film Les Eternels évite ainsi l'écueil de nombreux blockbusters qui est une surenchère d'action. Chloé Zhao impose aussi son style par sa réalisation favorisant la lumière naturelle et faisant place le plus possible aux décors réels ou en dur. La photographie cherche toujours à replacer les personnages dans leur environnement, ce qui en plus d'être esthétique, sert la narration qui parcourt plusieurs espaces et époques. Notons l'incroyable représentation de Babylone et de ses jardins suspendus. A noter également, les magnifiques plans dans l'espace qui donne une impression de gigantisme à l'œuvre et concourt à son ambition mythologique. Visuellement, ce film se distingue ainsi assez fortement des autres films du Marvel Cinematic Univers, ce qui en fait un film avec une réelle personnalité et presque autonome vis-à-vis de la série. A la musique, Ramin Djawadi a tout le loisir de s'exprimer avec une mise en scène laissant la dimension sonore s'exprimer. Le thème principal est plutôt efficace en alliant héroïsme et solennité (orgue et chœur), ce qui est tout à fait approprié à des personnages divins.  

Le film sérieux de grand spectacle par essence

Certaines critiques trouvent un certain côté DC à ce film Marvel et nous pouvons leur donner raison. En effet, ce film est assez sérieux pour une production Marvel bien que l'humour ne soit pas absent et que certaines scènes héroïques ou dramatiques soient désamorcées. Toutefois, ce n'est pas systématique, ce qui préserve certains moments sérieux et donc intenses. La réalisation a le courage d'assumer l'ambition démesurée du film qui possède une dimension cosmique et sacrée (il s'agit d'une Genèse). Marvel s'empare du côté mythologique avec une certaine réussite comme le démontre l'ouverture du film. Par ailleurs, les super-héros sont d'essence divine et renvoient aux différentes mythologies humaines. Ce n'est pas un hasard si des personnages de DC sont cités dans le film car le super-héros - Dieu est leur marque de fabrique. Ce nouveau ton est un renouveau dans une série toujours contraint par son humour. Si DC n'arrive pas à faire ses films, Marvel fera alors des films à la façon de DC. Dommage que l'original n'ait jamais attiré le public.

De nombreuses thématiques et quelques incohérences  [Spoilers]

Les thématiques sont nombreuses et variées. Elles restent néanmoins internes à l'œuvre dans le sens où elles servent avant tout la narration sans qu'elles ne puissent la dépasser. La thématique principale qui structure l'ensemble du film est celle de la Foi. En effet, les Eternels sont les serviteurs et les envoyés du Dieu primordial Arishem. Ils sont ainsi totalement dévoués à leur maître. La question qui se pose est alors celle du libre-arbitre vis-à-vis de ce Dieu dont les desseins dépassent l'entendement humain et même des Eternels. Il est encore plus dur de perdre la Foi en en ce Dieu qui lui existe et répond en partie aux interrogations. Le principal dilemme se porte alors entre la Foi en ce Dieu et la Foi dans l'humanité. Incapable d'imaginer la conséquence de leur désobéissance, c'est donc leur ressenti et leur instinct que les Eternels utilisent pour faire leur choix. La Raison n'est d'aucun secours ici. C'est le cas de Sersi l'héroïne principale qui suit ce qui lui semble juste. Même d'Ikaris, le plus fidèle serviteur d'Arishem choisit le voie du cœur (lui n'a pas Foi en l'humanité) plutôt que celui de la Foi en Dieu. Dans un sens, les Eternels adoptent une posture nietzschéenne puisqu'ils choisissent le présent (et l'Humanité) plutôt que le futur et les mondes nouveaux promis par Arishem. Il y a néanmoins quelques incohérences de fond, notamment sur la méthode utilisée par les Célestes. En effet, la non intervention des Eternels dans les guerres de l'humanité se justifie par le fait que les humains doivent apprendre de leurs erreurs. Il n'est donc pas possible de les guider. Ils doivent apprendre par l'expérience afin de devenir autonomes (maîtriser la technologie mais aussi l'éthique). Cela est jusque là compréhensible. Toutefois, si l'objectif final est de faire des humains du bétail à Célestes, il n'était pas nécessaire de les faire passer par tant de souffrances et les Eternels auraient très bien pu les guider. La justification d'Arishem ne tient pas ici. Le grand Dieu s'en trouve presque sadique. 
Une thématique plus secondaire est celle de l'inclusion, qui n'est pas explicitée mais simplement montrée. En effet, les personnages de Comics étaient tous blancs. Ils sont ici beaucoup plus représentatifs de la diversité humaine, ce qui est logique pour des envoyer divins. Les différents espaces et temporalités (civilisations) visités sont également représentés avec beaucoup de respect. Deux autres éléments pour l'inclusion sont à saluer (bien que plus incohérents). La première relation homosexuelle est enfin clairement montrée dans la série Marvel. Celle-ci est évidente tout en étant amenée très naturellement. Toutefois, il est un peu étrange que les Eternels soient concernés par l'amour qui est un impératif d'une espèce ayant besoin de reproduction. Il pourrait demeurer un amour pleinement platonique, de Raison, mais cela ne semble pas le cas ici. Sersi, Sprite, Ikaris, Phastos (voire Druig et Makkari ?) ont plus ou moins des raisons / passions amoureuses. Cela n'en fait pas de grands sages pour des êtres divins ayant des millénaires. Ils sont en fait très humains dans leur comportement. Partant de ce principe, quitte à les faire sensible à l'amour, montrer une relation homosexuelle est une idée pertinente. Autre idée intéressante d'inclusion ; montrer un personnage héroïque handicapé (Makkari). Le film va au bout de la démarche puisque l'actrice est véritablement sourde et communique donc dans la langue des signes, apprenant au passage la langue aux autres acteurs. La limite de la démarche est que nous imaginons mal un Dieu créer et envoyer un serviteur handicapé (qui certes a développé d'autres capacités à côté). Par ailleurs, les Eternels ont tous à un don de guérison. Toutefois, si on omet de pousser la logique jusqu'au bout, ce qui n'est pas nécessaire à l'histoire, les différentes inclusions apportent un réel plus à ce film. Cela est surtout fait avec finesse comme si l'inclusion était un acte naturel et non un impératif de marché. 


En définitive, Les Eternels est un film ambitieux et abouti. La mise en scène de Chloé Zhao apporte un nouveau souffle à la série de films Marvel. Elle arrive par ailleurs à apporter du sérieux à un univers dont le tragique était toujours désamorcé par l'humour.   



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