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vendredi 22 avril 2016

Le Chasseur et la Reine des Glaces


Synopsis :

Freya, la jeune sœur de Ravenna, est rongée par le chagrin après la mort de son bébé dans un incendie. Son amant, le père de l'enfant, est le responsable. Comprenant que l'amour est un mal qui rend aveugle, elle décide de bannir l'amour de tout le royaume du Nord...


Commentaire :

Quand Andersen rencontre les frères Grimm

Les contes ont été racontés et re-racontés. Valeur sûre car ancrés dans la culture populaire, les contes au septième art doivent toutefois pouvoir proposer quelque chose de nouveau au spectateur. A l'instar de Maléfique, il est possible de repenser le conte en changeant de point de vue. Mais il est possible d'aller plus loin. Pour le cas présent, il a été question de croiser l'univers de Blanche-Neige (sans cette dernière toutefois) des frères Grimm à ce qui semble être la Reine des Neiges d'Andersen, même si cela n'est pas confirmé officiellement. Freya, la Reine des Glaces, ressemble énormément au personnage du conteur danois, bien plus que le personnage d'Elsa du fameux Disney. Au niveau de la cohérence, le film s'arrime parfaitement au premier film de 2012 qui proposait la version classique de l'histoire de Blanche-Neige. Le Chasseur et la Reine des Glaces se situe avant et après le premier film tout en respectant l'histoire déjà présenté au spectateur. Le film réussit donc le pari du spin off - prequel - sequel cohérent, ce qui est un petit exploit. 

Une direction artistique irréprochable

C'est au réalisateur français Cédric Nicolas-Troyan qu'est finalement revenu le projet du Chasseur et la Reine des Glaces, lui qui était second réalisateur sur le premier film. La mise en scène est simplement au service de la narration; la scène la plus élaborée étant la belle scène d'introduction avec le jeu d'échec, métaphore des plans de la méchante Reine. Cela n'empêche pas le film d'être par ailleurs très beau. Dans un style toujours aussi proche (que le premier) de l'heroic fantasy, le film impressionne par sa direction artistique. Le film présente des créatures jamais vues (monture de la Reine des Glaces) et réussit à présenter des gobelins innovants et crédibles, tâche difficile après l'adaptation au cinéma de Tolkien. L'univers du conte est lui présenté par le biais de plans généraux sur les différents paysages, pour la plupart réalisés à partir de paysages existants en Angleterre. Les plans sont épiques et iconiques fidèles héritiers du travail de Peter Jackson. Une grande partie des décors ont été reconstruits pour un effet réaliste très saisissant qui force à l'immersion. Les costumes sont magnifiques; ceux des deux reines sont particulièrement sublimes. Les autres personnages ont eux des costumes très réalistes et fonctionnels. Soulignons les magnifiques armures des différentes armées. Ce n'est pas un hasard si l'on retrouve la trois fois oscarisée Colleen Atwood derrière ce travail qui mériterait ici une nouvelle nomination. 
Le travail des acteurs n'est pas en reste. Plus précisément, c'est le casting féminin qui force le respect. La simple présence de Charlize Theron, Jessica Chastain et Emily Blunt est un argument suffisant pour aller voir le film. Charlize Theron, moins présente que ses comparses, illumine l'écran dès qu'elle s'y trouve, capable d’éclipser le reste du casting, très à l'aise dans le rôle de la méchante Reine. Emily Blunt est sublime dans le rôle de la Reine des Glaces qu'elle interprète avec grande justesse, glaciale avec un soupçon de fragilité. Quant à Jessica Chastain, elle est impressionnante en guerrière, réalisant une grande partie de ses cascades. Dommage néanmoins qu'elle ne soit pas plus dans l'émotion car dès qu'elle offre une interprétation plus subtile, l'effet est poignant. Chris Hemsworth, qui lui campe le personnage principal, n'est finalement pas le plus intéressant parmi ces dames, son jeu étant un peu lourd mais toujours impressionnant au combat. 
Pour terminer ici, notons le bon travail de James Newton Howard à la bande musicale qui contribue à souligner le côté épique et grandiose du film. La chanson du générique de Halsey est aussi excellente.
En substance, il est évident que la direction artistique est le point fort de film.

Un scénario banal pour un fond peu travaillé [Spoilers]

Le film pêche néanmoins au niveau de son scénario, plutôt banal faisant juste le travail. Il existe à regret seulement deux petits retournements de situation prévisibles. Si le film est avant tout narratif, le moteur de l'intrigue est très simple et le schéma de l'histoire attendu. Il est par ailleurs dommage que les deux grandes méchantes, qui sont les personnages les plus saisissants et flamboyants, ne s'affrontent pas plus frontalement. Quitte à faire un film simple, ne pas lésiner sur l'action.
Il existe également une question subsidiaire sur la représentation des ethnies dans ce conte, qui prend place vraisemblablement en fonction des costumes, des paysages, des bâtiments et de l'histoire, sur un continent inspiré de l'Europe centrale (germanique) et de l'Europe scandinave moyenâgeuse. Bien qu'il s'agisse d'une Europe relevant de l'imaginaire, la machine Hollywood semble vouloir représenter sa population actuelle dans ces contes, ce qui produit un effet étrange. En développant simplement l'histoire, en faisant intervenir par exemple des conquêtes lointaines, des populations de type subsaharienne auraient pu apparaître sans problème dans l'histoire. Mais amener ainsi, le choix ne va pas de soi pour des petits villages du Nord, alors qu'il y a un effort de réalisme sur l'univers. Cela semble relever du quota. Quitte à vouloir promouvoir la diversité, il fallait proposer un personnage principal à la minorité afro-américaine avec un background développé et explicatif. Les quatre personnages principaux restent presque hypocritement blonds ou roux aux yeux bleus... 
Néanmoins, c'est au niveau du message que le bât blesse le plus car dans un conte, la morale est primordiale. Il n'y a ici qu'un thème : l'amour. La notion n'est pas du tout travaillée ; il n'y a que la Reine des Glaces qui tente de s'y confronter en soulignant que l'amour peut rendre aveugle à la raison. Cela ne va pas plus loin. Il y a pourtant plusieurs types d'amour mais le film ne semble pas s'en inquiéter. Le Chasseur connaît l'amour donc il est capable de triompher de tout. Mais le film ne nous dit pas ce qu'est véritablement l'amour. Présenter ainsi, c'est presque cliché dans un conte.

En définitive, Le Chasseur et la Reine des Glaces est un bon divertissement qui offre une aventure immersive dans un monde d'heroic fantasy. Malheureusement, tout cela reste trop superficiel. Un plaisir coupable.    


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