Les sorties de la semaine

jeudi 31 mars 2016

Batman Vs Superman : L'Aube de la Justice


Synopsis :

Bruce Wayne a été très marqué par le combat entre Superman et le général Zod et pense que les Kryptoniens représentent un danger pour la Terre. Pour lui mais également pour un nombre croissant d'Américains, Superman ne peut continuer à rendre seul la justice. Il doit rendre des comptes ou être détruit...


Commentaire :

La surabondance 

La dernière réalisation de Snyder est profondément marquée par son style. Le réalisateur est très à l'aise pour adapter les comics en réussissant à transposer certaines vignettes iconiques en plans de cinéma. Pensons à l'entrée de Batman à travers une baie vitrée. Toutefois, le style Snyder trouve aussi ici ses limites en multipliant les gros plans, inserts, contre-plongées et ralenties. Aucun temps faible ne vient mettre en avant ces temps forts permanents qui produisent en fin de course une impression de surabondance. Dans cette saturation d'effets, le spectateur ne respire pas, même pour chercher à comprendre le sous-texte de Luthor. Cette mise en scène a le désavantage de ne pas assez ancrer les personnages dans l'environnement et de rendre les scènes d'actions (celle avec la batmobile notamment) floues. A cela, il faut rajouter les scènes de rêves, peu utiles lorsqu'elles montrent simplement de l'action. La musique très lourde de Zimmer et Junkie XL rajoute encore à ce trop plein d'effets. 

Scénario et thématiques, entre bonnes idées et mauvaise réalisation [Spoilers]

Le scénario est plutôt simple mais efficace bien qu'il souffre d'avoir été dévoilé dès la deuxième bande-annonce. Néanmoins, les retournements de situation sont faits de très grosses ficelles. Par exemple, la décision qui conduit Batman à ravaler sa haine contre Superman est fortuite et est simplement le fruit de l'émotion et non de la raison. Quelques plans plus tard, il en est déjà à parler d'ami alors qu'il nourrissait cette haine depuis deux ans selon Luthor. Autre exemple, l'attaque finale de Superman précédée par la réaction de Loïs, qui annonce déjà l'issue de cette attaque, désamorce la puissance de la scène. Ces points de rupture clefs dans le scénario plutôt mal amenés affaiblissent l'immersion. 
Les thématiques abordées par le film sont elles plutôt intéressantes mais certaines sont abordées superficiellement. La question religieuse par le biais de Superman comme personnage messianique est très réussie : il s'agit d'un semi-dieu puissant mais faillible qui essaye de faire le juste. Grande question : la population doit elle lui faire confiance ? La question religieuse est également abordée par un Lex Luthor, dont les propos sont très intéressants, quand l'acteur Jesse Eisenberg n'est pas dans le sur-jeu. A propos de Dieu il souligne le plus grand paradoxe des monothéismes : Soit Dieu est tout puissant et non bienveillant, soit il est bienveillant mais pas tout puissant. Superman serait du second type. A noter que le superhéros à la cape rouge est ici très réussi car il incarne d'autres symboles comme par exemple le migrant rejeté des Etats-Unis. A l'opposé, Batman ne porte pas de message très pertinent. Opposé à un Superman au-dessus des lois, il agit selon la même logique, sans rendre de compte à quiconque. Batman ne s'oppose pas l'action de Superman mais à sa nature même. Il n'est alors pas porteur d'une pensée différente et n'est donc pas un adversaire satisfaisant sur le fond. C'est peut-être pour cela que les deux super-héros ne peuvent réellement s'affronter, contrairement à ce qui devrait se produire entre Captain America et Iron Man pour Marvel, qui ont eux deux conceptions fondamentalement opposées de la politique. Sur le sujet politique, la sénatrice du film apporte finalement les contre-arguments de la démocratie à Superman mais la scène où les deux auraient dû s'opposer sur le fond est malheureusement avortée. Cette thématique qui promettait d'être fondamentale est donc éludée.  

En définitive, Batman Vs Superman n'est pas le grand film annoncé. Distrayant, parfois impressionnant, il pèche néanmoins sur de nombreux points.



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mercredi 23 mars 2016

Midnight Special




Synopsis :

Le jeune Alton est enlevé par deux hommes dont on ignore l'identité...


Commentaire :

Un long mystère 

La qualité de Midnight Special réside dans sa capacité à sauvegarder son mystère. En effet, beaucoup de films, fantastiques notamment, révèlent la vérité trop tôt ou délivre une vérité décevante au regard des événements de l'histoire. Midnight Special laisse le spectateur dans un mystère total et lui donne juste le minimum pour que celui-ci continue l'aventure. C'est peut-être également la limite du film de Jeff Nichols qui, à un moment, devrait fournir une explication au spectateur car s'il est plaisant de jouer avec la sensibilité de ce dernier, il est également pertinent de s'adresser à sa capacité d'entendement. Malheureusement, les éléments de l'intrigue se dévoilent sans rien expliquer dans un final surprenant mais qui ne satisfait pas la curiosité. 
Ce mystère est produit justement par le fait que ce film n'est pas tant proche d'un Spielberg que la communication de la production voudrait nous le faire croire. Certes, il y a un enfant, certes, il y a de la science-fiction (encore qu'ici la frontière est poreuse avec le fantastique) mais cela ne suffit pas pour faire de ce film une production spielbergrienne. Spielberg nous montre le monde à travers les yeux de jeunes héros mais dans Midnight Special, nous avons le point de vue des protagonistes entourant l'enfant. Le mystère de ce film reste entier car nous n'avons jamais le point de vue de Alton. 
Notons que la mise en scène s'accorde parfaitement avec le propos car celle-ci est très sobre. Elle s'attache à conserver le réalisme des émotions, cela bien aidé par les acteurs, tous excellents dans leur capacité de retenue. La réalisation s'affaire particulièrement à établir une hiérarchie des relations entre les personnages en faisant comprendre par les angles de caméra ou par les différences de taille des personnages dans le cadre qu'Alton prend l'ascendant sur tous les autres protagonistes. 
Il est nécessaire de noter que le film doit également beaucoup à la bande musicale lancinante de David Wingo qui produit un effet de flou et de répétition sans jamais vouloir apporter de note finale. La thème principal, joué dès l'introduction, pourrait se jouer en boucle car il s'agit d'un schéma se répétant avec à chaque fois une sonorité de plus. Un peu comme l'histoire qui accumule des éléments sans jamais dévoiler le pourquoi du mystère. 

Les thèmes : une SF prétexte

Paradoxalement, ce film de SF est pauvre en grands messages alors que le rôle de la SF est très souvent de faire réfléchir sur le monde et de souligner les risques des pensées et des technologies contemporaines. Il n'y a pas de questionnement de ce type ici parce-que la SF est plutôt un prétexte à l'histoire; le film pourrait s'en passer pour exprimer son message principal. La quête d'Alton s'avère être un MacGuffin. En effet, puisque le mystère n'est pas révélé (sommes nous fasse à des êtres divins ? des extraterrestres ? des êtres d'univers parallèles ? Alton est-il un élu ? Pourquoi est-il un élu ? Est-il un élu du fait de sa génétique ?) on ne sait jamais pourquoi le spectateur doit prendre partie pour la réussite du voyage de Alton. Ici, le sujet principal de film semble se restreindre à l'amour des parents pour leur enfant, qui est mis en exergue par cette épreuve. L'amour des parents est inconditionnel, qui en conséquence n'est pas questionné sur le fond. Le père et plus largement l'entourage d'Alton vont tout sacrifier pour leur croyance en Alton. La plus belle preuve d'amour est la résignation des parents à laisser partir leur enfant vers son destin tout en ignorant ce qu'il est. Comme ces protagonistes, le spectateur est obligé de tomber dans cette croyance inconditionnelle puisqu'il ignore la fin de tous les événements. L'amour inconditionnel est beau mais est peu compatible avec l'esprit critique.  

En définitive, Midnight Special est un film qui touche autant à la science-fiction, au thriller, au road movie qu'au fantastique. Il réussit à emmener sans condition le spectateur dans une histoire mystérieuse. Toutefois, on aimerait parfois comprendre le pourquoi de toute cette aventure; en deux mots, avoir une raison de s'investir dans cette histoire.



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mardi 22 mars 2016

Divergente 3


Synopsis :

Les habitants de Chicago savent désormais la vérité; au-delà du mur, un nouveau monde les attend. Néanmoins, Evelyn, la nouvelle dirigeante proclamée de Chicago, se montre tout aussi autoritaire que Jeanine et empêche les habitants de quitter la ville...


Commentaire :

Troisième épisode rythmé 

Un des défauts des deux premiers épisodes étaient principalement le rythme, ralenti par les états d'âmes des personnages. Divergente 3 est lui un film prenant. La subjectivité des personnages est sacrifiée au profit de l'histoire, particulièrement intéressante. En effet, les grandes questions en suspend pendant les deux premiers épisodes sont enfin abordées. Le spectateur accède finalement à la compréhension de ce monde et comprend les enjeux des protagonistes. La réalisation quant à elle, est narrative mais léchée. L'histoire est moins propice à la créativité de la réalisation du fait que les scènes de simulations soient absentes pour cet épisode. Toutefois certaines scènes méritent quand même d'être signalées. L'une d'entre elle présente un personnage perdant la mémoire en nous montrant son univers mental partir en braise. La métaphore est inventive et réussie. Voici le genre de petite scène donnant de la force à la réalisation. 
Si les acteurs (particulièrement Shailene Woodley) sont mis en valeur, la réalisation va également s'attacher à présenter de nouveaux lieux superbement réalisées, du désert toxique aux villes futuristes. Le passage dans le désert gagne à certains moments des airs de Mad Max! Il est toutefois dommage que l'on ne s'attarde pas plus dans les villes futuristes qui sont montrées principalement en plan général. De plus, les plans en intérieur de la nouvelle ville sont bizarrement assez proches des anciens décors de Chicago, ce qui donne une impression de redondance. 

L'impasse éthique franchie

Nous disions lors de la critique du second épisode que le message du film serait contestable si les Hommes de l'extérieur n'étaient pas remis en question pour la transformation de Chicago en ville test. Effectivement, le film prend cette direction : les Hommes de l'extérieur ne sont pas les anges qu'ils prétendent être, malgré leur grande avance technologique. Pour le personnage de David (directeur de la ville futuriste), la fin justifie les moyens; il est l'incarnation du savant fou. Mais au-delà de la résolution de l'impasse éthique du second épisode, l'intérêt de ce film est que sa critique est plurielle. Il critique tout autant l'attitude despotique d'Evelyn qui se transforme en nouvelle Jeanine, montrant qu'une révolution est bien un mouvement revenant au même point, que le pouvoir du peuple avec les sanglants tribunaux populaires. Finalement, peu importe quelle entité détient le pouvoir si elle n'agit pas avec raison. De même, le film dénonce autant l'attitude de la firme génétique voulant rendre l'humanité parfaite que leurs adversaires souhaitant purifier l'humanité des améliorations obtenues par la firme. Ces parties sont finalement les deux faces d'une même pièce souhaitant pratiquer un humanisme évolutionniste. Saluons cette complexité bienvenue alors que les anciens épisodes présentaient des situations assez stéréotypées. L'héroïne, Trist, va apporter ici la voie de la raison en affirmant qu'on ne peut juger un humain sur sa seule nature.
Même si la saga n'est pas terminée, les grandes questions de fond ont été soulevées et en partie résolues.  Le message de la saga devient clair et il est éthiquement correct. La seule question qu'il reste à résoudre est celle de la gouvernance de Chicago : quelle va être la réponse du film concernant la détention du pouvoir (qui doit le détenir ? quelles doivent être les qualités de l'entité le détenant ?). Nous avons un début de réponse avec Trist qui n'aime pas le pouvoir et qui semble donc destinée à le détenir. Cela serait une résolution satisfaisante du problème. Néanmoins, la difficulté en creux que nous voyons surgir ici est la pertinence du quatrième épisode, qui ne risque d'être qu'action pour conclure l'histoire alors que les messages sont déjà passés.
Notons que les questionnements philosophico-politiques sont véritablement intéressants et qu'ils se retrouvent traités régulièrement dans les films populaires à destinations des jeunes adultes (Hunger Games). Bien que les situations présentées soient souvent assez caricaturales, ces fictions dystopiques ont le méritent de proposer une réflexion politique de fond, souvent absente désormais du reste du paysage cinématographique.

En définitive, ce troisième épisode est une bonne surprise. Rythmé, riche en révélations avec des questionnements de fond intéressants. Divergente 3 redore le blason d'une saga qui en avait bien besoin. 





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