Les sorties de la semaine

samedi 17 septembre 2022

Tout le monde aime Jeanne



Synopsis

Icône de la start-up nation et de l'écologie, Jeanne voit sa vie s'écrouler lorsque son projet phare pour la récupération de plastique en mer tombe à l'eau... 


Commentaire :

Une prise de vue réelle teintée d'animation

Céline Devaux choisit de mêler les styles avec un drame teinté d'humour et une prise de vue réelle teintée d'animation. La dominante du film reste le drame car le sujet principal est la dépression. La colorimétrie oscillant entre le jaune et vert retranscrit cet univers morose dans lequel même le soleil portugais ne peut rendre le cadre totalement joyeux. Ce choix vise à détacher assez habillement le personnage du contexte comme si ce dernier n'arrivait pas à se plonger dans la réalité, toujours entravé dans une monde embrumé. L'insertion de plans d'animation vient ouvrir une fenêtre sur la psychologie du personnage permettant de montrer le cynisme des situations mais également de faire ressortir quelques traits d'humour. L'alternance entre les plans longs et froids des phases de dépression et les plans plus légers d'animation permet de faire respirer une œuvre qui sinon aurait été un peu lourde. L'intervention du personnage de Laurent Lafitte permet également de relancer un rythme sinon trop lent. Toutefois ce montage et cet rythmique permettent de retranscrire finement la situation dans laquelle est plongé un individu en dépression. A la bande musicale, Flavien Berger arrive avec des instruments singuliers (et des bruits du quotidien) à retranscrire le monde lancinant et parfois malaisant de la dépression.

Traiter la dépression ; d'une fine description à une résolution avortée

Le point fort du film est la description et la retranscription du sentiment de dépression, état dont il est difficile de faire l'auto-diagnostique ou qu'il est parfois plus aisé de nier. L'état de Jeanne est intelligemment caché au spectateur, qui n'est pas plus informé que la protagoniste sur le sujet, tout au plus, il sait que quelque chose cloche. C'est donc un autre personnage Jean, ayant fait l'expérience de la dépression qui permet au personnage et au spectateur de se rendre compte de la situation. Si l'explication de l'entrée dans un état dépressif est finement montrée (causes multiples - échec personnel, deuil) la sortie de cet état est un peu expédié et à ce titre le film aurait pu montrer quelques pages supplémentaires de la vie de Jeanne. En effet, même si Jean semble un personnage en définitive plutôt positif pour Jeanne, son comportement (lourd, limite malaisant ou déplacé) ne permet pas non plus de lui faire totalement confiance. Il peut être vu comme un personnage profitant de l'état dépressif de Jeanne. Par ailleurs, l'amour ou du moins l'attache à un nouveau personnage permet-il de résoudre la question du deuil et de l'échec personnel ? Jeanne va finalement mieux, mais le film la laisse dans une situation précaire et peut-être temporaire...


En définitive, Tout le monde aime Jeanne est une comédie dramatique saisissant plutôt habilement l'état dépressif. La question de la sortie de cet état est plus délicat. Alternant prises de vue réelle et animation, cette proposition de cinéma se laisse aisément regarder, emmenée par un beau casting.



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mercredi 14 septembre 2022

Hors-Série - Les anneaux de pouvoir

 


[Les Anneaux de Pouvoir : prometteur mais imparfait]

Force est de constater que la série des Anneaux de pouvoir est plutôt agréable à regarder et satisfait autant par la mise en scène léchée du talentueux J.A Bayona que ses effets spéciaux qui frôlent la perfection. La série est emportée par l’incroyable Morfydd Clark qui incarne parfaitement Galadriel de part ses traits physiques correspondant à la beauté elfique et par son jeu qui transmet clairement le côté déterminé du protagoniste. Un des points forts de la série est manifestement son rythme qui prend le temps de mettre en place le monde de 2nd Age, conforme à l’esprit de Tolkien qui aimait se perdre dans de longues descriptions mais aussi à la Trilogie de Jackson qui a pour caractéristique sa durée. En ce sens, la série évite la critique qui aurait pu lui être faite de transformer la licence en simple série d’action. La Terre du Milieu est beaucoup plus que ça.
Néanmoins, la comparaison avec la Trilogie de Jackson s’arrête là même si Howard Shore et surtout Bear McCreary à la composition font beaucoup pour rattacher à l’ambiance des films. En effet, là où les Anneaux de pouvoir est une série plutôt réussie par son intrigue et son univers, la Trilogie de Jackson a été une révolution au cinéma autant pour le genre, la narration, les effets spéciaux, que le mode de production, par la suite maintes fois singée. Chez les séries, c’est bien Game of Throne, le concurrent qui a marqué et changé le genre. Au contraire, les Anneaux de pouvoir s’inscrit dans l’existant que cela soit des productions Amazon (La Roue du temps) ou bien des productions Netflix (thématiquement). Car l’univers de Tolkien est tordu pour raconter de nouvelles histoires (l’histoire des Piévelus et une énième romance Elfe-Homme qui chez Tolkien est plutôt rare). Par ailleurs l’inclusion du cosmopolitisme de manière aléatoire est plutôt ratée alors que l’origine des peuples chez Tolkien est quelque chose de travaillé et encadré. En effet, chez Tolkien, les peuples correspondent aux anciens peuples du monde tels les Celtes, Germains etc avec des déclinaisons à l’intérieur (Angles, Frisons par exemple). Ils présentent alors une certaine homogénéité. Impensable donc qu’un groupe de cinquante âmes présentent 4-5 ethnies différentes, comme c’est le cas chez les Piévelus. Cela passe mieux dans le grand royaume des nains et aurait pu passer encore mieux chez les elfes qui ont parcourus le monde et se sont établis à maintes endroits. Or ce peuple semble plutôt homogène (si on omet Arondir). Mais pour la plupart des peuples présentés, une homogénéité interne aurait eu plus de sens quitte à mobiliser plusieurs peuples différents pour inclure plusieurs profils d’humains. Tolkien décrit les Piévelus comme ayant la peau "brune", pourquoi ne pas saisir cette opportunité ? De même pour les Hommes du Sud du Tir Harad... Nombres d'opportunités existaient pour inclure de la diversité avec un sens géographique! Si le choix passe par ailleurs plutôt bien chez les nains (mention spéciale à Sophia Nomvete, personnage le plus attachant jusqu'à le) qui sont morphologiquement marqués, il passe beaucoup moins bien chez les Hommes et les Elfes. En effet, rien ne les distingue véritablement si ce n’est leurs oreilles. Il en résulte qu’un elfe blanc ressemble plus à un Homme blanc qu’il ne ressemble à un elfe noir. Pourtant, ils sont présentés comme mutuellement intolérants les uns avec les autres ; Homme et Elfe, ce qui visuellement n’a pas de sens. Si Galadriel est effectivement belle, ce n’est pas le cas des autres elfes montrés et ils auraient gagné à avoir des traits distinctifs plus prononcés (dans la lignée de Jackson qui avait joué également sur les cheveux et dans une certaine mesure sur les traits du visage des elfes).
Concernant l’intrigue de la série, il est trop tôt pour dire si elle est sera satisfaisante. L’ajout de personnages féminins est intéressant (Nori, Bronwyn). Toutefois, toutes les nouvelles histoires devront (et même les ajouts à celle de Galadriel) tenter de rester fidèles à l’esprit des livres de Tolkien tout en apportant une intrigue riche et originale. A suivre donc…