Les sorties de la semaine

lundi 16 janvier 2017

La Grande Muraille


Synopsis :

Il y a bien longtemps, un groupe d'occidentaux à la recherche de la poudre noire atteignaient l'Empire du Milieu. Impressionnés par la Grande Muraille, ils comprennent qu'elle protège l'empire d'une menace terrifiante...


Commentaire :

Un film chinois

Zhang Yimou réalise un film dont il est aisé de reconnaître la signature des grandes productions chinoises (hors cinéma hongkongais). Les effets sont poussés, zooms violents, ralentis, travail sur la chorégraphie des combats, travail sur le mouvement des groupes (armée). Notons que les costumes (confectionnés par Weta, cf Le Seigneur des Anneaux) sont particulièrement beaux. Les effets spéciaux sont moins réussis et rappellent les imperfections des grandes productions chinoises récentes. La mise en scène, certes peu raffinée, est plus que fonctionnelle, elle est signifiante. La manière de filmer les groupes traduit la notion d'ordre, de hiérarchie. Au contraire, les occidentaux ont droit à des gros plans, ils sont individualisés. Si la mise en scène est un peu bulldozer, on ne peut lui reprocher de servir le fond, en cela, peut-être à la manière des films idéologiques provenant des régimes autoritaires passés, il y a bien une recherche de faire correspondre la forme au fond. Qu'on aime ou pas la traduction visuelle ou le message, cette recherche est bien une caractéristique de l'art. En cela, ce film est plus intéressant qu'un blockbuster classique hollywoodien standardisé à la mise en scène plan-plan. Le scénario est peu intéressant, le travail sur les personnages médiocres, c'est donc le film en tant qu'objet intellectuel chinois qu'il est intéressant d'analyser.

Du soft power chinois

Bien que les fonds de production soient mixtes, il est manifeste que la Chine est derrière ce projet. Il s'agit de vendre son image sur la scène internationale et le fait de choisir un acteur occidental participe de cette stratégie pour faire pénétrer le film sur le marché européo-américain. Il n'y a pas de white-washing à chercher, le rôle est fait pour un occidental comme le souligne le réalisateur. L'action se passe dans une Chine mythique, et cela est dûment mentionné dans le film alors qu'un conte européen ne préciserait pas la localisation exacte de l'action. Le petit texte d'introduction présente la Muraille chinoise comme l'oeuvre la plus importante et merveilleuse de l'humanité pour lier définitivement le nom de la Chine à cette oeuvre monumentale. Les occidentaux n'ont pas nécessairement le bon rôle, dans la première partie leur vocation est de s'émerveiller devant l'armée chinoise, si belle, si organisée, provenant d'un peuple avancée, disposant de nombreuses technologies dont la fameuse poudre noire. Les occidentaux, qui sont généralisés (pour les Chinois, tous les abrahamiques sont mis ensembles), sont avides de pouvoir et de richesses. Que cela soit par leur pensée ou leur aspect; ils sont loin de la civilisation chinoise (les armées chinoises rappellent les peuples elfiques du Seigneur des Anneaux de part leur costume raffiné et leur attitude). Le personnage de Matt Damon est un peu différent mais constitue l'exception dans la civilisation occidentale. Le message politique est assez manifeste. 

Les thématiques : au nom du collectif!

Si la Chine est si grande, c'est parce que les individus sont au service du collectif. Il s'agit d'un idéal qui donne un sens à la vie et pour lequel il est honorable de se sacrifier. Servir un idéal peut être très honorable, certes, mais le film ne dit pas ce qu'il est, on devine que c'est la patrie, ce qui ne va pas sans questionnement. Les occidentaux, eux, sont dans un état de survie, ils se battent pour manger, pour l'argent voire pour Dieu - le film ne donne (justement) aucun crédit à cette option (marxisme oblige). L'histoire présente donc les occidentaux négativement mais la raison qu'ils en donnent peut être contestée, il est normal de penser à sa survie. Tout l'enjeu du film est que le personnage de Matt Damon adopte la pensée chinoise, certes séduisante sur le papier, capable de produire d'immenses choses mais au prix d'une soumission totale à la patrie. Non pas qu'il ne faille pas suivre des règles mais comprendre en quoi des règles sont nécessaires est primordial, ce que le film laisse de côté (pour la fiction les chinois sauvent le monde donc la raison est juste mais pas pertinente pour s'appliquer à notre monde). Certes, à la fin, le film prétend qu'une alliance entre les deux pensées, chinoise et occidentale, est possible et même productive mais il s'agit plus de la pensée chinoise alliée à l'habilité occidentale. On reconnaît toutefois la volonté de faire un pas vers l'autre. Autre point amusant, si la patrie est louée, l'empereur est lui dénigré et on comprend pourquoi dans un régime marxiste. Cela n'est pas innocent. Enfin, dernier message intéressant ; la technique ne peut aller qu'à des Hommes raisonnables, c'est le cas pour la poudre noire. Les occidentaux voudraient en faire commerce et l'utiliser pour la guerre alors que la Chine l'use avec raison. Dans le fond, le message est juste. Comme dirait le grand philosophe Ben Parker (^_^) : "De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités", et il est vrai qu'il ne s'agit pas de partager le savoir n'importe comment au nom de principes hasardeux. 

En définitive, La Grande Muraille est une fiction quelconque mais intéressante en tant qu'objet intellectuel présentant une pensée chinoise.



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