Les sorties de la semaine

samedi 2 janvier 2016

Joy



Synopsis :

Joy est l'espoir de sa famille et particulièrement de sa grand-mère. Cette dernière voit en sa petite fille une future femme forte qui sera la fierté de sa lignée. Malheureusement, les vicissitudes de la vie ne mènent pas toujours là où l'on souhaite et Joy doit se battre sur tous les fronts pour simplement tenter de joindre les deux bouts....


Commentaire :

David O.Russell, une mise en scène réfléchie

Avec David O.Russell, on est toujours loin de la mise en scène purement fonctionnelle. Cette dernière est complexe si bien qu'il est impossible de faire une analyse poussée en sortie de séance. Néanmoins, il est toujours plaisant de regarder un film qui préfère les mouvements de caméra aux cuts. Le film commence presque à la manière d'un Joe Dante avec une mise en abîme par le biais de fictions télévisées. Symbole de la vie parallèle et artificielle dans laquelle vit la mère de Joy, l'écran dans l'écran disparaît lorsque celle-ci arrête de vivre dans une fiction. La mise en scène est toujours au service des personnages, soit pour insister sur leur visage et leur place dans l'environnement avec des travellings avant, soit pour nous mettre au cœur de leurs émotions avec des plans subjectifs, allant jusqu'aux scènes dans l'imaginaire des personnages. Le scénario est l'histoire d'une Cendrillon moderne sans prince et très combative qui lutte pour se faire une place dans une société qui ne croit pas en elle. L'histoire est particulièrement prenante, le combat de Joy étant constant. Après le décevant American Bluff, David O.Russell retrouve un scénario plus simple et épuré dans lequel on peut se projeter, à l'instar de l'excellent Happiness Therapy. A chaque palier passé par l'héroïne, non sans mal, l'univers rock de David O.Russell resurgit comme à son habitude avec une bande-sonore dans laquelle on retrouve notamment les Bee Gees. 

Jennifer Lawrence sous les projecteurs

David O.Russell excelle dans la mise en valeur de ses personnages. Lorsque c'est Jennifer Lawrence qui est au centre de ses préoccupations, le résultat est époustouflant. Elle crevait l'écran dans Happiness Therapy, lui valant très justement l'oscar, mais elle devait partager la vedette avec Bradley Cooper. Dans American Bluff son second rôle était plus que remarqué, mais là plus encore, son temps d'écran était limité. Dans Joy, Jennifer Lawrence est le seul et unique personnage principal et son interprétation est à couper le souffle. Sur 30 ans, son personnage passe par tous les états imaginables. A la juste limite de la théâtralité dans les précédents David O. Russell, elle délivre ici un jeu plus doux et d'une justesse renversante. Jennifer Lawrence est définitivement meilleure dans les films faisant une large place aux personnages plutôt que dans les films à histoire (Hunger Games). Les autres acteurs coutumiers de David O.Russell, Bradley Cooper et Robert De Niro sont évidemment excellents mais quelque peu éclipsés par JenLaw. 

Les thématiques du film, du féminisme à l'illusion du rêve américain

Mis en avant textuellement par le film, le féminisme est présenté comme le thème central. Concrètement, la première partie du film insiste en effet sur le rôle des femmes et notamment sur la lignée matriarcale dans la famille de Joy. Une femme moderne à l'image de Joy, n'aura besoin de personne, pas même du prince charmant. Néanmoins, Joy n'est pas tant arrêtée dans son parcours par son statut de femme que par un ensemble d'institutions : famille et monde formaté du travail, en un mot un système qui brime et brise toutes les tentatives du personnage. Il y a en effet une rupture dans la représentation de la femme forte entre la grand-mère de Joy, qui souhaite que sa petite fille épouse quelqu'un de bien, et Joy qui se dit et se veut autonome. Néanmoins, dans le monde dans lequel se bat Joy, sa qualité de femme ne semble pas être un obstacle. Le personnage se singularise plus par sa classe sociale proche du prolétariat et par son caractère fort que par son sexe. D'ailleurs, à aucun moment sa qualité de femme ne lui sera formellement reprochée ou ne constituera en elle même un obstacle. 
Cela nous amène donc au sujet principal du film : la combativité en société. Ne pas perdre de vue ses rêves d'enfant, progressivement écrasés par la vie, donne à Joy la force de continuer le combat. Le personnage développe une forme de résilience face aux déboires de la vie. Comme dans Happiness Therapy, l'idée de devenir acteur de son destin est central. Cela s'oppose frontalement à l'attitude de la mère de Joy qui vit une vie imaginaire par le biais de la télévision. En revanche, il s'agit ici de trouver sa place dans la société alors que Happiness Therapy était une recherche du bonheur personnel. En ce sens, le message de Joy est moins universel et romantique mais plus pragmatique et matérialiste. Le combat de Joy est un combat contre la réalité, un combat contre le déterminisme social. Chose intéressante à noter, alors que le monde des affaires est décrit comme un milieu hostile, la famille est tout autant un obstacle qu'un marche-pied pour réussir. 
Enfin, nous dirons quelques mots du concept du rêve américain qui paraît traverser les deux derniers sujets. Il pourrait être facile de penser que David O.Russell mette en avant cette qualité du monde sociétale étasunien, qui factuellement est d'ailleurs toute relative. En vérité, jamais nous ne savons comment le combat de Joy va se terminer. Les obstacles sont tels que le personnage dira lui même que ce système n'offre pas d'opportunité ou d'occasion d'exprimer son être et sa créativité, bien au contraire. En définitive, le parcours de Joy tient plus à sa combativité qu'aux soit-disant qualités intrinsèques du système américain. Son parcours étant un exploit contre-nature (contre système), il est donc impossible de dire que David O.Russell fasse l'apologie du rêve américain. Il s'agit presque autant d'une illusion que les fictions de la mère de Joy. En cela, le message est presque subversif. 

En définitive, David O.Russell relève la tête après American Bluff. Il offre à Jennifer Lawrence un rôle de premier rang pour déployer toute sa justesse interprétative. Le film est prenant, le message est fort.  



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