Les sorties de la semaine

samedi 8 janvier 2022

Kingsman

 

Synopsis : 

Alors que la Première guerre mondiale est sur le point de se déclencher, le Duc d'Oxford tempère son fils qui rêve de partir sur le front. Le Duc est en effet toujours peiné par la mort de sa femme et ne souhaite pas que son fils rentre dans un cycle de violence. Il préfère une méthode plus discrète et moins brutale : l'information...

Commentaire :

Matthew Vaughn dans son style

Matthew retourne derrière la caméra (et au scénario) pour réaliser le troisième épisode de la saga des Kingsman. Ce prequel dans sa mise en scène bénéficie des qualités formelles des précédents épisodes, c'est à dire d'un soin particulier pour produire du divertissement. Les scènes de combat sont à nouveau extrêmement léchée, le paroxysme étant la confrontation impliquant Raspoutine dans un style qui rappelle les danses russes. Le combat final à l'épée dans un style Errol Flynn, parfaitement mis en image également, a été agrémenté de quelques innovations comme des plans "subjectifs" pris depuis la garde de l'épée. Plus généralement, tous les combats bénéficient d'une chorégraphie aboutie avec un montage dynamique sans qu'il ne soit frénétique et déstructurant pour la scène. Le reste du film bénéficie de plusieurs artifices visuels, de faux plans séquences, dont certains plans de départ ou d'arrivée laissent penser à une inspiration de la BD. Les reconstitutions d'époque sont assez soignées, notamment quand les décors sont faits en dur, comme pour les tranchées dans des tons de couleurs plus vifs qu'à l'accoutumée. En revanche, les décors faits en CGI (le lieu où habite le grand méchant) sont un peu moins convaincants mais il aurait été effectivement impossible de trouver un lieu naturel s'en approchant. A la musique, Henry Jackman est cette fois-ci absent. C'est son habituel binôme Matthew Margeson qui prend la suite sans qu'il soit possible de savoir qu'il y a eu changement (ou plus précisément demi-changement) de compositeur. La réalisation laisse beaucoup de place à la musique mais cette dernière sait également s'imposer et parfois relancer un film un peu long dans sa première partie. Les thèmes cultes des précédents épisodes reviennent, d'autres tout aussi bons arrivent également comme pour la scène d'ouverture avec un thème manifestement hommage à Lawrence d'Arabie ou un nouveau thème pour marquer la relation entre le Duc et son fils.  

Le scénario "historique" 

Matthew Vaughn adore les reconstitutions d'époque comme le témoigne la plupart de ses films. Même les derniers Kingsman, se passant à notre époque, avaient des protagonistes enfermés dans un certain style daté, ce qui engendrait une transcription dans les décors. Ici le rapport à l'Histoire se fait dans un style qui reprend son X-Men (le Commencement), avec des évènements réels dont les causes profondes sont en fait différentes de celles connues. Cela fonctionnait plutôt bien pour la crise cubaine avec les X-Men, les explications pour la Première Guerre mondiale sont en revanche un peu grosses. Et si la plupart des évènements (hormis leurs causes avec l'intervention des King's Men et leur antagonistes) sont effectivement tirés de faits réels, ce film montre également de grosses lacunes. Sans que cela soit préjudiciable aux péripéties narrées, le film réussit tout de même l'exploit de parler de la Première guerre mondiale sans évoquer directement ou indirectement la France! Alors que le film essaye de s'emparer du sujet de la géopolitique internationale d'époque! A tel point que la fameuse espionne Mata Hari est récupérée pour intervenir en Angleterre (au lieu de la France). Un point de vue anglo-saxon pas si inhabituel mais cette fois-ci poussé à l'extrême. 

Des thématiques : du pacifisme à la révolution

Les Kingsman sont en général d'excellents films du fait des nombreuses thématiques abordées. Cet épisode ne fait pas exception aux autres avec toutefois plus ou moins de succès dans le traitement des différentes thématiques. Le Pacifisme, sujet de discorde entre le père et le fils est un sujet bien traité et sur lequel le film insiste beaucoup. L'impact émotionnel est particulièrement fort du fait de certains choix de scénario qui n'étaient que peu prévisibles. Faut-il s'abstenir de s'engager quitte à laisser gagner ceux avec de mauvaises ? Si le film trouve une voix alternative : le renseignement plutôt que le goût du sang, il reste tout de même fermement anti-nationaliste en affirmant qu'aucune cause ne justifie de mourir pour son pays sur le champs de bataille. Il y a des raisons de mourir mais pas pour les intérêts des politiciens. Beaucoup moins bien traitées, sont les révolutions ou les tentatives de révolutions du XXième siècle. Cela est dû à un antagoniste aux motivations plus floues que pour les épisodes précédents. On comprend sa haine des monarchies d'Europe (c'est peut-être pour ça qu'il n'est pas question de la France), et particulièrement de la monarchie anglaise. Toutefois ses manigances et son action pour déclencher la Première guerre mondiale sonnent fausses car démesurées. Il aurait été pourtant assez facile d'engendrer de l'attachement pour un personnage dénonçant les privilèges du sang. La révolution du russe ainsi que les tentatives de révolution au Royaume-Uni se trouvent être réduites à une simple manigance haineuse d'un personnage frustré. Toute la dimension collective de la Révolution disparait. En revanche, la description des origines de la noblesse par le personnage principal, le Duc d'Oxford est plutôt pertinente : d'anciens individus violents qui se sont hisser dans la hiérarchie des Hommes. 


En définitive, Matthew Vaughn réalise à nouveau un excellent King's Man riche en rebondissements et en scènes visuellement abouties. Il réussit également l'exploit de parler de la géopolitique de la Première guerre mondiale sans évoquer le rôle de la France... 




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