Les sorties de la semaine

jeudi 20 mai 2021

Le dernier voyage


 Synopsis :

Paul est le dernier espoir de l'humanité. Sa mission: détruire la lune rouge qui avance inexorablement en direction de la Terre... 


Commentaire :

Une réalisation riche 

Romain Quirot fait le choix audacieux du genre de la science-fiction pour le cinéma français. La photographie fait beaucoup pour l'encrage de l'histoire dystopique et est le point fort du film, avec des plans particulièrement soignés dans leur composition. A elle seule, la photographie témoigne de l'ambition artistique du film. Ce futur apocalyptique adopte un style étonnant alliant le futur numérique que l'on pourrait imaginer aujourd'hui à celui imaginable dans les années 80. C'est donc un film personnel référencé avant d'être un film d'hard science-fiction. Le montage est lui dynamique, avec certaines scènes très réussies à l'image du crash de la voiture qui alterne les plans noirs/vides et l'action. Ce rythme est d'ailleurs un choix assez étonnant puisque le ton de l'histoire auraient laissé suggérer un montage plus posé, pour une contemplation poétique d'un monde visuellement abouti. Les effets spéciaux sont en effet à la hauteur de l'histoire de SF, avec des paysages, des décors et des véhicules convaincants. De même, certains costumes sont particulièrement réussis à l'image de ceux de la police. Saluons enfin le choix de jeunes acteurs peu connus avec une réelle beauté cinématographique (Hugo Becker, Lya Oussadit-Lessert) associés à des poids lourds du cinéma français tel Jean Reno. La musique d'Etienne Forget, très présente, dénote aussi l'ambition du projet. Romain Quirot a donc mis toutes les chances de son côté pour faire son Blade Runner français.

Un scénario manquant de profondeur

Malgré tous ces éléments techniques en la faveur du film, il manque peut-être ici une science hollywoodienne de la narration. En effet, le scénario peut manquer de prise du fait d'une histoire défilant à toute vitesse et d'explications floues. Cette impression de flottement donne une dimension poétique à l'œuvre, cela renforcé par certains éléments comme la décision d'inclure Philippe Katerine dans le rôle du présentateur. Ces choix empêchent au film d'avoir un ton bien arrêté, oscillant entre le sérieux et le détachement face à son sujet. Toutefois, l'impact des évènements sur les personnages montrent un réel souci du réalisateur pour son histoire. Ainsi, ce détachement peut également être le fruit d'un scénario ne prenant pas assez de temps pour expliquer ses enjeux (volonté de la lune rouge ?) et travailler les relations entre ses personnages (Paul, Eliott, Elma). Les flashbacks très présents n'apportent pas d'éléments véritablement pertinents pour travailler les relations entre les deux frères et le dénouement laisse dubitatif quant à l'intérêt de travailler cette proximité. 

D'un thème scientifique à un traitement poétique 

La thématique est claire et sans nuance dès la scène l'introduction du film, cela étant expliqué par un enfant. L'explication ne dépassera pas cette présentation qui peut se résumer en une phrase : l'humanité a exploité au maximum ses ressources et continue dans cette voix, peu importe l'apocalypse arrivant. La Lune rouge serait ici la nature vengeresse que l'Homme essaye d'exploiter puis de détruire. Toutefois, l'histoire brouille progressivement cette piste sans que cela ne creuse la thématique. Ainsi pourquoi Eliott, un serviteur de la Lune rouge (semble t-il?), veut-il faire échouer Paul dans sa quête d'épargner la Lune rouge ? La cohérence se met progressivement en suspend jusqu'au dénouement. Il y a de la beauté dans l'acte final de Paul mais il est difficile de comprendre pourquoi cela résout le problème. L'acte final de Paul est symbolique, tout autant que la lune rouge. L'ensemble n'a pas de fondement scientifique ce qui fait tomber le film définitivement dans le genre poétique pour l'éloignée de la science-fiction. Il reste de ce genre la thématique de l'exploitation à outrance des ressources. Au spectateur de mettre sa cohérence et culture de côté pour pouvoir adhérer au message théorique. Mais c'est aussi ça la poésie : faire comprendre par effleurement et sans explication. 


En définitive, Le Dernier Voyage est un essai français audacieux de science-fiction qui s'apparente en réalité plus à un essai poétique, tant chaque élément est symbolique avant d'être scientifiquement crédible. Amateurs de hard SF, soyez avertis! 


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